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14/02/2019 | FRANCE | N°18/05196

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 14 février 2019, 18/05196


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 1-4


(anciennement dénommée 3ème Chambre B)





ARRÊT AU FOND


DU 14 FÉVRIER 2019





N° 2019/050




















Rôle N° 18/05196


N° Portalis DBVB-V-B7C-BCFHD











O... I...








C/





Société AXA FRANCE VIE


SELARL CAPISUD














Copie exécut

oire délivrée


le :


à :








Me K. TOLLINCHI


Me I. FICI


Me P. PENARROYA-LATIL

















Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 14 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/03653.








APPELANTE





Madame O... I...


née le [...] à C...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

(anciennement dénommée 3ème Chambre B)

ARRÊT AU FOND

DU 14 FÉVRIER 2019

N° 2019/050

Rôle N° 18/05196

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCFHD

O... I...

C/

Société AXA FRANCE VIE

SELARL CAPISUD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me K. TOLLINCHI

Me I. FICI

Me P. PENARROYA-LATIL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 14 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/03653.

APPELANTE

Madame O... I...

née le [...] à CANNES (06400)

de nationalité Française,

demeurant [...]

représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

S.A. AXA FRANCE VIE

immatricule au RCS de NANTERRE sous le n° 310 499 959

prise en la personne de ses représentants laguis en exercice domiciliés en cette qualité au siège social [...]

assignée à jour fixe le 30.05.18 à personne habilitée à la requête de Mme O... I...,

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Christophe BOURDEL, avocat au barreau de PARIS

SELARL CAPISUD

immatriculée au RCS de CANNES sous le n° 482 526 225

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [...]

assignée à jour fixe le 14.05.18 à domicile à la requête de Mme O... I...

représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Sarah XERRI-HANOTE, avocate au barreau de PARIS, substitué par Me Romain SCHULZ, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur)

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Février 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Février 2019,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

O... I... exerçait le métier d'avocat, avant d'être, par décision du 22 janvier 1999, omise du Barreau de Grasse pour raisons de santé, expliquant avoir été victime d'un accident de la circulation en janvier 1997.

Le 10 décembre 1999, par l'intermédiaire de la société ASTRAL FINANCE, courtier en assurances, elle a adhéré à un contrat collectif d'assurance vie '[...]', souscrit par l'association A.I.D.E. auprès de UNI ENROPE VIE, actuellement AXA FRANCE VIE, et a effectué un versement de 1 000 000 Frs, correspondant à 152448,53 €.

La société Capisud, courtier en assurance, a été créée le 26 mai 2005 à la suite de l'acquisition d'un portefeuille de contrats d'assurance vie souscrits par divers clients auprès de la société Axa, dont Madame I....

Le 22 avril 2015, O... I... a pris contact avec cette société Capisud dans le but de procéder à un arbitrage de son contrat pour le 'dynamiser'.

Le 30 avril 2015, elle a modifié les supports de son contrat et a signé un bordereau d'arbitrage par lequel elle a désinvesti 800 000 € du support « sécurité expansion » pour les réinvestir dans quatre nouveaux supports.

En décembre 2015, elle a demandé le 'ré-investissement' sur le support «sécurité expansion » des sommes ainsi placées.

Un litige s'est élevé quant à la valeur et au nombre de parts retenus à la date de l'arbitrage.

Par lettre du 21 juin 2016, Madame I... a saisi le médiateur de l'Assurance aux fins de règlement amiable du litige. Par lettre du 2 décembre 2016, ce dernier a estimé que la réclamation formée contre la société Axa n'était pas fondée.

Suite à ordonnance sur requête rendue le 10 juillet 2017 par le président du tribunal de grande instance de Grasse, le 26 juillet 2017, O... I... a fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Grasse la SA AXA FRANCE VIE et la SELARL CAPISUD.

Elle demandait à cette juridiction :

A titre principal, de :

Constater que Mme I... a choisi d'investir 800.000 € sur des supports de capitalisation le 30 avril 2015 suivant bordereau d'arbitrage du 30 avril 2015,

Constater que le choix de Mme I... a été validé le 5 mai 2015 par AXA France Vie,

Constater que par lettre de réorientation du 7 mai 2015 validant l'arbitrage, Axa France Vie a attribué à Mme I... à son insu des parts (unité de compte) en distribution pour chacun des supports choisis,

Dire et juger qu'Axa France Vie a manqué à son obligation de bonne foi,

Dire et juger que les défendeurs étaient contractuellement tenus par le choix des supports en capitalisation et par le nombre de parts attribué par Axa dans l'avenant de réorientation de l'épargne du 7 mai 2015,

Dire et juger que lors de l'arbitrage du 22 décembre 2015 la valeur des supports en capitalisation devait s'appliquer au nombre de parts attribué par Axa dans l'avenant du 7mai 2015,

Dire et juger que les défendeurs étaient contractuellement tenus d'appliquer la valeur au 22 décembre 2015 des unités de compte de capitalisation des supports choisis par Mme I... au nombre de parts attribué dans l'avenant de réorientation de l'épargne du 7 mai 2015,

Condamner in solidum Axa France Vie et CAPISUD au paiement de la somme principale de 256.010€ à parfaire jusqu'à complet paiement en exécution du bordereau d'arbitrage signé par Mme I... le 30 avril 2015, validé par Axa le 5 mai 2015 et de l'avenant de réorientation de l'épargne du 7 mai 2015.

A titre subsidiaire, de :

Constater que les documents fournis à Madame I... par Axa France Vie et CAPISUD sont dépourvus d'informations indispensables telles que les mentions des risques et les délais de détention minimum,

Constater que l'absence de codes ISIN et de mentions dans les correspondances et avenants d'Axa crée une opacité dans le contrat d'assurance vie [...],

Dire et juger que ces carences sont de nature à empêcher un suivi éclairé de l'épargne,

Dire et juger qu'Axa France Vie et CAPISUD n'ont pas respecté leurs obligations d'information, de gestion et de conseil dans l'exécution du contrat d'assurance vie [...],

Dire et juger que Madame I... a subi une perte de chance résultant des graves fautes de gestion commises par les défendeurs et de l'impossibilité de placer différemment son épargne,

En conséquence condamner in solidum Axa France Vie et CAPISUD au paiement de la somme de 200.000€ en réparation du préjudice subi à ce titre par Madame I...,

Condamner CAPISUD au paiement de la somme de 10.000€ en réparation du préjudice moral subi par Madame I...,

Dire et juger que le jugement à intervenir devra être publié dans quatre journaux nationaux de défense des consommateurs aux frais d'Axa,

Condamner Axa France Vie au paiement de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Condamner CAPISUD au paiement de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Voir condamner les défendeurs in solidum aux entiers dépens.

Elle soutenait qu'AXA et CAPISUD avaient commis des fautes de conseil, de gestion et d'information.

Par jugement du 14 février 2018, le Tribunal de grande instance de Grasse a :

- retenu l'existence d''un défaut d'information de la société AXA',

- dit que 'la société CAPISUD a manqué à ses obligations d'information de conseil et de gestion à l'égard de Madame I...',

- débouté Madame I... de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts, qu'il s'agisse de gains manqués, de l'indemnisation d'une perte de chance ou d'un préjudice moral,

- débouté Madame I... de sa demande de publication,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- laissé à Madame I... la charge des dépens.

Le 21 mars 2018, O... I... interjetait appel.

Vu les assignations à jour fixe délivrées le 14.5.2018 et 30.5.2018,

Vu les dernières conclusions de O... I... avec bordereau de pièces communiquées, notifiées par le RPVA le 27.11.2018,

Vu les dernières conclusions de la S.A. AXA FRANCE VIE avec bordereau de pièces communiquées, notifiées par le RPVA le 27.11.2018,

Vu les dernières conclusions de la SELARL CAPISUD avec bordereau de pièces communiquées, notifiées par le RPVA le 15.11.2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'opération d'assurance :

Il résulte des explications des parties et des différentes pièces produites régulièrement communiquées par bordereaux :

que le 10 décembre 1999, par l'intermédiaire de la société ASTRAL FINANCE, courtier en assurances, O... I... a adhéré à un contrat collectif d'assurance vie '[...]', souscrit par l'association A.I.D.E. auprès de UNI ENROPE VIE, actuellement AXA FRANCE VIE, et effectué un versement de 1 000 000 Frs, correspondant à 152448,53€,

que les fonds placés pouvaient l'être sur différents supports en fonction de l'orientation choisie par le souscripteur,

que le 12 mars 2012, la SELARL CAPISUD, nouveau courtier de O... I..., qui n'était pas intervenu lors de la souscription initiale, faisait établir et signer par O... I... un 'profil de risque ' où elle indiquait notamment :

' avoir un horizon d'investissement à plus de 8 ans,

' accepter un risque moyen en investissant sur des actifs peu risqués et des actifs risqués,

' avoir une connaissance « élevée » en matière d'instruments financiers,

' connaître en effet les produits financiers suivants : livret bancaire, assurance vie (fonds euros), OPCVM obligataires, OPCVM actions, diversifiés, produits structurés,

' avoir effectué au cours des deux dernières années des types d'investissements concernant les produits suivants : OPCVM monétaires, OPCVM actions, diversifiés, produits structurés, avec une périodicité trimestrielle ou hebdomadaire et un montant moyen d'investissement de plus de 30'000€,

qu'elle a effectué des opérations de rachat partiel les 19 mars 2014 et 12 janvier 2015 (pièce 4 de CAPISUD ),

que le 22 avril 2015, O... I... contactait le courtier CAPISUD en vue de procéder à des arbitrages, après lui avoir fait connaître son mécontentement relatif aux résultats de son fonds en euros, (pièce 3 de CAPISUD ),

qu'aucun nouveau 'profit de risque' n'était établi,

que par courrier électronique du 23 avril 2015, CAPISUD interrogeait l'assureur sur les possibilités d'arbitrage existant sur le contrat en cause,

que par courrier électronique du même jour, l'assureur indiquait la liste des supports éligibles sur le contrat en référence (pièce 5 de CAPISUD), sans toutefois préciser s'il s'agissait de supports en distribution ou en capitalisation,

que le 30 avril 2015, le courtier CAPISUD établissait un bordereau d'arbitrage, dûment signé par O... I..., concernant le contrat vital prestige souscrit auprès de AXA, en demandant:

' de désinvestir le support sécurité expansion 0,78 pour un montant de 800'000 €,

' d'investir dans les supports suivants, dont le code ISIN était précisé :

Axa indice USA (C)

Axa Europe action A (C)

Axa indice France (C)

Axa aedificandi A (C),

supports en unités de compte en capitalisation,

à concurrence de 25 % de la somme, soit 200'000 € pour chacun d'entre eux,

qu'il était mentionné comme motif de l'arbitrage la « dynamisation du portefeuille » avec jonction d'une analyse de l'allocation, le souscripteur reconnaissant expressément sur ce document, « que l'arbitrage auquel il vient de procéder modifie l'exposition aux risques de son contrat » et que « le conseiller attire son attention sur le fait que sa sensibilité au risque se trouve: augmentée tout en restant cohérente avec la stratégie mise en place » (pièces 8 et 9 de CAPISUD ),

que le 5 mai 2015, ce document était envoyé par le courtier à l'assureur,

que par courrier électronique du 5 mai 2015, l'assureur indiquait au courtier : « arbitrage effectué à l'instant. Dès que l'opération aura été valorisée, la situation détaillée correspondante vous sera envoyée par courrier »,

que le contrat ne permettant pas cependant un arbitrage en supports en unités de compte de capitalisation, celui-ci intervenait en supports en unités de compte de distribution, sans que l'assureur ne formule alors d'observations ou ne reprenne les codes ISIN des différents supports,

qu'en effet, selon document établi par l'assureur le 7 mai 2015, adressé au courtier après 'réorientation de l'épargne', le montant total de l'épargne de O... I..., placée sur ce contrat, pour les quatre supports d'investissement nouveaux dont il était précisé le nombre d'unités de compte et la valeur de l'unité de compte, mais également pour les fonds restant placés sur le support sécurité expansion, s'élevait à 1'338'436,35 € (pièce 12 du courtier),

qu'au 21 décembre 2015, le montant total de l'épargne investie sur le contrat s'élevait à 1'336'853€ (pièce 13 du courtier),

que, cependant, le 20 décembre 2015, le courtier CAPISUD avait établi un nouveau bordereau d'arbitrage, dûment signé par O... I..., concernant le contrat vital prestige souscrit auprès de l'AXA, en demandant :

' de désinvestir dans les supports suivants :

Axa indice USA (C)

Axa Europe action A (C)

Axa indice France (C)

Axa aedificandi A (C),

pour un montant total de 791'190 €

' d'investir dans le support sécurité expansion 0,78, (pièce 17 de Capisud),

qu'il était mentionné comme motif de l'arbitrage la « sécurisation », le souscripteur reconnaissant expressément sur ce document, « que l'arbitrage auquel il vient de procéder modifie l'exposition aux risques de son contrat » et que « le conseiller attire son attention sur le fait que sa sensibilité au risque se trouve : .... diminuée tout en restant cohérente avec la stratégie mise en place »,

que par la suite, O... I... a interrogé à plusieurs reprises l'assureur pour qu'il fournisse toutes indications sur le nombre réel de parts et sur les valeurs liquidatives de celles-ci en fonction des codes ISIN, puis, lui a reproché d'avoir modifié unilatéralement et rétroactivement le nombre de parts contractuellement allouées,

que l'assureur a notamment proposé de procéder à l'annulation de l'arbitrage du 5 mai 2015, ce qui rendrait automatiquement caduc celui du 22 décembre 2015, mais a précisé que le résultat de l'arbitrage opéré en supports de distribution étant plus favorable que celui en supports de capitalisation, il proposait de maintenir les arbitrages réalisés,

que le médiateur de l'assurance, saisi par O... I..., a, d'une part, estimé regrettable que l'assureur n'ait pas attiré l'attention de l'assurée, à l'occasion de la première demande d'arbitrage, sur le fait que les supports sur lesquels elle avait sollicité un versement étaient des supports de capitalisation, et non de distribution, de ce fait non éligibles au titre du contrat, mais d'autre part, précisé qu'il n'apparaissait pas que l'arbitrage réalisé par l'assureur était préjudiciable à l'assuré, puisque l'arbitrage en supports de distribution tel qu'effectué était plus favorable que l'arbitrage en supports de capitalisation, (pièce 14 de CAPISUD ).

Sur les responsabilités de l'assureur et de l'intermédiaire d'assurance :

O... I... reproche à l'assureur une absence d'informations fiables et essentielles, une absence de clarté, un manque de bonne foi et de sincérité et au courtier, un défaut d'information, de conseils et de gestion.

Alors qu'en première instance elle invoquait des manquements de l'assureur et du courtier à leurs obligations contractuelles, en appel, elle se fonde, d'une part, sur ce qu'elle appelle «l'application du contrat de gré à gré» constitué par sa demande d'arbitrage en supports de capitalisation, et d'autre part, à titre subsidiaire, sur la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de l'assureur et du courtier en invoquant l'inexistence du contrat d'arbitrage du 5 mai 2015 ou sa nullité pour dol ou erreur sur la substance.

Contrairement à ce qui est prétendu par le courtier, si ces dernières demandes sont effectivement nouvelles en appel, en application de l'article 565 du code de procédure civile elles sont recevables dans la mesure où elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge: obtenir l'indemnisation de préjudices résultants selon l'assurée de comportements fautifs de l'assureur et du courtier.

Comme l'indique à juste titre l'assureur, dans la mesure où les différents arbitrages ont été opérés avec le concours d'un courtier, chargé de conseiller son client, seul peut être reproché à l'assureur un manquement à son devoir d'information, sauf à établir l'existence d'autres comportements fautifs de sa part ayant directement généré un préjudice pour l'assuré.

En l'espèce, il est clairement établi que O... I... est contractuellement liée à l'assureur AXA FRANCE VIE pour avoir adhéré au contrat d'assurance vie litigieux, et avoir par la suite effectué, en vertu de ce contrat, plusieurs opérations de rachat ou d'arbitrage avec cet assureur, qu'elle a toujours considéré, notamment dans ses différents courriers y compris dans ceux postérieurs aux opérations litigieuses, comme étant son cocontractant tenu comme tel à un certain nombre d'obligations.

C'est donc en vain qu'elle se prévaut d'un prétendu 'contrat de gré à gré' qui viendrait se substituer au contrat précédemment conclu, alors que les arbitrages litigieux, effectués en application du contrat initial, n'en constituent que des modalités d'exécution donnant lieu à établissement d'avenants.

Les allégations de O... I... concernant l''inexistence du contrat d'arbitrage du 5 mai 2015" ou sa 'nullité pour dol ou erreur sur la substance' ne peuvent donc être prises en compte, celle-ci ne démontrant nullement avoir eu son consentement vicié pour dol, faute d'établir l'existence de manoeuvres, ou pour erreur, le défaut d'indication de la référence ISIN n'étant pas susceptible de l'avoir trompée et la demande d'arbitrage du 5.5.2015 comportant un libellé précis des demandes de l'assurée.

Avec raison, par des motifs appropriés, le premier juge a estimé que l'assureur n'avait pas fourni à l'assurée l'ensemble des informations utiles concernant les supports éligibles à un arbitrage, un risque de confusion entre des supports de différentes natures ne pouvant être écarté.

Cependant, il doit également être rappelé que l'assurée, avocate de profession, indiquait elle-même dans son profil de risque de 2012, avoir une connaissance «élevée» en matière d'instruments financiers.

Par ailleurs, l'intermédiaire d'assurance a à la fois une obligation d'information générale sur le produit et ses caractéristiques, et un devoir de conseil du client. Ainsi, après avoir recueilli des éléments sur lui, et notamment avoir déterminé ses besoins, l'intermédiaire doit rechercher le produit en adéquation avec sa situation. Il doit ensuite lui restituer ces éléments de manière à lui permettre de prendre sa décision (reformulation des besoins, des objectifs, proposition de solutions, justification du choix).

Il appartient au courtier de rapporter la preuve de l'exécution de son devoir d'information et de conseil.

En l'espèce, s'il est exact qu'en 2012 le courtier a établi un profil de risque de sa cliente, en 2015, lorsque sa cliente a entendu procéder à des arbitrages portant sur des montants importants, il n'a pas cru devoir en établir un nouveau.

Pour autant, la lecture de la demande d'arbitrage du 5.5.2015 révèle que sa cliente entendait bien 'dynamiser' son contrat et donc qu'elle acceptait de prendre des risques afférents à des placements en unités de compte pour obtenir un rendement qu'elle souhaitait supérieur.

Mais, pour des supports nécessitant un engagement sur la durée et présentant des risques de baisse, le courtier ne justifie pas, comme l'a indiqué avec justesse le premier juge, avoir donné à sa cliente une information exacte, sincère et complète et l'avoir notamment informée de ce que l'arbitrage en cause prévu pour intervenir en supports de capitalisation le fut en définitive en supports de distribution.

C'est donc avec raison que le premier juge a estimé que le courtier avait manqué à son devoir d'information, de conseil et de gestion des intérêts de sa cliente.

Cependant, faisant une juste analyse des faits de la cause, appliquant à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et répondant avec pertinence aux moyens des parties, pour la plupart repris en appel, alors qu'aucune perte ne fut subie par l'assurée en raison de l'arbitrage intervenu en supports de distribution, que le choix d'investir ou non dans des ' murs commerciaux' relève du seul choix de O... I..., qu'elle ne démontre pas avoir perdu la chance d'obtenir des revenus importants ou avoir subi directement un préjudice qualifié de moral en raison des manquements de l'assureur et du courtier, c'est également à juste titre que le premier juge l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts.

Et les différents tableaux produits par l'appelante, établis par elle et non par un professionnel de la finance ou de l'assurance vie, ou dans le cadre d'une expertise judiciaire, ne correspondent d'ailleurs pas aux différentes valeurs indiquées par l'assureur et ne permettent, ni d'établir l'existence des différents préjudices allégués, ni de démontrer qu'ils résulteraient du comportement des intimés.

Enfin, comme indiqué précédemment, s'il peut être imputé aux intimées certains comportements fautifs, notamment un défaut d'information, l'appelante ne prouve pas qu'il en soit résulté pour elle, ce qu'elle prétend être une 'impossibilité de gérer le contrat [...]', la multiplicité des opérations effectuées par elle, qu'il s'agisse de rachats ou d'arbitrages, démontrant le contraire.

La décision déférée doit donc ici être confirmée.

Sur la publication :

En première instance, comme en appel, O... I..., qui succombe, ne justifie nullement du bien fondé de sa demande de publication de la décision à intervenir.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Succombant, l'appelante supportera les dépens.

L'équité ne commande nullement d'allouer aux parties la moindre somme au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement,

Contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la SELARL CAPISUD tirée du caractère nouveau en appel de certaines demandes de O... I...,

DÉBOUTE O... I... de ses autres demandes, notamment d'indemnisations supplémentaires,

DÉBOUTE la SELARL CAPISUD de sa demande supplémentaire d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE O... I... aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/05196
Date de la décision : 14/02/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°18/05196 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-14;18.05196 ?
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