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07/02/2019 | FRANCE | N°17/12571

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 07 février 2019, 17/12571


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


8e Chambre B





ARRÊT AU FOND


DU 07 FEVRIER 2019





N° 2019/68




















Rôle N° RG 17/12571 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA2CS





JONCTION


N° RG 17/08914 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAQG2











Société CAISSE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR








C/





I... X...








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Copie exécutoire délivrée


le :


à :


Me Y...


Me G... F...




















Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Mars 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/04940.








APPELANTE ET INTIMEE

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 07 FEVRIER 2019

N° 2019/68

Rôle N° RG 17/12571 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA2CS

JONCTION

N° RG 17/08914 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAQG2

Société CAISSE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR

C/

I... X...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Y...

Me G... F...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Mars 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/04940.

APPELANTE ET INTIMEE

CAISSE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR Prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [...]

représentée par Me Sandra Y... de la Z... , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

APPELANT

Monsieur H... X...

né le [...] à LYON (69000),

demeurant [...] - [...]

représenté et assisté de Me Benoît G... F... de la A... , avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur I... X...

né le [...] à OULLINS (69600),

demeurant [...] - [...]

représenté et assisté de Me Benoît G... F... de la A... , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2018 en audience publique devant la cour composée de:

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller, magistrat rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Février 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Février 2019,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS :

Le 20 juin 2007, la Caisse de Crédit Agricole Provence Côte d'Azur (le Crédit Agricole) a consenti à la SCI Leratoc, ayant pour dirigeant I... X..., un prêt immobilier de 165.000 euros au taux de 4,25 % pour l'acquisition d'un appartement dans un but locatif, garanti par la caution solidaire de I... et H... X... à hauteur de 214.500 euros chacun.

La SCI Leratoc n'honorant plus ses engagements, la banque l'a infructueusement mise en demeure de payer l'arriéré de 3.037,15 euros, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juillet 2014.

Seul un acompte de 1.630 euros a été versé alors que le bien financé à été vendu.

Le Crédit Agricole a également vainement mis les deux cautions en demeure par courriers du 18 novembre 2014.

H... X... a proposé la prise d'une hypothèque conventionnelle sur un autre bien, qui n'a pas abouti.

Le Crédit Agricole a ensuite assigné la SCI Leratoc, H... X... et I... X... en paiement devant le tribunal de grande instance de Draguignan par acte du 9 juin 2015.

Par jugement du 21 mars 2017, ce tribunal a:

- dit que le Crédit Agricole ne pourra se prévaloir de l'acte de caution de I... X... manifestement excessif,

- condamné solidairement la SCI Leratoc et H... X... à payer au Crédit Agricole la somme de 152. 943,70 € avec les intérêts au taux conventionnel de 4,25 % sur la somme de 142.761,96 € à compter du 4 juin 2015 et avec les intérêts au taux légal sur l'indemnité de 10.005,66 € à compter du présent jugement,

- condamné H... X... à payer au Crédit Agricole une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le Crédit Agricole à payer à I... X... une somme de 2.000 euros en application de 1'article 700 du code de procédure civile,

- condamné H... X... aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Luc C... pour ceux dont il a fait l'avance sans recevoir de provision,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- rejeté pour le surplus les prétentions des parties.

Le Crédit Agricole a interjeté appel par acte du 30 juin 2017 et l'affaire a été enrôlée sous le n° 17/12571.

Dans ses dernières conclusions déposées le 28 septembre 2018 et tenues pour intégralement reprises, l'appelant demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel limité,

- statuant à nouveau,

- condamner I... X... au titre de ses engagements de caution, à lui payer la somme de 152.943,70 euros au titre du prêt numéro [...], cette somme étant assortie des intérêts postérieurs à compter de la date d'édition du décompte du 4 juin 2015 jusqu'à complet règlement,

- condamner la SCI Leratoc ainsi que I... X... et H.. X...
, conjointement et solidairement, à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 6 décembre 2017 et tenues pour intégralement reprises, I... X... demande à la cour de :

- à titre principal :

- constater que le Crédit Agricole a engagé sa responsabilité en rompant abusivement les discussions et en ne prenant pas les garanties offertes,

- le condamner en conséquence à lui payer les sommes de 152.943,70 euros et 1.159.875,97 euros en réparation de son préjudice, et ordonner la compensation avec les sommes qu'il réclame,

- le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire :

- constater que le Crédit Agricole n'a pas vérifié la capacité d'engagement des cautions et n'a pas satisfait à son obligation de mise en garde,

- constater qu'il y a une disproportion manifeste entre les revenus de I... X... et les engagements exorbitants pris à son encontre en qualité de caution,

- en conséquence, dire et juger que le Crédit Agricole ne pourra se prévaloir de ses engagements de caution consentis pour les prêts des SCI Leratoc et DG Immo,

- condamner le Crédit Agricole à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en toute hypothèse:

- constater que le Crédit Agricole n'a pas satisfait aux prescriptions des articles L. 313-22 du code monétaire et financier et 341-1 du code de la consommation,

- dire et juger en conséquence que le Crédit Agricole :

- ne peut lui réclamer les pénalités liées aux prêts susvisés,

- ne peut lui réclamer le paiement des intérêts depuis l'origine du prêt,

- doit imputer sur le capital l'ensemble des sommes versées par le débiteur principal,

- dire et juger que, en l'état, les demandes du Crédit Agricole sont irrecevables.

Le 10 mai 2017, H... X... a également interjeté appel de la décision du 21 mars 2017 et l'affaire a été enrôlée sous le n° 17/8914.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 août 2017 et tenues pour intégralement reprises, l'appelant demande à la cour de :

vu les dispositions des articles 1147 et suivants du code civil,

vu les dispositions de l'article 313-22 du code monétaire et financier,

vu les dispositions des articles 341-1 et suivants du code de la consommation,

- à titre principal :

- constater que le Crédit Agricole a engagé sa responsabilité en rompant abusivement les discussion et en ne prenant pas les garanties offertes,

- le condamner en conséquence à payer à la SCI Leratoc la somme de 152.943,70 euros en réparation de son préjudice, et ordonner la compensation avec les sommes qu'elle réclame,

- le condamner à payer à H... X... la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire:

- constater que le Crédit Agricole n'a pas vérifié la capacité d'engagement des cautions et n'a pas satisfait à son obligation de mise en garde,

- en conséquence, dire et juger que le Crédit Agricole a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de H... X...,

- le condamner au paiement de la somme de 152.943,70 euros et ordonner la compensation avec la créance réclamée par elle,

- le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en toute hypothèse:

- constater qu'il n'a pas satisfait aux prescriptions des articles L. 313-22 du code monétaire et financier et L341-1 du code de la consommation,

- dire et juger en conséquence qu'il ne peut réclamer à H... X... les pénalités liées aux prêts susvisés, ni le paiement des intérêts depuis l'origine des 4 prêts, et doit imputer sur le capital l'ensemble des sommes versées par le débiteur principal,

- dire et juger que, en l'état, les demandes du Crédit Agricole sont irrecevables.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 3 octobre 2017 et tenues pour intégralement reprises, l'intimé demande à la cour de :

- débouter H... X... de son appel,

- confirmer la décision en ce qu'elle a condamné H... X... à payer la somme de 152.943,70 euros au titre du prêt [...], cette somme étant assortie des intérêts postérieurs à compter de la date d'édition du décompte du 4 juin 2015 jusqu'à complet règlement,

- condamner H... X... conjointement et solidairement (sic) à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture des deux affaires est intervenue le 6 novembre 2018.

***

**

SUR CE:

Sur la jonction:

Le lien entre les deux instances, relatives aux cautionnements souscrits par MM. X... en garantie du prêt consenti à la SCI Leratoc, justifie qu'elles soient jointes dans l'intérêt d'une bonne justice, par application de l'article 367 du code de procédure civile.

La présente affaire ne concernant pas le litige relatif au cautionnement des prêts octroyés à la DG Immo, les demandes formulées par I... X... de ce chef, sont sans objet.

Sur la rupture abusive des discussions:

I... et H... X... recherchent la responsabilité du Crédit Agricole en lui reprochant d'avoir rompu abusivement et brutalement les négociations menées à la suite de la déchéance du terme.

Ils soutiennent qu'alors que les pouvoirs avaient été donnés et le rendez-vous organisé pour la prise d'une nouvelle garantie hypothécaire, la banque a tout annulé sans explication valable et alors même que la SCI Leratoc avait versé 9.300 euros entre le 12 septembre 2014 et le 26 mai 2015.

Mais dès le mois de janvier 2015, le Crédit Agricole a demandé une garantie supplémentaire. Puis il a échangé des courriels en mars et avril 2015 pour demander des précisions sur l'inscription hypothécaire envisagée avant d'adresser tous les éléments nécessaires à la mise en oeuvre d'une hypothèque conventionnelle convenue avec H... X... dès le 19 mai 2015.

Pour autant, les cautions ne se sont pas manifestées pendant près de trois semaines.

L'assignation en paiement délivrée le 9 juin 2015 ne constitue donc pas une rupture abusive et brutales des négociations et cela alors même, comme relevé à juste titre par le premier juge, que ce n'est que le lendemain de cet acte que H... X... a fait envoyer un fax au Crédit Agricole pour l'informer d'un rendez-vous de signature au 16 juin 2015.

Le grief d'une faute de la banque dans la rupture des négociations est par conséquent infondé.

Sur la disproportion des cautionnements :

En vertu de l'ancien article L341-4 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution et, d'autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie.

L'ancien article L341-4 précité devenu L 332-1 et L 343-3 du code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. C'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Une fiche patrimoniale n'étant pas obligatoire, l'existence d'un tel document certifié exact par son signataire permet simplement à la banque, sauf anomalies apparentes, de s'y fier et la dispense de vérifier l'exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.

=$gt; s'agissant de I... X...:

Le Crédit Agricole conteste la décision du premier juge qui a retenu la disproportion de l'engagement de I... X....

Selon la fiche patrimoniale du 15 juin 2007, qu'il a approuvée et signée, I... X..., exerçant la profession de gérant de société Import Export, percevait un revenu annuel de 12.000 euros.

Ce document précise que l'intimé détenait:

- 50% des parts sociales de la SCI Dakar, propriétaire d'un patrimoine immobilier, composé de sa résidence principale et d'appartements locatifs, estimé à 920.000 euros, soit une valeur nette pondérée de 175.856 euros, procurant des revenus locatifs annuels de 10.862 euros,

- 99% des parts sociales de la SCI DG Immo, dont le patrimoine immobilier est composé d'appartements locatifs estimés à 700.000 euros et d'une valeur nette de 39.789 euros compte tenu du capital restant dû de 660.211 euros.

Les pièces produites n'établissent pas que I... X... possédait en propre d'autres immeubles.

La banque ne pouvait ignorer que l'intéressé avait déjà souscrit trois cautionnements de 394.550 euros, 520.000 euros et 380.900 euros pour garantir les trois prêts qu'elle avait elle-même consentis à la SCI DG Immo les 14 octobre 2006, 6 novembre 2006 et 2 avril 2007.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que l'engagement de caution de 214.500 euros du 20 juin 2007 ajouté à ceux déjà existants d'un montant total de 1.295.450 euros, était manifestement disproportionné aux biens d'une valeur nette de 215.645 euros et aux revenus de 12.000 euros et 10.862 euros de I... X....

Il incombe donc au Crédit Agricole de rapporter la preuve qu'au moment où I... X... a été appelé, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

Ayant rappelé que la SCI Leratoc a revendu son bien, il justifie, sans néanmoins le réactualiser en 2015, que le patrimoine immobilier détenu par cette caution, au travers des SCI Dakar et DG Immo et Leratoc, présente, au regard de l'estimation de leurs biens et des capitaux restant dus des prêts au 15 juin 2007, une valeur nette pondérée de 215.645 euros.

Cette valeur est nécessairement supérieure aujourd'hui dès lors que le capital restant dû de chaque emprunt a diminué.

La banque démontre également que I... X... est non seulement gérant des SCI DG Immo et Leratoc, mais qu'il est également gérant ou associé des sociétés suivantes:

- la SCI CDG Immo créée le 17 novembre 2009, ayant pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers,

- la SARL NDG immobilier immatriculée le 8 février 2013 ayant une activité de marchands de biens,

- la SAS DS Réception créée le 21 août 2013, dont l'objet social est l'organisation de foires, salons professionnels et congrès. Cette société a respectivement fait, en 2014 et en 2015, un chiffre d'affaires de 227.500 euros puis de 243.340 euros et un résultat de 4.320 euros puis de 1.850 euros,

- la SAS VIP Consulting, immatriculée le 24 septembre 2013, ayant pour activité la construction de maisons individuelles. Cette société a respectivement fait, en 2014 et en 2015, un chiffre d'affaires de 333.720 euros puis de 190.360 euros et un résultat de 20.650 euros puis de 4.000 euros.

Dès lors que l'intimé n'a pas justifié des bilans de ces sociétés ni de ses revenus actualisés malgré la demande formulée par le Crédit Agricole, les éléments précités établissent que son patrimoine lui permettait de faire face aux réclamations de la banque et s'élevant à 152.943,70 euros outre intérêts.

=$gt; s'agissant de H... X...:

Contrairement à ce qu'il soutient, le Crédit Agricole a bien fait remplir à H... X... une fiche de renseignements qu'il a au demeurant signée le 15 juin 2007.

Selon cette fiche, l'intéressé avait un patrimoine immobilier de 1.160.000 euros et percevait un salaire annuel de 438.000 euros, étant observé que les avis d'impôt des revenus de 2006 et 2007 que la caution verse aux débats, font respectivement ressortir un revenu annuel de 630.963 euros et 605.656 euros et des revenus fonciers de 29.818 euros et 42.910 euros.

La banque a donc vérifié la capacité d'endettement de H... X... qui ne soutient pas, au demeurant, la disproportion manifeste de son cautionnement à ses biens et revenus.

Sur le devoir de mise en garde:

Le banquier dispensateur de crédit n'est tenu, au moment de la souscription du contrat litigieux, d'un devoir, non d'ailleurs de conseil, mais de mise en garde, qu'à la double condition que son cocontractant soit une personne non avertie et qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Les deux cautions reprochent à la banque de ne pas les avoir suffisamment mis en garde, I... X... soulignant qu'au vu de la faiblesse de ses revenus, l'établissement bancaire aurait plutôt dû s'orienter vers la prise d'hypothèques, et qu'il lui a fait perdre une chance de ne pas s'engager.

En l'espèce, I... X..., dirigeant depuis plusieurs mois d'une société d'import export, et déjà gérant des deux SCI Dakar et DG Immo ayant acheté quatre appartements dans la région parisienne et deux immeubles comprenant chacun quatre appartements dans le sud de la France, dans le but de les relouer, avait acquis une compétence et une expérience suffisantes dans la souscription d'emprunts aux fins d'acquisition d'immeubles à vocation locative et des cautionnements correspondants, ainsi que dans la gestion financière et comptable de ces sociétés.

H... X..., exerçant la profession de notaire, également propriétaire de biens locatifs et associé des SCI DG Immo et Leratoc, bénéficie, au regard de l'étendue et la diversification de son patrimoine, de la nature et de son niveau d'études, d'une compétence lui permettant aussi d'appréhender les risques de l'opération financière garantie.

En outre, comme pour les emprunts antérieurs, l'instruction du crédit met en évidence un montant de loyer attendu correspondant au marché et permettant à l'opération de s'équilibrer en trésorerie, comme en témoigne le fait que le prêt a été effectivement remboursé pendant près de 7 ans, le premier incident de paiement non régularisé datant du 10 avril 2014.

Par conséquent, la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de MM. X... et ces derniers doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts.

Sur le défaut d'information des cautions :

H... et I... X... reprochent au Crédit Agricole d'avoir manqué à ses obligations d'information de sorte qu'il ne peut réclamer les pénalités ni les intérêts depuis l'origine du prêt et qu'il doit imputer sur le capital, l'ensemble des sommes versées par la débitrice principale.

Selon l'article L313-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

D'autre part, aux termes de l'ancien article L341-1 du code de la consommation applicable au litige, sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

En l'espèce, les copies des lettres annuelles d'information que le Crédit Agricole dit avoir adressées à H... et I... X... de 2008 à 2015 et qu'il produit aux débats, sont insuffisantes à rapporter la double preuve de l'envoi et du contenu de l'information pesant sur l'établissement financier.

En outre, l'établissement bancaire ne justifie pas avoir, à un quelconque moment informé ces cautions du premier incident de paiement non régularisé.

Il doit donc être déchu de la totalité des pénalités et des intérêts échus et de retard à compter du 31 mars 2008 date avant laquelle les cautions auraient dû recevoir leur première lettre d'information.

H... et I... X... seront par conséquent condamnés à payer au Crédit Agricole la somme de 152.943,70 euros correspondant au solde arrêté au 4 juin 2015, sous déduction de tous les intérêts échus et de retard et pénalités à compter du 31 mars 2008, et après affectation prioritaire des paiements effectués par la SCI DG Immo au principal de la dette.

La créance ainsi calculée sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2015.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:

H... et I... X... qui succombent principalement, seront condamnés aux entiers dépens sans qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

***

**

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire,rendu par mise à disposition,

ORDONNE la jonction des instances enrôlées sous les n°17/12571 et 17/8914,

INFIRME le jugement entrepris en ce qui concerne le montant des condamnations prononcées contre H... X..., en ce qu'il a débouté le Crédit Agricole de ses demandes à l'encontre de I... X... et fait application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE solidairement H... et I... X... à payer au Crédit Agricole la somme de 152.943,70 euros correspondant au solde arrêté au 4 juin 2015, sous déduction de tous les intérêts échus et de retard et pénalités à compter du 31 mars 2008, et après affectation prioritaire des paiements effectués par la SCI DG Immo au principal de la dette,

DIT que la créance ainsi calculée sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2015,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE in solidum I... et H... X... aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 17/12571
Date de la décision : 07/02/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°17/12571 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-07;17.12571 ?
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