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07/02/2019 | FRANCE | N°17/05580

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 07 février 2019, 17/05580


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-5

(anciennement dénommée17e Chambre B)



ARRÊT AU FOND

DU 7 FEVRIER 2019



N°2019/68



TL











Rôle N° RG 17/05580 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAHTZ







[M] [L]





C/



Société GIS - GROUPE CEJIP





Copie exécutoire délivrée

le : 7/02/2019

à :

Me Elisa KONOPKA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





Me Raymond RUDIO, avocat

au barreau de GRASSE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section AD - en date du 16 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/950.





APPELANT



Monsieur [M] [L], deme...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-5

(anciennement dénommée17e Chambre B)

ARRÊT AU FOND

DU 7 FEVRIER 2019

N°2019/68

TL

Rôle N° RG 17/05580 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAHTZ

[M] [L]

C/

Société GIS - GROUPE CEJIP

Copie exécutoire délivrée

le : 7/02/2019

à :

Me Elisa KONOPKA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section AD - en date du 16 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/950.

APPELANT

Monsieur [M] [L], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Elisa KONOPKA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Société GIS - GROUPE CEJIP, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Marine REVOL, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2019, prorogé au 7 février 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 7 février 2019

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

FAITS ET PROCEDURE

[M] [L] a été engagé par la SARL Gis Nice en qualité d'agent des services de sécurité incendie, à compter du 11 février 2009, suivant contrat à durée indéterminée, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 1506,08 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 juillet 2013, [M] [L] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel avertissement fixé au 6 août 2013 et par lettre du 9 août 2013, adressée sous la même forme, il a fait l'objet d'un avertissement pour comportement contraire au respect de l'hygiène, irrespect des consignes, utilisation de la main courante à des fins personnelles et négligences.

Contestant son avertissement, [M] [L] a saisi le la juridiction prud'homale afin d'obtenir, selon le dernier état de sa demande, l'annulation de cet avertissement.

Par jugement rendu le 16 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Grasse a :

* maintenu l'avertissement notifié à [M] [L] par la SARL Gis Nice le 9 août 2013

* débouté [M] [L] de toutes ses demandes,

* condamné [M] [L] aux entiers dépens.

[M] [L] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

La procédure a été radiée du rôle le 26 janvier 2017 et réinscrite à la demande de [M] [L] le 13 mars 2017.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par voie de conclusions déposées et reprises oralement à l'audience de plaidoiries, [M] [L], appelant fait valoir qu'il conteste avoir jeté du papier toilette souillé dans la poubelle du PC sécurité du CREPS, où il effectuait la majorité de ses vacations depuis avril 2013 en expliquant que de nombreux surveillants détenaient les clés leur permettant d'accéder à tous les bâtiments du CREPS, que le personnel de l'accueil, chargé de contrôler l'état de propreté, quitte les lieux bien avant l'arrivée du veilleur de nuit et que les faits ont pu se produire pendant ce laps de temps.

Il précise que le fait qu'il aurait laissé pénétrer sur le site des personnes qui n'y étaient plus autorisées ne peut lui être reproché car il estime que le contrôle des personnes souhaitant accéder au site ne relève pas de la mission de l'agent de sécurité incendie et détourne celui-ci de ses réelles fonctions.

Il considère que c'est à bon droit qu'il a utilisé la main courante car la nuit où des personnes non autorisées ont pénétré sur le site, il a essayé en vain de ramener le calme et qu'un salarié du CREPS lui avait reproché cet échec en remettant en cause ses compétences professionnelles et en usant d'un comportement déplacé et offensant à son égard il était normal de relater cet incident dans le cahier de main courante en se défendant d'avoir manqué à ses obligations.

Il soutient que l'oubli de fermer le portillon donnant accès aux logements des cadres et de fermer une fenêtre d'un des bâtiments, provoquant ainsi une inondation dans le couloir d'accès aux salles de cours, résultait pour le premier de son effarement après son conflit avec un salarié du CREPS et conteste le second, ces deux négligences ne pouvant justifier un avertissement.

Il affirme qu'il a été victime d'une discrimination de la part de son employeur en raison de son apparence physique, la société lui reprochant d'être sale et de sentir mauvais, d'avoir une attitude apathique et d'un harcèlement moral en faisant courir des propos diffamatoires.

[M] [L] demande en conséquence d'infirmer le jugement, de prononcer l'annulation de l'avertissement notifié le 9 août 2013 et de condamner la SARL Gis Nice à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour faute en raison de la mesure discriminatoire dont il a été l'objet, une somme de 1 500 euros pour son préjudice moral et une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par voie de conclusions régulièrement communiquées, déposées et reprises oralement à l'audience de plaidoiries, la SARL Gis Nice intimée fait valoir que les faits reprochés sont fautifs par application du règlement intérieur qui stipule que le non respect de l'hygiène constitue un comportement fautif.

L'employeur soutient que des photos prises par les agents de nettoyage montrent que les toilettes étaient dans un état déplorable et qu'après une enquête au cours de laquelle [M] [L] avait reconnu en partie les faits avant de se rétracter, il a été mis en place un contrôle de la propreté des toilettes constatant que cette situation n'existait qu'après les vacations de [M] [L].

La société affirme que [M] [L] n'a pas respecté les consignes en refusant l'accès du site à un bus sans en avertir le personnel de permanence comme indiqué dans les pages de consignes alors que le chauffeur de bus indiquait avoir des consignes de la direction.

Elle relève qu'un agent de sécurité même de sécurité incendie titulaire d'un diplôme SSI est avant tout un agent de sécurité et qu'il appartenait à [M] [L] comme stipulé dans son contrat de travail de refuser l'accès du site à des personnes qui ne faisaient plus partie des effectifs du CREPS.

Elle fait valoir que la main courante ou journal de sécurité est un document officiel mis en place pour connaître les événements et les faits de la vacation et non des remarques personnelles.

Elle précise qu'[M] [L] reconnaît avoir omis de fermer le portillon puis indique que depuis les incidents ayant donné lieu à l'avertissement en cause, [M] [L] a multiplié les incidents chez les clients ce qui a conduit à son licenciement.

Elle estime que la société n'a jamais fait preuve de discrimination ou de harcèlement moral reprochant à [M] [L] non pas sa surcharge pondérale qui était connue de la société lorsqu'elle l'a embauché mais des faits précis et objectifs qui justifiaient l'avertissement.

Elle affirme que les deux attestations de Madame [G] se contredisent sur le rôle de Monsieur [Y] supérieur de [M] [L] et qu'elle n'a pas pu constater des événements n'ayant travaillé que pour effectuer des remplacements ponctuels de très courtes durées et notamment un mois en septembre 2013, l'année des faits reprochés à [M] [L].

La SARL Gis Nice demande en conséquence de confirmer le jugement et de condamner [M] [L] en outre à lui payer une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement moralet la discrimination en raison de l'apparence physique

L'article L1152-1 du code du travail dispose : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

Selon l'article L1154-1 du code du travail, le salarié établit des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La seule obligation du salarié est donc de faire état de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral (Cass. Soc. 15 novembre 2011 N°10-10.687).

Dès lors que des faits sont désignés, le juge, pour débouter le salarié, doit expliquer en quoi ces faits ne laissent pas présumer l'existence d'un harcèlement. Il ne peut se contenter de dire que la requête est mal fondée (Cass. Soc. 16 mars 2010 N°08-44.094).

Le harcèlement moral ne saurait se déduire de la seule altération de la santé du salarié (CA Douai 26 novembre 2004 N°03-3462 ch.soc.).

Selon l'article L.1132-1 du code du travail, 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.'

Et aux termes de l'article L.1134-1 du code du travail, 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente de séléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

Il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient pas au salarié d'établir la discrimination dont il se plaint, mais seulement de présenter des faits laissant supposer qu'elle existe, à charge alors pour l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination propres à justifier ses décision (Soc. 26 avril 2000, n°98-42.643, Bull. n 151).

L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.

Et lorsque la présomption de discrimination est retenue, le juge doit ensuite examiner les éléments rapportés par l'employeur afin de démontrer que ses décisions sont au contraire justifiées par des motifs étrangers à la discrimination alléguée par l'intéressé.

Si ses justifications sont convaincantes, le juge écartera la qualification de discrimination, la chambre n'exerçant pas de contrôle sur la pertinence des justifications apportées par l'employeur (ex : Soc. 29 juin 2016, n 15-11.054).

En l'espèce, [M] [L] met en avant le rapport du CHSCT pour indiquer que ce rapport fait état de sa surcharge pondérale renforçant la discrimination dont il était l'objet. Il produit deux attestations de Madame [G] qui relèvent que d'autres agents l'ont mis en garde contre lui en racontant des faits injurieux divulgués par la société et que la société avait utilisé contre [M] [L], le rapport du CHSCT qui avait été établi dans son intérêt et une plainte qu'il a déposée le 26 janvier 2013 pour des insultes et des menaces de violence faite par un des salariés de la société dans un restaurant.

La société produit des mails du CREPS relatant le problème d'hygiène rencontrée par cette société après chaque vacation d'[M] [L], une plainte du même jour accusant [M] [L] d'être l'auteur des injures et menaces de violence.

Il ressort des pièces produites que les faits mis en avant par [M] [L] ne peuvent être constitutifs d'un harcèlement moral.

En effet, les reproches sur l'hygiène dans les échanges de mail émanent du CREPS, client de la société et non de la société elle-même.

Les injures et menaces de violence réciproques en dehors du lieu de travail ne suffisent pas à présumer des faits de harcèlement.

Enfin, les faits relatés par Madame [G] qui n'a travaillé que ponctuellement et très peu de temps pour la société ne font état que de faits indirects qui lui ont été rapportés en 2015 soit deux ans après la mesure d'avertissement.

En conséquence, [M] [L] sera débouté de sa demande au titre du harcèlement moral

Le rapport du CHSCT met en avant le respect des règles d'hygiène le jour de l'enquête et l'indication de la surcharge pondérale dans un but de suivi médical ne peut constituer en elle seule un fait discriminant.

[M] [L] sera donc également débouté de sa demande au titre de la discrimination.

Sur l'avertissement

La lettre d'avertissement en date du 9 août 2013 reproche à [M] [L] un comportement contraire au respect de l'hygiène, l'irrespect des consignes, l'utilisation de la main courante à des fins personnelles et des négligences quant à la fermeture d'un portillon et d'une fenêtre.

La société produit pour établir le non respect des règles d'hygiènes trois mails du CREPS en date du 6 juin 2013 et des photos prises les 4 et 9 juillet 2013 par les agents d'entretien faisant état de problèmes de propreté des toilettes qui se répétaient chaque fois qu'[M] [L] était de service.

Pour le non respect des consignes, la lettre d'avertissement fait expressémment référence à un incident survenu le 12 juillet 2013 reprochant à [M] [L] d'avoir laissé pénétré dans l'enceinte du CREPS des personnes qui n'en avaient plus l'autorisa tion sans qu'aucune pièce ne soit produite pour l'établir.

La société produit la main courante de la nuit du 27 au 28 juillet 2013 sur laquelle [M] [L] a écrit des remarques personnelles sur sa conscience professionnelle et les diplômes dont il était titulaire sans relation avec sa mission et dans lequel il reconnait avoir omis de refermer le portillon.

Ces éléments pris dans leur ensemble caractérisent des manquements dans l'éxecution du contrat de travail justifiant l'avertissement infligé par l'employeur le 9 août 2013.

En conséquence, [M] [L] sera débouté de sa demande d'annulation de l'avertissement.

Sur les dépens et les frais non-répétibles

Nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que chacune des parties conservera les dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré

Y ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 17/05580
Date de la décision : 07/02/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°17/05580 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-07;17.05580 ?
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