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30/01/2019 | FRANCE | N°16/17008

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 30 janvier 2019, 16/17008


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

(anciennement dénommée 6e Chambre D)



ARRÊT AU FOND

DU 30 JANVIER 2019

A.L G.

N° 2019/36













Rôle N° 16/17008 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7IJS







[W] [U]

[S] [U] épouse [G]





C/



[B] [U]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Didier HOLLET



Me D

aniel RIGHI









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 29 Août 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/03027.





APPELANTES



Madame [W] [U]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

(anciennement dénommée 6e Chambre D)

ARRÊT AU FOND

DU 30 JANVIER 2019

A.L G.

N° 2019/36

Rôle N° 16/17008 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7IJS

[W] [U]

[S] [U] épouse [G]

C/

[B] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Didier HOLLET

Me Daniel RIGHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 29 Août 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/03027.

APPELANTES

Madame [W] [U]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Didier HOLLET de l'AARPI DIDIER HOLLET-NICOLE HUGUES, avocat au barreau de TOULON

Madame [S] [U] épouse [G]

née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Didier HOLLET de l'AARPI DIDIER HOLLET-NICOLE HUGUES, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [B] [U]

né le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Daniel RIGHI, avocat au barreau de TOULON

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Annaick LE GOFF, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2019,

Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

[J] [U] est décédée le [Date décès 1] 2015. Le 25 octobre 2012, elle avait modifié la clause bénéficiaire de six contrats d'assurance vie SEQUOIA, souscrits en octobre 2006 auprès de la société Sogecap, en étendant le bénéfice de l'attribution à Mmes [W] et [S] [U], les deux enfants du bénéficiaire initial, son fils [B] [U].

Par acte en date du 19 mai 2015, dénoncé à la société Sogecap, M. [B] [U] a, sur le fondement de l'ancien article 1108 et des articles 414-1 et 414-2 du code civil, attrait Mmes [W] et [S] [U] devant le tribunal de grande instance de Toulon aux fins de voir déclarer nulle la modification des clauses bénéficiaires des contrats d'assurance vie dont était titulaire [J] [U] et condamner les défenderesses à lui payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 29 août 2016, le tribunal de grande instance de Toulon a :

- prononcé l'annulation des avenants du 25 octobre 2012 portant modification des clauses bénéficiaires des contrats SEQUOIA visés dans le dispositif de l'assignation,

- condamné Mmes [U] [W] et [S] à verser la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au demandeur,

- condamné Mmes [U] [W] et [S] solidairement aux dépens dont distraction au profit de maître Righi sur son affirmation qu'il en a fait l'avance.

Le tribunal relevait qu'aux termes d'un jugement du 26 mai 2014, le juge des tutelles de Metz avait placé [J] [U], née en 1921, sous tutelle sur la base d'un certificat médical dressé le 3 janvier 2014 par un expert psychiatre. Cette personne âgée avait subi un accident vasculaire cérébral en février ou septembre 2012 et un compte-rendu d'hospitalisation, dressé le 4 septembre 2012, faisait état d'un syndrome confusionnel avec des troubles de la compréhension et des séquelles mnésiques. La personne âgée avait été admise à regagner son domicile avec une mémoire affaiblie avant d'être de nouveau hospitalisée le 2 octobre 2012 pour la pose d'un pace maker. Le premier juge considérait que la modification des clauses bénéficiaires des assurances-vie en cause était intervenue le 25 octobre 2012, dans un contexte de détérioration physique et psychique de cette personne âgée.

Par déclaration reçue au greffe le 19 septembre 2016, Mmes [W] et [S] [U] ont formé appel de ce jugement.

Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 décembre 2016, Mmes [W] et [S] [U] demandent à la cour, en application des dispositions des articles 414-1 et suivants du code civil, de :

- constater que M. [B] [U] ne satisfait pas à la preuve de l'existence d'un trouble mental et de sa concomitance au moment de l'acte,

- réformer le jugement entrepris,

- débouter M. [B] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à leur payer la somme de 3.600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelantes considèrent que l'intimé ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte alors qu'il a la charge de la preuve.

S'agissant de l'hospitalisation intervenue le 5 septembre 2012 pour prise en charge d'un accident vasculaire cérébral avec troubles phasiques et syndrome confusionnel, Mmes [W] et [S] [U] relèvent que le certificat médical dressé par le Dr [A] lors de la sortie de leur grand-mère le 24 septembre 2012, ne fait état d'aucun trouble mental, même si est évoquée la persistance de troubles mnésiques portant essentiellement sur la mémoire immédiate. Les appelantes insistent sur le fait que le Dr [A] a considéré que l'autonomie de Mme [U] était conservée et qu'il lui fallait simplement une petite aide pour la toilette et l'habillage.

Mmes [W] et [S] [U] contestent également l'interprétation donnée par le premier juge au certificat médical dressé par le Dr [N] le 3 janvier 2014, alors qu'il se contenterait d'indiquer que le problème de santé de la personne âgée trouve son origine dans l'accident vasculaire cérébral du 5 septembre 2012.

Les appelantes considèrent que le jugement n'a pas caractérisé l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte, évoquant uniquement un contexte de détérioration physique et psychique.

Par ailleurs, l'existence d'une mesure de protection ne suffirait pas à établir le trouble au moment de l'acte. En toute hypothèse, lors de la modification des clauses bénéficiaires en cause, aucune mesure de protection n'avait été prononcée à l'égard de [J] [U].

Le 7 mars 2017, le greffier en chef adressait au conseil de M. [B] [U] un avis d'irrecevabilité des conclusions d'intimé en application des articles 909 et 910 du code de procédure civile en ce que les conclusions en cause n'avaient pas été déposées dans le délai de deux mois de la signification de celles des appelantes.

Par ordonnance en date du 26 avril 2017, le conseiller de la mise en état constatait l'irrecevabilité des conclusions déposées par M. [B] [U] le 9 mars 2017, sur le fondement des articles 909 et 910 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2018.

Sur ce,

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application des dispositions combinées des articles 909 et 906 du code de procédure civile, dans la procédure d'appel en matière contentieuse avec représentation obligatoire, les pièces sont écartées des débats lorsque les conclusions au soutien desquelles elles sont communiquées sont déclarées irrecevables, au seul constat de l'irrecevabilité de ces conclusions.

Les conclusions de M. [B] [U] ayant été déclarées irrecevables par ordonnance d'incident du 26 avril 2017, les pièces de l'intimé seront dès lors écartées des débats.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les appelantes que les contrats d'assurance vie litigieux ont fait l'objet d'une modification des clauses bénéficiaires à leur profit, le 25 octobre 2012.

Il résulte des dispositions de l'article 414-1 du code civil que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit, et c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

L'article 414-2 du même code dispose qu'après sa mort, les actes faits par l'intéressé, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;

2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle.

Mmes [W] et [S] [U] ne contestent pas que l'action de M. [B] [U] soit recevable en application des dispositions de l'article 414-2 du code civil, une demande de mesure de protection ayant été introduite devant le juge des tutelles de Metz avant le décès de [J] [U].

Les appelantes contestent, en revanche, que leur grand-mère ait été atteinte d'un trouble mental à la date à laquelle elle a modifié, à leur profit, les clauses bénéficiaires de certains contrats d'assurance-vie, soit le 25 octobre 2012.

Est produit par les appelantes un compte-rendu d'hospitalisation en date du 24 septembre 2012, antérieur d'un mois seulement aux actes litigieux. Il y est mentionné par le Docteur [A], du service de médecine et de gérontologie clinique de l'Hôpital [Établissement 1], qu'il a pris en charge Mme [J] [U] alors qu'elle leur avait été adressée par le service des urgences de l'hôpital Bon Secours à Metz à la suite d'un accident vasculaire cérébral avec troubles phasiques et syndrome confusionnel. Il est précisé que le scanner cérébral réalisé aux urgences n'a montré ni hémorragie, ni signe précoce d'accident vasculaire cérébral territorialisé. Lors de sa prise en charge à l'Hôpital [Établissement 1], avaient été notés, en particulier, un syndrome confusionnel avec troubles de la compréhension et des troubles phasiques de type jargonaphasie. L'évolution devait montrer une régression de l'aphasie, sans toutefois disparition complète, avec des épisodes de jargonaphasie par intermittence. Etait par ailleurs observée la persistance de troubles mnésiques portant essentiellement sur la mémoire immédiate. Il était néanmoins mentionné que l'autonomie de cette personne âgée était conservée et son élan vital préservé avec uniquement la nécessité d'une petite aide pour la toilette et l'habillage.

Le rapport d'examen psychiatrique dressé le 3 janvier 2014 par le docteur [N] à la demande de M. [B] [U], dans le but d'instaurer une mesure de protection à l'égard de [J] [U], venait confirmer que celle-ci présentait à cette période des problèmes de mémoire immédiate, outre des difficultés dans l'expression. En dépit des conclusions de l'expert allant dans le sens d'une démence sénile sur terrain vasculaire, [J] [U] était décrite comme une personne assez vive, ni gâteuse, ni confuse, ni hallucinée, ni délirante au moment de l'entretien, même si étaient tout de même observés une désorientation temporelle, quelques troubles de l'attention et une certaine rigidité. Si le docteur [N] faisait, par ailleurs, état de ce que cette personne âgée appréciait mal les circonstances, les situations et les évènements, il ne donnait toutefois aucun exemple concret tiré de l'entretien permettant de mesurer les difficultés d'appréciation relevées. L'on observera que la partie 'discussion' du rapport est très peu motivée et fait surtout référence 'à une affaire de don à ses petites-filles' ainsi qu'aux difficultés rencontrées par [J] [U] dans le maniement de l'euro.

En toute hypothèse, ce rapport d'examen psychiatrique dressé le 3 janvier 2014, postérieur de plus de 14 mois à la modification des clauses bénéficiaires, intervenue le 25 octobre 2012, ne saurait constituer un élément de preuve de l'état d'insanité d'esprit de [J] [U] au moment de la signature des actes litigieux. Il vient uniquement témoigner de la persistance, au 3 janvier 2014, des troubles mnésiques relevés par le Dr [A] plus d'une année auparavant.

Les troubles de la mémoire immédiate et le problème d'aphasie, survenant de manière intermittente, tels que décrits par le Dr [A] un mois avant les actes litigieux, ne sauraient, quant à eux, caractériser un état d'insanité d'esprit propre à empêcher la libre expression de la volonté de [J] [U].

C'est pourquoi, le jugement rendu le 29 août 2016 par le tribunal de grande instance de Toulon sera infirmé dans toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau, M. [B] [U] sera débouté de son action en nullité des avenants du 25 octobre 2012 portant modification des clauses bénéficiaires des contrats SEQUOIA souscrits par [J] [U] et condamné à payer à Mmes [W] et [S] [U] la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'équité commande, en outre, de condamner M. [B] [U] à payer aux appelantes la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 29 août 2016 par le tribunal de grande instance de Toulon dans toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute M. [B] [U] de son action en nullité des avenants du 25 octobre 2012 portant modification des clauses bénéficiaires des contrats SEQUOIA souscrits par [J] [U].

Le condamner à payer à Mmes [W] et [S] [U] la somme de MILLE EUROS (1.000€) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance.

Y ajoutant,

Condamne M. [B] [U] à payer à Mmes [W] et [S] [U] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le condamne aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 16/17008
Date de la décision : 30/01/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°16/17008 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-30;16.17008 ?
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