COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
(anciennement dénommée 6e Chambre D)
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 30 JANVIER 2019
J-B.C.
N° 2019/39
Rôle N° 15/18533 - N° Portalis DBVB-V-B67-5RIZ
Annick X...
épouse Y...
C/
L... Z... épouse A...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Philippe B...
Me Pascal C...
Sur saisine de la cour suite à l'arrêt n° 1194 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 23 octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° X 12-17.433 lequel a cassé et annulé partiellement l'arrêt rectificatif n° 34 rendu le 11 janvier 2012 par la cour d'appel de BASTIA à l'encontre de l'arrêt du 14 avril 2010 de la cour d'appel de BASTIA .
DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
Madame Annick X... épouse Y...
née le [...] à NICE (0600)
de nationalité Française,
demeurant [...]
prise en la qualité d'héritière de Joséphine X...
représentée par Me Philippe B..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Frédérique D..., avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Anne-Marie E..., avocat au barreau de BASTIA, plaidant.
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
Madame L... Z... épouse A...
née le [...] à Nice,
demeurant [...] , [...], [...]
représentée et assistée par Me Pascal C..., avocat au barreau de NICE, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre
Mme Annie RENOU, Conseiller
Mme Annaick LE GOFF, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2019 et qu'à cette date le délibéré par mise à disposition était prorogé au 30 Janvier 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2019,
Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. Emmanuel Z... et Mme Joséphine X... se sont mariés le [...] à Antibes sous le régime de la séparation de biens.
Suivant acte authentique des 21 et 23 février 1973, les époux Z... X... ont acquis deux parcelles de terre sises à [...], lieudit [...], cadastrées section [...] et [...].
Par jugement en date du 20 mai 1976, le tribunal de grande instance de Bastia a prononcé le divorce des époux Z... X... et a ordonné la liquidation et le partage de l'indivision existant entre les parties.
M. Emmanuel Z... est décédé le [...] laissant pour lui succéder Madame L... Z... épouse A..., sa fille, issue d'une première union avec Mme M... F....
Par acte d'huissier en date du 16 juillet 2007, Madame L... Z... épouse A... a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bastia Mme Joséphine X... en partage de l'indivision relative à l'immeuble sis à [...], lieudit [...].
Par jugement en date du 13 novembre 2008, le tribunal de grande instance de Bastia a:
-dit que le bien immobilier sis à Bastia, lieudit [...], figurant au cadastre rénové section [...] , est un bien indivis pour avoir été acquis par Emmanuel Z... et son épouse née Joséphine X...,
-ordonné le partage de cet immeuble,
-dit que Joséphine X... est redevable des fruits et revenus perçus de l'exploitation de ce bien depuis le 14 juin 2002 et qui ont accru l'indivision.
-commis le président de la chambre des notaires de Haute Corse pour procéder au partage, avec faculté de délégation,
-ordonné une mesure d'expertise et désigné Monsieur Serge G... pour y procéder, avec pour mission d'évaluer le bien, calculer les impenses éventuelles engagées pour l'acquisition, la conservation et l'entretien de ce bien et le cas échéant le montant des récompenses éventuellement dues, estimer le montant des fruits et revenus dont est redevable Joséphine X... pour l'exploitation de l'immeuble indivis depuis le 14 juin 2002, faire les comptes entre les parties, proposer des lots d'égale valeur ou, si le partage en nature est impossible, fixer la mise à prix de l'immeuble en vue de sa licitation,
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit les dépens frais privilégiés de partage.
Par arrêt en date du 14 avril 2010, la cour d'appel de Bastia a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 16 septembre 2011.
Par requête en omission de statuer déposée devant la cour d'appel de Bastia Mme Z... épouse A... a demandé à la cour de :
Vu l'article 815-3 du code civil, dire et juger que Mme X... ne saurait en aucun cas obtenir le remboursement des sommes engagées pour la construction litigieuse édifiée sans le consentement de son co-indivisaire.
En tout état de cause dire que les dépenses d'amélioration de conservation et d'entretien de l'immeuble ne pourront qu'être compensées avec les loyers que Mme X... a indûment perçus pendant plusieurs années.
La condamner à verser à la concluante 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
La condamner à lui payer 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Madame L... Z... épouse A... a soutenu que l'arrêt du 14 avril 2010 n'avait pas répondu à l'ensemble de ses demandes, omettant de statuer sur sa prétention tendant à ce qu'il soit dit que les sommes auxquelles pourrait avoir droit Mme Joséphine X... au titre de la construction, de la conservation et de l'entretien de l'immeuble indivis, devaient être diminuées des loyers par elle encaissés.
Madame Annick Y... X... , prise en sa qualité d'ayant droit de Joséphine X..., décédée le [...] , a conclu au rejet de la requête et à la condamnation de Madame L... Z... épouse A... au paiement des sommes de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.
Par arrêt en date du 11 janvier 2012, la cour d'appel de Bastia a:
-reçu partiellement la requête de Madame L... Z... épouse A...,
-dit en conséquence que le dispositif de l'arrêt rendu le 14 avril 2010 doit être complété comme suit :
*dit que Madame Annick Y... X... , en sa qualité d'héritière de Joséphine X..., peut prétendre au remboursement des sommes engagées par elle au titre de l'acquisition, de la conservation et de l'entretien du bien excédant la moitié de la somme totale par elle payée de ce chef,
*dit que ces sommes pourront être compensées avec celles qui devront être rapportées au titre des loyers perçus depuis le 14 juin 2002,
-rejeté toutes autres demandes,
-débouté Madame L... Z... épouse A... et Madame Annick Y... X... de leurs demandes respectives en dommages et intérêts,
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-laissé les dépens à la charge du Trésor Public.
La cour a considéré pour l'essentiel que :
-la première demande se trouvait initialement fondée sur la mauvaise foi de Joséphine X..., Madame L... Z... épouse A... ne pouvant, dans le cadre d'une requête en omission de statuer, soulever de nouveaux moyens et soutenir, aux lieu et place de la mauvaise foi du coindivisaire, que l'immeuble édifié sur le bien indivis aurait été construit sans son consentement,
-dès lors que le bien est indivis à concurrence de 50% entre les parties, Madame Annick Y... X... ne peut prétendre qu'au remboursement des sommes engagées pour la construction de la maison qui excèdent la moitié de celles-ci et à charge d'en rapporter la preuve,
-ces sommes pourront être compensées avec le montant des loyers perçus depuis le 14 juin 2002 conformément à ce qui a été définitivement tranché par la cour dans son arrêt en date du 14 avril 2010,
-en l'état de l'expertise ordonnée, il appartient aux parties, et en particulier à Madame Annick Y... X... de justifier des frais engagés et des loyers perçus.
La première chambre civile de la Cour de Cassation, par arrêt en date du 23 octobre 2013, a, sur pourvoi formé par Madame L... Z... épouse A..., cassé l'arrêt rectificatif rendu par la cour d'appel de Bastia le 11 janvier 2012, seulement en ce qu'il a " dit que Madame Annick Y... X... , en sa qualité d'héritière de Joséphine X..., peut prétendre au remboursement des sommes engagées par elle au titre de l'acquisition, de la conservation et de l'entretien du bien excédant la moitié de la somme totale par elle payée de ce chef et dit que ces sommes pourront être compensées avec celles qui devront être rapportées au titre des loyers perçus depuis le 14 juin 2002".
Cet arrêt a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, laissant à chacune des parties la charge de ses dépens.
La Cour de Cassation a considéré que le moyen soulevé par Madame L... Z... épouse A..., tenant au fait que l'immeuble indivis avait été construit sans son autorisation, n'était pas un moyen nouveau, Madame A... ayant, dans ses conclusions du 15 octobre 2009, soutenu que la maison construite à la demande de Joséphine X... sur le terrain indivis l'avait été sans le consentement de son père contrevenant aux dispositions de l'article 815-13 du code civil.
Par jugement en date du 22 avril 2014, le tribunal de grande instance de Bastia a:
-dit n'y avoir lieu à annulation de l'expertise aux frais de l'expert,
-dit la demande en remboursement des impenses de Madame Annick Y... X... non prescrite,
-ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce que la cour d'appel d'Aix-en-Provence soit dessaisie de la requête en omission de statuer de Madame L... Z... épouse A...,
-dit que l'instance sera poursuivie à l'initiative de la partie la plus diligente,
-ordonné la radiation de l'affaire,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
-dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de partage.
Par arrêt en date du 21 octobre 2015, la cour d'appel de Bastia a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a:
-débouté Madame L... Z... épouse A... de sa demande tendant à écarter des débats des pièces produites par Madame L... Y... X... ,
-débouté Madame L... Z... épouse A... de sa demande de dommages et intérêts,
-condamné Madame L... Z... épouse A... à payer à Madame Annick Y... X... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Madame L... Z... épouse A..., aux termes de ses écritures notifiées le 10 mai 2016, demandait à la cour de:
-dire que l'appelante ne saurait obtenir le remboursement des sommes engagées par Joséphine X... pour la construction litigieuse sans le consentement de son indivisaire en violation de l'article 815-3 du code civil,
-en tout état de cause, dire que les impenses concernant le bien indivis ne pourront pas être compensées avec les loyers que Joséphine X... a indûment perçus seule pendant plus de vingt ans et qui les ont totalement couvertes, en dégageant des bénéfices qu'elle a intégralement conservés,
-débouter l'appelante de ses demandes contraires au dispositif du jugement du 13 novembre 2008 ayant force de chose jugée et qui sont irrecevables,
-la condamner à lui verser les sommes de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle a exposé pour l'essentiel que :
-l'article 815-3 du code civil rend inopposables à un indivisaire les actes d'administration et de disposition faits sans son consentement, l'article 815-2 du même code n'étant pas applicable à l'espèce pour ne concerner que les mesures de conservation de biens indivis, étant précisé que cet article, dans sa version antérieure à la loi du 23 juin 2006, imposait que l'acte conservatoire soit réalisé pour soustraire le bien indivis à un péril imminent,
-la construction a été édifiée sans l'accord du coindivisaire, l'intimée ayant appris le 22 février 2006, aux termes d'un courrier qui lui a été adressé par Maître H..., notaire à Bastia, que son père avait acquis avec Joséphine X... un terrain trente-trois ans plus tôt et que s'y trouvait édifiée une importante construction,
-l'article 815-3 du code civil exclut tout mandat tacite pour les actes de disposition ou le renouvellement des baux,
-la gestion d'affaires ne concerne que les actes conservatoires,
-en vertu des baux inopposables qui ont été conclus sur l'immeuble indivis, l'appelante a encaissé seule des revenus pendant plus de vingt années, qui lui ont permis de récupérer ses dépenses effectuées sur le bien,
-Joséphine X... ne s'est jamais prévalue d'une créance contre Madame Z... et encore moins du droit à percevoir une indemnité au titre des dépenses d'amélioration au visa de l'article 815-13 du code civil.
Madame Annick Y... X... , aux termes de ses conclusions notifiées le 8 août 2016, a demandé à la cour de céans de :
-constater et au besoin dire et juger que Joséphine X... a construit le bien indivis en cause au moyen de ses deniers personnels et réalisé tout acte visant à accroître l'indivision soit au titre du mandat tacite, soit au titre de la gestion d'affaires,
-dire que Joséphine X... et la fille de la concluante ont réalisé tout acte de conservation du bien indivis en leur qualité d'indivisaire au titre de l'article 815-2 du code civil,
-dire que Joséphine X... et la fille de la concluante ont réalisé tout acte au titre de la gestion et de l'administration de l'indivision au titre du mandat tacite conformément à l'article 815-3 du code civil,
-dire en conséquence qu'elle se trouve bien fondée à réclamer le remboursement de l'intégralité des impenses résultant de dépenses effectuées sur ses fonds personnels ou sur ceux de son auteur relativement au bien indivis,
-dire que la réalité et la preuve des dépenses effectuées ont été établies par le rapport d'expertise ainsi que par l'arrêt du 21 octobre 2015 rendu par la cour d'appel de Bastia,
-dire que l'intégralité des dépenses réalisées par Joséphine X... et la concluante au titre de l'acquisition, de la conservation, de l'entretien et de l'amélioration devront être retenues sur la base des méthodes de calcul arrêtées par l'expert judiciaire selon les règles applicables en la matière,
-débouter Madame L... Z... épouse A... de ses demandes,
-la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Madame Annick Y... X... a fait valoir les moyens suivants:
-s'agissant de la construction de l'immeuble sur le terrain indivis, les articles 815-2 et 815-3 du code civil trouvent application et ont permis à Joséphine X... d'édifier la maison sans l'accord du coindivisaire,
-Joséphine X... avait reçu mandat tacite à cette fin, l'intégralité des actes accomplis l'ayant été pour la bonne conservation et l'amélioration de l'immeuble, au su de tous et notamment de Monsieur Z... et de son héritière, la construction ayant augmenté considérablement la valeur du bien indivis et ayant procuré des revenus importants à l'indivision,
-en application de l'article 815-4 du code civil, l'indivisaire qui réalise seul un acte bénéficiant à toute l'indivision, qu'il soit actif ou passif, peut être déclaré gérant d'affaires, son acte étant conforté si aucun indivisaire ne s'y oppose, les autres indivisaires étant alors tenus par les engagements pris et devant rembourser les dépenses effectuées,
-l'acte de construction effectué a été utile pour le patrimoine en cause,
-en réclamant la moitié des fruits et revenus de l'immeuble indivis, Madame L... Z... épouse A... a tacitement, voire expressément, ratifié les actes de gestion et d'administration, n'ayant jamais formulé son opposition,
-Madame L... Z... épouse A... a été informée de la construction réalisée, l'acte de vente de l'immeuble ayant été publié au bureau des hypothèques, ce qui crée une présomption irréfragable de connaissance,
-aucune fraude ni manoeuvres n'ont été commises par Joséphine X..., la construction ayant été édifiée au su de tous,
-l'appelante se trouve en conséquence bien fondée à réclamer les impenses résultant des dépenses effectuées sur ses fonds personnels relativement au bien indivis,
-sur le remboursement des dépenses réalisées sur le bien indivis, en application de l'article 815-13 du code civil, l'appelante dispose d'une créance au titre des dépenses engagées à l'aide de ses deniers personnels, le gérant d'affaires devant également être remboursé des dépenses utiles et nécessaires,
-le rapport d'expertise judiciaire démontre que l'immeuble indivis a été intégralement financé par Joséphine X... et que la totalité des dépenses d'amélioration et de conservation du bien ont été par elle exposées, Monsieur Z... étant décédé à l'époque de la construction,
-Madame L... Z... épouse A... ne peut prétendre avoir droit à la moitié de l'immeuble et des loyers sans avoir participé aux dépenses,
-concernant la méthode de calcul, il s'agit d'une dépense d'acquisition, financée intégralement par Joséphine X..., le profit subsistant étant égal à la valeur du bien au jour de la liquidation, aucune règle ne prévoyant le droit au remboursement de l'indivisaire en fonction de l'étendue de ses droits indivis, seules les dispositions de l'article 815-13 du code civil étant applicables,
-les dépenses dont le remboursement est réclamé sont relatives tant à l'acquisition du terrain qu'à la construction, aucune demande nouvelle relative aux dépenses d'acquisition, de conservation et d'entretien n'étant formulée.
Par arrêt contradictoire, avant dire droit, sur renvoi de cassation, en date du 13 septembre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, en application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile :
-ordonné la réouverture des débats à l'audience du 22 novembre 2017,
-invité les parties à conclure contradictoirement sur le moyen de droit soulevé d'office par la cour, tenant à l'application à la cause des dispositions de l'article 551 du code civil,
-dans l'attente, sursis à statuer sur les demandes respectives des parties,
-réservé les dépens d'appel.
La cour a considéré pour l'essentiel que :
-si l'indivisaire du constructeur, ou de son auteur, ne demande pas la démolition de la construction, celle-ci devient, par effet d'accession, propriété commune des indivisaires, conformément à l'article 551 du code civil,
-dans une telle hypothèse, le profit que procure la construction peut ouvrir un droit à indemnité pour l'indivisaire constructeur, ou son ayant droit, sur le fondement de l'enrichissement sans cause de l'indivision,
-l'indivisaire constructeur peut alors plaider d'existence d'impenses utiles visées à l'article 815-13 alinéa 1 du code civil et fonder, au visa de ces deux textes, son droit à remboursement.
Madame L... Z... épouse A..., aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 octobre 2017, demande à la cour de :
'dire que Madame Y... X... ne saurait en aucun cas obtenir le remboursement des sommes engagées par Joséphine X... pour la construction litigieuse sans le consentement de son coïndivisaire, en violation de l'article 815'3 du code civil,
'dire que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause et l'article 815'13 du code civil soumis aux débats par la cour ne peut prospérer à l'encontre des principes codifiés dans les articles 1303 à 1303'4 du code civil,
'constater que cette nouvelle action est irrecevable au regard de l'article 463 du code de procédure civile et qu'elle est en outre prescrite en vertu des articles 2222 et 2224 du code civil,
'dire que les autres demandes et moyens nouveaux présentés par Madame Y... sont infondés, et de plus irrecevables, car allant à l'encontre de l'article 463 du code de procédure civile et du dispositif du jugement du 13 novembre 2008 passé en force de chose jugée, qui ne peut être modifié,
'en tout état de cause, dire que les impenses concernant le bien indivis ont été compensées par les loyers que Joséphine X... a indûment perçus seule pendant plus de vingt ans et qui les ont totalement couvertes, en dégageant des bénéfices qu'elle intégralement conservés,
'condamner Madame Y... à lui verser la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 4000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Madame L... Z... épouse A... fait valoir les moyens suivants :
'en application des dispositions de l'article 1303'3 du code civil, l'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, l'action de in rem verso ne pouvant suppléer l'action de Madame Y..., réaffirmée dans ses dernières écritures, fondée sur les articles 815'2 du code civil et la conservation du bien, 815'3 de ce code et le mandat tacite, 815'4 du code civil et la gestion d'affaires, lesquels ne concernent que des actes de conservation et non des actes de disposition et sont donc inopérants au regard de l'article 815'3 du même code,
'l'enrichissement injustifié ne peut pas plus autoriser la violation des dispositions d'ordre public de l'article 815'3 du code civil et rendre opposable à l'indivision un acte de disposition réalisé sans le consentement unanime des indivisaires imposé par cet article,
'si la construction dont s'agit revient à l'indivision, c'est contre la volonté de celle-ci,
'l'action fondée sur l'enrichissement sans cause et l'article 815'13 du code civil, soumise aux débats par la cour en son arrêt du 13 septembre 2017, n'est pas recevable au regard de l'article 463 du code de procédure civile et se trouve en tout état de cause prescrite en application de l'article 2224 du même code depuis le 19 juin 2013, date butoir fixée par l'article 2222 alinéa 2 du code civil,
'sont également irrecevables au regard de l'article 463 du code de procédure civile les demandes et moyens nouveaux développés par Madame Y..., qui visent à suppléer ce que n'a pas revendiqué en son temps Joséphine X...,
'Madame Y..., suivant le rapport d'expertise judiciaire pour qualifier les dépenses de construction de « dépenses d'amélioration » du terrain indivis et pour solliciter une indemnité égale au profit subsistant, soumet à la cour une demande nouvelle, ne s'étant jamais prévalue au préalable d'une quelconque créance à ce titre,
'l'article 463 du code de procédure civile interdit de porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, la cour de céans devant se prononcer sur l'omission de statuer après que la cour d'appel de Bastia ait confirmé, le 14 octobre 2010, dans toutes ses dispositions, le jugement du 13 novembre 2008,
'la demande nouvelle de Madame Y... est irrecevable pour aller à l'encontre du jugement du 13 novembre 2008, passé en force de chose jugée, dont la cour ne peut modifier le dispositif en y ajoutant des « dépenses d'amélioration » qui n'y figurent pas,
'Joséphine X... ne s'est nullement appauvrie au bénéfice de l'indivision car elle a récupéré la totalité de ses impenses et a réalisé un profit.
Madame Annick X... épouse Y..., en ses dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2017, sollicite de la cour de :
'constater que Joséphine X... a construit le bien indivis en cause au moyen de ses deniers personnels et a réalisé tout acte visant à accroître l'indivision, soit au titre du mandat tacite, soit au titre de la gestion d'affaires,
'dire que Joséphine X... et sa fille ont réalisé tout acte de conservation du bien indivis en cause en leur qualité d'indivisaires au titre de l'article 815'2 du code civil,
'dire que Joséphine X... et sa fille ont réalisé tout acte au titre de la gestion et de l'administration de l'indivision au titre du mandat tacite conformément à l'article 815'3 du code civil,
'sur le moyen soulevé d'office par la cour, dire que Madame L... Z... épouse A... n'a jamais demandé la démolition des constructions édifiées par Joséphine X... et par sa fille,
'en conséquence et par application de la théorie de l'accession par incorporation, dire que les constructions élevées sur un immeuble indivis par l'un des copropriétaires deviennent propriétés communes des indivisaires si leur démolition n'est pas demandée,
'dire en conséquence que Madame L... Z... épouse A... ne peut bénéficier des améliorations faites par la concluante et son auteur sans tenir compte de ses impenses, « à défaut il y aurait enrichissement sans cause de l'indivision »,
'dire en conséquence qu'elle se trouve fondée à réclamer le remboursement de l'intégralité des impenses résultant des dépenses effectuées sur ses fonds personnels ou sur ceux de son auteur relativement au bien indivis,
'dire que la réalité et la preuve des dépenses effectuées ont été établies par le rapport d'expertise judiciaire ainsi que par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bastia le 21 octobre 2015,
'dire en conséquence que l'intégralité des dépenses réalisées par Joséphine X... et par sa fille, faites au titre de l'acquisition, de la conservation, de l'entretien et de l'amélioration, devront être retenues sur la base des méthodes de calcul arrêtées par l'expert judiciaire selon les règles applicables en la matière,
'débouter en conséquence Madame L... Z... épouse A... de l'intégralité de ses demandes,
'la condamner à lui payer la somme de 6000 € en remboursement de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Elle expose pour l'essentiel que :
'il est constant que Madame Z... n'a jamais sollicité la démolition des constructions édifiées par Joséphine X..., en percevant aujourd'hui les fruits et revenus, l'indivisaire ne pouvant bénéficier des améliorations faites par le possesseur évincé sans lui tenir compte de ses impenses,
'sur la construction de l'immeuble par Joséphine X... sur le terrain indivis, cette dernière a agi pour le bénéfice de l'indivision, tout acte par elle accompli ayant été fait dans le seul but d'accroître celle-ci, l'intégralité des actes effectués par la de cujus puis par son auteur ayant été fait pour la bonne conservation et l'amélioration de l'immeuble,
'l'indivisaire qui réalise seul un acte bénéficiant à toute l'indivision, qu'il soit actif ou passif, peut être déclaré gérant d'affaire et son acte conforté si aucun autre indivisaire ne s'y oppose,
'les autres indivisaires sont dès lors tenus par les engagements pris et doivent remboursement des dépenses effectuées,
'le seul critère à prendre en considération est l'utilité de l'acte pour le patrimoine en cause, étant précisé qu'elle perçoit la moitié des revenus et fruits des locations du bien immobilier, les baux conclus ne pouvant ainsi lui être inopposables,
'aucune opposition n'a jamais été formée par Madame Z..., la publicité foncière permettant de rendre l'acte de vente opposable aux tiers, Joséphine X... n'ayant jamais commis de manoeuvre délibérée pour cacher l'existence de cette acquisition,
'sur le remboursement des dépenses réalisées sur le bien indivis, l'article 815'13 du code civil doit trouver application, les fonds utilisés étant des fonds personnels à Joséphine X... et à son auteur,
's'agissant de la méthode de calcul à adopter, concernant les dépenses d'amélioration, la créance est égale à la plus-value procurée à l'indivision,
'en conséquence, elle se trouve parfaitement fondée à réclamer le remboursement de l'intégralité des dépenses effectuées par son auteur, la cour d'appel de Bastia ayant, de manière erronée, dit que, dès lors que le bien litigieux est un bien indivis à concurrence de 50 % entre Madame Z... épouse A..., héritière d'Emmanuel Z..., et Madame Y... X..., héritière de Joséphine X..., cette dernière ne peut prétendre qu'au remboursement des sommes engagées pour la construction de la maison qui excèdent la moitié de celle-ci, aucune règle légale ni jurisprudentielle ne prévoyant que le droit au remboursement de l'indivisaire serait calculé en fonction de l'étendue de ses droits indivis,
'les dépenses dont le remboursement est réclamé concernent autant l'acquisition du terrain que la construction, tel que retenu par le jugement définitif de Bastia du 13 novembre 2008 et par la cour d'appel de Bastia dans son arrêt du 14 avril 2010.
Par arrêt avant dire droit la cour, estimant que Madame Annick X... épouse Y... ne chiffrait pas les dépenses engagées par Joséphine X... au titre de la conservation et de l'amélioration de l'immeuble indivis et qu'il convenait d'ordonner la réouverture des débats à cette fin;
Elle a invité Madame Annick X... épouse Y... à chiffrer la créance qu'elle revendique au titre de l'acquisition, la conservation, l'entretien et de l'amélioration de l'immeuble indivis et à justifier des fruits perçus, issus de la gestion de l'immeuble indivis, depuis le 14 juin 2002 ;
Il a été dans l'attente sursis à statuer sur les demandes respectives des parties ;
Dans ses conclusions consécutives à l'arrêt avant dire droit notifiées le 3 mai 2018 auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de ses moyens et prétentions Madame Annick X... épouse Y... demande à la cour de :
Vu l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 23 octobre 2013 ; Vu les articles 815-2, 815-3, 815-4, 815-13 et suivants du Code Civil ; Vu les articles 1372 et suivants du Code Civil ;
Vu l'ordonnance de référé en date du 11 janvier 2012 désignant M. I... en qualité de mandataire successoral ;
CONSTATER et au besoin DIRE et JUGER que Joséphine X... a construit le bien indivis en cause au moyen de se deniers personnels, et réalisé tout acte visant à accroitre l'indivision soit au titre du mandat tacite soit au titre de la gestion d'affaires ;
DIRE et JUGER que Joséphine X... et sa fille la concluante ont réalisé tout acte de conservation du bien indivis en cause en leur qualité d'indivisaire au titre de l'article 815-2 du Code Civil ;
DIRE et JUGER que Joséphine X... et sa fille la concluante ont réalisé tout acte au titre de la gestion et de l'administration de l'indivision au titre du mandat tacite conformément à l'article 815-3 du Code Civil ;
Sur le moyen soulevé d'office par la Cour d'Appel de céans, CONSTATER et au besoin DIRE et JUGER que Madame L... Z... épouse A... n'a jamais demandé la démolition des constructions édifiées par Joséphine X... et par Annick Y... sa fille ;
Qu'en conséquence et par application de la théorie de l'accession par incorporation, les constructions élevées sur un immeuble indivis par l'un des copropriétaires deviennent propriété commune des indivisaires si leur démolition n'est pas demandée.
DIRE et JUGER en conséquence que, Madame Z... épouse A... ne peut bénéficier des améliorations faites par la concluante et son auteure sans leur tenir compte de ses impenses.
Qu'à défaut il y aurait enrichissement sans cause de l'indivision.
DIRE et JUGER en conséquence que la concluante est parfaitement fondée à réclamer le remboursement de l'intégralité des impenses résultant des dépenses effectuées sur ses fonds personnels ou sur ceux de son auteure relativement au bien indivis.
DIRE et JUGER que la réalité et la preuve des dépenses effectuées ont été établies par le rapport d'expertise déposé par Monsieur G... ainsi que par l'arrêt du 21 octobre 2015 rendu par la Cour d'Appel de BASTIA ;
DIRE et JUGER en conséquence que l'intégralité des dépenses réalisées par Joséphine X... et par la concluante faites au titre de l'acquisition, la conservation, l'entretien et l'amélioration devront être retenues sur la base des méthodes de calcul arrêtées par l'expert judiciaire G... selon les règles applicables en la matière ;
RETENIR en conséquence les sommes arrêtées par l'expert judiciaire M. G... soit :
103 747,50 € au titre de la dépense d'acquisition créance personnelle ente époux, somme qui sera réactualisée au jour le plus proche du partage
825 305,00 € au titre des dépenses d'amélioration, somme qui sera réactualisée au jour le plus proche du partage
151 871,53 € au titre des dépenses de conservation et d'entretien du bien indivis, sommes arrêtées au 30 septembre 2011 à réactualiser au 11 janvier 2012 date de la désignation de M. I... en qualité de mandataire successoral
DIRE que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation en partage.
En conséquence FIXER la créance de Mme X... épouse Y... à l'égard de l'indivision successorale à la somme de 977 176,53 €, somme qui sera réactualisée à la valeur au jour le plus proche du partage conformément aux dispositions de l'article 815-13 du Code Civil.
DIT que s'agissant des dépenses de conservations la somme de 151 871,53 € sera payée par prélèvement sur l'actif de l'indivision avant partage conformément aux dispositions de l'article 815-17 alinéa 1 du Code Civil.
FIXER la créance personnelle entre époux qui correspond à la dépense d'acquisition et qui s'élève à la somme de 103 747,50 € somme qui sera également évaluée à la valeur la plus proche au jour du partage.
DIT que cette somme sera payée par prélèvement sur l'actif de l'indivision avant partage conformément aux dispositions de l'article 815-17 alinéa 1 du Code Civil
FIXER le montant des fruits civils pris en compte du 14 juin 2002 au 30 septembre 2011 à la somme de 367 705,30 €.
DIRE que cette somme sera réactualisée au 11 janvier 2012 date de la désignation de M. I... en qualité de mandataire successoral chargé de répartir entre les deux indivisaires les loyers de l'immeuble indivis jusqu'au jour du partage définitif.
FIXER les droits revenant à Mme Y... à la somme de 332 547,35 € déduction faite du montant des fruits civils perçus par elle depuis le 14 juin 2002 sous réserve d'actualisation de cette somme au jour le plus proche du partage.
DIT que cette somme sera payée par prélèvement sur l'actif de l'indivision avant partage conformément aux dispositions de l'article 815-17 alinéa 1 du Code Civil.
DEBOUTER en conséquence Madame Z... de l'intégralité de ses demandes.
CONDAMNER Madame L... Z... à payer à la concluante la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code Procédure Civil outre les dépens.
Madame Z... dans ses écritures du 19 septembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un complet exposé des moyens et des prétentions des parties demande à la cour de :
Vu l'article 463 du code de procédure civile, faire droit aux demandes de Madame Z...; Dire et Juger que Madame Y... X... ne saurait en aucun cas obtenir le remboursement des sommes engagées par feue Joséphine X... pour la construction litigieuse, car elle a disposé du terrain indivis sans le consentement de son co-indivisaire en violation de l'article 815-3 du Code Civil ;
Dire et juger que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause et l'article 815-13 du code civil, soumise au débat par la Cour le 13 septembre 2017, ne peut prospérer tant en vertu de l'article 1134 du code civil en vigueur à l'époque qu'à l'encontre des principes codifiés dans les articles 1303 à 1303-4 du code civil ;
Dire et juger que l'action nouvelle de Madame Y... consécutif à cet arrêt est irrecevable au regard de l'article 463 du code de procédure civile et qu'elle est en outre prescrite en vertu des articles 2222 et 2224 du code civil ;
Dire et juger que les demandes et moyens nouveaux présentés par Madame Y... sont infondés et de plus irrecevables car allant à l'encontre de l'article 463 du code de procédure civile et du dispositif du jugement du 13 novembre 2008 passé en force de chose jugée qui ne peut être modifié ;
En tout état de cause, dire que les impenses concernant le bien indivis ont été compensées par les loyers que feue Joséphine X... a indûment perçus seule pendant plus de vingt ans, en vertu de baux illégalement consentis sans l'accord de son co-indivisaire, et qui les ont totalement couvertes, en dégageant des bénéfices qu'elle a intégralement conservés, de sorte qu'elle ne les a pas exposées sur ses deniers personnels ;
A titre subsidiaire Constater que le chiffrage par Mme Y... au «profit subsistant », d'une créance au titre des dépenses de construction qu'elle prétend fondée sur la gestion d'affaires ou l'enrichissement sans cause, va à l'encontre des articles 1301-2 et 1303 du code civil.
Dans tous les cas, Dire et juger que le chef de demande omis au détriment de Mme Z... vise exclusivement leur remboursement.
Condamner Madame Y... à verser à la concluante 5000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
La condamner à lui payer 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens
SUR QUOI :
Il convient en premier lieu constater que la saisine de la présente juridiction présente une double limite dont les décisions antérieures de cette cour se sont quelque peu départies comme d'ailleurs les parties qui dans leurs écritures ont saisi la cour de demandes multiples excédant totalement le cadre de sa saisine.
Cette saisine est en premier lieu limitée par l'étendue de l'acte ayant saisi la cour d'appel de Bastia, c'est à dire la requête en omission de statuer présentée par Mme Z... et dont le dispositif est ainsi libellé :
«Faire droit à la présente requête ;
Vu l'article 815-3 du code civil, dire et juger que Mme X... ne saurait en aucun cas obtenir le remboursement des sommes engagées pour la construction litigieuse édifiée sans le consentement de son co-indivisaire.
En tout état de cause dire que les dépenses d'amélioration de conservation et d'entretien de l'immeuble ne pourront qu'être compensées avec les loyers que Mme X... a indûment perçus pendant plusieurs années.»
Elle est en second lieu limitée par les termes de l'arrêt de cassation qui a cassé l'arrêt rectificatif rendu par la cour d'appel de Bastia le 11 janvier 2012, seulement en ce qu'il a «dit que Madame Annick Y... X... , en sa qualité d'héritière de Joséphine X..., peut prétendre au remboursement des sommes engagées par elle au titre de l'acquisition, de la conservation et de l'entretien du bien excédant la moitié de la somme totale par elle payée de ce chef et dit que ces sommes pourront être compensées avec celles qui devront être rapportées au titre des loyers perçus depuis le 14 juin 2002" .
Il appartient en conséquence à la présente juridiction de rechercher si effectivement il n'a pas été répondu par la cour d'appel de Bastia dans son arrêt du 14 avril 2010 aux demandes évoquées par Mme Z... dans sa requête et dans l'affirmative de statuer sur ces seuls chefs de demande. Il ne lui appartient nullement de se substituer à la juridiction actuellement saisie de la poursuite des opérations de partage à la suite du dépôt du rapport d'expertise et qui a sursis à statuer jusqu'à la décision définitive sur la requête en omission de statuer.
SUR L'EXISTENCE D'UNE OMISSION DE STATUER :
L'examen des écritures de Mme Z... devant le tribunal de grande instance de Bastia en date du 7 février 2008 révèle qu'elle ne comportent ni dans les motifs ni dans le dispositif une demande tendant à ce qu'il soit jugé par le tribunal que Mme X... n'était pas fondée à réclamer quelque somme que ce soit du fait de l'édification sur le terrain indivis d'un immeuble ce qui était logique puisque Mme X... se prétendait à l'époque seule propriétaire du terrain et de l'immeuble édifié et ne formulait aucune prétention à ce titre.
Le jugement rendu par le tribunal de Bastia ne fait donc aucune référence à la question d'un remboursement éventuel de Mme X... et ne statue pas sur cette question.
Par contre l'examen des conclusions de Mme Z... épouse A... déposée devant la cour d'appel de Bastia le 15 octobre 2009 permet de constater dans le dispositif l'existence d'une demande ainsi formulée :
«Dire et juger que Madame X... ne saurait en aucun cas obtenir le remboursement des sommes engagées pour l'édification de la construction litigieuse, en tout état de cause , dire que ces sommes ne pourront qu'être compensées avec les loyers que Madame X... a indûment perçus pendant plusieurs années ».
Cette demande qui n'avait pas été formulée précédemment répondait manifestement à l'évolution de la position de Mme X... qui en première instance n'avait apporté aucun subsidiaire à sa demande tendant à être déclarée seule propriétaire du bien litigieux mais qui avait formulé en appel un subsidiaire.
Compte tenu de l'indivisibilité qui s'attache aux opérations de partage ni la demande subsidiaire de Mme X... ni la demande de Mme Z... ne pouvant être considérées comme nouvelles de sorte qu'il appartenait à la cour d'appel de statuer sur ce chef de demande de Mme Z....
En confirmant simplement le jugement de première instance sans statuer sur la demande de Mme Z... la cour a effectivement commis une omission de statuer.
Il appartient donc à la présente juridiction de statuer sur la demande de Madame Z... telle qu'elle a été présentée à la cour d'appel de Bastia , demande qui est largement plus limitée que ce que les parties sollicitent dans leurs écritures respectives , incitées il est vrai par les arrêts avant dire droit de cette cour , et qui sont totalement en dehors de sa saisine.
Madame Z... demandait à la cour deux choses :
En premier lieu dire que Mme X... ne pouvait solliciter le remboursement des sommes engagées pour « l'édification de la construction litigieuse».
En second lieu qu'il y convenait de compenser les sommes éventuellement retenues au titre des dépens avec les loyers perçus par Mme X....
Il résulte de ce qui précède :
- que les seules dépenses évoquées par Mme Z... dans ses écritures étaient les dépenses d'édification de la construction ce qui signifie que la cour ne pourrait sans excéder sa saisine statuer sur le droit de madame X... à solliciter le remboursement des dépenses d'acquisition du terrain ainsi que d'entretien ou d'amélioration de la construction litigieuse.
- que s'agissant d'une demande négative il n'appartient pas à la cour, malgré ce qui a été indiqué par le précédent arrêt avant dire droit, de chiffrer le montant des dépenses dont Mme X... serait en droit de solliciter le remboursement mais simplement de statuer sur le principe de ce droit et éventuellement sur le mode de calcul de l'indemnité due.
- que si la cour retient le principe d'un droit de Mme X... lié à l'édification de l'immeuble litigieux elle devra indiquer si une compensation entre ces sommes et les loyers encaissés par Mme X... doit être ordonnée sans cependant remettre en cause la disposition définitive de la cour ( par confirmation du jugement de première instance) selon laquelle « Mme X... sera redevable des fruits et des revenus qu'elle a perçu de l'exploitation de ce bien depuis le 14 juin 2002 et qui ont accru à l'indivision.»
SUR LE DROIT A REMBOURSEMENT DE MME X... K... DE L'IMMEUBLE LITIGIEUX SUR LE TERRAIN INDIVIS :
La cour d'appel de Bastia a dans son arrêt du 14 avril 2010 tranché définitivement la question de la nature du terrain sur lequel a été édifiée la construction litigieuse en indiquant :
«Dit que le bien immobilier sis à [...], lieudit [...], figurant au cadastre rénové section [...] , est un bien indivis pour avoir été acquis par Emmanuel Z... et son épouse née Joséphine X....»
L'immeuble ayant été édifié sur un terrain indivis il est devenu par voie d'accession, en application des dispositions des articles 551 et 555 du code civil, indivis lui même.
Se pose dès lors la question de la possibilité pour celui qui a construit de solliciter du coindivisaire le remboursement des dépenses de constructions et celle des textes applicables à cette demande.
Une telle demande ne peut se fonder en l'espèce sur l'existence d'une créance entre époux, relevant des dispositions combinées des articles 1543, 1469 et 1479 du code civil puisqu'il résulte de la procédure que l'immeuble a été édifié après le décès de M. Z....
Elle peut dès lors relever soit de l'article 555 en son 3ème alinéa soit de l'article 815-13 du code civil , les conséquences du choix étant modérées puisque Mme Z... épouse A... ne sollicite pas la démolition des ouvrages édifiées mais n'étant cependant pas nulles notamment en ce que les dispositions de l'article 815-13 incluent une notion d'équité qui est absente de l'article 555.
Il y a lieu de considérer en application de la règle selon laquelle les lois spéciales dérogent au lois générales que c'est l'article 815-13 qui concerne spécifiquement les règles propres aux indivisions qui doit s'appliquer.
Celui-ci dispose que : «Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation.».
La construction d'un immeuble de rapport sur le terrain nu ayant incontestablement valorisé celui-ci Madame Y... en sa qualité d'ayant-droit de Mme X... est bien fondée, même si elle ne justifie pas avoir obtenu l'accord de son coindivisaire à réclamer à l'indivision une indemnité correspondant à cette valorisation à évaluer au jour du partage sous réserve d'une modulation par la décision qui évaluera la somme correspondante en fonction de ce que l'équité commande.
Il convient donc, réparant l'omission affectant la décision du 14 avril 2010 de statuer dans ce sens sur la demande concernant la possibilité pour Mme X... de solliciter le remboursement des frais de construction.
SUR LA COMPENSATION AVEC LES LOYERS :
Le tribunal de Bastia dans sa décision du 13 novembre 2008 et la cour d'appel qui dans son arrêt du 14 avril 2010 a confirmé la décision de première instance ont déjà indiqué dans une formule exempte d'ambiguité que « Mme X... sera redevable des fruits et des revenus qu'elle a perçu de l'exploitation de ce bien depuis le 14 juin 2002 et qui ont accru à l'indivision.» Le principe et l'étendue de la créance dont l'indivision disposait à cet égard sur Mme X... a donc déjà été tranché et ne saurait donner lieu à omission de statuer. La seule omission concerne les conditions d'une compensation entre les loyers perçus et les dépenses réalisées.
La compensation entre la créance sur l'indivision dont disposait Mme X... et la créance dont l'indivision disposait à son égard ne saurait être opérée à ce stade des opérations de partage mais elle interviendra nécessairement au moment du règlement des comptes d'indivision par une balance entre les articles de crédit et les articles de débit de chaque indivisaire.
Mme Z... tente cependant dans ses écritures , sous couvert de compensation, de faire juger que les travaux réalisés par mme X... ont été intégralement financés par les revenus de l'indivision qu'elle a perçus illégalement de sorte qu'elle ne les aurait pas financés sur ses deniers personnels et ne serait pas recevable à en solliciter le remboursement.
Cette demande au travers de laquelle Mme Z... tente manifestement de revenir sur la limitation opérée par le tribunal puis la cour d'appel de Bastia dans la prise en compte des loyers par le jeu de la prescription à la seule période postérieure au 14 juin 2002 ne peut cependant être rattachée à la demande de compensation qu'elle avait présentée devant la cour d'appel de Bastia et sur laquelle il n'a pas été statué, étant d'une toute autre nature. Elle n'entre donc pas dans le cadre de l'omission de statuer dont est saisie la présente juridiction.
SUR LES AUTRES DEMANDES DES PARTIES :
Dans leurs écritures devant la cour de renvoi les parties ont formulé des demandes multiples rappelées dans l'exposé de leurs prétentions , demande qui excèdent totalement le cadre de la requête en omission de statuer et qui doivent à ce titre être déclarées irrecevables.
SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS :
S'agissant d'une requête en omission de statuer sur laquelle Mme Z... obtient partiellement satisfaction il ne peut être soutenu qu'elle a fait montre d'une résistance abusive susceptible de donner lieu à dommages et intérêts.
La demande de Mme Y... de ce chef sera donc rejetée.
SUR LES DEMANDES FONDÉES SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
L'équité ne commande nullement dans le cadre d'une requête en omission de statuer que l'une ou l'autre des parties soit condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de ce chef seront donc rejetées.
SUR LES DÉPENS :
S'agissant d'une requête en omission de statuer partiellement justifiée les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge du Trésor Public.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Constate qu'il n'a pas été statué par la décision du 14 avril 2010 sur la demande de Madame Z... tendant à ce qu'il soit dit et jugé que «Madame X... ne saurait en aucun cas obtenir le remboursement des sommes engagées pour l'édification de la construction litigieuse»
Statuant sur cette prétention dit que Mme X... était fondée à solliciter de l'indivision le remboursement des dépenses de construction de l'immeuble édifié sur le terrain indivis suivant les règles prescrites à l'article 815-13 du code civil.
Dit que les demandes concernant l'acquisition du terrain, les dépenses de conservation d'amélioration ou d'entretien, comme celles tendant au chiffrage des remboursements ne peuvent être accueillies dans le cadre limité de la requête en omission de statuer.
Constate qu'il n'a pas été statué par l'arrêt du 14 avril 2010 sur la demande de Mme Z... tendant à la compensation entre les dépenses dont mme X... sollicitait le remboursement et les loyers qu'elle a perçus.
Statuant sur cette prétention dit que la compensation ne saurait être opérée à ce stade des opérations de partage mais qu'elle interviendra nécessairement au moment du règlement des comptes d'indivision par une balance entre les articles de crédit et les articles de débit de chaque indivisaire.
Déclare irrecevables les autres demandes des parties comme excédant le cadre de la requête en omission de statuer.
Déboute Mme Y... de sa demande de dommages et intérêts.
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens de la présente instance demeureront à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT