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29/01/2019 | FRANCE | N°18/09116

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 29 janvier 2019, 18/09116


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 29 JANVIER 2019

D.D

N° 2019/













Rôle N° RG 18/09116 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCQYG







X..., Marie, Marc Y...





C/



Randa Z... épouse A...





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me B...

Me C...
















r>Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 18 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17-799.





APPELANT



Monsieur X..., Marie, Marc Y...

né le [...] à Boulogne Billancourt

de nationalité Française, demeurant [...]



représenté par Me L...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 29 JANVIER 2019

D.D

N° 2019/

Rôle N° RG 18/09116 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCQYG

X..., Marie, Marc Y...

C/

Randa Z... épouse A...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me B...

Me C...

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 18 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17-799.

APPELANT

Monsieur X..., Marie, Marc Y...

né le [...] à Boulogne Billancourt

de nationalité Française, demeurant [...]

représenté par Me Ludovic B..., avocat au barreau de MARSEILLE

assisté par par Me Paul-Marie D..., avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

Madame Randa Z... épouse A...,

demeurant [...]

représentée et assistée par Me Joseph C..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame DEMONT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2019.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Par ordonnance en date du 18 janvier 2018 le tribunal de grande instance de Toulon a prononcé l'exequatur de l'acte de défaut de biens du 14 novembre 2002 par l'Office des poursuites du district de Lausanne entre M. X... Y... et le créancierRanda A... au titre des 'deux reconnaissances de dette du 1er mars [...] USD -1'400'000 FF- compte 619 958,50 CHF' (sic).

Le 30 mai 2018 et le 21 juin 2018 M. X... Y... a relevé appel de cette décision. Les deux procédures d'appel ont été jointes par une ordonnance du 29 juin 2018.

Par conclusions du 19 juillet 2018 M. X... Y... demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, de dire que l'acte de défaut de biens ne peut pas faire l'objet d'une procédure d'exequatur en application de la Convention de Lugano, de la Convention de La Haye et du code de procédure civile, de débouter Mme de Randa Z... épouse A... de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L'appelant soutient qu'en application des articles 46 et 47 de la Convention de Lugano, la partie qui demande l'exécution doit produire, lorsque la décision est rendue par défaut, l'original ou une copie certifiée conforme du document établissant que l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent a été signifié ou notifié à la partie défaillante et tous documents de nature à établir que selon la loi de l'État d'origine la décision est exécutoire et qu'elle a été signifiée ; et que Mme Randa Z... épouse A... ne produit aucun acte postérieur à l'acte de défaut de biens du 14 novembre 2002 lequel au surplus ne comporte aucune apostille au sens de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 qui seule peut attester du caractère légal en Suisse de l'acte de défaut de biens.

Par conclusions du 23 novembre 2018 MmeRanda Z... épouse A... demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise, de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle soutient que l'acte de défaut de biens constitue un titre exécutoire selon le droit suisse ; que la décision étrangère ne peut pas faire l'objet d'une révision au fond en application de l'article 29 de la Convention de Lugano ; qu'il n'est pas besoin de l'apostille prévue par la convention de La Haye du 5 octobre 1961 puisque cette formalité n'est pas prévue par la convention de Lugano du 16 septembre 1988 qui dispose en son article 49 qu'aucune « légalisation ou autre formalité n'est exigée en ce qui concerne les documents mentionnés aux articles 46, 47 et 48 »; que la légalisation prévue par la convention de La Haye n'est qu'une simple preuve de l'authenticité, de sorte qu'elle n'est pas exigée à peine de nullité et que le juge de l'exequatur peut se déclarer convaincu de l'authenticité du document présenté sur la foi d'autres indices ; qu'il n'y a pas besoin de signification puisque M. Y... a parfaitement connaissance de l'acte de défaut de biens dans la mesure où il a été rendu suite à tous les recours qu'il a lui-même formés ; que l'acte ne vise qu'à constater la créance sur un débiteur poursuivi insolvable ; qu'il s'agit seulement d'une décision d'exécution dans le cadre de la procédure de faillite de droit suisse ; qu'il s'agit d'un titre exécutoire au sens du droit de l'État d'origine qui ne peut plus faire l'objet d'aucun recours devant les juridictions suisses ; et que sa force exécutoire n'est pas conditionnée par sa signification au débiteur qui a participé à la procédure de faillite et qui a fait valoir ses droits au cours de la procédure.

Le ministère public a reçu communication de la procédure et a conclu à l'infirmation de la décision entreprise le 19 novembre 2018.

Il soutient :

' qu'en application de l'article 32 de la convention de Lugano :

1. La requête est présentée en France devant le président du tribunal de grande instance ;

2. La juridiction territorialement compétente est déterminée par le domicile de la partie contre laquelle l'exécution est demandée. Si cette partie n'est pas domiciliée sur le territoire de l'État requis, la compétence est déterminée par le lieu de l'exécution ; et que si ces conditions ont été respectées, en revanche selon l'article 33 de la convention de Lugano dispose :

« Les modalités du dépôt de la requête sont déterminées par la loi de l'État requis.

Le requérant doit faire élection de domicile dans le ressort de la juridiction saisie. Toutefois si la loi de l'État requis ne connaît pas l'élection de domicile, le requérant désigne un mandataire ad litem. Les documents mentionnés aux articles 46 et 47 sont joints à la requête. » ; que ces conditions n'ont pas été respectées en première instance, ni davantage en cause d'appel, puisque dans ses conclusions devant la cour, l'intimée n'a toujours pas fait élection de domicile dans le ressort ;

' qu'en application des articles 46 et 47 de la convention de Lugano, la partie qui demande l'exécution doit produire :

1. Une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité

2. Lorsque la décision est rendue par défaut, l'original ou une copie certifiée conforme du document établissant que l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent a été signifié ou notifié à la partie défaillante, et tous documents de nature à établir que selon la loi de l'État d'origine la décision est exécutoire et qu'elle a été signifiée ;

' que le ministère public n'a pas reçu les pièces des parties mais que le bordereau vise 7 pièces dont la cour doit apprécier si les conditions de l'article 46 sont bien remplies notamment quant à l'authenticité par l'apposition d'une apostille sur chacune des décisions judiciaires produites, en vertu de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ;

' que selon l'article 47.1 de la Convention de Lugano : « La partie qui demande l'exécution doit en outre produire tout document de nature à établir que selon la loi de l'État d'origine, la décision est exécutoire et qu'elle a été signifiée » alors qu'il apparaît que l'intimée ne produit aucunes significations, lesquelles doivent être revêtues d'une apostille elles aussi ;

' et que selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, la cour doit s'assurer que les décisions dont l'exequatur est demandée est passée en force de chose jugée (« il appartient à la partie qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire étrangère d'établir qu'elle est passée en force de chose jugée ») ;

Motifs

Attendu que la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance, l'exécution des décisions en matières civile et commerciale signée à Lugano le 30 octobre 2007 par la Confédération suisse et les Etats membres de l'union européenne, entrée en vigueur le 1er janvier 2011, dispose en son article 33 que « Les décisions rendues dans un État lié par la présente Convention sont reconnues dans les autres États liés par la présente Convention, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. (') » ; que toute partie intéressée peut faire constater que la décision doit être reconnue, selon les modalités simplifiées prévues par la Convention ;

Que l'article 32 de celle-ci précise qu'« Aux fins de la présente Convention, on entend par 'décision', toute décision rendue par une juridiction d'un État lié par la présente Convention quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, telle qu'arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d'exécution ainsi que la fixation par le greffier du montant des frais du procès. » ;

Que l'article 53.1 de la Convention ajoute : « La partie qui invoque la reconnaissance d'une décision ou sollicite la délivrance d'une déclaration constatant sa force exécutoire doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité »;

Attendu que si aucune légalisation ni formalité analogue n'est exigée en ce qui concerne les documents produits, l'acte de défaut de bien du 14 novembre 2002 dont il est demandé de reconnaître la force exécutoire en France est un duplicata délivré le 28 septembre 2017 qui est revêtu d'un cachet qui mentionne seulement en style télégraphique :

« Acte de défaut de biens

après saisie selon l'article 149 LP

Titre et date de la créance ou cause de l'obligation :

Reconnaissance de dette du 1er mars 1993 pour 100'000 au cours de 1,2610 le 15 octobre 1996.

Reconnaissance de dette du 1er mars 19913 pour 1'400'000 FF au cours de 24,28 le 15 octobre 1996 (CHF 619 958,50).

Montant total à découvert 619'958,50 payable à CCP10-480-2

Bénéficiaire : Office des poursuites du district de Lausanne.

Cet acte de défaut de biens remplace le précédent. Le créancier ne peut reprendre la poursuite que moyennant une nouvelle réquisition de poursuite. Dans la nouvelle poursuite, il devra joindre cet acte de défaut de biens à la réquisition de continuer la poursuite.

Acte de défaut de biens a les effets figurant aux articles 149 et 149a (cf. verso) »

et qu'il est dit au verso :

« La créance constatée par un acte de défaut de biens se prescrit par 20 ans à compter de la délivrance de l'acte de défaut de biens. »

Attendu que cet acte ne comporte l'énoncé d'aucune décision au sens de l'article 32 de la Convention ; que d'après les mentions qui y figurent il doit ensuite avoir été « délivré » au débiteur concerné, ni appelé, ni entendu ;

Attendu qu'aucun élément du droit suisse n'a été communiqué à la présente cour par la requérante ; que c'est sans fondement textuel que l'ordonnance déférée a retenu que l'acte de défaut de biens pouvait constituer un titre exécutoire au sens du droit suisse ;

Qu'en réalité la nature juridique de l'acte dit 'de défaut de biens' du 14 novembre 2002 et de l'Office des poursuites du district de Lausanne lui-même demeure indéterminée ;

Que faute d'élément sur le droit étranger, il n'est pas établi qu'il s'agisse d'une décision au sens de l'article 32 de la Convention et non d'un simple acte d'exécution dépourvu de caractère juridictionnel ;

Attendu qu'en toute hypothèse il doit être relevé que Mme Randa Z... épouse A... n'a pas annexé à sa requête aux fins d' 'exequatur' un certificat établi dans les formes prévues par l'annexe V de la Convention de Lugano et revêtu de l'apostille prévue par la convention de La Haye du 5 octobre 1961 aux termes duquel l'Office des poursuites attesterait du caractère exécutoire dans l'État d'origine de l'acte de défaut de biens ;

Attendu qu'en application de l'article 53. 2 de la Convention :

« La partie qui sollicite la délivrance d'une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision doit aussi produire le certificat visé à l'article 54, sans préjudice de l'article 55. »

Que l'article 54 dispose :

« La juridiction ou l'autorité compétente d'un État lié par la présente Convention, dans lequel une décision a été rendue délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l'annexe V de la présente Convention. » ;

Que ce certificat est décrit à l'annexe V comme précisant le type de juridiction ayant prononcé la décision, la date de signification ou de notification de l'acte introductif d'instance dans le cas où la décision a été rendue par défaut, le texte de la décision et il atteste que cette décision est exécutoire dans l'État d'origine contre la personne dénommée ;

Que l'article 55 ajoute enfin :

« 1. À défaut de production du certificat visé à l'article 54, la juridiction ou l'autorité compétente peut impartir un délai pour le produire ou accepter un document équivalent ou, s'elle estime suffisamment éclairée, en dispenser. » ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à quelque dispense, la cour ne disposant pas d'éléments d'information suffisants ;

Qu'aucun acte postérieur à l'acte de défaut de biens du 14 novembre 2002 n'étant versé aux débats par la requérante, le caractère exécutoire de celui-ci n'est pas établi, en l'absencede toute justification de délivrance de l'acte à l'intéressé, d'après les termes mêmes de l'acte, ;

Attendu que l'ordonnance qui a constaté la force exécutoire en France de la décision étrangère doit donc être réformée ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance du président du tribunal de grande de Toulon en date du 18 janvier 2018 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et ajoutant

Rejette la requête de Mme Randa Z... épouse A... tendant à voir déclarer exécutoire en France l'acte de défaut de biens du 14 novembre 2002 émanant de l'Office des poursuites du district de Lausanne entre M. X... Y... et le créancier Mme Randa Z... épouse A...,

Condamne Mme Randa Z... épouse A... aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application de ce texte.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

RG 18/9116

Chambre 1 - 1

(anciennement dénommée 1ère Chambre A)


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 18/09116
Date de la décision : 29/01/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°18/09116 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-29;18.09116 ?
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