COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
(anciennement dénommée 15ème Chambre A)
ARRÊT AU FOND
DU 24 JANVIER 2019
N° 2019/73
N° RG 18/14255 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC74H
Alexey P... X...
H... N... Y...
C/
Z... A...
Samira B... épouse A...
SA DEUTSCHE BANK
Organisme TRESOR PUBLIC COMPTABLE IMPOTS RECETTE NON RESIDEN TS
Société BM-BANK PUBLIC JOINT-STOCKCOMPANY
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Nikita C...
Me Michel D...
Me Frédéric E...
Me Agnès O...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 31 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00190.
APPELANTS
Monsieur Alexey X...
né le [...] , de nationalité Russe, demeurant [...] MOSCOU - RUSSIE ès qualités de 'gérant financier' de Monsieur Z... A...
représenté par Me Nikita C... de la F... , avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Sarah G..., avocat au barreau de GRASSE, plaidant
Monsieur H... Y...
né le [...] , de nationalité Russe, demeurant [...] - 119313 MOSCOU - RUSSIE ès qualités de 'gérant financier' de Monsieur Z... A...
représenté par Me Nikita C... de la F... , avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Sarah G..., avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur Z... A...
né le [...] à BAKOU, demeurant [...] -14302 MOSCOW RUSSIE
représenté par Me Michel D..., avocat au barreau de GRASSE substitué par Me I... J..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame Samira B... épouse A...
née le [...] à BAKOU, demeurant [...]
représentée par Me Michel D..., avocat au barreau de GRASSE substitué par Me I... J..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SA DEUTSCHE BANK immatriculée au RCS de GENEVE sous le n° (.....), demeurant [...]
représentée par Me Frédéric E... de la SCP E... - MONASSE & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE, assisté par Me Etienne K..., avocat au barreau de PARIS
TRESOR PUBLIC COMPTABLE IMPOTS RECETTE NON RESIDEN TS représenté par son représentant légal domiciliéen cette qualité audit siège, demeurant [...]
défaillant
Société BM-BANK PUBLIC JOINT-STOCKCOMPANY anciennement dénommée Bank Moskvy ou Bank of Moscow, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [...]
représentée par Me Agnès O... de la SCP ERMENEUX- ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Alexandre L..., avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2019.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2019,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
En vertu de la copie exécutoire d'un acte le 6 décembre 2011 par Maître Marc M..., notaire à PARIS, acte contenant prêt, la SA DEUTSCHE BANK (Suisse) de droit suisse a fait délivrer par exploits des 21 et 25 juillet 2016 à monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A... un commandement de payer la somme de 13 196 883,60 euros en principal, intérêts et accessoires, emportant saisie immobilière des biens et droits immobiliers leur appartenant sis sur la commune d'ANTIBES (06600)[...] cadastré section [...] pour 56 ares et 90ca.
Ce commandement publié le 14 septembre 2016 étant demeuré vain, la SA DEUTSCHE BANK a fait assigner les débiteurs à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, audience à laquelle est intervenu volontairement monsieur Alexey P... X... , es qualités de gérant financier de monsieur Z... A..., lequel a sollicité un sursis à statuer sur la demande de la banque en vertu de l'article L 622-21 du code de commerce, dans l'attente de l'issue de la procédure d'exequatur qu'ils ont initiée es qualités.
Après un jugement avant dire droit du 4 mai 2017 et l'intervention volontaire à l'instance de monsieur H... N... Y... ès qualités de gérant financier dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de monsieur A..., le juge de l'exécution a, par jugement du 31 mai 2018, dont appel, :
-déclaré messieurs X... et Y... irrecevables en leur intervention volontaire,
-dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,
-débouté monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A... de toutes leurs contestations,
-dit que les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies,
-mentionné la créance de la SA DEUTSCHE BANK (Suisse) pour un montant de 13 196 883,60 euros arrêtée au 27 mai 2016 en principal, frais, intérêts et autres accessoires sans préjudice des intérêts postérieurs jusqu'à la distribution du prix de vente,
-ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis et fixé la date de l'audience d'adjudication au 13 septembre 2018.
Monsieur H... N... Y... et monsieur Alexey P... X... ont relevé appel de cette décision par déclaration du 30 août 2018 visant l'ensemble des chefs du jugement.
Ils ont été autorisés à assigner à jour fixe par ordonnance du 4 septembre 2018 et les assignations délivrées à cette fin par actes des 5 et 10 octobre 2018 ont été remises au greffe le 29 novembre 2018.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 23 novembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, monsieur Alexey P... X... et monsieur H... N... Y... demandent à la cour de :
-les déclarer recevables en leur appel,
-annuler le jugement déféré,
-à défaut le réformer dans toutes ses dispositions,
-en toute hypothèse, statuant de nouveau,
-surseoir à statuer sur la demande de la SA DEUTSCHE BANK dans l'attente de l'issue des procédures d'exequatur qu'ils ont initiées,
-écarter des débats les pièces 3, 6 à 11 de la SA DEUTSCHE BANK,
-prononcer à défaut la nullité des poursuites en saisie immobilière,
-débouter la SA DEUTSCHE BANK de toutes ses demandes,
-condamner la SA DEUTSCHE BANK à leur verser la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente dont distraction au profit de maître Nikita C..., avocat au barreau de Grasse, aux offres de droit.
A l'appui de leurs prétentions, messieurs Y... et X... exposent que par jugement du 2 septembre 2016, la cour d'arbitrage de la région de Moscou a ouvert à l'encontre de monsieur Z... A... une procédure tendant à restructurer ses dettes, monsieur Alexey P... X... ayant été désigné en qualité de gérant financier.
Ils soutiennent que cette décision s'apparente à une décision de redressement judiciaire en droit français, le gérant financier ayant pour fonction d'évaluer les dettes de monsieur Z... A..., dessaisi de ses droits de disposer librement de ses actifs, et de désintéresser les créanciers.
Par décision du 16 mars 2017 confirmée par l'arrêt de la cour d'appel d'arbitrage de Moscou du 15 août 2017, la cour d'arbitrage de la région de Moscou a converti la procédure ouverte à l'encontre de monsieur Z... A... en liquidation judiciaire, monsieur H... N... Y... ayant été désigné en qualité de gérant financier.
Ce dernier est ainsi intervenu à la procédure d'exequatur initiée par monsieur Alexey P... X... .
Messieurs Y... et X... sollicitent l'annulation du jugement en vertu de l'article 16 du code de procédure civile aux motifs que le juge de l'exécution, qui les a déclarés irrecevables en leur intervention volontaire en l'absence de décision certifiée conforme par les juridictions russes et de leur traduction conforme en langue française, a soulevé ces moyens sans réouvrir les débats et alors même qu'aucune des parties n'avait mis en doute l'existence des ces décisions et leur traduction.
Ils demandent en tout état de cause la réformation du jugement dans la mesure où aucun texte n'impose à une partie de produire en justice les pièces en original ou certifiées conformes.
Sur le fond, ils concluent au sursis à statuer dans la mesure où leur demande d'exequatur des décisions russes fait l'objet d'une instance devant le tribunal de grande instance de Grasse dont le jugement est en cours de délibéré.
Ils soulignent que la SA DEUTSCHE BANK est intervenue volontairement à l'instance d'exequatur de sorte qu'elle est mal venue à remettre en cause la qualité de gérant financier de monsieur H... N... Y... et l'absence d'éléments de preuve de la dite procédure.
Ils soutiennent que les décisions russes des 16 mars et 15 août 2017 constituent des faits juridiques produisant en France des effets indépendamment de la procédure d'exequatur dont le juge de l'exécution aurait dû tenir compte.
A titre subsidiaire, ils affirment que la SA DEUTSCHE BANK ne dispose pas d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible au vu des pièces versées aux débats.
Ils soulignent à cet effet que la convention de poste restante n'est pas traduite en français ni en russe, de sorte que les époux A... n'ont pu valablement s'engager.
Ils demandent d'écarter des débats la pièce 7, les pièces 8 à 11 en l'absence de traduction et de destinataire ainsi que la pièce 10 qui est illisible.
Monsieur Alexey P... X... et monsieur H... N... Y... affirment enfin que la SA DEUTSCHE BANK ne justifie pas d'une déclaration de créance au passif de monsieur Z... A... de sorte que les poursuites en saisie immobilière doivent être annulées.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 3 décembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la SA DEUTSCHE BANK demande à la cour :
-déclarer monsieur H... N... Y... et monsieur Alexey P... X... irrecevables en leurs appels,
-à titre principal, confirmer que monsieur H... N... Y... et monsieur Alexey P... X... sont irrecevables en leur intervention volontaire,
-à titre subsidiaire, si la cour déclare leur intervention volontaire recevable, confirmer le rejet de la demande de sursis à statuer de monsieur Alexey P... X... ,
-en tout état de cause, confirmer que sa créance est liquide, certaine et exigible,
-confirmer la validité de la saisie immobilière,
-confirmer la fixation de sa créance à la somme de 13 196 883,60 euros provisoirement arrêtée au 27 mai 2016, sauf mémoire,
-condamner solidairement monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A... aux entiers dépens de l'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, la SA DEUTSCHE BANK soutient que l'ordonnance dénoncée dans l'assignation à jour fixe par messieurs Y... et X... n'est pas signée ce qui ne permet pas de constater sa date. Les conditions prévues à l'article R 322-19 du code des procédures civiles d'exécution n'étant pas respectées, leur appel est irrecevable.
Elle conclut par ailleurs à l'irrecevabilité de l'appel de monsieur Alexey P... X... et monsieur H... N... Y... en faisant siens les motifs du jugement d'orientation, soutenant que les gérants financiers n'ont aucune prétention accessoire, n'ayant aucun droit sur le bien objet de la saisie et par conséquent d'intérêt agir pour la conservation de leurs droits.
Elle ajoute que :
-messieurs Y... et X... n'ont pas justifié de la recevabilité de leur intervention volontaire,
-les décisions, dont ils se prévalent, n'ont aucun effet juridique en France en l'absence d'exequatur et ne peuvent dès lors entraîner la suspension des poursuites individuelles,
-messieurs Y... et X... ne rapportent pas la preuve que les décisions rendues les 16 mars et 15 août 2017 et celle du 02 septembre 2016 ne sont plus susceptibles de recours ni que les époux A... en aient été destinataires,
-messieurs Y... et X... sont irrecevables à agir en raison de l'absence d'intérêt pour intervenir dans la présente procédure,
-une décision de faillite rendue à l'étranger n'est pas de nature à justifier la suspension des poursuites individuelles en l'absence d'exequatur en France,
-la production d'une consultation d'avocats concernant la procédure de faillite en Russie est insuffisante pour conférer aux décisions de la cour d'arbitrage de Moscou un quelconque effet juridique en France spécialement en l'absence de traduction officielle.
La SA DEUTSCHE BANK conclut également à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer de messieurs Y... et X... en l'absence de lien suffisant de leurs interventions volontaires avec les prétentions des parties et dans la mesure où leur demande se fonde sur une décision russe dépourvue d'exequatur.
La SA DEUTSCHE BANK affirme que sa créance est exigible depuis le 5 avril 2016 en vertu de l'article 20 du contrat de prêt, faute de remboursement du prêt par les débiteurs ; elle précise avoir adressé aux époux A... les lettres de déchéance du terme à la dernière adresse qu'ils avaient communiquée, en poste restante conformément à la convention qu'ils avaient signée, à leur conseil russe, par e-mail et par la poste russe, ces pièces étant recevables pour avoir été communiquées le 14 septembre 2017 avant l'audience d'orientation en date du 14 décembre 2017.
Elle conclut enfin à la liquidité de sa créance aux motifs que :
-la convention de crédit permet de calculer les sommes dues par les débiteurs,
-les sommes dues sont récapitulées et détaillées au commandement de payer valant saisie.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 5 décembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A... demandent à la cour de :
-débouter messieurs Y... et X... de leur appel,
-constater que la SA DEUTSCHE BANK ne justifie pas de la régularité des poursuites,
-prononcer par conséquent la nullité des poursuites en saisie immobilière,
-débouter la SA DEUTSCHE BANK de toutes ses demandes à leur encontre,
-à titre subsidiaire et en tout état de cause, faire injonction aux créanciers ayant déclaré leur créance de produire toutes pièces justificatives de leur créance,
-leur donner acte de ce qu'ils pourront proposer une défense en la forme ou au fond ou solliciter la vente amiable du bien immobilier,
-constater que les poursuites doivent être suspendues en l'état de la procédure collective en Russie,
-statuer ce que de droit sur les dépens,
-condamner monsieur Alexey P... X... et monsieur H... N... Y... ou tout autre à leur payer à chacun la somme de 7000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de leurs prétentions, les époux A... demandent de débouter messieurs Y... et X... de leur appel, en l'absence d'intérêt à agir, ces derniers n'étant ni leurs créanciers, ni inscrits, ni détenteurs de droit sur le bien saisi.
Sur le fond, ils demandent que :
-la SA DEUTSCHE BANK s'explique sur la délivrance de deux commandements de payer aux fins de saisie et sur la publication de ces commandements afin de vérifier si les délais ont été respectés,
-la SA DEUTSCHE BANK produise le courrier adressé par l'huissier de justice sur le fondement de l'article 686 du code de procédure civile afin de vérifier qu'elle a été délivrée dans les délais.
Ils affirment que la SA DEUTSCHE BANK ne peut poursuivre monsieur Z... A... au vu de la législation russe en matière de procédure collective qui entraîne la suspension des procédures de recouvrement des créanciers.
Si la cour estime que la procédure initiée en France est régulière, ils demandent ainsi de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure collective en Russie.
Ils estiment au surplus qu'en raison du rejet de la demande d'inscription de la créance de la SA DEUTSCHE BANK au registre des créanciers par les juridictions russes, seule la société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY recevra la totalité du produit de la vente de sorte que le créancier poursuivant n'a plus qualité pour agir.
Ils indiquent que l'exequatur de la décision de faillite n'est nécessaire que pour la force exécutoire contenue à cette décision et que cette procédure collective connue de l'ensemble des parties à la présente procédure leur est opposable.
La suspension des poursuites s'impose.
Les époux A... indiquent qu'aux termes de l'acte de prêt, la créance de la SA DEUTSCHE BANK n'est pas exigible que le 6 décembre 2021. Dans la mesure où le commandement de payer valant saisie ne vise pas ainsi une créance certaine, liquide et exigible, il doit être annulé.
Ils ajoutent que la SA DEUTSCHE BANK a versé une lettre de mise en demeure du 14 septembre 2017, postérieurement à l'audience d'orientation, ce qui établit l'absence d'exigibilité de la créance au jour de cette audience.
Le juge ne pouvait pas prendre en compte ces pièces en vertu de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution.
Dans la mesure où aucun élément ne leur a été fourni dans l'acte de prêt notarié, dans le commandement et l'assignation pour connaître le mode de calcul de la créance, le caractère liquide de cette dernière n'est donc pas démontré.
Monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A... précisent par ailleurs que le jugement du 06 mars 2017 rendu au profit de la société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY leur a été signifié en Turquie où ils ne résident pas. La banque ne produit pas au surplus le retour des autorités turques justifiant de la remise des significations à leur personne. Ce jugement est par conséquent non avenu en vertu de l'article 478 du code de procédure civile.
Ils ajoutent qu'il appartient à la société BM BANK de justifier du respect des modalités prévues à l'article R 322-7 du code des procédures civiles d'exécution.
Les époux A... demandent également que monsieur H... N... Y... et monsieur Alexey P... X... justifient de leur créance et de leur qualité.
Ils affirment n'avoir eu connaissance de la procédure d'exequatur engagée par les gérants financiers que par la SA DEUTSCHE BANK dans la mesure où ces derniers n'ont pas respecté le délai de distance. Ils demandent en tout état de cause de surseoir à statuer sur les poursuites jusqu'à ce que la situation en Russie soit clarifiée.
Par conclusions notifiées le 5 décembre 2018 la société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY, anciennement dénommée Bank Moskvy ou Bank of Moscow, créancier inscrit, demande à la cour de :
-rejeter les conclusions notifiées par les époux A... le 5 décembre 2018,
-à titre subsidiaire, accepter les présentes conclusions en réponse,
-en tout état de cause, confirmer le jugement déféré,
-débouter les époux A... de leurs demandes,
-condamner les époux A... à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens distraits dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY demande d'écarter des débats les conclusions des époux A... en vertu de l'article 16 du code de procédure civile aux motifs que ces derniers ont attendu le matin de l'audience pour notifier leurs conclusions, la plaçant dans l'impossibilité de prendre connaissance des écritures et de conclure en réponse.
A titre subsidiaire, si la cour retient aux débats les conclusions des époux A..., elle demande de retenir aux débats les présentes écritures.
La société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur l'annulation et la réformation du jugement sollicitées par messieurs Y... et X....
Elle soutient ne pas avoir communiqué en première instance les pièces relatives à la signification du jugement du 6 mars 2017 et justifiant de sa créance en raison de la tardiveté des demandes des époux A... qui ont conclu le 12 décembre 2017 en fin d'après midi pour l'audience d'orientation du 14 décembre 2017 au matin.
Elle indique produire :
-les actes de signification des trois jugements d'exequatur du 17 août 2017 établissant que le délai de 6 mois prévu à l'article 478 du code de procédure civile a été respecté,
-les trois retours des significations en Turquie démontrant que les époux A... ont été touchés.
Elle soutient que la validité de ces significations a été confirmée par le greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a émis les trois certificats de non appel dès réception des pièces.
L'existence de sa créance d'un montant total de 253 120 190,33 euros à l'encontre des époux A... résulte à ses dires des trois jugements contradictoires et irrévocables rendus par les juridictions russes et des conclusions des époux A... qui ont admis sa qualité de créancier principal.
Elle souligne que les époux A... pouvaient également consulter au greffe du tribunal sa déclaration de créance déposée le 16 janvier 2017. Elle ajoute leur avoir dénoncé sa déclaration de créance bien que l'absence d'une telle déclaration n'a aucune incident sur la validité de la procédure ou l'existence de sa créance.
La société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY sollicite ainsi le rejet des demandes des époux A... à son encontre.
Le Trésor public n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* Sur les conclusions des époux A...
Selon les articles 15 et 16 du code de procédure civile, le juge doit faire observer et observer lui même le principe du contradictoire, afin que les parties soient en mesure en temps utile de faire valoir leurs moyens de défense et de produire les pièces utiles à leur démonstration.
La procédure à jour fixe n'est pas exclusive de ce débat contradictoire qui va conduire après la requête initiale, dans le débat judiciaire, à ce que les moyens et prétentions des plaideurs évoluent en fonction des moyens que leur oppose leur adversaire et à ce qu'ils produisent les pièces utiles à leur démonstration.
Les conclusions des époux A... du 5 décembre 2018 ne sont pas contraires à ce principe du contradictoire et se sont ajustées au débat juridique existant et développé par les différentes parties à la procédure.
La société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY a pu par ailleurs y répliquer, de sorte que sa demande de les écarter des débats est rejetée.
* Sur la recevabilité de l'appel de messieurs Y... et X...
Aux termes de l'article R 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril.
L'article 920 du code de procédure civile dispose :'L'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé.
Copies de la requête, de l'ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le secrétaire ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919, sont joints à l'assignation.
L'assignation informe l'intimé que, faute de constituer avocat avant la date de l'audience, il sera réputé s'en tenir à ses moyens de première instance.
L'assignation indique à l'intimé qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience, les nouvelles pièces dont il entend faire état.'
Suite au dépôt de la requête de messieurs Y... et X... , la Présidente de la chambre sur déléguation du premier président, a signé une ordonnance le 4 septembre 2018 les autorisant à assigner à jour fixe.
L'ordonnance, dont la copie est dénoncée à l'assignation à jour fixe signifiée à la SA DEUTSCHE BANK mais également aux autres parties, est dépourvue de la signature de la Présidente de la chambre contrairement à celle figurant au dossier de la procédure.
La police de caractère de la date de l'ordonnance signée par la Présidente est par ailleurs différente de celle apparaissant sur la copie de l'ordonnance, annexée à l'assignation à jour fixe.
La date figurant sur l'ordonnance signée par la présidente est manuscrite de la façon suivante ' le 04 SEP.2018" alors que la date figurant sur la copie de l'ordonnance annexée à l'assignation à jour fixe est dactylographiée comme suit 'le 4 septembre 2018".
Il est manifeste que la copie de l'ordonnance sur requête annexée aux assignations à jour fixe n'est pas celle de l'ordonnance signée et datée par la Présidente de la chambre figurant au dossier de la procédure.
En l'absence ainsi de remise de la copie de l'ordonnance signée et datée de la Présidente aux assignations à jour fixe, les dispositions de l'article 920 du code de procédure civile et de l'article R 322-19 du code des procédures civiles d'exécution n'ont pas été respectées.
L'appel de messieurs Y... et X... est dès lors irrecevable.
En raison de l'irrecevabilité de l'appel de messieurs Y... et X..., il n'y a pas lieu de statuer sur les prétentions développées par les autres parties dans leurs conclusions.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A... de condamner monsieur Alexey P... X... et monsieur H... N... Y... au paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La SA DEUTSCHE BANK et la société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY sont déboutées de leur demande de condamnation des époux A..., intimés à la procédure, au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Alexey P... X... et monsieur H... N... Y... qui succombent sont condamnés aux dépens de l'appel et avec droit de recouvrement direct des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, au profit de maître ERMENEUX, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour , après en avoir délibéré,
Déboute la société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY de sa demande d'écarter des débats les conclusions de monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A...,
Déclare irrecevable l'appel de monsieur Alexey P... X... et monsieur H... N... Y...,
Déboute monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A... de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SA DEUTSCHE BANK et la société BM-BANK PUBLIC-STOCK COMPAGNY de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de monsieur Z... A... et madame Samira B... épouse A...,
Condamne monsieur Alexey P... X... et monsieur H... N... Y... aux dépens de l'appel et avec droit de recouvrement direct des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, au profit de maître ERMENEUX, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile
LE GREFFIER LE PRESIDENT