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24/01/2019 | FRANCE | N°18/06082

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 24 janvier 2019, 18/06082


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 24 JANVIER 2019



N° 2019/52













Rôle N° RG 18/06082 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCH2M







[O] [I]





C/



[J] [R]











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alain-david POTHET de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMO

N-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 06 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2017/816.





APPELANT



Monsieur [O] [I],

né le [D...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 24 JANVIER 2019

N° 2019/52

Rôle N° RG 18/06082 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCH2M

[O] [I]

C/

[J] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alain-david POTHET de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 06 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2017/816.

APPELANT

Monsieur [O] [I],

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1], de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alain-david POTHET de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Maître [J] [R]

agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL CONCEPT IMMOTEC

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2018 en audience publique devant la cour composée de :

M. Bernard MESSIAS, Président de chambre

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2019.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2019,

Signé par M. Bernard MESSIAS, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par jugement du 10 décembre 2013, le tribunal de commerce de Draguignan a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Concept Immotec, entreprise de bâtiment tous corps d'état immatriculée le 8 février 2010.

La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 17 juin 2014.

Par actes en date des 24 et 25 janvier 2017 Maître [J] [R] agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Concept Immotec a fait assigner Monsieur [O] [I], gérant de cette société jusqu'au 28 février 2012, et Monsieur [V] [B], qui a succédé à ce dernier dans la gérance, devant le tribunal de commerce d'Antibes aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles L651-1 à L651-5 du code de commerce, la condamnation des défendeurs à supporter l'insuffisance d'actif de la SARL Concept Immotec, le premier à hauteur de 500000 € et le second à hauteur de 400000 €.

Par jugement du 6 mars 2018, le tribunal de commerce de Draguignan a :

- dit recevable l'action fondée sur les articles L651-1 à L651-5 du code de commerce,

- dit et jugé que Monsieur [K] [H] et Monsieur [O] [I] ont commis des fautes successives de gestion de nature à engager leur responsabilité dans l'insuffisance d'actif de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Concept Immotec,

- condamné Monsieur [O] [I] à payer la somme de 500000 € et Monsieur [K] [H] à payer la somme de 400000 € à Maître [J] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Concept Immotec,

- condamné solidairement Monsieur [K] [H] et Monsieur [O] [I] à payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement Monsieur [K] [H] et Monsieur [O] [I] aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire et la publicité légale en pareille matière.

Monsieur [O] [I] a interjeté appel de ce jugement le 6 avril 2018.

Par conclusions déposées et notifiées le 23 juillet 2018, il demande à la cour de:

- rejeter la demande de radiation du rôle de l'appel,

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,

- débouter purement et simplement Maître [J] [R] ès qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel qui comprendront la contribution à hauteur de 225 € et dire que la SELAS cabinet Pothet pourra recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 mai 2018, Maître [J] [R] agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Concept immotec demande à la cour de :

- vu l'article 526 du code de procédure civile, constater que l'appelant n'a pas procédé à l'exécution du jugement dont appel rendu au bénéfice de l'exécution provisoire, prononcer la radiation du rôle de la présente procédure,

- subsidiairement au fond, vu l'article L651-2 du code de commerce, confirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- condamner Monsieur [I] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Badie Simon-Thibaud Juston.

Par conclusions communiquées le 26 novembre 2018 le ministère public demande à la cour de prononcer la radiation de l'appel au visa de l'article 526 du code de procédure civile et subsidiairement de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

À l'audience du 28 novembre 2018, la cour a soulevé le moyen tiré de son défaut de pouvoir pour statuer sur une demande de radiation fondée sur l'article 526 du code de procédure civile, les parties étant autorisées à faire valoir leurs observations en cours de délibéré sur ce moyen.

MOTIFS :

Sur la demande de radiation fondée sur l'article 526 du code de procédure civile :

Il résulte des dispositions de l'article 526 du code de procédure civile que seuls le premier président ou le conseiller de la mise en état s'il est saisi peuvent prononcer la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel assortie de l'exécution provisoire, à l'exclusion de la cour elle-même.

La demande de radiation formée devant la cour est en conséquence irrecevable.

L'intimé fait valoir que la demande de radiation a été régulièrement présentée au premier président par conclusions d'incident du 31 mai 2018.

Ces conclusions adressées au premier président n'ont pas pour effet de conférer à la cour le pouvoir de statuer sur l'incident.

En demandant expressément à la cour de retenir l'affaire au fond à l'audience du 28 novembre 2018 plutôt que de solliciter le renvoi à une date ultérieure pour permettre au premier président de vider sa saisine, l'intimé a nécessairement renoncé à son incident de procédure devant le premier président.

Sur le fond :

Maître [R] recherche la responsabilité de Monsieur [I], gérant de droit de la société Concept Immotec jusqu'au 28 février 2012, sur le fondement des dispositions de l'article L651-2 du code de commerce qui dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté en tout ou en partie par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

La faute de gestion reprochée à Monsieur [I] par le liquidateur est le non-respect de la législation fiscale ayant entraîné un redressement important notifié par l'administration fiscale à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

L'existence d'une insuffisance d'actif de la société Concept Immotec n'est pas remise en cause par Monsieur [I].

Il résulte en particulier des pièces produites par Maître [R] qu'alors que Maître [U], commissaire-priseur désigné par le tribunal pour dresser l'inventaire et réaliser la prisée du patrimoine de la société débitrice, avait inventorié le 27 janvier 2014 du matériel pour une valeur d'exploitation de 3660 € et une valeur de réalisation de 1830 €, et qu'un bon d'enlèvement avait été adressé à un transporteur pour une récupération de ces actifs en vue de leur vente aux enchères publiques suivant ordonnance du juge commissaire du 6 octobre 2014, ce matériel a été détourné par Monsieur [V] [B] ainsi qu'il ressort de la dénonciation des faits adressée par Maître [U] au procureur de la République de Draguignan par courrier du 29 septembre 2015.

Maître [R] précise qu'en raison de l'abandon des chantiers en cours par la société Concept Immotec à compter d'octobre 2013, ainsi que le confirment notamment les termes des déclarations de créances des SCI [Adresse 3] et Nirvana, les relances adressées aux clients n'ont été suivies d'aucun effet et qu'aucun actif n'a pu être recouvré.

S'agissant du passif, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération le passif trouvant son origine postérieurement à la gérance de Monsieur [I] et les créances déclarées à titre provisionnel, il résulte d'un courrier adressé le 21 juillet 2014 à Maître [R] par la DGFP que l'administration fiscale a déclaré à titre définitif une somme de 608657 € au titre d'un avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 8 juillet 2014 et détaillé comme suit :

- créance n°1414700 :

origine : proposition de rectification du 20 décembre 2013 et réponse aux observations du contribuable du 17 mars 2014

nature : taxe sur la valeur ajoutée

droits : période de janvier à décembre 2010 : 84254 €

- créance n°1414710 :

origine : proposition de rectification du 24 mars 2014

nature : taxe sur la valeur ajoutée

droits : période de janvier 2011 à décembre 2012 : 355388 €

majorations : cf lettre de motivation du 24 mars 2014 : 139203 €

total de la créance : 494591 €

- créance n°1414720 :

origine : proposition de rectification du 24 mars 2014

nature : impôts sur les sociétés

droits : période de janvier 2011 à décembre 2012 : 29812 €

Même si comme le souligne Monsieur [I], la vérification du passif n'a pas été effectuée, le caractère certain du passif fiscal ne peut sérieusement être contesté, s'agissant d'un avis de mise en recouvrement exécutoire qui ne fait l'objet d'aucun recours.

Monsieur [I] n'est pas fondé à reprocher à Maître [R] de ne pas avoir contesté les propositions de rectifications.

Il appartenait en effet à Monsieur [V] [B], gérant de la société Concept Immotec au moment de l'ouverture de la procédure collective, de formuler des observations sur les propositions de rectifications notifiées pendant la période d'observation du redressement judiciaire, ce qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de faire sur la proposition de rectification du 20 décembre 2013, puis soit d'engager un recours en vertu du droit propre de la société dont il demeurait le gérant pendant la liquidation judiciaire, soit de fournir au liquidateur les éléments nécessaires pour exercer un tel recours. Or Monsieur [B] a préféré disparaître sans laisser d'adresse ainsi qu'il résulte du courrier adressé par Maître [U] au procureur de la République le 29 septembre 2015 et des procès-verbaux de recherches infructueuses dressés par l'huissier chargé de signifier les actes de la procédure de première instance.

Quant à Monsieur [I], qui contrairement à ce qu'il soutient était parfaitement informé de la vérification de comptabilité diligentée par les services fiscaux puisqu'étant co-signataire, avec Monsieur [B], de la lettre d'observations remise le 6 janvier 2014 à l'inspecteur des finances publiques à la suite de la notification de la proposition de rectification du 20 décembre 2013, lettre qu'il produit lui-même aux débats, il lui appartenait de se renseigner sur l'issue de cette vérification et de fournir le cas échéant à Maître [R] les éléments lui permettant de contester le redressement, ce qu'il ne justifie pas avoir fait.

La créance n°1414700 de 84254 € est constituée d'un rappel de TVA au titre de l'exercice 2010. Elle se rapporte en totalité à la période de gérance de Monsieur [I].

Les créances n°1414710 et 1414720 sont constituées d'un rappel de TVA, de majorations et d'un rappel d'impôt sur les sociétés pour un montant total de 524403 € au titre des exercices 2011 et 2012. Elles se rapportent en grande partie à la période de gérance de Monsieur [I], du 1er janvier 2011 au 28 février 2012.

Le fait, invoqué par l'appelant, que l'état des finances de la société Concept Immotec dressé par Monsieur [I] au moment de la cession de ses parts sociales et de sa démission le 28 février 2012 fasse apparaître une situation positive n'a aucun caractère exonératoire puisque le passif né du non-respect des règles fiscales pendant sa gérance n'a été mis au jour que par le contrôle fiscal diligenté postérieurement à cette cession.

Enfin, c'est à tort que Monsieur [I] soutient que les fautes qui lui sont reprochées constitueraient de simples négligences au sens de l'article L651-2 alinéa 1 in fine qui dispose que 'toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de sa société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée'.

En effet, s'agissant du redressement afférent à l'année 2010, il est reproché à la société Concept Immotec, qui faisait appel à des sociétés sous traitantes étrangères et notamment à une société polonaise, d'avoir omis de collecter la TVA alors que cette société n'avait aucun établissement en France et que la prestation de service se rattachait à des immeubles situés en France. Le non-respect de cette réglementation ne peut être considéré comme une simple négligence dès lors qu'il résulte des éléments comptables que la société Concept Immotec faisait appel à des sociétés sous traitantes étrangères de manière habituelle et non pas occasionnelle.

En outre, s'agissant du redressement de TVA sur la période de janvier 2011 à février 2012, il résulte d'un courrier adressé le 13 novembre 2014 à Maître [R] par la Commission des infractions fiscales saisie le 4 novembre 2014 par la DGFP des faits constatés au cours de la vérification de comptabilité que cette administration considérait que la société Concept Immotec s'était volontairement soustraite à l'établissement et au paiement partiel de la TVA en déposant pour la période considérée des déclarations mensuelles de taxes sur le chiffre d'affaires minorées à raison de la dissimulation d'une partie des recettes taxables et de la majoration des droits à déduction.

Ces agissements ont d'ailleurs donné lieu à l'application de la majoration de 40% pour manquements délibérés, excluant la qualification de simple négligence.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [I] a supporter une partie de l'insuffisance d'actif de la société Concept Immotec.

Au regard du montant total du redressement subi par la société Concept Immotec imputable en grande partie à la gestion de Monsieur [I], la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 300000 € le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge de ce dernier, le jugement étant réformé sur ce point.

Partie succombante, Monsieur [I] sera condamné aux dépens et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à dispositions au greffe, contradictoirement,

Statuant dans les limites de sa saisine sur les seules dispositions relatives à Monsieur [O] [I] à l'exception de celles relatives à Monsieur [V] [B],

Déclare Maître [J] [R] irrecevable en sa demande de radiation de l'affaire présentée à la cour sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [I] à supporter une partie de l'insuffisance d'actif de la société Concept Immotec, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Le réformant sur le quantum de la condamnation principale,

Condamne Monsieur [O] [I] à payer à Maître [J] [R] ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Concept Immotec la somme de 300000 € au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif de cette société,

Déboute Monsieur [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [I] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 18/06082
Date de la décision : 24/01/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°18/06082 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-24;18.06082 ?
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