COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
(anciennement 15e Chambre A)
ARRÊT AU FOND
DU 24 JANVIER 2019
N° 2019/ 63
N° RG 16/20165 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7RK4
Patrick X...
C/
SA MCS ET ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Ludovic Y...
Me Marco Z...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 07 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00647.
APPELANT
Monsieur Patrick X...
né le [...] à CASABLANCA (MAROC), de nationalité Française, demeurant [...]
représenté par Me Ludovic Y... de la A..., avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SA MCS ET ASSOCIES agissant par son représentant légal en exercice, dûment habilité en cette qualité audit siège, venant aux droits de BNP PARIBAS, demeurant [...]
représentée par Me Marco Z..., avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2019,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement réputé contradictoire en date du 9 mai 1995 le tribunal de grande instance de Créteil a condamné solidairement la société Bea Création, Monsieur Serge B..., Monsieur Patrick X... et Monsieur Marc C... en leur qualité de cautions solidaires des engagements de la SARL Bea Création à payer à la S.A BNP Paribas :
- la somme de 19.818,37 euros avec intérêts légaux à compter du 1er mars 1994
- 457,35 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile outre les dépens.
Ce jugement , assorti de l'exécution provisoire, a été signifié à X... à l'adresse du [...] c/o Madame Chantal H... K..., à Cannes (06), par acte du 27 juillet 1995 suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile .
Par acte d'huissier en date du 3 novembre 2010 délivré à l'étude de l'huissier instrumentaire, la société MCS & Associés a signifié à X... l'acte de cession par la BNP Paribas de sa créance à l'encontre de la société Bea Creation, à son profit.
En exécution du jugement du 9 mai 1995 la société MCS & Associés a fait procéder :
- par acte du 22 juillet 2014 à un nantissement judiciaire provisoire des 50 parts sociales détenues par X... au sein de la D... Lucas, dénoncé le 29 juillet 2014,
- par acte du 5 septembre 2014 au nantissement judiciaire définitif de ces actions,
- par acte du 10 août 2015 à la signification d'un commandement aux fins de saisie vente.
Invoquant la nullité de la signification du jugement dont l'exécution est poursuivie et subséquemment la caducité de cette décision, ainsi que l'irrecevabilité de l'action de la société MCS & Associés pour défaut de qualité, et la prescription de la créance, X... a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice de contestations de ces mesures d'exécution . Par jugement du 19 septembre 2016 il a été débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par déclaration du 10 novembre 2016 M. X... a relevé appel total de cette décision et par dernières écritures notifiées le 12 mars 2018 il demande à la cour , au visa des articles 16 et 659 alinéa 2 du code de procédure civile, de l'article L 189 bis ancien du code de commerce, des articles 1690 et 2222 du code civil de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, de :- infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions.
- débouter la SAS MCS et Associés de toutes ses demandes, fins et conclusions.
' au principal :
- déclarer nulle la signification de l'assignation introductive d'instance ayant abouti au jugement rendu le 9 mai1995,
- déclarer nul le jugement en date du 9 mai 1995.
' à défaut :
- déclarer nulle la signification du jugement en date du 9 mai 1995,
- en conséquence,
- constater la caducité du jugement en date du 9 mai1995
- déclarer inopposable à X... la cession de créances entre la BNP et SAS MCS & Associés
- constater que la société MCS & Associés n'a pas qualité à agir,
- annuler le commandement délivré le 10 août 2015, et tout acte d'exécution engagés sur le fondement du jugement rendu le 19 mai 1995 ;
' en tout état de cause,
- condamner la SAS MCS & Associés au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes l'appelant invoque la nullité de son assignation devant le tribunal de grande instance de Créteil et de la signification du jugement rendu 9 mai 1995 par cette juridiction en raison de l'absence de diligences suffisantes de l'huissier outre qu'il n'est pas justifié de l'envoi du courrier recommandé avec avis de réception requis par les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, ces irrégularités l'ayant privé du droit de se défendre et d'exercer ses droits de recours.
Il soulève l'irrégularité et l'inopposabilité de l'acte de signification de cession de créance qui ne contient aucune précision ni référence quant à la nature et au montant de la créance ou encore sur l'existence du jugement rendu le 9 mai 1995 et il soutient en conséquence le défaut de qualité à agir de la société MCS & Associés.
Il affirme que la créance est prescrite en application de l'article L189 bis ancien du code de commerce.
Par dernières écritures notifiées le 21 mars 2018 la société MCS & Associés , s'appropriant les motifs du premier juge, conclut au rejet des demandes de l'appelant, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de X... au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 29 mars 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du jugement du 9 mai 1995:
M. X... poursuit en cause d'appel la nullité de ce jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil et qui constitue le titre exécutoire fondant les mesures d'exécution contestées, au motif que l'assignation introductive d'instance ne lui aurait pas été valablement délivrée.
Mais le juge de l'exécution, et la cour d'appel statuant avec ses pouvoirs, n'a pas compétence pour prononcer l'annulation d'une décision de justice.
Il s'en suit le rejet de la demande.
Sur la caducité du jugement du 9 mai 1995 :
M. X... soutient l'irrégularité de l'acte de signification de cette décision réputée contradictoire et conséquemment la caducité du jugement, en l'absence de diligences suffisantes de l'huissier et dès lors qu' il n'est pas justifié de l'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception requise par les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.
Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil a été signifié à M. X... par acte du 27 juillet 2015 à l'adresse du « [...] , suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
L'huissier indique dans le procès verbal de recherches s'être présenté à cette adresse et avoir constaté qu'aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte, n'y avait son domicile ou sa résidence et il ajoute avoir procédé aux diligences suivantes pour rechercher le destinataire de l'acte : « sur place les voisins nous indiquent que l'intéressé est parti sans laisser d'adresse. Le débiteur n'est plus domicilié à cette adresse. Les services de la mairie, ceux de la poste ainsi que ceux de la police et de la gendarmerie ne possèdent aucun renseignement quant à sa nouvelle adresse. Aucun renseignement n'a pu être obtenu sur le minitel. »
Ces mentions valant jusqu'à inscription de faux en application des dispositions de l'article 1371 du code civil, les attestations produites par X... établies par Mme Brigitte E..., M.Claude F..., M.Henri G..., et la déclaration rédigée par M.Samuel H... dont il ressort qu'il habitait au mois de juillet 1995 chez I..., au n°26 de la [...], ne sauraient établir la fausseté des mentions portées par l'huissier instrumentaire sur le procès-verbal litigieux.
Et il résulte de l'acte de signification que l'huissier qui a constaté l'absence du destinataire à cette adresse, a effectué les diligences utiles pour la recherche du domicile du X....
Par ailleurs l'huissier de justice ayant mentionné dans l'acte, en reprenant les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile que la lettre recommandée avec avis de réception prévue par ce texte, avait été envoyée au plus tard le premier jour ouvrable suivant, cette mention même sous forme de reprise des dispositions légales, fait foi jusqu'à inscription de faux de l'accomplissement effectif de cette diligence, nonobstant l'absence de communication de l'accusé de réception ou de la lettre recommandée si celle-ci a été renvoyée dont aucune disposition légale ou réglementaire n'impose la production.
En conséquence l'acte de signification du jugement a été régulièrement délivré et c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande d'annulation de cet acte.
Sur l'inopposabilité de la cession de créance :
X... soutient l'irrégularité de la cession de créance et à tout le moins son inopposabilité au motif que la créance ne peut être identifiée et que l'acte ne comporte aucune référence ni précision sur la nature et le montant de la créance ni sur le jugement de condamnation dont il ignorait l'existence.
La société MCS et associés invoque la validité de la cession de créance, régulièrement signifiée à l'appelant par exploit du 3 novembre 2010 par remise à l'étude de l'huissier instrumentaire.
Cet acte de signification comporte la copie certifiée conforme de l'acte de cession de portefeuille signé le 21 décembre 2009 entre la société BNP Paribas et la société MCS déposé au rang des minutes de Maître Christophe J..., notaire associé à Paris (75002) et une page sur laquelle figure les mentions suivantes :
et comportant le cachet et la signature de Maître J....
La référence 27115209 permet de rattacher la créance au numéro de compte bancaire n° 271152/09 que détenait la société Bea Création dans les livres de la BNP Paribas et qui est mentionné dans le jugement rendu le 9 mai 1995 par le tribunal de grande instance de Creteil, et donc de l'individualiser ;
Il s'en suit que la cession de créance n'encourt aucune nullité, qu'elle est opposable à X... et que la société intimée a qualité à agir en recouvrement forcé de cette créance.
Sur la prescription :
X... ne peut prospérer dans sa revendication de la nature commerciale de la créance, soumise à la prescription décennale de l'article 189 bis du code de commerce devenu L. 110-4 du même code, dont il indique que la prescription était acquise à la date du 9 mai 2005 ,alors que le fondement des poursuites est constitué par le jugement du tribunal de grande instance de Créteil rendu le 9 mai 1995 , dont les effets étaient susceptibles de se prescrire par 30 ans jusqu'à l'intervention de la loi du 17 juin 2008, laquelle en ayant réduit la durée, a instauré un nouveau délai de prescription venant à échéance le 19 juin 2018, compte tenu de la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle et des ses dispositions transitoires.
C'est donc exactement que le premier juge a retenu que l'action en recouvrement de la créance de la société MCS & Associés résultant du jugement du 9 mai 1995 n'était pas prescrite au jour du commandement de payer aux fins de saisie vente signifié le 10 août 2015.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
A hauteur de cour, il convient d'accorder à l'intimée, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après. Succombant dans son recours, l'appelant ne peut prétendre au bénéfice de ces dispositions et supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Rejette la demande de nullité du jugement rendu le 9 mai 1995 par le tribunal de grande instance de Créteil,
Condamne Monsieur Patrick X... à payer à la société MCS & Associés la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur Patrick X... de sa demande à ce titre,
Condamne Monsieur Patrick X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,