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10/01/2019 | FRANCE | N°15/20350

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 10 janvier 2019, 15/20350


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3-2e Chambre

(anciennement 8e Chambre A)



ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2019



N° 2019/4













Rôle N° RG 15/20350 - N° Portalis DBVB-V-B67-5VSN







SARL ELECSOL FRANCE 29





C/



SA ENEDIS

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Ludovic X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Alexandra Y

..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Pierre-yves Z... de la A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Octobre 2015 enregistré au répertoire...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3-2e Chambre

(anciennement 8e Chambre A)

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2019

N° 2019/4

Rôle N° RG 15/20350 - N° Portalis DBVB-V-B67-5VSN

SARL ELECSOL FRANCE 29

C/

SA ENEDIS

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Ludovic X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Alexandra Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Pierre-yves Z... de la A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Octobre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/002977.

APPELANTE

SARL ELECSOL FRANCE 29,

dont le siège social est sis [...], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège,

représentée par Me Ludovic X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me E..., avocat au barreau de BEZIERS, plaidant

INTIMEES

SA ENEDIS

anciennement dénommée ERDF - ELECTRICITE RESEAU DE DISTRIBUTION FRANCE,

dont le siège social est sis [...], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège,

représentée par Me Alexandra Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Pascal B..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE,

dont le siège social est sis [...], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège,

représentée par Me Pierre-yves Z... de la A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Pauline C..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne CHALBOS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

M. Bernard MESSIAS, Président de chambre

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2019,

Signé par M. Bernard MESSIAS, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Afin de favoriser le développement des énergies renouvelables, le législateur a institué à la charge d'EDF une obligation de conclure avec les producteurs qui en font la demande un contrat d'achat de l'électricité produite par leurs installations de production d'électricité d'origine solaire, à un prix bonifié fixé par arrêté ministériel.

La société Elecsol France 29, dont l'activité est la production d'électricité d'origine renouvelable, a engagé les démarches nécessaires pour la mise en oeuvre d'une centrale photovoltaïque d'une puissance de 350 kWc à Saint-Victoret, afin de bénéficier du dispositif d'obligation d'achat régi par la loi n°2000-108 du 10 février 2000 et de l'arrêté n°0930803A du 12 janvier 2010 fixant le tarif d'achat de l'électricité active fournie à 0,42 € le kWh pour le type d'installation correspondant au projet.

Elle a adressé un dossier de demande de raccordement à ERDF qui a accusé réception de la demande le 17 mai 2010.

La demande de raccordement devait être instruite dans un délai de trois mois, conformément à la procédure de traitement des demandes élaborée et publiée par ERDF.

ERDF devait adresser au demandeur dans ce délai une proposition technique et financière (PTF) que le demandeur devait le cas échéant accepter et renvoyer avec un acompte.

La société ERDF n'a transmis la PTF que par courrier du 1er décembre 2010, et la société Elecsol France 29 a retourné son acceptation le 6 décembre 2010.

Or par décret du 9 décembre 2010, l'obligation de conclure un contrat d'achat a été suspendue pour une durée de trois mois afin de permettre aux autorités de réévaluer le dispositif.

Le décret prévoyait que les dossiers n'ayant pas fait l'objet d'une acceptation de la PTF avant le 2 décembre 2010 devaient faire l'objet d'une nouvelle demande.

À l'issue de la période de suspension, un arrêté du 4 mars 2011 a fortement baissé le prix d'achat de l'électricité produite par les producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat.

La société Elecsol France 29 a renoncé à réaliser son installation photovoltaïque en raison du bilan économique négatif résultant des nouvelles conditions d'achat.

Par acte en date du 18 mars 2014, la société Elecsol France 29 a fait assigner la société ERDF devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence afin d'obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 2 222 867 € de dommages et intérêts, correspondant à la perte de marge qu'elle prétendait subir, considérant que la faute d'ERDF qui n'avait pas instruit sa demande de raccordement dans le délai impératif de trois mois lui avait fait perdre le bénéfice des tarifs de 2010 qui lui auraient permis de finaliser son projet et d'obtenir un contrat d'achat avec EDF sur une durée de 20 ans.

La société ERDF a fait appeler en cause et en garantie son assureur la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances par acte du 24 mars 2014.

Par jugement du 20 octobre 2015 le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a :

- constaté que la SA ERDF n'a pas commis de faute ni manqué à ses obligations contractuelles, le délai de réponse de 3 mois ne s'entendant pas comme une obligation de résultat mais comme une obligation de moyen, ainsi que le consolide la réponse ministérielle du 28 juillet 2011,

- constaté que le décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010 et sa rétroactivité n'est pas le fait de la SA ERDF et qu'elle ne peut donc être recherchée sur ce point,

- débouté la SARL Elecsol France 29 de sa demande en paiement par la SA ERDF de la somme de 2 222 867 €,

- débouté la SARL Elecsol France 29 de sa demande en paiement par la SA ERDF de la somme 10000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré en conséquence sans objet les demandes de garantie de la SA ERDF à l'égard de la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances,

- condamné la SARL Elecsol France 29 à payer la somme de 5000 € à la SA ERDF et la somme de 1000 € à la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Elecsol France 29 a relevé appel de la décision le 17 novembre 2015.

Par conclusions déposées et notifiées le 24 octobre 2018, la société Elecsol France 29 demande à la cour de :

Vu la doctrine et la jurisprudence citées,

Vu la loi n°2000-108 du 1 février 2010, le décret n°2000-877 du 7 septembre 2000, le décret n°2003-229 du 13 mars 2003, l'arrêté du 17 mars 2003, le décret n°2003-588 du 27 juin 2003, le décret n°26-1731 du 23 décembre 2006, le décret n°2007-1280 du 28 août 2007, le décret n°207-1826 du 24 décembre 2007, le décret n°2008-386 du 23 avril 2008, la délibération de la CRE du 9 juin 2009 et la décision de l'autorité de la concurrence du 14 février 2013,

Vu les articles 9 et 668 du code de procédure civile,

Vu l'article 1240 du code civil, anciennement 1382,

Vu l'article 1190 du code civil, anciennement 1162,

Vu l'ordonnance de la CJUE du 15 mars 2017,

Vu la décision de la Commission de Bruxelles du 10 février 2017 déclarant compatible au droit communautaire le dispositif d'obligation d'achat,

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 19 février 2013 et l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 juin 2017,

Vu l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 avril 2016,

Vu l'arrêt de la CJCE du 12 février 2008,

Vu le règlement CE n°659/1999 du 22 mars 1999,

Vu la décision du 21 décembre 2009 de la Commission de Bruxelles,

Vu le règlement européen 800/2008 du 6 août 2008,

Vu le règlement européen 651/2014 du 17 juin 2014,

- jugeant que même si l'arrêté du 12 janvier 2010 constitue une aide d'Etat, il n'avait pas à être notifié par application de ces règlements,

- jugeant que la directive 2009/28/CE lue en combinaison avec les articles 107, 3°b, c, e et 109 du TFUE, exclut l'incompatibilité de l'arrêté du 12 janvier 2010,

- jugeant que par application de l'article 10 du règlement n°659/1999 du 22 mars 1999 du Conseil de l'Union Européenne, la Commission de Bruxelles a validé l'arrêté du 12 janvier 2010,

Vu l'absence de remise en cause du système d'aide d'Etat constituée par les textes instaurant la CSPE,

Vu l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant uniquement le tarif d'achat sans instaurer le mécanisme de la compensation du surcoût de l'obligation d'achat par l'opérateur obligé,

Vu l'article 88 de la loi du 12 juillet 2012 validant législativement l'arrêté du 12 janvier 2010 et lui ôtant donc son caractère réglementaire,

Vu le rapport de la Cour des Comptes européenne,

Vu l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 2012 rejetant le recours contre l'article 88 de la loi du 12 janvier 2010 validant l'arrêté du 12 janvier 2010,

Vu la jurisprudence unique produite par AXA permettant uniquement la remise en cause d'une disposition réglementaire,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 février 2018,

- jugeant que le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise et par voie de conséquence, en l'absence d'annulation des contrats en cours, que la concluante aurait obtenu un contrat d'achat insusceptible d'être remis en cause,

- jugeant que par sa validation législative du 12 juillet 2010, l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a plus le caractère réglementaire,

- jugeant l'impossibilité pour le tribunal de commerce puis la cour de céans de remettre en cause une disposition législative,

- jugeant l'absence de démonstration de la réunion des trois critères de l'aide d'Etat exclus par la CJUE au visa de l'article 9 du code de procédure civile,

- constatant que ERDF comme ses assureurs n'invoquent pas que les contrats en cours sont annulables,

- jugeant que même une illégalité de l'arrêté ne peut avoir pour effet de remettre les contrats conclus en cause et que le contrat d'achat aurait nécessairement été conclu en 2011 sans difficulté puisque l'arrêté du 12 janvier 2010 ne fait l'objet d'aucun recours et qu'il est définitif,

- jugeant que même dans l'hypothèse d'une invalidation de l'arrêté du 12 janvier 2010, celle-ci ne peut être rétroactive au vu de la jurisprudence de la CJUE et du nombre de contrats impactés,

- en tout état de cause, jugeant la conformité avec le droit européen de l'aide d'Etat apportée aux énergies renouvelables et au secteur photovoltaïque en particulier excluant que l'arrêté du 12 janvier 2010 puisse être invalidé même s'il devait être considéré comme une aide d'Etat et avait organisé la CSPE,

- jugeant que la notification d'un arrêté vise uniquement à permettre le contrôle de sa compatibilité avec le droit communautaire mais que seule l'incompatibilité avec ce droit est susceptible d'entraîner l'illicéité de la demande,

- constatant que la demande ne consiste pas à obtenir un contrat d'achat en application de l'arrêté du 12 janvier 2010,

- constatant que si l'arrêté du 12 janvier 2010 devait être écarté, l'arrêté du 10 juillet 2006 s'appliquerait avec un tarif de 60,178 cts/kWh en lieu et place des 42 ou 50 cts revendiqués,

- jugeant la faute d'ERDF consistant en l'absence de transmission dans le délai réglementaire de trois mois d'une proposition technique et financière et en la violation de l'obligation d'instruction des dossiers de manière non discriminatoire,

- jugeant l'existence du lien de causalité aussi bien sur la causalité adéquate que sur l'équivalence des conditions,

- constatant l'absence d'une quelconque pièce venant démontrer l'augmentation prétendue par la seule ERDF des demandes de raccordement durant la dernière semaine d'août 2010,

- rappelant que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et qu'il appartenait donc à ERDF de produire la file d'attente des dossiers de demande de raccordement,

- jugeant qu'ERDF est soumise à une obligation de résultat par l'absence d'aléa sur la réalisation de sa prestation et que ceci entraîne l'existence du lien de causalité,

- jugeant qu'ERDF n'a pas même respecté une obligation de moyen en embauchant uniquement 18 intérimaires à l'automne 2010 alors que la période était prétendument critique,

- constatant la parfaite connaissance par ERDF du problème des retards dans le traitement des demandes de raccordement excluant tout imprévisibilité et toute extériorité et par voie de conséquence toute force majeure,

- constatant la baisse très importante des demandes de raccordement en soutirage et l'application de la même documentation technique aux demandes de raccordement en injection, excluant toute irrésistibilité et par voie de conséquence toute force majeure,

- constatant l'aveu d'ERDF devant l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir traité les dossiers dans l'ordre chronologique, fait constitutif de discrimination,

- jugeant qu'il est démontré qu'il était possible de se déplacer dans les locaux d'ERDF pour retourner sa PTF acceptée le mercredi 1er décembre 2010 et confirmant ainsi le lien de causalité,

- rejeter toute conséquence du défaut de notification de l'arrêté du 12 janvier 2010,

- rejeter l'argument de l'illégitimité et de l'illicéité de la demande,

- infirmer le jugement en ce qu'il a exclu la faute commise par ERDF,

- constatant la pérennité du tarif d'achat et la fiabilité de la technologie photovoltaïque,

- constater la fiabilité des prévisions de production d'énergie par la transmission de pièces afférentes à plusieurs dizaines de centrales en fonctionnement,

- jugeant que la jurisprudence indemnise dans une telle hypothèse (contrat d'achat obligatoire à un tarif connu pour une durée déterminée) la perte de marge sur le contrat perdu,

- constater que même l'application de la théorie de la perte de chance aboutit à l'indemnisation de près de 100% de la perte de marge,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- par voie de conséquence, condamner ERDF devenue Enedis à payer à Elecsol [...] une indemnité sur la base de 2 222 867 € outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- À titre subsidiaire, si la méthode de la VAN devait être retenue, condamner ERDF devenue Enedis à payer à Elecsol [...] une indemnité sur la base de 2 359 868 €,

- jugeant qu'en tout état de cause, si l'arrêté du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de base au calcul de l'indemnisation, la cour peut valablement l'évaluer à titre forfaitaire et non plus consécutivement au calcul lié à l'arrêté, à la somme de 2 222 867 € et condamner Enedis sur la base de ce montant,

- condamner la société Enedis au paiement de la somme de 10000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la D... & associés.

Par conclusions déposées et notifiées le 10 juillet 2018, la société ERDF nouvellement dénommée Enedis demande à la cour de :

Vu la procédure de traitement des demandes de raccordement,

Vu le décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010,

Vu les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la décision de la CJUE du 15 mars 2017,

- rejeter toutes prétentions contraires,

- Vu la jurisprudence,

- sur l'absence de discrimination dans le traitement du dossier, dire et juger que les accusations de discrimination formulées par la société Elecsol France 29 ne sont ni démontrées ni fondées,

- sur le défaut de lien de causalité, dire et juger que la société Elecsol France 29 ne démontre pas que, en l'absence de retard d'Enedis dans la transmission de la PTF, elle aurait nécessairement matérialisé son accord sur ce document avant le 2 décembre 2010, dire et juger en conséquence qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le dépassement du délai de trois mois dans la transmission de la PTF et le préjudice allégué, qui résulte exclusivement de l'application du décret du 9 décembre 2010 au projet,

- subsidiairement sur le caractère non réparable du préjudice allégué, dire et juger que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché dans les conditions définies par l'arrêté du 12 janvier 2010 a le caractère d'une aide de l'Etat, constater que cet arrêté n'a pas été notifié préalablement à la Commission Européenne en violation de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE, dire et juger que cet arrêté est illégal et que son application doit en tout état de cause être écartée, au besoin écarter l'application de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 en raison de sa contrariété avec l'article 108 paragraphe 3 du TFUE, rejeter en conséquence les demandes de la société Elecsol France 29 fondées sur une cause illicite,

- plus subsidiairement, sur la perte de chance inexistante, dire et juger que le seul préjudice dont pourrait se prévaloir la société Elecsol France 29 est la perte d'une chance d'avoir pu matérialiser son accord sur une PTF avant le 1er décembre 2010 minuit, puis d'avoir obtenu un contrat d'achat après avoir réalisé et mis en service sa centrale dans un délai de 18 mois et enfin d'avoir pu exploiter sur 20 ans sa centrale virtuelle, que cette perte de chance est inexistante et dès lors non indemnisable,

- encore plus subsidiairement, sur l'assiette de la perte de chance, dire et juger que les hypothèses de calcul de l'assiette de préjudice sont totalement injustifiées en leur principe et leur quantum,

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 20 octobre 2015, débouter la société Elecsol France 29 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre très infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où une condamnation devrait intervenir à l'encontre de la société Enedis, condamner la compagnie Axa Corporate Solutions à garantir la compagnie Enedis de l'ensemble des condamnations mises à sa charge en principal, frais, intérêts ou accessoires,

- reconventionnellement, condamner la société Elecsol France 29 à payer à la société Enedis une somme de 20000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément aux dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile,

- condamner la compagne Axa Corporate Solutions à payer à la société Enedis une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément aux dispositions des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 17 octobre 2018, la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances demande à la cour de :

- à titre principal, dire et juger que Elecsol [...] ne justifie pas du lien de causalité entre la faute imputée à Enedis et le préjudice allégué,

- dire et juger que le préjudice allégué par Elecsol [...] n'est pas réparable dès lors que l'arrêté du 12 janvier 2010 fondant le calcul du préjudice est illégal pour défaut de notification préalable à la Commission européenne,

- en conséquence, confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence le 20 octobre 2015,

- à titre subsidiaire si par extraordinaire la cour reconnaissait l'existence d'un préjudice réparable, ordonner une expertise et désigner un expert afin que ce dernier donne à la cour les éléments nécessaires pour apprécier la réalité et le quantum de l'éventuel préjudice subi par Elecsol [...],

- en tout état de cause, rejeter l'ensemble des demandes de Elecsol [...],

- débouter Enedis de ses demandes de garantie à l'égard de Axa CS et à défaut, faire application du seuil d'intervention de 1 500 000€,

- condamner la partie succombante à verser à Axa CS la somme de 10000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence.

La procédure a été clôturée le 24 octobre 2018.

MOTIFS :

Aucune note en délibéré n'ayant été autorisée par le président lors de l'audience du 7 novembre 2018, il ne sera pas tenu compte des courriers et documents adressés par les parties en cours de délibéré.

Sur la faute reprochée à ERDF :

La loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ainsi que les décrets d'application, notamment les décrets n°2003-229 du 13 mars 2003 et 2003-588 du 27 juin 2003 mettent à la charge du gestionnaire de réseau public de transport d'électricité, en situation de monopole, une obligation de garantie d'un droit d'accès au réseau, dans des conditions définies par ces textes, dont il résulte notamment l'obligation pour ERDF de fournir aux producteurs qui en font la demande une proposition technique et financière de raccordement et d'instruire les demandes dans un cadre transparent et non discriminatoire sur la base d'un référentiel technique publié.

ERDF a ainsi élaboré et publié des procédures de traitement des demandes de raccordement, qui définissent et décrivent les étapes de l'instruction des demandes.

La société Elecsol France 29 verse aux débats le document intitulé 'Procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA, au réseau public de distribution géré par ERDF', daté du 3 juillet 2010 et applicable en conséquence à la demande de raccordement objet du litige.

Ce document précise en son article 7.2.3 que lorsque le dossier [de demande de raccordement] est complet, la demande de raccordement est qualifiée. La date de qualification de la demande de raccordement est fixée à la date de réception du dossier lorsque celui-ci est complet ou à la date de réception de la dernière pièce manquante.

L'article 8.2.1 prévoit qu'à compter de la date de qualification de la date de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d'installation concernée. Ce délai n'excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement.

Par une délibération du 11 juin 2009 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en oeuvre, la Commission de Régulation de l'Energie a énoncé que le délai dans lequel la proposition technique et financière doit être transmise au demandeur, à partir de la réception de la demande de raccordement complétée, ne doit pas excéder trois mois, quel que soit le domaine de tension.

Il résulte de ces dispositions impératives que le non-respect par ERDF de l'obligation de transmettre une PTF dans le délai de trois mois constitue une faute engageant sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1382 ancien du code civil.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats et des explications des parties concordantes sur ce point que par courrier du 17 mai 2010, ERDF a accusé réception de la demande de PTF de la société Elecsol France 29, de sorte que la PTF aurait dû être transmise à la demanderesse dans un délai de trois mois expirant le 17 août 2010, ce qui n'a pas été fait, la PTF ne lui ayant été adressée que par courrier du 1er décembre 2010.

La société Enedis affirme dans ses écritures qu'elle a pris acte des décisions de la Cour de Cassation sur le caractère fautif du dépassement du délai de trois mois et qu'elle n'entend plus contester ce point.

Elle n'invoque devant la cour aucune circonstance de force majeure exonératoire, de sorte que les développements de la société Elecsol France 29 sur ce point sont sans objet.

Le principe de la faute étant acquis, il n'est pas non plus nécessaire de rechercher si comme l'affirme la société Elecsol France 29, ERDF aurait fait preuve de discrimination dans le traitement des demandes, ce que conteste la société Enedis.

Sur le lien de causalité avec le préjudice invoqué par la société Elecsol France 29 :

Le décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010 instituant le moratoire impose aux producteurs qui n'ont pas notifié avant le 2 décembre 2010 leur acceptation de la PTF de déposer à l'issue de la période de suspension une nouvelle demande complète de raccordement aux réseaux.

Il en résulte que les demandes de raccordement déposées avant le moratoire qui n'ont pas fait l'objet d'une acceptation de la PTF notifiée avant le 2 décembre 2010 sont caduques et que les producteurs concernés perdent le bénéfice des conditions d'achat applicables en 2010.

En ne transmettant pas à la société Elecsol France 29 une PTF dans le délai de trois mois expirant le 17 août 2010, et en expédiant la PTF par courrier du 1er décembre 2010, ERDF a privé cette société de toute possibilité de notifier avant le 2 décembre 2010 son acceptation de la PTF, d'échapper à la caducité de sa demande, et de finaliser son projet dans les conditions tarifaires de 2010.

S'agissant d'une obligation de transmission, le délai de trois mois s'apprécie à la date de réception de la PTF par le demandeur.

Si ERDF avait respecté son obligation, la société Elecsol France 29 aurait disposé de la possibilité de notifier son acceptation de la PTF entre le 17 août et le 1er décembre 2010, d'échapper au moratoire et de finaliser son projet.

Le lien de causalité entre le manquement d'ERDF à son obligation et le préjudice de perte de chance allégué par la société Elecsol France 29 est en conséquence suffisamment établi.

Sur le caractère réparable du dommage invoqué :

Le préjudice invoqué par la société Elecsol France 29 résulte de la perte de chance de réaliser et d'exploiter sa centrale dans les conditions tarifaires applicables en 2010.

La société Elecsol France 29 chiffre le montant de son préjudice en calculant la perte de marge, sur la durée du contrat d'achat d'électricité soit 20 ans, sur la base du tarif d'achat fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010.

Selon Enedis et son assureur, cet arrêté est entaché d'illégalité comme n'ayant fait l'objet d'aucune notification préalable à la Commission européenne alors que les tarifs d'achat constituent une aide d'Etat.

Les intimées invoquent les dispositions des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) sur les aides de l'Etat incompatibles avec le marché intérieur et la notification préalable à la commission des projets tendant à modifier ou instituer ces aides.

La société Elecsol France 29 ne conteste pas que s'agissant d'apprécier la conformité d'un texte réglementaire interne au droit de l'UE, le juge judiciaire est compétent pour constater cette illégalité par voie d'exception.

Aux termes de l'article 107§1 du TFUE 'Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions'.

L'article 108§3 du TFUE dispose que 'la Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.'

Sur la question préjudicielle posée par la cour d'appel de Versailles par arrêt rendu le 20 septembre 2016 dans une affaire similaire, la CJUE a, par ordonnance du 15 mars 2017, rappelé que la qualification d'aides d'Etat au sens de l'article 107§1 du TFUE supposait la réunion de 4 conditions, à savoir qu'il existe une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat,

que cette intervention soit susceptible d'affecter les échanges entre les Etats membres, qu'elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire, et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence dans le marché intérieur.

Elle a répondu que 'l'article 107 paragraphe 1 du TFUE doit être interprété en ce sens qu'un mécanisme tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité doit être considéré comme une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat', précisant qu'il appartenait à la juridiction saisie de déterminer si la mesure en cause constituait une aide d'Etat en vérifiant si les trois autres conditions étaient remplies.

La société Enedis et Axa CS soutiennent à juste titre que le dispositif mis en oeuvre par l'arrêté et modifié par l'arrêté du 12 janvier 2010 remplit ces trois autres conditions.

Ce dispositif permet aux producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque de bénéficier d'un tarif d'achat d'électricité par EDF particulièrement avantageux compris entre 42 et 58 centimes par kWh produit alors que le prix de revente au consommateur était à cette époque de 12 centimes.

Il procure en conséquence un avantage aux bénéficiaires en leur garantissant la rentabilité de leur investissement, favorisant de manière sélective un type de production, à savoir l'énergie d'origine photovoltaïque.

Dans un système d'économie de marché et compte tenu du caractère transfrontalier du marché de l'électricité et de sa libéralisation au niveau de l'Union européenne, cet avantage est susceptible d'avoir une incidence sur la concurrence et d'affecter les échanges entre les Etats membres.

La conséquence de cette qualification d'aide d'Etat est que l'arrêté du 12 janvier 2010 devait être obligatoirement notifié à la Commission en application de l'article 108§3 du TFUE.

Il est constant que l'arrêté tarifaire du 12 janvier 2010 n'a pas été notifié à la Commission ainsi qu'il résulte d'une réponse ministérielle publiée au Journal Officiel du 27 septembre 2016.

La société Elecsol France 29 invoque les dispositions de l'article 107§3 b, c, e du TFUE aux termes duquel :

'Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur :

b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Etat membre,

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

e) les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil sur proposition de la Commission.'

Ces dispositions précisent les types d'aides qui peuvent être considérées par la Commission comme compatibles avec le marché intérieur mais n'instituent aucune dispense directe de saisine de la Commission pour les aides répondant aux caractéristiques énoncées.

Aux termes des articles 108§4 et 109 du TFUE :

'La Commission peut adopter des règlements concernant les catégories d'aides d'Etat que le Conseil a déterminées, conformément à l'article 109, comme pouvant être dispensées de la procédure prévue au paragraphe 3 du présent article.

Le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 107 et 108 et fixer notamment les conditions d'application de l'article 108 paragraphe 3 et les catégories d'aides qui seront dispensées de cette procédure.'

Il ressort de ces dispositions que la dispense de la procédure de notification préalable à la Commission ne peut résulter que d'un règlement de la Commission ou du Conseil prévoyant expressément cette dispense pour la catégorie d'aide considérée.

C'est à tort que la société Elecsol France 29 soutient que le dispositif en cause bénéficierait d'une exemption de l'obligation de notification à la Commission en application du Règlement CE 1998/2006 de la Commission sur les aides de minimis ou du Règlement CE 800/2008 de la Commission portant règlement général d'exemption par catégories.

Ces deux règlements ne sont applicables qu'aux aides transparentes, c'est à dire dont il est possible de calculer précisément et préalablement l'équivalent-subvention brut au moment de l'octroi de l'aide, ce qui n'est pas le cas du régime d'aides accordées aux producteurs d'électricité photovoltaïque.

En outre, pour bénéficier de l'exemption prévue par le Règlement CE 800/2008 le régime d'aide doit remplir toutes les conditions d'application du règlement et contenir une référence expresse au règlement par la citation de son titre, tandis que pour bénéficier de l'exemption prévue par le Règlement CE 1998/2006, le montant des aides octroyées converti en équivalent-subvention brut doit être inférieur à 200000 € sur une période de trois ans.

Or l'arrêté du 12 janvier 2010 ne comporte aucune référence au Règlement CE 800/2008 et son application peut donner lieu, en l'absence de limitation de la puissance des installations concernées et de la quantité d'électricité vendue, à l'octroi d'une aide d'un montant supérieur à 200000 € sur trois ans.

La Directive 2009/28/CE du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, également invoquée par la société Elecsol France 29, n'édicte aucune dispense de notification relativement aux régimes d'aides que les Etats peuvent appliquer afin d'atteindre les objectifs fixés par ce texte.

Aux termes de l'ordonnance du 15 mars 2017 précitée, la CJUE a répondu à la question préjudicielle posée par la cour d'appel de Versailles que 'l'article 108 paragraphe 3 TFUE doit être interprété en ce sens que en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d'une mesure nationale constituant une aide d'Etat au sens de l'article 107 paragraphe 1 TFUE il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure.'

L'arrêté du 12 janvier 2010, qui n'a jamais été notifié à la Commission, est donc entaché d'illégalité.

C'est vainement que la société Elecsol France 29 invoque les dispositions de l'article 88 de la loi de 12 juillet 2010 qui valide l'arrêté du 12 janvier 2010, une disposition du droit interne étant inefficace à écarter l'application du droit de l'Union en vertu du principe de primauté du droit de l'Union sur le droit national.

C'est tout aussi vainement qu'est invoquée l'autorité de chose jugée attachée à la décision du Conseil d'Etat du 19 janvier 2011, refusant de renvoyer au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur l'article 88 III et IV de la loi du 12 juillet 2010, cette décision ne statuant aucunement sur la légalité de l'arrêté du 12 janvier 2010 au regard de l'obligation préalable de notification de toute aide d'Etat à la Commission selon des dispositions de l'article 108§3 du TFUE.

L'exception d'illégalité est recevable et n'est pas soumise à la prescription décennale édictée par le Règlement 659/1999 du Conseil de l'UE, applicable aux pouvoirs de la Commission en matière de récupération des aides d'Etat.

Le fait que la Commission ne se soit jamais saisie d'office de l'examen de la compatibilité de l'arrêté du 12 janvier 2010 alors qu'elle aurait le pouvoir de le faire a seulement pour conséquence qu'aucune décision de compatibilité ou d'incompatibilité n'a été rendue concernant cet arrêté, cette absence de décision n'équivalant en aucun cas à une reconnaissance tacite de compatibilité et n'ayant aucune incidence sur l'illégalité résultant du défaut de notification.

Contrairement à ce que soutient la société Elecsol France 29, cette illégalité fait obstacle à elle seule à une demande d'indemnisation au titre d'une perte d'exploitation calculée sur la base de l'arrêté litigieux, indépendamment de son éventuelle compatibilité ou incompatibilité avec le marché commun, qu'il n'appartient pas à la cour d'apprécier et qui relève du seul pouvoir d'appréciation de la Commission.

Les développements de la société Elecsol France 29 sur la probable compatibilité de l'arrêté du 12 janvier 2010 au regard notamment de décisions de la Commission de Bruxelles des 21 décembre 2009 et 10 février 2017 relatifs à des dispositifs d'aide voisins ou similaires sont inopérants dès lors que ces décisions ne sont pas applicables à l'arrêté du 12 janvier 2010.

Les principes de la responsabilité civile délictuelle, et notamment le principe de la réparation intégrale du préjudice selon lequel la victime doit être replacée dans la situation dans laquelle elle aurait dû se trouver si le fait dommageable ne s'était pas produit, ne peuvent conduire à faire application d'un arrêté illégal pour fonder un droit à réparation.

Il importe peu, dès lors, que d'autres producteurs ont bénéficié de contrats conclus sur la base de l'arrêté du 12 janvier 2010 et qui n'ont jamais été remis en cause.

Les développements de la société Elecsol France 29 sur le régime applicable aux restitutions d'aides effectivement versées puis ayant ultérieurement fait l'objet d'une déclaration de compatibilité ou d'incompatibilité ne sont pas non plus pertinents puisqu'ils concernent une situation différente.

La société Elecsol France 29 ne peut pas plus fonder sa demande d'indemnisation sur les arrêtés tarifaires antérieurs, et notamment l'arrêté du 10 juillet 2006, atteints du même vice.

Elle ne justifie d'aucun autre préjudice que celui résultant de la perte de la chance de bénéficier du tarif fixé par ces arrêtés illégaux.

Elle devra en conséquence être déboutée de sa demande d'indemnisation en l'absence de justification d'un préjudice réparable, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Partie succombante, la société Elecsol France 29 sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement, au profit de la société Enedis, d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de rejeter les autres demandes formées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a constaté que la SA ERDF n'a pas commis de faute ni manqué à ses obligations contractuelles,

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,

Dit que la société Enedis anciennement dénommée ERDF a commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil en omettant de transmettre à la société Elecsol France 29 une proposition technique et financière dans le délai de trois mois à compter de la qualification de la demande de raccordement,

Dit que le préjudice allégué par la société Elecsol France 29 présente un lien de causalité direct avec la faute retenue à l'encontre de la société Enedis,

Déclare la société Enedis et la société Axa Corporate Solutions recevables et bien fondées à invoquer l'exception d'illégalité de l'arrêté tarifaire du 12 janvier 2010 au regard du droit de l'Union européenne,

Dit que le préjudice invoqué par la société Elecsol France 29 n'est pas réparable,

Déboute la société Elecsol France 29 de ses demandes d'indemnisation tant principales que subsidiaires,

Condamne la société Elecsol France 29 à payer à la société Enedis la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette des autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Elecsol France 29 aux dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 15/20350
Date de la décision : 10/01/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°15/20350 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-10;15.20350 ?
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