COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 13 DECEMBRE 2018
N° 2018/458
Rôle N° RG 16/14443 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7BWM
gabriel X...
C/
SA BNP PARIBAS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Y...
Me Z...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 30 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02225.
APPELANT
Monsieur Gabriel X...
né le [...] à LE CANNET (06),
demeurant [...]
représenté par Me Robert Y..., avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SA BNP PARIBAS
Prise en la personne de son représentant légal,
Dont le siège est [...]
représentée par Me Christine Z..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2018 en audience publique devant la cour composée de:
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Mme Valérie GAILLOT-MERCIER, Conseiller
Mme Anne FARSSAC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2018.,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 30 juin 2016 qui a:
- dit que la demande relative à la litispendance est devenue sans objet en raison de l'arrêt prononcé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 6 juin 2014,
- dit que la demande indemnitaire réitérée dans la présente instance au sujet de la contestation du commandement, avant saisie -vente immobilière du 2 mai 2011 a déjà été tranchée par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 6 juin 2014 ayant autorité et force de chose jugée,
- déclaré en conséquence cette demande indemnitaire irrecevable pour autorité de la chose jugée, - dit que la société BNP Paribas SA rapporte la preuve du respect de son obligation d'information et de la renonciation expresse de son client à l'adhésion de l'assurance-groupe,
- débouté M. Gabriel X... de sa demande fondée sur l'article 1147 du code civil tendant à voir engager la responsabilité civile contractuelle professionnelle de la banque BNP Paribas SA,
- débouté M. X... de sa demande principale en paiement de la somme principale de 800000 euros au titre de son préjudice subi et des demandes subséquentes,
- condamné M. X... à payer à la SA BNP Paribas la somme actualisée au 30 août 2014 de'983888,41 euros au titre du solde impayé du prêt de 800000 euros en principal du 25 janvier 2006, majoré des intérêts de retard au taux conventionnel de 3,5% l'an depuis cette date jusqu'à parfait paiement,
- condamné M. X... à payer à la SA BNP Paribas la somme de'2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X... aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Pierre-Alain A...,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement;
'
Vu la déclaration du 3 août 2016, par laquelle M. X... a relevé appel de cette décision;
Vu les dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2016, aux termes desquelles M. X... demande à la cour, de :
- infirmer le jugement entrepris,
- dire et juger que la banque BNP Paribas a manqué à son devoir de mise en garde, de vigilance et de conseil en lui octroyant le prêt dit personnel du 25 janvier 2006 d'un montant principal de 800000 euros et que l'établissement bancaire a engagé sa responsabilité civile contractuelle professionnelle,
- dire et juger que son préjudice correspond au montant principal du prêt octroyé puisqu'il était économiquement inopportun, compte tenu de sa situation économique exsangue et qu'en outre la banque BNP Paribas a commis une faute en lui octroyant un tel prêt en manquant à son devoir de vigilance, de mise en garde et de conseil en ne lui faisant pas prendre une assurance décès invalidité Cardif Axa comme pourtant elle l'avait sollicitée dans un précédent prêt personnel d'un montant principal de 21500 euros le 18 octobre 2005,
- condamner en conséquence la banque BNP Paribas au paiement de la somme principale de 800000 euros au titre de son préjudice, ce en application de l'article 1147 du code civil laquelle somme est justifiée comme correspondante à la somme principale du prêt fautivement octroyé le 25 janvier 2006 et au préjudice qu'il a subi consécutivement,
- condamner en outre la banque BNP Paribas à lui payer toutes les sommes, intérêts, pénalités de retard, frais, dépens, émoluments et plus généralement tous les accessoires liés directement et indirectement au montant de la somme recouvrée par la banque BNP Paribas contre lui,
- condamner la banque BNP Paribas à lui payer la somme principale de 5000 euros outre les dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2016, aux termes desquelles la société BNP Paribas, demande à la cour de :
- débouter M. X... de son appel, de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer purement et simplement le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 30 juin 2016,
A titre subsidiaire :
- opérer une compensation entre les éventuels chefs de condamnation ou créances réciproques,
En toute hypothèse :
- condamner M. X... à lui payer la somme de 5000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais irrépétibles qu'elle s'est trouvée contrainte d'exposer devant la cour,
- condamner M. X... aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Jean-Marie B...;
SUR CE LA COUR
Attendu que suivant acte notarié en date du 25 janvier 2006 la SA BNP Paribas a consenti à M. X... un prêt de 800000 euros au taux de 3,50%, destiné au financement de ses besoins personnels, à l'exclusion toutefois du financement de toute opération ayant un caractère immobilier, remboursable in fine à l'issue d'un délai de deux ans ; que M. X... n'ayant pas remboursé le prêt à l'échéance, la SA BNP Paribas a prononcé la déchéance du terme ;
Que, soutenant que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde, de vigilance et de conseil, M. X... a fait assigner la SA BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Grasse pour la voir condamnée à lui payer la somme de 800 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, à lui verser la somme de 25 000 euros pour lui avoir délivré un commandement de saisie vente à son domicile et la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que par le jugement entrepris il a été débouté de toutes ses demandes et reconventionnellement condamné à payer à la SA BNP Paribas la somme de 983888,41 euros en principal, actualisée au 31 août 2014, majorée des intérêts de retard au taux conventionnel de 3,5% l'an depuis cette date jusqu'à parfait paiement et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
xxx
Attendu que sollicitant au dispositif de ses écritures l'infirmation du jugement, M. X... ne développe dans la discussion de ses conclusions des moyens que relativement à la responsabilité de la SA BNP Paribas pour manquement à son obligation de mise en garde, de vigilance et de conseil, aux frais irrépétibles et aux dépens; que la cour n'est dès lors pas tenue de statuer sur les autres dispositions du jugement ;
Sur la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, de vigilance et de conseil
Attendu que M. X... soutient qu'alors qu'il avait déjà souscrit un prêt personnel le 18 octobre 2005 d'un montant de 21500 euros pour lequel il avait adhéré à l'assurance groupe Cardif, la banque BNP Paribas n'a pas attiré son attention ni ne l'a mis en garde en lui demandant de manière significative de souscrire une assurance groupe Cardif pour le prêt d'un montant bien plus important que le précédent qu'elle lui a consenti le 25 janvier 2006 ; qu'il a connu depuis le mois de janvier 2007 d'importants problèmes de santé l'empêchant de régler le montant de ce prêt ;
Qu'il allègue que la société BNP Paribas ne rapporte pas la preuve qu'il ait renoncé expressément à l'assurance ; qu'elle s'est contentée d'inscrire une clause standard en page 2 du contrat ; qu'elle l'a privé d'une chance de contracter une assurance adéquate ;
Qu'il reproche à la banque de ne pas s'être préoccupée de sa situation économique et de ses revenus et d'avoir participé indirectement mais nécessairement à l'aggravation de sa situation économiquement exsangue et vouée incontestablement à sa faillite personnelle en lui faisant souscrire un prêt dont la banque aurait dû savoir qu'il ne pouvait le rembourser ;
Qu'il estime que la banque ne pouvait s'exonérer de son obligation de vigilance en spéculant sur la valeur de son patrimoine immobilier, lequel serait tiré d'un compromis de vente en date du 20 octobre 2008, postérieur de prêt de deux ans au prêt et qui n'a pas abouti ; que la banque attribue à ses biens une valeur purement spéculative en dehors de tout avis d'expert ; qu'il ne disposait que de faibles revenus en 2008 et qu'en 2011 il n'était pas imposable ;
Qu'il soutient qu'il s'agit d'un prêt économiquement inopportun et que la banque devait lui proposer une assurance décès- invalidité et non se contenter de prendre une hypothèque sur son bien ;
Qu'il fait valoir que la somme de 800 000 euros a été versée non sur son compte personnel mais sur son compte professionnel que la banque a ouvert à cet effet ; qu'il souligne que la SA BNP Paribas prétend que ces fonds étaient destinés à faire face aux droits de succession de sa mère mais que les sommes de 750000 euros et 42680 euros ont été virées sur d'autres comptes pour servir le financement de SICAV et produits financiers à hauteur de 702157 euros du 16 au 26 février 2006 ; que la banque a failli à son devoir de vigilance en ne s'assurant pas de la destination des fonds ;
Que la SA BNP Paribas soutient que M. X... était un client ancien, puisqu'il détenait depuis 1968 plusieurs comptes à la BNP ; qu'il était à la tête, pour en être propriétaire lui-même ou en avoir hérité de sa mère, de 13 biens immobiliers de qualité, ce qu'elle savait de par l'ancienneté de leurs relations;
Qu'elle précise que ces biens ont été détaillés dans un compromis global passé devant notaire le 20 octobre 2008 pour un montant de 15223 500 euros et que ce patrimoine est confirmé par les fiches d'immeubles auprès des bureaux des hypothèques de Grasse et d'Antibes afférentes à ces biens;qu'elle souligne que les inscriptions d'hypothèques légales du Trésor Public à raison de droits de successions et rôles de contributions directes impayées sur ces biens aux dépens de M. X... et de la succession de feue Mme C... sont postérieures au prêt;
Qu'elle soutient que le prêt de 800 000 euros n'avait rien d'économiquement important en regard de ce patrimoine et lui permettait de faire face à des droits de succession sans devoir céder à la hâte un de ses actifs immobiliers;
Qu'elle souligne que plus de deux ans après le déblocage des fonds M. X... a eu l'occasion de lui remettre des bulletins de rémunération pour janvier et février 2008 d'un montant mensuel de 6057,96 euros ;
Qu'elle fait valoir que les fonds ont été mis à disposition sur un compte privé de M. X... et qu'elle n'avait pas à vérifier ensuite leur destination réelle ; qu'elle pouvait légitimement penser que l'affectation d'une grande partie des fonds dans des fonds communs de placement ou SICAV préparait l'attente de la reddition de la déclaration définitive de succession par le notaire;
Qu'elle rappelle qu'en page 2 de l'acte de prêt il est formellement stipulé que l'emprunteur reconnaît avoir été parfaitement informé par la banque de la possibilité d'adhérer et des modalités d'adhésion au contrat d'assurance groupe Natio Vie Axa 4208 souscrit par la Banque et qu'il a en connaissance de cause renoncé au bénéfice de cette adhésion ; que cet acte a été signé devant le notaire chargé par M. X... de la succession de sa mère et que s'agissant d'un acte authentique, il fait foi jusqu'à inscription de faux ;
Qu'elle expose que l'assurance groupe avait été souscrite pour ouvrir un aléa de perte de revenus en cas d'incapacité de travail ou de décès pour le prêt de 21 500 euros qui était remboursable en 60 mensualités de 418,27 euros, mais que M. X... a jugé inutile le recours à une assurance qui aurait renchéri les conditions financières du crédit eu égard au caractère exclusivement patrimonial de l'opération et au délai de remboursement in fine de 2 ans, qu'il a dû convenir comme suffisant pour mobiliser une solution de remboursement notamment par cession de l'un de ses biens immobiliers ;
Attendu qu'il résulte expressément de l'acte authentique de prêt reçu par Me D..., notaire, le 25 janvier 2006, que M. X... a été informé de la possibilité d'adhérer à une assurance groupe et des conditions d'adhésion et y a renoncé ; que l'emprunteur ne peut en conséquence faire grief à la banque de ne pas justifier de sa renonciation ; qu'il n'incombait pas à la banque de 'demander de manière significative' la souscription d'une assurance de sorte que la SA BNP Paribas n'a pas engagé de sa responsabilité de ce chef ; qu'il sera surabondamment observé que quels qu'aient été les problèmes de santé de M. X..., ce dernier était en arrêt pour accident du travail, et qu'il ressort de la pièce 8 de l'intimée, qu'il bénéficiait toujours au moment où le prêt devait être remboursé, en janvier et février 2008, d'une rémunération d'un montant mensuel de 6057,96 euros ;
Que M. X... ne justifie pas davantage que la banque était tenue à une obligation de mise en garde à son égard en l'état d'une opération qu'il qualifie d'économiquement inopportune et dont il soutient qu'elle l'aurait conduit à la faillite, sans aucunement l'établir ;
Qu'au contraire la SA BNP Paribas démontre que M. X... était, au moment de la souscription du contrat de prêt en litige, propriétaire d'un patrimoine immobilier d'une valeur très supérieure au montant de l'emprunt; qu'il importe peu à cet égard que le compromis de vente portant sur 13 biens d'une valeur cumulée supérieure à 15000000 euros soit postérieur de deux années au prêt, les mentions de cet acte de même que les fiches émanant du bureau des hypothèques établissant que certains d'entre eux au moins étaient déjà la propriété de M. X..., hors succession de sa mère, à la date de l'emprunt, notamment une propriété sise au Cannet cadastrée section [...] [...] évalué à 3500000 euros et une parcelle de terre sise à [...] cadastrée section [...] évaluée à 1500000 euros;
Que l'existence de ce compromis confirme de surcroît, même s'il n'a pas abouti, l'intention de M. X... de réaliser en tout ou partie son patrimoine immobilier, ce qui était de nature à permettre un remboursement du prêt consenti sans difficulté ;
Que le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu de vérifier l'usage qu'a fait M. X... des fonds empruntés pour ses besoins personnels, lesquels n'ont pas été contrairement à son affirmation versés sur son compte professionnel mais sur le compte privé dont le numéro était porté dans l'acte authentique ;
Que le jugement qui a débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts sera en conséquence confirmé ;
Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Attendu que, succombant, M. X... supportera les dépens;qu'il sera pour ce motif débouté de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Qu'il serait inéquitable que la SA BNP Paribas conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés pour se défendre en cause d'appel ; que M. X... sera en conséquence condamné à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 30 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. Gabriel X... à payer à la SA BNP Paribas la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne M. Gabriel X... aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me B... ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT