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07/12/2018 | FRANCE | N°16/19346

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 07 décembre 2018, 16/19346


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2018



N° 2018/ 499













Rôle N° RG 16/19346 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7OLK







[I] [V] ÉPOUSE [N]





C/



Association ASS LES SALINS DE BREGILLE

























Copie exécutoire délivrée

le : 07/12/2018

à :



Me Elodie GOZZO, avocat au barreau de TOU

LON



Me André CHARBIN, avocat au barreau de GRASSE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 12 Octobre 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00111.





APPELANTE



Madame [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2018

N° 2018/ 499

Rôle N° RG 16/19346 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7OLK

[I] [V] ÉPOUSE [N]

C/

Association ASS LES SALINS DE BREGILLE

Copie exécutoire délivrée

le : 07/12/2018

à :

Me Elodie GOZZO, avocat au barreau de TOULON

Me André CHARBIN, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 12 Octobre 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00111.

APPELANTE

Madame [I] [V] ÉPOUSE [N]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1] (83), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Elodie GOZZO, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Association LES SALINS DE BREGILLE sise [Adresse 2]

représentée par Me André CHARBIN, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Agnès BALLEREAU-BOYER, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre

Mme Solange LEBAILE, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2018

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [I] [N] née [V], embauchée le 30 avril 1990 au sein de l'association Les salins de Brégille qui gère un institut de rééducation fonctionnelle, a exercé les fonctions, au sein d'une maison d'accueil spécialisée située dans le département du Var, d' agent de service, en contrat à durée indéterminée à compter du 02 janvier 1992, puis, aux termes d'avenants, d'aide-soignante à compter du 05 février 1996, à temps complet à compter du 15 décembre 1994.

Madame [I] [N] née [V] a été placée en arrêt maladie à compter du 27 juillet 2012, a repris le travail, à mi-temps thérapeutique le 06 janvier 2015 et à temps complet le 28 juillet 2015, puis a reçu en main propre le 8 décembre 2015 une lettre de convocation à un entretien préalable et de mise à pied à titre conservatoire, a été présente à l'entretien préalable du 17 décembre 2015 assistée d'une représentante du personnel, et a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception en date du 08 décembre 2015.

Le 04 février 2016, Madame [I] [N] née [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon qui, par jugement en date du 12 octobre 2016, a:

- condamné l'association Les Salins de Brégille à lui payer les sommes de:

1226,23 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 08 au 24 décembre 2015 correspondant à la mise à pied conservatoire,

122,62 euros au titre des congés payés afférents,

4273,32 euros à titre d'indemnité de préavis,

427,33 euros au titre des congés payés sur préavis,

15.414,40 euros à titre d'indemnité de licenciement,

10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties pour le surplus,

- laissé à la charge de l'association les dépens qu'elle a exposés.

Le 26 octobre 2016, dans le délai légal, [I] [N] née [V] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 17 mai 2017, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la salariée demande à la cour de :

- fixer le salaire de référence à la somme de 2 136,66 e

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne l'association les salins de Bregille à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement entrepris pour le surplus, et statuant a nouveau,

au principal:

- juger le licenciement nul

- ordonner sa réintégration,

en conséquence,

- condamner l'association les Salins de Bregille à lui payer la somme de 29.913,24 euros 'au jour de la rédaction des présentes' à parfaire au jour de l'audience à titre d'indemnité égale aux salaires qu'elle aurait perçus entre la date de la rupture et la date effective de sa réintégration ou, à défaut de réintégration, statuer comme en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

au subsidiaire:

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner sa réintégration,

- condamner l'association à lui payer la somme de 29 913,24euros 'au jour de la rédaction des présentes' à parfaire au jour de l'audience à titre d'indemnité égale aux salaires qu'elle aurait perçus entre la date de la rupture et la date effective de sa réintégration,

ou, à défaut,

- condamner l'association a lui payer les sommes suivantes :

1 226,23 € au titre de rappel de salaire pour la période du 08 décembre 2015 au 24 décembre 2015 correspondant à la mise à pied conservatoire,

122,62 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés subséquente,

4273,32 € au titre de l'indemnité de préavis,

427,33 € à titre d'indemnité de congés payés subséquente,

15 414,40 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamner l'association à lui payer la somme de 70.000 € 'en réparation du fait du préjudice subi',

- condamner l'association à lui payer la somme de 100.000 € en réparation du préjudice distinct lié aux circonstances entourant le licenciement et la perte de chance de percevoir une retraite à taux plein

et, en tout état de cause,

- condamner l'association à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée soutient que le premier juge n'a pas statué sur sa demande de nullité du licenciement et a alloué une somme inférieure au minimum légal à titre de réparation de son préjudice et :

- que sortant d'une longue maladie et faisant l'objet d'une surveillance médicale renforcée à compter de sa reprise a temps complet le 28 juillet 2015, elle a été licenciée pour faute grave après 25 ans de service sans aucun antécédent alors même que les faits sont contestés et que d'autres salariés placés dans une situation similaire ont fait l'objet de sanctions plus douces, que l'employeur ne démontre pas l'objectivité des différences de traitement qui résultent de la politique observée par l'employeur qui est de se séparer de tous les salariés qu'il considère usés, que cette différence de traitement fondée sur l'âge et/ou l'état de santé du salarié est discriminatoire, que cette attitude est attestée par Mme [F] [B], ancienne salariée, que la production d'une liste de 18 salariés sur 57 ayant plus de 15 ans d'ancienneté n'est pas de

nature à objectiver la différence de traitement, que des sanctions disciplinaires notifiées a deux autres salariés de la maison d'accueil démontrent une différence de traitement injustifiée a son égard, que le 30.01.2015, une mise à pied disciplinaire de 1 jour est infligée à Madame [O] au motif : ' vous auriez refusé à plusieurs reprises une installation au bassin ou toilettes et que vous lui auriez demandé de pisser dans 'sa couche' vous n'avez pas reconnu les faits rapportés (...) vous ne trouvez pas de solution plus adaptée qu'une rencontre entre... et deux soignants dont vous-même, dans les toilettes porte fermée, pour avoir selon vos propres termes, 'une discussion franche' avec elle, sur les faits qui vous sont reprochés', que le 22.12.2015, Madame [O] est de nouveau sanctionnée d'une mise à pied de trois jours, que Madame [K] a fait l'objet d'une observation pour négligence, qu' aucune raison objective ne justifie le traitement et la particulière sévérité dont elle a été l'objet pour des faits niés et non-établis,

- que le fait fautif est contesté de manière catégorique, que les circonstances de ce fait n'ont pas été précisées, ni durant l'entretien préalable, ni dans la lettre de licenciement malgré les demandes qu'elle a formulées, à l'instar de la déléguée du personnel, que l'attention de l'employeur a été attirée sur le fait que la résidente a l'origine de la plainte n'était pas fiable puisqu'il avait été établi qu'elle avait menti en mettant en cause d'autres membres du personnel, que Madame [O], confrontée à une situation identique, en atteste, que les délégués du personnel font observer à l'employeur l'absence de preuve des propos à l'origine du licenciement, que l'employeur ne produit aucune pièce probante qui établirait les faits reprochés,

- que l'indemnisation doit tenir compte de son ancienneté, de son âge, 45 ans, et de l'injustice de la situation qui la met en grande difficulté pour retrouver un emploi qui lui procurera nécessairement un salaire inférieur, ce qui impactera tant son évolution que sa retraite, que le licenciement est intervenu dans des conditions particulièrement injustes et détestables, alors qu'elle était soumise à une surveillance médicale renforcée, car atteinte de troubles rnusculo-squelettiques, que les salaires dans les autres établissements du même type sont inférieurs à ceux qu'elle percevait, qu'elle est actuellement en maladie et a été tellement affectée par un licenciement qu'elle qualifie d' 'arbitraire', qu'elle est dans l'incapacité de se remettre en selle, qu'elle perçoit 1200 euros par mois au titre des indemnités journalières, que les découverts bancaires, les rejets de prélèvements et les factures s'accumulent,

- que le préjudice distinct résulte d'un licenciement vexatoire qui la privera en moyenne de 400 euros par mois à la retraite, et que doit être indemnisée cette perte d'une chance de percevoir la somme de 100.000 euros de retraite à taux plein.

Par dernières conclusions du 15 juin 2017, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, l'employeur demande à la cour:

- in limine litis, de dire et juger que le jugement déféré est entaché de nullité pour défaut de motivation en ce que, pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le premier juge indique uniquement: ' Le conseil ayant délibéré juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et annule la mise à pied conservatoire',

- statuant à nouveau, de dire le licenciement pour faute grave fondé, justifié et régulier, de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'employeur fait valoir:

- que la salariée a été traitée différemment de deux autres aides-soignantes puisqu'elle était la référente de la résidente et en raison de la nature des faits commis dès lors qu'elle a proféré des menaces à son encontre dans le cadre d'une agression verbale alors que Madame [O] a été mise à pied à deux reprises pour une absence de mise aux toilettes et de change et que Madame [K] a fait l'objet de deux mises à pied disciplinaires pour manque de prévenance et

d'attention envers des résidents et pour non-respect des directives de l'infirmière; que la maison d'accueil compte 32% de salariés ayant plus de 15 ans d'ancienneté, soit 18 sur 57 suivant la liste communiquée, que sur les trois établissements varois qu'il gère, le taux monte à 40%,

- que le licenciement pour faute grave est justifié au regard du seul comportement de la salariée du 17 novembre 2015 envers une résidente âgée de 25 ans élue représentante des résidents au conseil de la vie sociale souffrant d'un handicap moteur mais bénéficiant de toutes ses capacités cognitives, que le 1er décembre 2015, cette résidente s'est plainte auprès du cadre coordinateur de faits imputés à la salariée commis ce jour-là, soit d'avoir été menacée de mesures de représailles et subi un interrogatoire qui l'a profondément marquée au sujet de sa plainte auprès du même coordinateur pour des faits survenus le 14 novembre 2015 mettant en cause une autre aide-soignante, Madame [O], qu'elle accusait d'avoir refusé de la changer après qu'elle ait mouillé ses vêtements par suite d'une mauvaise installation aux toilettes, qu'une infirmière confirme avoir reçu les mêmes déclarations de la part de la résidente qui lui a indiqué que Madame [N] l'avait menacée de téléphoner à ses copines pour tout leur raconter, que la psychologue a reçu les mêmes confidences et que celle-ci précise que la résidente en a été très affectée, que la résidente s'est confiée à une seconde infirmière, que le comportement de la salariée, qui est contraire à ses obligations élémentaires puisqu'elle était tenue de traiter la personne vulnérable avec bienveillance, est d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement pour faute grave, que les attestations que celle-ci produit aux débats ne sont pas suffisamment probantes,

- que la salariée réclame une indemnité au titre d'un licenciement abusif alors qu'elle ne justifie pas de sa situation professionnelle depuis le licenciement ni de démarches actives de recherche d'emploi et que le barème indicatif prévoit une indemnisation à hauteur de 16 mois de rémunération pour une ancienneté de 25 ans.

MOTIFS :

Sur la nullité du jugement entrepris :

Dans le jugement déféré, le premier juge a statué sur le bien-fondé du licenciement en indiquant: ' Le conseil ayant délibéré juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et annule la mise à pied conservatoire', sans exposer les raisons qui l'ont conduit à considérer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Il en résulte que la motivation du jugement prévue par l'article 455 du code de procédure civile fait défaut et que le jugement déféré doit être annulé.

Il appartient dès lors à la cour de statuer en fait et en droit sur les demandes des parties

Sur le licenciement:

A titre de motivation du licenciement, la lettre de licenciement énonce :

' Pour mémoire, vous avez été embauchée le 30 avril 1990 en qualité d'Agent de service et vous occupiez en dernier lieu le poste d'Aide'Soignante à la Maison d'Accueil Spécialisée 'L'Almanarre', depuis son ouverture en 2000.

Au cours de l'entretien préalable du 17 décembre 2015, vous ont été exposées les raisons pour lesquelles vous avez été convoquée. Nous vous les rappelons ci-après:

- Le 1er décembre 2015 à 15H, Melle [H] - résidente de la MAS dans l'unité Matisse, a déposé une plainte à votre encontre. Elle a déclaré à Melle [R] [U] - Cadre Coordonnateur, les éléments suivants: Après être venue vous rencontrer mardi 17 novembre, lorsque je suis redescendue dans l'unité, [I] [N] est venue me voir et m'a dit de manière agressive: 'Qu'es-tu allée dire à [R]' Je suis certaine que tu es allée baver sur mes copines, de toute façon je vais les appeler pour leur dire.'

M [J] - Directeur du Pôle Médico-Social, est venu vous voir le 08 décembre 2015 à 14H au moment où vous auriez dû reprendre votre poste de travail après une semaine de repos, et vous a demandé des explications concernant la déclaration de Melle [H]. Vous avez nié catégoriquement avoir tenu de tels propos envers celle-ci.

Lors de l'entretien préalable, vous avez de nouveau nié les faits rapportés par Melle [H] en vous appuyant sur l'argumentaire ci-dessous:

* vous avez de très bons contacts avec Melle [H]. Vous avez organisé une sortie 'pizzeria' qui lui tenait à coeur; elle vous aurait d'ailleurs demandé d'organiser davantage de sorties individuelles avec elle.

* Vous pensez que Melle [H] est influencée et manipulée par d'autres résidents.

* L'esprit de Melle [H] ne serait pas totalement clair et selon vous, la plainte qu'elle a déposée à votre encontre est forcément basée sur des mensonges.

* Vous avez toujours donné satisfaction dans votre travail auprès des résidents de la MAS; vous avez remis lors de l'entretien des attestations émanant de 9 collègues de travail.

Le 18 décembre 2015, vous avez remis à Mme [D] - Correspondante RH, un courrier dans lequel vous avez formalisé les éléments de réponse que vous lui avez apportés lors de l'entretien préalable.

Ceci exposé, nous retenons ce qui suit:

- Melle [H] est une résidente de la MAS qui a toutes ses capacités cognitives et qui, nous vous le rappelons, est élue au Conseil de la Vie Sociale; la répétition des informations qu'elle a données dans le cadre de sa plainte, dans les mêmes termes et auprès d'interlocuteurs différents, accrédite les faits qui sont avancés.

Melle [H] est consciente des conséquences de ses confidences et sa de plainte, c'est d'ailleurs en cela qu'elle est désolée et mal à l'aise mais elle se sent véritablement menacée, depuis notamment ce mardi 17 novembre 2015; d'autres résidents ont pu l'encourager à parler; en aucun cas, nous ne pouvons parler de mauvaise influence et/ou de manipulation de la part des autres personnes prises en charge à la MAS.

- Vous êtes la référente de Melle [H], autrement dit sa personne de confiance, son interlocutrice et la coordinatrice de son projet de vie. Nous ne pouvons pas avoir de doutes sur l'existence de ces propos dont la violence est renforcée d'une part en raison de la lourdeur du handicap de Melle [H], et du fait, d'autre part, que vous soyez sa référente au sein de la MAS concernant son projet personnalisé.

Nous vous rappelons:

- que la mission d'Aide-Soignant est définie aux articles R.4311-3 à R.4311-5 du code de la santé publique:

Son rôle s'inscrit dans une démarche globale de la personne soignée et prend en compte la dimension relationnelle des soins. L'aide-soignant accompagne cette personne dans les activités de sa vie quotidienne. Il contribue à son bien-être et à lui faire recouvrer, dans la mesure du possible, son autonomie.

L'aide-soignant participe, dans la mesure de ses compétences et dans le cadre de sa formation aux soins infirmiers préventifs, curatifs ou palliatifs. Ces soins ont pour objet de promouvoir, protéger, maintenir et restaurer la santé de la personne, dans le respect de ses droits et de sa dignité.

- que le code de l'action sociale et des familles pose le cadre des droits des usagers dans les établissements et services médico-sociaux;

Larticle L311-4 mentionne la Charte des droits et libertés de la personne accueillie; elle est intégrée au livret d'accueil de nos résidents de la MAS et des familles (article 12 : le respect de la dignité et de l'intégrité de la personne sont garantis.)

- les valeurs fondatrices de notre accompagnement du handicap (extraits du projet d'établissement de la MAS./janvier 2014):

Nous développons des projets personnalisés qui se traduisent par un accompagnement global de la personne et de sa famille , dans lequel la recherche du bien-être, de la qualité de vie et de l'autonomie, sont nos objectifs primordiaux.

Parce que la personne handicapée est au coeur de nos métiers.

Nous promouvons à tous les niveaux, une politique de prise en charge respectueuse et bien-traitante. Cette prise de soin de la personne a vocation à protéger par tous les moyens adaptés, l'intégrité et la dignité, contre les sévices, privations et humiliations dont la personne peut être l'objet en raison de son handicap.

Parce que les personnes handicapées sont fragilisées, vulnérables, et nécessitent toute notre vigilance

Compte tenu des éléments ci-dessus et après réflexion, il a été décidé que votre maintien dans l'entreprise n'était plus possible et nous vous notifions par la présente lettre votre licenciement pour faute grave, sans indemnité ni préavis, au motif suivant:

Menaces et agression verbale / acte de maltraitance envers une personne vulnérable, lourdement handicapée, et dont vous aviez la charge.'

-

En application des dispositions alors en vigueur des articles L 1132-1 et suivants du code du travail, la salariée n'apporte pas des éléments de fait, pris ensemble, permettant de supposer qu'elle aurait été licenciée de manière discriminatoire en raison de son âge et/ou de son état de santé, cette présomption ne pouvant se déduire, pris ensemble, ni d'un arrêt de travail pour maladie non-professionnelle à compter du 27 juillet 2012 suivi de la reprise de son travail à temps partiel thérapeutique près d'un an avant le déclenchement de la procédure de licenciement puis à temps complet plus de quatre mois avant la mise en oeuvre de cette procédure, ni d'une attestation de la déléguée du personnel qui a assisté la salariée au cours de l'entretien préalable dans laquelle celle-ci indique que la résidente qui a dénoncé les faits à l'origine du licenciement n'est pas fiable et que Madame [K], elle-aussi un temps accusée par cette résidente d'avoir procédé à une toilette 'non-conforme' après laquelle Madame [H] se serait trouvée souillée par de l'urine, a pu apporter la preuve qu'elle ne travaillait pas ce jour-là, ni d'un extrait du registre des délégués du personnel en date du 14 janvier 2016 qui mentionne : 'Vous avez licencié une salariée sur les dires d'une résidente qui, dans d'autres affaires, a déjà tenu des propos qui se sont avérés faux: avez-vous le droit de licencier un salarié sans preuves'...Nous vous rappelons que, par le passé, un résident avait accusé de maltraitance un salarié (qui lui aurait donné une gifle) le salarié a été déplacé mais pas licencié: quelques années plus tard le cadre responsable de la MAS a recueilli les propos du résident qui a reconnu avoir menti...', et qui contient la réponse suivante de l'employeur : ' La direction fonde ses décisions disciplinaires après enquête approfondie et évaluation des faits qui ont été portés à sa connaissance. Dans le cas récent qui est évoqué, les recoupements de faits et déclarations ont justifié la cause réelle et sérieuse du licenciement que nous avons prononcé. Il n'y a en l'espèce, aucune insécurité particulière dans laquelle seraient les salariés de la MAS. Pour le reste de vos propos, ils s'agit d'assertions de votre part, ne correspondant pas à la réalité des faits qui se sont produits à la MAS. Ils n'appellent donc aucun commentaire ou réponse de notre part.', ni de l' attestation d'une ancienne employée ayant effectué un remplacement au sein de la maison d'accueil qui rapporte des propos que lui aurait tenus le cadre coordonnateur qui les tenait du directeur, lequel ne lui aurait pas confié un poste pour une durée indéterminée parce qu'elle était 'usée professionnellement', ni du fait qu'une autre aide-soignante, née la même année que Madame [N], et d'une ancienneté d'environ une vingtaine d'années, a été mise à pied sans salaire un jour en janvier 2015 puis trois jours à la fin de cette même année pour un refus de mise aux toilettes puis pour une mauvaise installation aux toilettes suivie d'un refus de changer la résidente souillée, le tout sans la tenue de propos menaçants, ni du fait qu'une observation écrite a été faite en 2016 à une aide médico-psychologique âgée de 60 ans et d'une ancienneté de plus de vingt ans, pour avoir commis de simples négligences dans le respect des préconisations et directives d'une infirmière dans la manipulation des résidents lors de la mise en place et le retrait de leurs appareillages et dans la mise en oeuvre des principes de prévenance et d'attention vis à vis de résidents, négligences qui n'ont pas été accompagnées de propos virulents ou menaçants.

Pour sa part, l'employeur met en exergue des éléments, qui ne sont pas sérieusement remis en cause, dont il est déduit qu'il a tenu compte de l'état de santé de la salariée qui a repris son travail à mi-temps thérapeutique puis à temps complet, et qu'une proportion significative du personnel de la maison d'accueil où travaillait la salariée avait une ancienneté supérieure à quinze ans au moment du licenciement.

Il ne résulte pas des éléments fournis de part et d'autre, pris dans leur ensemble, l'existence d'une discrimination en raison de l'âge et/ou de l'état de santé de la salariée qui sera déboutée de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination.

- Il résulte des éléments d'appréciation que le directeur du pôle médico-social a été alerté le 4 décembre 2015 par un rapport écrit du cadre coordonnateur de la maison d'accueil, Madame [R] [U], sur l'existence d'une plainte par une résidente handicapée moteur qui l'avait interpellée dans l'infirmerie en lui disant: ' Après être venue vous rencontrer mardi 17 novembre, lorsque je suis redescendue dans l'unité, [I] [N]...est venue me voir et m'a dit de manière agressive: 'qu'es-tu allée dire à [R]' Je suis certaine que tu es allée baver sur mes copines, de toute façons je vais les appeler pour leur dire'; que le directeur du pôle médico-social a établi un rapport transmis à l'employeur en date du 09 décembre 2015 dans lequel il indique précisément qu'il a rencontré Madame [N] le 08 décembre 2015, que celle-ci a d'abord prétendu, contrairement aux indications du planning, qu'elle n'était pas de service le jour des faits évoqués, puis a réfuté les accusations portées par la résidente à son encontre, qu'il a contacté l'infirmière qui a indiqué avoir reçu les confidences de la résidente qui lui a confirmé la menace proférée par Madame [N] lui ayant dit qu'elle n'hésiterait pas à téléphoner à ses 'copines' et qui a fait état de 'plein de questions posées par Madame [N]'; que le 10 décembre 2015, ce même directeur a établi et transmis un rapport aux termes duquel la psychologue clinicienne de la structure a rencontré la résidente ' en entretien clinique de routine' le 19 décembre 2015 et que celle-ci lui a confié notamment que Madame [N] lui avait demandé si elle avait parlé de ses copines à [R] [U], et qu'elle avait été questionnée de plusieurs façons sur ce sujet par Madame [N], sa référente; que cette même psychologue a émis un avis selon lequel la résidente ' a été très affectée par le comportement de madame [N] à son égard et semble avoir vécu ses propos comme une pression psychologique très difficile à gérer pour elle compte tenu de son handicap et de sa vulnérabilité' et que ' Dans un contexte et cette situation précise', cette résidente ' a toujours tenu les mêmes propos à des moments différents et à des professionnels différents.'

Il en résulte la preuve de faits d'une particulière gravité consistant en des propos accusateurs et menaçants qui, s'adressant directement à une jeune résidente handicapée moteur et tenus par son aide-soignante, désignée comme étant sa référénte, sont particulièrement virulents et de nature à l'impressionner, alors que les fonctions de Madame [N] exigeaient d'elle qu'elle traite cette résidente, vulnérable et impressionnable, avec bienveillance et sérénité dans le cadre de soins et d'un entretien devant contribuer à son bien-être et à l'amélioration de sa qualité de vie, cette jeune femme handicapée ayant été très affectée par le comportement de sa référente qu'elle a vécu comme une pression psychologique.

Or, la salariée n'apporte aucun élément sérieux permettant de remettre en cause l'exactitude et la sincérité des accusations précises et circonstanciées rapportées par la résidente à son encontre à plusieurs reprises et à différents professionnels, ce qui ne peut se déduire de témoignages sur ses qualités professionnelles habituelles, ni d'allégations insuffisamment étayées qui évoquent chez cette résidente des problèmes de compréhension et un manque de fiabilité que la psychologue clinicienne n'a pas constatés.

Les faits reprochés à la salariée, matériellement établis, précis et objectifs, regardés dans leur ensemble, justifient le licenciement pour faute grave de Madame [N] dès lors qu'il s'en déduit qu'est établie l'existence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables à celle-ci constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis

Le licenciement pour faute grave est privatif des indemnités de préavis, de congés payés afférents, et de licenciement à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables. La mise à pied conservatoire étant fondée et justifiée, la demande de rappel de salaire correspondant doit être rejetée.

La salariée sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Madame [N] ne justifie pas d'un préjudice découlant des circonstances dans lesquelles est intervenu son licenciement qui, au vu des éléments fournis, n'a pas été brutal, vexatoire ou humiliant. Elle sera donc déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour un préjudice distinct.

En considération de l'équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Prononce l'annulation du jugement déféré.

Statuant à nouveau en fait et en droit:

Dit bien fondé le licenciement pour faute grave de Madame [I] [N] née [V].

Déboute Madame [I] [N] née [V] de l'intégralité de ses demandes.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame [I] [N] née [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierM.Thierry CABALE, conseiller faisant fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 16/19346
Date de la décision : 07/12/2018
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°16/19346 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-07;16.19346 ?
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