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06/12/2018 | FRANCE | N°16/19310

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 06 décembre 2018, 16/19310


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 06 DECEMBRE 2018



N° 2018/

GB/FP-D











Rôle N° RG 16/19310 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7OJA







[J] [H]





C/



SAS AGL MARINE

























Copie exécutoire délivrée

le :

06 DECEMBRE 2018

à :

Me Marie-france GERAUD-

TONELLOT, avocat au barreau de GRAS

SE





Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Cannes en date du 30 Septembre 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/00410.





APPELANT



Monsieur ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 06 DECEMBRE 2018

N° 2018/

GB/FP-D

Rôle N° RG 16/19310 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7OJA

[J] [H]

C/

SAS AGL MARINE

Copie exécutoire délivrée

le :

06 DECEMBRE 2018

à :

Me Marie-france GERAUD-

TONELLOT, avocat au barreau de GRASSE

Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Cannes en date du 30 Septembre 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/00410.

APPELANT

Monsieur [J] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Marie-france GERAUD-TONELLOT, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SAS AGL MARINE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2018

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

PROCÉDURE

Par déclaration électronique reçue le 26 octobre 2016, M. [J] [H] a interjeté appel du jugement rendu le 30 septembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Cannes, disant que sa prise d'acte de la rupture s'analyse en une démission, comme telle privative d'indemnités pour rupture, hormis la somme de 3875,57 euros allouée à titre de congés payés, mais le salarié est condamné à verser à la société AGL Marine, son employeur, une indemnité de 8950 euros du fait de son manquement à son obligation d'effectuer un préavis.

En cause d'appel, M. [H] poursuit la condamnation de la société AGL Marine à lui verser les sommes suivantes :

- 11'626,71 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1162,67 euros au titre des congés payés afférents,

- 9095,14 euros au titre de l'indemnité de licenciement, ces créances salariales portant intérêts au taux légal capitalisés à compter de la saisine du conseil,

- 46'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 600 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La société AGL Marine conclut à la confirmation du jugement déféré à la censure de la cour et poursuit la condamnation de son ancien salarié à lui verser 1 950 euros à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture, ainsi que 10'000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la destruction de fichiers informatiques et du vol de documents appartenant à l'entreprise ; l'intimée réclame une indemnité de 2500 euros pour ses frais irrépétibles..

La cour renvoie pour plus ample exposé au contenu du jugement entrepris et aux écritures des parties.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 24 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [H] a été au service de la société AGL Marine, en dernier lieu en qualité de cadre responsable des achats au sein de cette entreprise spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de gros de fournitures (peintures de marine) et équipements divers pour le commerce et les services liés au nautisme, du 23 août 2004 au 16 juin 2015, date de sa prise d'acte motivée par l'espionnage continuel de son employeur, le dénigrement de sa personne auprès des clients et des fournisseurs, le fait qu'il était sans cesse menacé de licenciement, insulté et injurié par son employeur.

M. [H] réitère à l'occasion de la présente procédure ces griefs que son ancien employeur rejette en bloc.

Pour apporter la démonstration de la réalité de ces griefs, M. [H] verse aux débats diverses pièces médicales mettant en relief son anxiété réactionnelle (deux arrêts de travail du 28 mai 2015 au 26 juin 2015, une ordonnance du 28 mai 2015 lui prescrivant un anxiolytique), ainsi que plusieurs attestations convaincantes :

- M. [Y] qui déclare que pendant la période durant laquelle il était en poste chez AGL Marine, il a pu assister, plusieurs fois par semaine, à des hurlements de M. [Z] envers M. [H] 'des rabaissements constants lui disant qu'il ne savait pas acheter que c'était un con'.

- Mme [G] qui déclare avoir été au service de la société AGL Marine, en qualité de comptable, à compter du 22 avril 2014, et indique que M. [Z] lui disait que son acheteur (M. [H]) était mauvais. 'Il me demandait de vérifier, au travers des factures d'achats de marchandises, les incohérences quant au prix d'achat et aux produits achetés et lui rapporté tout ce que je trouverai de bizarre. Il voulait voir s'il devait changer d'acheteur. Courant Mars après être sorti du bureau de M. [H] alors qu'il venait de hurler après ce dernier à propos de commandes et de stocks, j'ai entendu M. [Z] hurler dans le bureau de sa fille en disant que M. [H] était un 'connard et un mauvais'. Mon bureau se trouvait sous le bureau de Mlle [Z].

M. [Z] à plusieurs reprises dénigrait Mr [H], sur son travail et ses compétences. J'ai travaillé durant 12 mois au sein de cette sté et j'ai pu juger des compétences de M. [H] et je peux attester de ses qualités professionnelles.'.

Le fait que Mme [G] a démissionné de son poste de comptable au sein de la société AGL Marine en reprochant à son employeur de lui hurler dessus 'au point d'être entendu à 100 mètres à la ronde' ne discrédite pas son témoignage, mais renforce les assertions de M. [H].

- Mme [S], secrétaire, qui déclare 'Hurlements tous les jours, humiliations, dévalorisation du travail et de la personne, insultes, dénigrements, impolitesse, arrogance, menaces. Quelques exemples de ces actes et paroles envers Mr [H] [J] : Tu es nul, te sers à rien, tu n'es qu'un con, ton travail c'est de la merde, sans moi tu ne serais rien, tu es un incapable. Bons de commandes jetés à la figure de M. [H]. Après le départ en maladie de Mr [H], j'ai été convoqué par Mr [W] dans son bureau il voulait savoir si j'avais encore des contacts avec Mr [H], ce qui, à ses dires, était très déconseillé si on tenait à garder son travail. J'ai travaillé dans cette société pendant plus d'un an. L'ambiance était insupportable. Etant homosexuelle, il a osé dire que je n'étais qu'une 'gouinasse' ... Je l'ai entendu dire à l'un des magasiniers s'il voulait 'qu'on lui suce la bite'.

- M. [V] qui déclare qu'à l'occasion de ses interventions pour effectuer divers travaux, il a pu assister à des 'crises de hurlements envers son personnel afin de les rabaisser en permanence. Ces insultes étaient du type 'vous êtes des cons' ou 'c'est qu'un connard' ces injures étaient essentiellement diriger vers Mr [H]. Ces injures étaient dites devant des clients, des salariés, et toutes autres personnes. Mr [H] était toujours présent lors de mes interventions même entre 12 h et 14 h ou après 18 h sur ordre de Mr [Z].'.

- M. [Q], vendeur, déclare : 'Insultes permanentes, humiliations diverses des employés devant la clientèle. Acharnement perpétuel sur la personne de Mr [H], allant même à reprocher une simple absence pour se rendre aux toilettes avec insultes et brimades : ou est ce con ! Qu'est ce que tu fous au toilettes etc ... Et demande de surveillance envers M. [H] pour lui rapporter tous faits et gestes, contacts client/fournisseurs ,,,'.

Le comportement du gérant de l'entreprise AGL Marine envers M. [H] est encore rapporté, de manière crédible, par les témoins [P], [K]et [E], un intérimaire qui qualifie de 'tyranique' le caractère du patron et rapporte avoir été témoin direct de ses provocations et 'engueulades' s'adressant à M. [H] 'Tu n'as pas peur de moi ' Parce que tu devrais, on ne joue pas dans la même cour.', ce témoin ajoutant que lorsque M. [H] était parti il (le gérant) disait à qui voulait bien l'entendre que 'Mr [H] était PD, et qui devait aimer se faire enculer.'.

Ces témoignages ne sont pas remis en question par le témoignage adverse de Mme [F], entrée au service de la société AGL Marine après le départ de M. [H], pas plus que ces témoignages ne sont fragilisés par l'initiative que M. [Z] a cru devoir prendre en envoyant un huissier faire un véritable contre-interrogatoire de trois témoins de M. [H] qui n'apporte aucun élément probant.

Ces éléments de preuve suffisent à démontrer que M. [H], comme il l'écrivait à l'occasion de sa prise d'acte, a été durant de longues années le souffre-douleur de son employeur, dont le comportement a porté atteinte à sa santé mentale.

La répétition de ces faits rendait impossible la poursuite de son contrat de travail, de sorte que sa prise d'acte produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

.../...

Le salarié recevra la somme de 11 626,71 euros pour préavis, ainsi que 1.162,67 euros au titre des congés payés afférents.

Il recevra, également, l'indemnité qu'il réclame au titre de son indemnité légale de licenciement dont le montant n'est pas discuté.

Âgé de 50 ans au moment de la rupture de son contrat de travail, M. [H] accusait une ancienneté de 11 ans au sein d'une entreprise occupant plus de 11 salariés, qui lui versait un salaire mensuel d'un montant non contesté de 3.875,57 euros brut.

M.[H], qui ne précise pas sa situation professionnelle après sa prise d'acte, recevra une indemnisation au moins égale à 6 mois de salaire en l'état de son ancienneté et de la taille de l'entreprise, que la cour arrête à la somme de 24.000 euros.

.../...

Les indemnités de rupture porteront intérêts au taux légal à compter de la réunion du bureau de jugement du 25 septembre 2015, la cour ne disposant pas de dates certaines antérieures emportant première mise en demeure de payer ; le bénéfice de l'anatocisme est acquis depuis le 25 septembre 2016.

.../...

L'employeur perdant son procès du chef de la rupture du contrat de travail de M. [H], ne peut utilement lui réclamer une indemnité pour brusque rupture, pas plus qu'il n'est fondé à rechercher la responsabilité pécuniaire de son salarié, qui ne peut être engagée que dans l'hypothèse d'un licenciement pour faute lourde, ce dont il sera retenu que les fins de son appel principal seront rejetées en leur ensemble.

L'employeur supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile.

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau, dit que la prise d'acte de son contrat de travail par M. [H] produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société AGL Marine à lui verser les sommes suivantes :

11 626,71 euros pour préavis, ainsi que 1 162,67 euros au titre des congés payés afférents,

9 095,14 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

24 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture de son contrat de travail.

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2015, le bénéfice de l'anatocisme étant acquis depuis le 25 septembre 2016.

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Condamne la société AGL Marine aux entiers dépens.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société AGL Marine à verser à M. [H] la somme de 3 000 pour ses frais de première instance et d'appel confondus.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/19310
Date de la décision : 06/12/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°16/19310 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-06;16.19310 ?
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