COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 29 NOVEMBRE 2018
N° 2018/
TL
RG N° 16/19906 N° Portalis DBVB-V-B7A-7QIS
D... X...
C/
SAS RAZEL BEC
Copie exécutoire délivrée
le : 29/11/2018
à :
- Me Rémi Y..., avocat au barreau de NICE
- Me Yves Z..., avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 26 Octobre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° F15/00840.
APPELANT
Monsieur D... X..., demeurant [...]
représenté par Me Rémi Y..., avocat au barreau de NICE substitué par Me Valérie E..., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS RAZEL BEC, demeurant [...]
représentée par Me Yves Z..., avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Maxime F..., avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2018
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Caroline LOGIEST, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
FAITS ET PROCEDURE
D... X... a été engagé par la société RAZEL-BEC en qualité de conducteur de travaux principal, à compter du 25 mars 2013, suivant contrat à durée déterminée indéterminée, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 4178,66 euros.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres du BTP.
La société RAZEL-BEC employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
Par lettre remise en main propre contre décharge le 26 novembre 2014, D... X... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 8 décembre 2014 et par lettre du 19 décembre 2014, adressée sous la même forme, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.
Estimant son licenciement motivé par une raison économique, D... X... a saisi le 27 juillet 2015 la juridiction prud'homale afin d'obtenir, selon le dernier état de sa demande, la condamnation de la société RAZEL-BEC au paiement des sommes suivantes :
- 50143,98 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et nul
- 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- aux entiers dépens.
Par jugement rendu le 26 octobre 2016 le conseil de prud'hommes de Grasse a :
* débouté D... X... de ses demandes.
* débouté la société RAZEL-BEC de sa demande reconventionnelle
* dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
* laissé les dépens et frais d'exécution du jugement à la charge de chaque partie.
D... X... a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par voie de conclusions déposées et reprises oralement à l'audience de plaidoiries, D... X... fait valoir qu'il n'a été en rien insuffisant, que son licenciement répond à la suppression de son poste pour motif économique, que le jugement du Conseil de Prud'hommes de Grasse semble procéder d'une erreur matérielle tant son dispositif est en contradiction avec l'exposé de ses motifs et qu'il est fondé à demander une juste réparation.
Il demande en conséquence d'infirmer le jugement, à titre principal de dire et juger nul son licenciement, à titre subsidiaire de le dire sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société RAZEL-BEC à lui paye une somme de 50 143,98 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par voie de conclusions régulièrement communiquées, déposées et reprises oralement à l'audience de plaidoiries, la société RAZEL-BEC fait valoir que le licenciement d'D... X... n'est pas dû à un motif économique, le bénéfice et le résultat d'exploitation restant largement positifs en 2013 et 2014 et que le travail d'D... X... s'est montré insuffisant en matière de gestion budgétaire et dans le suivi administratif et contractuel
La société RAZEL-BEC demande en conséquence de confirmer le jugement et de condamner D... X... à lui payer une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le caractère économique du licenciement
Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, 'constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salatié résultant d'une suppression ou tranformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives
notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolutionsignificative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires ...'
En l'espèce, si la société RAZEL-BEC reconnaît qu'elle a connu une baisse d'efffectifs entre 2012 et 2014, elle produit les tableaux d'entrées et sorties 2014-2015 qui montrent que les licenciements ne sont pas majoritaires et en tout état de cause, inférieurs au nombre mensuel impliquant la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Elle montre également que le bénéfice et le résultat d'exploitation sont restés largement positifs en 2013 et 2014.
Sur l'insuffisance professionnelle
La lettre de licenciement en date du 19 décembre 2014 est ainsi motivée :
'Monsieur,
Par courrier remis en mains propres contre décharge en date du 26 novembre 2014, nou vous demandions de bien vouloir vous présenter au sein de l'agence 'Côte d'Azur', service resources humaines... le lundi 8 décembre 2014 à 14 h afin de vous entretenir avec votre responsable sur une éventuelle mesure de sanction pouvant conduire au licenciement.
Vous vous êtes présenté seul à l'entretien.
Nous vous avons présenté les faits reprochés qui sont les suivants :
Comptes
Lors de la réunion des comptes du mois d'octobre 2014 réalisée le 4 novembre 2014, en présence de Messieurs A..., responsable service gestion et B..., chef de secteur, vous deviez présenter les résultats à fin octobre 2014 et la prévision à fin d'affaire du chantier 'les moulins' dont vous avez la responsabilité en votre qualité d conducteur de travaux principal.
Des incohérences dans les éméments présentés ayant été détecté par Messieurs A... et B..., il vous a été demandé de vérifier ces derniers et de les présenter de nouveau le lendemain à 11 heures.
Le 5 novembre 2014, vous deviez présenter les éléments suivants :
- Production méritée
- Prévision du niveau de dépenses afin d'affaire.
Votre présentation s'est de nouveau révélée incomplète du fait que les mêmes incohérences ont été constatées au niveau de la projection des dépenses du chantier à fin d'affaire.
En conséquence, une réunion a été planifiée pour le 20 novembre 2014 afin de vous laisser le temps nécéssaire à une analyse fiable de la situation de votre chantier.
Le 20 novembre 2014, en présence de Philippe C..., chef d'agence, vous avez présenté à nouveau une analyse érronée entre les dépenses à fin d'affaire et l'écart à fin octobre 2014.
Devant votre incapacité à mettre en cohérence ces deux éléments, le chef d'agence a interrompu la réunion et vous a demandé de représenter des éléments cohérents le 25 novembre 2014 à fin d'évaluer les éventuelles pertes à venir sur le chantier 'les moulins'.
Le 25 novembre 2014, vous êtes allé voir Philippe C... en lui indiquant que vous n'étiez pas près pour présenter une nouvelle analyse.
Ces faits dénotent un manque de maitrise du sujet ainsi qu'un non respect des missions qui vous sont confiés.
Ordre de service :
le client du chantier 'les Moulins' nous a notifié un ordre de service pour reprise des travaux suuite à l'arrêt du chantier.
Vous deviez répondre à cet ordre de service qui devait comporter un certain nombre de réserves. Ces dernières portaient sur le préjudice subi par le groupement lors de l'interruption des dits travaux. L'évaluation financière du préjudice s'éleve de 450Keuros hors taxe 'suivant évaluation réalisée et transmise au client'.
Ces réserves devaient être remises au client 15 jours maximum après sa réception au secrétariat d l'agence le 12 novembre 2014. Donc une réception maximale chez le client le 27 novembre 2014.
Après plusieures relances de votre chef de secteur, vous lui avez transmis le dit courrier pour validation le 21 novembre 2014.
La rédaction des réserves par vos soins étant incomplète, votre responsable a repris l'intégralité du document à fin de préserver les intérêts du groupement d'entreprises.
Le temps passé à refaire entièrement le document et ensuite la validation par le chef d'agence, nous ont contraint à remettre le pli en mains propres au client car nous nous trouvions hors délai par voie postale.
Nous ne pouvions pas prendre un tel risque compte tenu du montant du préjudice. Cette légèreté avec laquelle vous avez traité du sujet qui représente une somme importante est consternante.
Lors de l'entretien précité, vous vous êtes exprimés sur les faits que vous reconnaissez. Vous précisez que c'est votre première expérience dans le cadre d'une direction de chantier et que vous n'êtes donc pas rompu à l'exercice.
Vos explications ne nous ont pas convaincu, dans la mesure ou précédemment,constatant des faits similaires, votre hiérarchie vous avait alerté et proposé de vous recentrer sur la mission de conducteur de travaux, ce que vous avez refusé.
De tels irrégularités au regard de votre poste sont préjudiciables au fonctionnement de l'entreprise et innacceptable pour un conducteur de travaux et, a fortiori en votre qualité de conducteur de travaux principal.
Comme précisé par Philippe C..., un conducteur de travaux principal doit savoir géréer un chantier de taille similaire à celui des Moulins aini que deux chantiers moins importats ce qui n'est pas votre cas. Nous vous avons seulement responsabilisé sur un chantier afin de vous permettre de l'appréhender correctement.
Dans ce contexte, et compte tenu que les griefs retenus à votre encontre constitue un fait fautif, nous sommes amenés à vous notifier votre licenciement pour le motif réel et sérieux suivant: insuffisances professionnelles ...'
La lettre de licenciement expose précisément les erreurs reprochées à D... X... qui constituent des fautes professionnelles ayant causé un préjudice financier à son employeur et un surcroît de travail pour son supérieur hiérarchique et la lettre de licenciement énonce que celui-ci les a reconnues.
Il convient donc de confirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de Grasse.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de laisser à la charge des deux parties les dépens par elles exposés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Confirme le jugement du Conseil des prud'hommes de Grasse du 26 octobre 2016 en toutes ses dispositions.
Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.
LE GREFFIERLE PRESIDENT