COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 22 NOVEMBRE 2018
N° 2018/
MS
RG N° 16/20844
N° Portalis DBVB-V-B7A-7S5T
[K] [X]
C/
SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION GARAGE DE L'AUTOROUTE -SNEGA-
Copie exécutoire délivrée
le : 22/11/2018
à :
- Me Sabria MOSBAH, avocat au barreau de NICE
- Me Paul GUETTA, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 17 Octobre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01299.
APPELANT
Monsieur [K] [X], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sabria MOSBAH, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SOCIETE NOUVELLE D'EXPLOITATION GARAGE DE L'AUTOROUTE - SNEGA - sis [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUETTA, avocat au barreau de NICE et par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2018
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
FAITS ET PROCEDURE
M. [K] [X] a été engagé par la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute en qualité de chauffeur dépanneur suivant contrat à durée déterminée, à compter du 27 avril 2015 avec un terme prévu au 26 octobre 2015.
La relation de travail a pris fin le 21 septembre 2015.
Le contrat de travail dispose que les horaires applicables à l'entreprise sont : du lundi au vendredi, le matin de 8h à 12h, et l'après-midi de 14h à 18h. Il ajoute que le salarié sera tenu à une astreinte de 24 heures sur 24 en sa qualité de chauffeur dépanneur.
Il prévoit que la rémunération du salarié se compose d'un salaire brut mensuel de 1.498 euros pour 151,67 heures mensuelles, que les heures supplémentaires effectuées au-delà du quota hebdomadaire de 35 h seront récupérées ou indemnisées, qu'une prime d'astreinte 24h/24h de 400 euros et un forfait pour heures supplémentaires de 408 euros lui seront versés outre une prime pour non accident de 100 euros.
La relation de travail était soumise à la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.
La Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute employait plus de onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.
M. [X], ainsi que sept autres salariés, a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 17 octobre 2016, le conseil de prud'hommes de Nice a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat a durée indéterminée, a qualifié la rupture du contrat de travail de licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à payer au salarié :
- 3169,18 euros à titre d'indemnité de préavis
- 316,92 euros à titre de congés payés sur préavis
- 3169,18 euros à titre d'indemnité de requalification
- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et inobservation de la procédure de licenciement
- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche
- 1000 euros sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes a ordonné la remise des bulletins de salaire et des documents de rupture rectifiés, mais sans astreinte, et a débouté M. [X] du surplus de ses demandes, et la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute de sa demande reconventionnelle.
M. [X] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 24 septembre 2018, M. [X], s'agissant des demandes relatives à l'exécution du contrat de travail, soutient :
- que le contrat à durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à défaut d'indication du motif de recours,
- qu'il n'a pas été rémunéré pour ses heures supplémentaires dès lors qu'il effectuait des périodes d'astreintes et de renfort, dans un local de permanence, pour permettre un dépannage d'urgence sur l'autoroute en restant à la disposition de l'employeur 24h/24H,
- qu'il n'a pas disposé de son repos quotidien, ni hebdomadaire le samedi et le dimanche ni n'a bénéficié de deux jours de repos consécutifs car il enchaînait les périodes d'astreinte (de 18 h à 8h) et les périodes normales de travail effectif (8h à 12h / 14h à 18h) que les bulletins de salaire ne mentionnent d'ailleurs aucun jour de congé rémunéré,
- qu'en considération des heures supplémentaires effectuées (432) il a droit au repos compensateur et aux congés payés y afférents,
- qu'en rémunérant les heures d'astreinte sous forme d'un forfait, l'employeur a délibérément cherché à dissimuler le paiement d'heures supplémentaires,
- que les locaux mis à disposition des salariés étaient deux bungalows de 10 m² à la limite de l'insalubrité, qu'il n'a jamais subi de visite médicale et a contracté une mycose sur le lieu de travail, ce qui justifie une indemnité égale à un mois de salaire.
S'agissant de la rupture du contrat de travail, M. [X] fait valoir :
- qu'elle est intervenue le 21 septembre 2015 sans respect de la procédure et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-que les indemnités de rupture ont été exactement calculées par le conseil de prud'hommes sur la base d'un salaire de 3.169,19 euros et des dispositions de la convention collective,
- que les dommages-intérêts ont été sous évalués au regard du préjudice réellement subi,
- qu'il a été en arrêt de travail dans les suites de son licenciement vexatoire et a été traité comme « une bête de somme ».
M. [X] demande en conséquence de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que relatives à la rupture abusive du contrat de travail, le paiement de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents, de l'infirmer pour le surplus et de condamner la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute outre aux dépens au paiement des sommes suivantes :
- 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct,
- 3.169,18 euros à titre de dommages-intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement
- 3.169,18 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche
- 11.246,82 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et 1.124,68 euros de congés payés y afférents
-2.133,37 euros à titre de rappel de repos compensateur et 213,34 euros de congés payés y afférents
-5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de repos hebdomadaire
-19.015,08 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 31 août 2018, la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute, explique avoir deux établissements à [Localité 1] et à [Localité 2] situés à proximité de l'autoroute 8 et être agrémentée sur un secteur d'intervention de 20 km environ ; que le salarié était affecté à [Localité 2] et avait un salaire en dernier lieu de 3.144,21 euros et non de 3.169,19 euros ; qu'effectivement, elle n'a pas spécifié dans le contrat de travail, le motif de recours au contrat à durée déterminée ;
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute expose :
- qu'en dehors du week-end et des jours fériés, les astreintes et les renforts se superposent avec la journée de travail effectif entre 8h et 12h puis entre 14h et 18h. Ainsi, la journée du salarié en position d'astreinte ou de renfort est la suivante : « le salarié prend son service à 8h, puis entre 12h et 14h, il est susceptible d'intervenir sur un dépannage, il reprend ensuite son service de 14h à 18h, puis il est d'astreinte de 18 heures jusqu'au lendemain 8 heures ; ainsi en semaine les salariés ne sont finalement d'astreinte que de 12h à 14h et de 18h à 8 heures le lendemain ; le week end le salarié est d'astreinte du samedi 8h au dimanche 8h puis de renfort du dimanche 8h au lundi 8h et inversement. »
- que, lorsqu'il était d'astreinte, le salarié était parfaitement libre de rester chez lui et de vaquer à ses occupations personnelles. II n'était donc pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur et n'avait pas à percevoir une rémunération en dehors des interventions qu'il était amené a accomplir, et qui seules sont du travail effectif,
- qu'il devait seulement se rendre sur les lieux du dépannage en 30 minutes maximum 45 minutes pour le dépannage des poids lourds selon le cahier des charges Escota, que c'est donc à compter de cet appel que le temps de travail du salarié était décompté, le salarié mentionnait d'ailleurs son heure d'arrivée sur Ies lieux et la fin de son intervention, sous sa seule et unique affirmation,
- que l'employeur ne pouvant vérifier la durée de l'intervention du salarié et c'est donc à partir des propres affirmations du salarié que la facturation est effectuée et le temps de travail décompté,
-que le salarié commet une erreur volontaire en comptabilisant les périodes de renfort comme des périodes d'astreinte alors que ce sont les seules permanences qui constituent des astreintes, que ses réclamations ont doublé entre la première instance et l'instance d'appel,
- que la demande de M. [X] est fondée sur des plannings prévisionnels, non probants, que ses calculs sont d'ailleurs faux, que l'ensemble des documents et notamment les fiches d'intervention remplies par le salarié lui même font foi de l'horaire accompli,
- que le local était régulièrement visité par la médecine du travail qui n'a jamais émis la moindre remarque sur son état ou son entretien
S'agissant des demandes relatives à la rupture du contrat de travail la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute fait valoir :
-qu'une lettre de rupture a été notifiée à M. [X] le jour même des faits fautifs qu'il n'a pas daigné retirer,
-que le licenciement est fondé sur une faute grave, non contestée par M. [X], qui est de nationalité roumaine, a fait entrer dans le dépôt un véhicule, en permettant aux mécaniciens roumains de procéder à sa réparation, enfreignant ainsi l'interdiction absolue de laisser des tiers pénétrer dans l'enceinte pour des raisons évidentes d'assurance et de sécurité,
-que le salarié ne démontre aucun préjudice ; que la réclamation d'une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant 5 mois de salaire, est excessive ;
- que les conditions de travail dénoncées par le salarié n'entrent pas dans la constitution du préjudice distinct dont il réclame réparation, que les photos produites par le salarié n'ont aucune fiabilité et sont le fruit d'une mise en scène.
En conséquence, la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute s'en rapporte à justice sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, demande de réformer le jugement pour le surplus, de débouter M. [X] de ses demandes et de condamner M. [X] à lui payer une somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la requalification du contrat de travail :
M. [X] a été employé par la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute suivant contrat à durée déterminée à compter du 27 avril 2015 avec un terme prévu au 26 octobre 2015 sans indication du motif de recours au contrat à durée déterminée.
En l'absence d'indication dans le contrat de travail écrit, du motif de recours au contrat à durée déterminée le contrat de travail est réputé à durée indéterminée en application des dispositions de l'article L1242-12 du code du travail.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée de M. [X] en contrat à durée indéterminée et en ce qu'il a alloué au salarié un mois de salaire à titre d'indemnité de requalification.
Sur le licenciement verbal :
M. [X] expose avoir été congédié verbalement par l'employeur sans avoir été convoqué à un entretien préalable et ce, de manière humiliante, en présence de ses collègues.
Il ressort de la lettre recommandée adressée le 21 septembre 2015 par la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute à M. [X] ,mentionnant « votre licenciement pour faute grave s'impose, ce que je vous ai signifié sur le champ en présence de vos collègues, ce jour le 21 septembre 2015 à 14h25 mn » que l'employeur, reprochant au salarié d'avoir le jour même commis une faute d'insubordination en permettant à des tiers de pénétrer dans l'enceinte de l'entreprise pour y procéder à la réparation de leur véhicule malgré les instructions contraires de la direction, l'a congédié verbalement.
Même si les faits reprochés au salarié sont graves, le licenciement prononcé verbalement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à son profit au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts.
Le défaut de convocation à l'entretien préalable au licenciement conformément à l'article L.1232-2 du code du travail, rend le licenciement irrégulier.
Au moment du licenciement, M. [X], âgé de 29 ans (comme étant né en 1986), comptait 5 mois d'ancienneté et percevait un salaire brut mensuel moyen de 3.169,18 euros. Il ne justifie pas de la précarité financière alléguée.
C'est à bon droit que le conseil de prud'hommes, dont la décision sera confirmée, a alloué au salarié les indemnités de rupture auxquelles il a droit ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont les montants ont été exactement appréciés compte tenu du préjudice par lui subi découlant tant du caractère injustifié que de l'irrégularité du licenciement.
M. [X] ne démontre pas de faute distincte de l'employeur ni de préjudice en résultant pour lui qui ne serait pas déjà réparé par ces montants ; il sera donc débouté du surplus de ses prétentions d'indemnisation.
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :
Sur le défaut de visite médicale d'embauche :
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.
La Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute n'établit pas que M. [X] a été soumis à une visite médicale d'embauche. Les difficultés rencontrées temporairement par l'employeur pour obtenir un rendez-vous auprès des services de la médecine du travail, ne l'exonèrent pas de cette obligation.
Le salarié subit de ce fait un préjudice.
Alors que l'employeur produit des factures de nettoyage des locaux, et justifie de la visite de ce local par la médecine du travail sans observation de sa part, le salarié, en produisant une ordonnance médicale prescrivant un traitement médicamenteux et des photographies du local de mauvaise facture ne démontre pas que les « champignons » dont il est porteur sont en lien avec ses mauvaises conditions de travail.
Le préjudice subi par le salarié est intégralement réparé par la somme de 100 euros allouée par le conseil de prud'hommes.
Sur les heures supplémentaires et le repos compensateur :
Il ressort de des documents versés au dossier de la cour (contrat de travail, plannings collectifs et individuels, fiches horaires) que l'horaire collectif de travail donnait lieu à l'établissement d'un planning commun à tous les salariés sur lequel figurent le périodes de renfort (R) et des périodes de permanence (P). La répartition des jours de renfort et de permanence donnait lieu à une concertation entre les salariés.
En sus de l'horaire commun, du lundi au vendredi de 8h à 12h et de 14h à 18 h M. [X], comme les autres salariés effectuait durant la semaine ou durant les week-ends, soit des permanences, soit des renforts, d'une durée de 24 heures : en effet, dans l'entreprise comptant une vingtaine de salariés, tous les jours un salarié se trouve d'astreinte (P), un autre est de premier renfort (R1) un autre en deuxième renfort (R2) voire de troisième renfort (R3).
En cas d'astreinte, le salarié est le premier appelé ; en cas de renfort le salarié n'est appelé que si le salarié d'astreinte est déjà en intervention (R) ou si le salarié de premier renfort n'est pas disponible (R2, R3).
Le cahier des charges du dépannage/remorquage des véhicules légers de la société ESCOTA indique que le salarié dispose d'une demi-heure pour se rendre sur les lieux de l'accident à compter de l'appel.
L'employeur explique qu'en dehors, du week- end et jour férié, la journée du salarié en position d'astreinte ou de renfort est finalement la suivante : le salarié prend son service à 8h, entre 12h et 14h, ensuite, durant la pause déjeuner, il est susceptible d'intervenir, il reprend son service de 14h à 18h puis il est d'astreinte de 18 heures jusqu'au lendemain 8 heures. Ainsi en semaine les salariés ne sont finalement d'astreinte que de 12h à 14h et de 18h à 8 heures le lendemain. Le week end le salarié est d'astreinte du samedi 8 h au dimanche 8 h puis de renfort du dimanche 8h au lundi 8h et inversement.
La réclamation de M. [X] porte sur les heures accomplies par le salarié durant les périodes de permanence et de renfort.
L'employeur répond que seules les périodes de permanence sont des périodes d'astreinte et qu'elles ne sont pas du temps de travail effectif. Elles donnent lieu à une rémunération forfaitaire de 400 euros qu'il ait ou non intervention. Il précise que les interventions sont assez rares et que le salarié ne s'est jamais plaint de ses conditions de travail.
Il prétend que durant les périodes d'astreinte le salarié se trouvait a son domicile, il n'intervenait que si une mission de dépannage se présentait ; il recevait un appel sur un téléphone portable de l'entreprise provenant du standard de la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute. La seule obligation était de se rendre sur le lieu du dépannage en 30 minutes. Il ajoute que si la société mettait à la disposition des salariés un local particulièrement bien équipé et que ceux-ci n'avaient en revanche aucune obligation de l'occuper durant les heures d'astreinte.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
En se fondant, outre sur les propres mentions du contrat de travail, sur les plannings et les relevés d'horaires informatiques versés aux débats par son contradicteur, faisant apparaître une succession de temps de permanence et de renfort et en sollicitant un rappel d'heures supplémentaires correspondant au paiement de tous les temps d'astreinte apparaissant sur ces relevés, M. [X] étaye sa demande par un décompte suffisamment précis quant aux horaires réalisés, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Le fait que le salarié n'ait pas formé de réclamation durant l'exécution du contrat de travail n'est pas de nature à le priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies ni à exonérer l'employeur de son obligation de prouver les horaires de travail du salarié.
En l'espèce, M. [X] soutient avoir accompli 38 permanences :
- 0 permanence en mai 2015 (il était en formation)
- 10 permanences au mois de juin
- 9 permanences au mois de juillet
- 12 permanences au mois d'août
- 7 permanences au mois de septembre.
Partant du fait que la permanence était de 24h sur le lieu de travail, il estime son temps de travail à :
- 240 heures de permanence en juin,
- 216 heures de permanence en juillet,
- 288 heures de permanence en août,
- 168 heures de permanence en septembre.
M. [X] réclame donc pour chaque permanence 24 heures supplémentaires correspondent par exemple en juin à la somme de 335,58 € calculée comme suit: 9,87 € x 25 % x 8h = 98,70 € , 9, 87x 50% x 16h= 236,88 € ( soit 335,58 € x 10 permanences = 3355,80 € ).
Il réclame après déduction du forfait perçu en juin, juillet août et septembre 2015, la somme de 11.246,82 euros.
L'examen des plannings de travail, qui servent de base à la réclamation du salarié, et que l'employeur qualifie sans le démontrer de simplement prévisionnels, montre que M. [X] a en réalité effectué non pas 38 mais 17 permanences:
- 4 permanences en juin
- 5 permanences en juillet
- 4 permanences en août
- 4 permanences en septembre
L'article L.3121-5 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de la cause définit la notion d'astreinte comme étant : 'la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise'.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
Les éléments constitutifs d'une astreinte sont doubles : il doit y avoir obligation imposée au salarié par l'employeur et cette obligation doit consister à se tenir prêt à intervenir au profit de l'employeur.
L'astreinte n'est constituée que si le salarié reste, même de façon atténuée, soumis au pouvoir de direction de l'employeur.
La preuve d'une contrainte est nécessaire,
Au cas d'espèce, durant les périodes où M. [X] était de permanence (P) il devait rester joignable à tout moment afin de pouvoir intervenir dans un délai de 30 mn sur les lieux d'une panne ou d'un accident.
Il est constant que si l'astreinte se déroule sur le lieu de travail ou dans un lieu imposé elle est juridiquement du travail effectif même si ce temps comporte des périodes d'attente .
Au cas d'espèce le contrat de travail n'impose pas au salarié d'assurer une permanence sur les lieux de son travail ni dans le local aménagé à cet effet.
De fait, compte tenu de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise lorsque la période se superpose à une période de travail effectif, elle s'effectue dans l'entreprise. Mais dans ce cas, elle est rémunérée comme du temps de travail effectif.
A supposer même, comme le prétend le salarié, qu'il ait été tenu, durant les nuits et les week-end de permanence de rester dans un local spécialement aménagé à cet effet par l'employeur afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence cette sujétion ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles, le salarié étant muni d'un téléphone portable et devant seulement garantir une intervention d'urgence selon le cahier des charges ESCOTA.
Ainsi le temps de permanence accompli par le salarié ne constitue pas en sa totalité un temps de travail effectif. Seules les interventions effectivement réalisées durant le temps d'astreinte constituent un temps de travail effectif. Il s'agit d'une astreinte opérationnelle rémunérée par une prime d'astreinte et un forfait pour heures supplémentaires.
Les interventions des salariés donnent lieu à facturation. Sur les relevés journaliers de facturation figure le nombre d'interventions, le temps d'intervention du salarié avec l'heure de départ, l'heure d'arrivée et le temps passé. Ces relevés sont établis sur les propres déclarations du salarié. Il en résulte un nombre d'interventions allant de 0 à 4 interventions journalières que l'employeur justifie avoir rémunérées par un forfait de 400 euros y compris s'il n'y a pas eu d'intervention (exemple : 1er juillet 2015 intervention de 13h40 à14h04 et de 17h57 à 18h45) le 20 juillet 2015, intervention de 9h à 9h50, de 11h à 11h25 et de 9h à 9h10 le véhicule de dépannage pouvant prendre en charge plusieurs véhicules ).
A l'examen des fiches d'intervention ESCOTA et des factures informatiques et manuscrites de dépannage remorquage de l'entreprise, il apparaît que les temps d'intervention effectives de M. [X] qui seules constituent une activité productive donc du temps de travail effectif ont bien été rémunérées.
S'agissant des périodes de renfort, le salarié n'assure aucune permanence mais n'intervient qu'en cas de besoin pour pallier à un manque d'efficacité de l'équipe de permanence. Il s'agit d'une astreinte de sécurité . La seule obligation pour lui est de demeurer joignable par téléphone. La seule brièveté de l'intervention ne permet pas de considérer qu'il s'agisse de temps de travail effectif.
A l'examen des fiches d'intervention ESCOTA et des factures informatiques et manuscrites de dépannage remorquage de l'entreprise, il apparaît que les temps d'intervention effectives de M. [X] qui seules constituent une activité productive donc du temps de travail effectif ont bien été rémunérées.
Par ailleurs, aucune obligation ne pesait sur le salarié de prendre sa pause déjeuner sur le lieu de travail afin d'être prêt à intervenir à tout moment.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le salarié doit être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ainsi que de sa demande subséquente en paiement du repos compensateur et des congés payés y afférents.
Sur les dommages-intérêts pour violation du repos hebdomadaire :
L'employeur doit veiller au respect effectif des périodes de repos des salariés telles qu'elles découlent des dispositions impératives en matière de repos hebdomadaire de l'article L3132-1 du code du travail applicable.
Il lui incombe d'apporter la preuve que le salarié a bien été rempli de ses droits en cette matière.
A l'examen des plannings, il s'avère que salarié pouvait enchaîner une journée de travail après une journée d'astreinte et inversement sans respect du repos hebdomadaire.
L'employeur répond qu'à l'instar des autres salariés M. [X] bénéficait bien de deux jours de repos dans la semaine et que lorsqu'il effectuait des interventions la nuit lors des permanences ou des renforts, il ne venait pas travailler le lendemain et était quand même rémunéré.
Ce faisant l'employeur procède par affirmation non par voie de démonstration.
Et, lorsque le salarié n'était pas amené a intervenir pendant sa période d'astreinte, l'employeur n'établit pas que l'astreinte a été décomptée dans les temps de repos quotidien et hebdomadaire, aucune somme ne figurant sur les bulletins de salaire.
Il sera fait droit à la demande du salarié en paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur le travail dissimulé :
Au cas d'espèce, il n'est pas établi que l'employeur a utilisé sciemment le travail du salarié, sans le rémunérer pour l'ensemble des heures effectuées ; M. [X] sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.
Sur les autres demandes :
La cour confirmera l'obligation faite à la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute de remettre à M. [X] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais non-répétibles :
Eu égard aux succombances respectives chacune des parties supportera ses propres frais irrépétibles et dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré excepté en ce qu'il déboute M. [K] [X] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du repos hebdomadaire,
L'infirmant de ce seul chef et statuant à nouveau, condamne la Société nouvelle d'exploitation garage de l'autoroute à payer à M. [K] [X] une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIERLE PRESIDENT