COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 22 NOVEMBRE 2018
N° 2018/
MA
RG N°16/16891
N° Portalis DBVB-V-B7A-7H5B
Philippe X...
C/
SAS SONEPAR MEDITERRANEE
Copie exécutoire délivrée
le : 22/11/2018
à :
- Me Dominique H..., avocat au barreau de TOULON
- Me Yves Y..., avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 21 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n° F 15/01152.
APPELANT
Monsieur Philippe X..., demeurant [...]
comparant en personne, assisté de Me Dominique H..., avocat au barreau de TOULON substitué par Me Estelle Z..., avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SAS SONEPAR MEDITERRANEE, demeurant [...]
représentée par Me Yves Y..., avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Virginie I..., avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mariane ALVARADE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2018
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
M. Philippe X... a été engagé par la SAS SONEPAR SUD EST MEDITERRANEE en qualité de directeur de l'agence de NICE suivant contrat à durée indéterminée du 8 décembre 1997, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 5057,83 euros. Le 30 novembre 2012, la SAS SONEPAR SUD EST MEDITERRANEE a fait l'objet d'une fusion avec la société COMPTOIR CENTRAL D'ELECTRICITE et M. Philippe X... a été muté le 1er décembre 2012 au sein de la société SONEPAR MEDITERRRANEE, en la même qualité, avec une reprise d'ancienneté au 8 décembre 1997.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces de gros.
La SAS SONEPAR MEDITERRANEE employait habituellement plus de onze salariés au moment du licenciement.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 juillet 2015, M. Philippe X... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 21 juillet 2015 et par lettre du 28 juillet 2015, adressée sous la même forme, il a été licencié pour faute grave.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. Philippe X... a saisi la juridiction prud'homale, afin de constater l'invalidité de la convention annuelle de forfait-jours, d'obtenir à titre principal sa réintégration et le paiement d'une somme au titre du préavis, et à titre subsidiaire, la condamnation de la SAS SONEPAR MEDITERRANEE au paiement de diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 21 juillet 2016, le conseil de prud'hommes de Nice a :
- dit fondé le licenciement pour faute grave,
- déclaré nul et de nul effet l'accord d'entreprise du 7 mars 2011 en ces dispositions au titre du forfait jour qui tel que défini n'est pas de nature à assurer la sécurité et la santé des salariés,
- constaté que les heures supplémentaires réclamées ne sont justifiées ni par un travail commandé, ni par des éléments suffisamment probants pour fonder leur quantum et démontrer le bien fondé de la demande,
En conséquence,
- débouté M. Philippe X... de toutes ses demandes,
condamné M. Philippe X... à payer à la SAS SONEPAR MEDITERRANEE la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles, et au paiement des dépens.
M. Philippe X... a interjeté appel de cette décision notifiée le 30 août 2016, le 15 septembre 2016.
Suivant déclaration du 23 mars 2017, la SAS SONEPAR MEDITERRANEE a formé appel incident.
Suivant ordonnance d'incident du 1er juin 2017, le conseiller de la mise en état a :
- débouté M. Philippe X... de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la constitution d'avocat aux intérêts de la SAS SONEPAR MEDITERRANEE,
- déclaré irrecevables les conclusions communiquées par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE en application de l'article 909 du code de procédure civile,
- dit que la demande tendant à voir juger irrecevables les pièces communiquées par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE ou à les voir écarter, ne ressort pas de sa compétence,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la recevabilité de l'appel interjeté le 23 mars 2017 par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE,
- dit que la procédure sera rappelée à l'audience du conseiller de la mise en état du 12 octobre 2017 pour une éventuelle jonction avec la procédure 17/5750,
- dit que les dépens de la procédure sur incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.
Par arrêt rendu sur déféré le 12 octobre 2017, la cour a confirmé la décision du conseiller de la mise en état, en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions de la SAS SONEPAR MEDITERRANEE, pour avoir été communiquées tardivement.
Suivant ordonnance d'incident du 15 février 2018, le conseiller de la mise en état a :
- ordonné la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 16/16891 et 17/5750 sous le numéro 16/16891,
- déclaré irrecevable l'appel formé le 23 mars 2017 par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE contre le jugement du conseil de prud'hommes de NICE du 21 juillet 2016,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté la demande formée de ce chef par M. Philippe X...
- condamné la SAS SONEPAR MEDITERRANEE aux dépens de l'incident.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par voie de conclusions déposées et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, M. Philippe X... demande à la cour de :
- le recevoir en son appel et le dire bien fondé,
- réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nice:
en ce qu'il l'a débouté
* de sa demande de rappel de salaire de 208 524,41 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 20 852,44 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* de sa demande de paiement d'une somme de 96 965,14 euros bruts au titre de l'absence de contrepartie obligatoire en repos, outre 9 696,51 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* de sa demande indemnitaire de 5 800 euros nets au titre du préjudice distinct lié au dépassement des durées maximales journalières et hebdomadaires,
en ce qu'il a dit son licenciement fondé sur une faute grave, et l'a débouté
- de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à savoir :
' 2 549,91 euros bruts à titre de rémunération de la mise à pied conservatoire outre 255 euros bruts au titre des congés payés afférents,
' 71 310,79 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
' 28 495,38 euros bruts au titre du préavis, outre 2 849,53 euros bruts au titre des congés payés afférents,
' 210 000,00 euros nets de toutes charges et contributions sociales afférentes à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- de sa demande de 3.000,00 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de sa demande de condamnation de la SAS SONEPAR MEDITERRANEE aux dépens,
en ce qu'il l'a condamné à verser 1.000,00 euros à la SAS SONEPAR MEDITERRANEE au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
En conséquence,
A titre principal :
- constater qu'il n'était soumis à aucune convention de forfait annuel en jours valable,
- constater que son licenciement n'est pas fondé, à titre principal sur la forme, et en tout état de cause sur le fond,
- constater que les heures supplémentaires effectuées sont avérées et ne lui ont jamais été rémunérées,
- constater qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires en dépassement du contingent annuel sans obtenir de contrepartie obligatoire en repos,
- constater que son employeur n'a pas respecté les durées maximales journalières et hebdomadaires concernant le temps de travail,
- constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- fixer son salaire mensuel moyen à 9 498,46 euros bruts,
En conséquence,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à lui verser les sommes suivantes :
*208 524,41 euros bruts à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies, outre 20 852,44 euros bruts au titre des congés payés afférents,
*96 965,14 euros bruts à titre de rappel de salaires au titre de l'absence de contrepartie obligatoire en repos, outre 9 696,51 euros bruts au titre des congés payés afférents.
*2 549,91 euros bruts à titre de rémunération de la mise à pied conservatoire, outre 255 euros bruts au titre des congés payés afférents,
*71 310,79 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
*28 495,38 euros bruts au titre du préavis, outre 2 849,53 euros euros bruts au titre des congés payés afférents,
*210 000,00 euros nets de toutes charges et contributions sociales afférentes à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à lui remettre une attestation Pôle emploi rectifiée et conforme, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à lui verser la somme de 2 100,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE aux entiers dépens de première instance,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à lui verser la somme de 10.023,40 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des strictes factures acquittées par lui dans la représentation de ses intérêts en appel,
- condamner la SAS SOCIETE SONEPAR MEDITERRANEE aux entiers dépens de l'appel, et notamment au remboursement des frais d'huissier à hauteur de 85,02 euros, et tous autres dépens résultant notamment de la signification de la décision à intervenir,
A titre subsidiaire et si la cour d'appel de céans ne faisait pas droit à sa demande de rappel d'heures supplémentaires, tout en reconnaissant le caractère bien-fondé de la contestation de son licenciement :
- constater en tout état de cause que son licenciement est particulièrement abusif et infondé, tant sur la forme que sur le fond,
- fixer son salaire mensuel moyen à 5 813,84 euros bruts,
En conséquence,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à lui verser les sommes suivantes:
* 2 549,91 euros bruts à titre de rémunération de la mise à pied conservatoire outre 255 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 43 648,08 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
*17 441,52 euros bruts, au titre du préavis, outre 1 744,15 euros bruts au titre des congés payés afférents,
*210 000,00 euros nets de toutes charges et contributions sociales afférentes à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à lui remettre une attestation Pôle emploi rectifiée et conforme, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à verser à Monsieur X... la somme de 2.100,00 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE aux entiers dépens de première instance,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à lui verser la somme de 10.023,40 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des strictes factures acquittées par lui dans la représentation de ses intérêts en appel,
- condamner la SAS SONEPAR MEDITERRANEE aux entiers dépens de l'appel, et notamment au remboursement des frais d'huissier à hauteur de 85,02 euros, et tous autres dépens résultant notamment de la signification de la décision à intervenir.
M. Philippe X... expose qu'il avait en charge la direction de l'agence de Nice et la gestion d'une équipe, composée d'une douzaine de salariés, qu'il était également impliqué dans le recrutement du personnel de son agence, qu'en dehors de ses missions d'encadrement, il assurait le suivi des clients importants, la gestion des dépenses, des coûts et des stocks du site de Nice et était en chargé du développement d'un partenariat avec les fournisseurs du groupe.
A titre liminaire, il conclut au rejet des pièces communiquées par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE, dont les conclusions ont été déclarées irrecevables.
Au fond, il indique que le forfait annuel en jours, auquel il est soumis suivant convention du 10 mars 2011, et résultant de l'accord collectif d'entreprise du 7 mars 2011, ne répond pas aux exigences imposées par la réglementation en vigueur, qu'ayant refusé de signer le projet d'avenant du 17 février 2015 établi suite à l'accord modifié de réduction du temps de travail négocié au niveau de l'entreprise en 2015, il n'a jamais été soumis à une convention individuelle de forfait-jours valable, qu'en raison du non respect des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours, la convention de forfait est privée d'effet, ce qui ouvre droit, pour le salarié concerné, à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Il fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande au motif qu'il n'apportait pas la preuve irréfutable et incontestable des heures supplémentaires accomplies, alors que le salarié est seulement tenu de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Il fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour avoir été prémédité, dénonçant un complot ourdi par sa direction sur la base d' accusations de trois salariés dont il a par ailleurs signalé les manquements, et pour reposer sur des motifs non pertinents.
La SAS SONEPAR MEDITERRANEE a déposé des conclusions, reprenant les conclusions de première instance et des conclusions d'appel datées du 20 février 2017, aux termes desquelles, elle demande à la cour dans un premier temps de :
- confirmer le jugement entrepris
En conséquence,
- débouter M. Philippe X... de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. Philippe X... au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajouter,
- condamner M. Philippe X... au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'appel,
A titre subsidiaire,
- ramener les prétentions de M. Philippe X... à de plus justes proportions en l'état de sa carence probatoire.
Et dans un second temps de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Philippe X... de ses demandes,
- le réformer en ce qu'il a déclaré nul l'accord d'entreprise de 7 mars 2011 dans ses dispositions relatives au forfait jours et qu'il ne lui a pas alloué le montant maximum sollicité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
y ajoutant,
- condamner M. Philippe X... à lui payer une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. Philippe X... de l'ensemble de ses demandes,
- dire valable l'accord d'entreprise,
- condamner M. Philippe X... au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre celle de 2 000 euros au titre de la première instance.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les conclusions et pièces communiquées par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE
Il convient de rappeler que suivant ordonnance d'incident du 1er juin 2017, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions communiquées par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE le 20 février 2017 en application de l'article 909 du code de procédure civile, que par arrêt rendu sur déféré le 12 octobre 2017, la cour a confirmé ladite décision et suivant ordonnance d'incident du 15 février 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel formé le 23 mars 2017 par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE contre le jugement du conseil de prud'hommes de NICE du 21 juillet 2016.
La SAS SONEPAR MEDITERRANEE a toutefois déposé deux jeux d'écritures au soutien de ses prétentions et arguments, ignorant la décision d'irrecevabilité rendue par le conseiller de la mise en état, confirmée par la cour d'appel, il ne peut donc en être tenu compte dans le cadre de la présente instance.
Par ailleurs, il est constant que ne peuvent être retenues les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables.
Les pièces communiquées par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE seront en conséquence écartées des débats.
Sur la convention de forfait jours
En application des articles L 3121-39 et L 3121-44 anciens du code du travail, l'accord collectif de branche ou d'entreprise, doit prévoir, pour être valable :
- les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait,
- la durée annuelle du travail dans la limite de 218 jours,
- les caractéristiques principales des conventions de forfait-jours : pouvant être :
* les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées,
* les modalités de prise des journées ou demi-journées de repos,
* les modalités concrètes d'application des règles sur le repos quotidien,
* les conditions de contrôle de l'application de ce type de forfait,
* les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés, de l'amplitude de leurs journées de travail et de la charge de travail en résultant.
M. Philippe X... indique que son contrat de travail initial ne contenait aucune disposition quant à la durée du travail et la répartition de ses horaires de travail, que le 10 mars 2011, la SAS SONEPAR MEDITERRANEE lui a fait signer un avenant prévoyant désormais l'organisation de son temps de travail dans le cadre d'un forfait-jours sur la base d'un accord d'entreprise signé le 7 mars 2011, que cependant, ni l'accord d'entreprise, ni la convention individuelle de forfait ne répondent aux exigences de contenu qui étaient alors fixées par la règlementation en vigueur, de sorte que la nullité de la convention est encourue, que la seconde convention du 17 février 2015, qui n'a pas été signée, ne lui est pas opposable, dès lors qu'il est constant qu'en cas de refus du salarié, l'employeur ne peut appliquer d'office la convention individuelle de forfait.
Il rappelle que le forfait jours doit reposer sur un accord d'entreprise ou d'établissement, ou, à défaut, une convention ou un accord de branche respectant les conditions légales et jurisprudentielles en vigueur et comportant, à ce titre, toutes les mentions légales obligatoires, la jurisprudence exigeant en outre que «les stipulations de l'accord collectif doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires » et déclarant nulle la convention de forfait «lorsque l'accord collectif instaurant le forfait-jours n'était pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ».
Il soutient que l'accord collectif signé le 7 mars 2011 qui prévoit seulement, dans le cadre du suivi du forfait-jours que les cadres bénéficient d'un repos quotidien de 11 heures, la prise d'un jour ou de deux demi-journées de repos par mois et un seul entretien individuel, ne remplit pas les conditions imposées à l'époque.
Le conseil de prud'hommes a relevé «qu'il n'est fait aucune mention des modalités de décompte des journées travaillées et des règles de repos quotidiens et hebdomadaires, des conditions de contrôle de l'application de ce type de forfait, des modalités de suivi de l'organisation du travail des intéressés, seul l'entretien annuel étant indiqué; que la Haute Cour a, par différents arrêts depuis 2011, précisé qu'il incombe aux employeurs d'assurer l'effectivité des contrôles et garanties; qu'en l'état, l'accord d'entreprise dans ses dispositions n'est pas de nature à assurer la sécurité et la santé des salariés et la mise en place du forfait jours s'en trouve nulleet de nul effet ».
Il n'est pas contestable que les caractéristiques principales de la convention forfait jours ne figuraient pas dans l'accord collectif et que la finalité même dudit accord quant à la santé et à la sécurité des salariés ne peut être préservée dans de telles conditions, dès lors qu'elles ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé. C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a dit que la convention individuelle de forfait était illicite.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
Sur les heures supplémentaires
L'article L 3171-4 alinéa 1 du code du travail énonce : «En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».
Il résulte de ces dispositions que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties et, si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires.
M. Philippe X... sollicite le paiement des heures supplémentaires qu'il estime avoir effectuées, entre septembre 2010, le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 9 septembre 2015, et juillet 2015, date de son licenciement, à hauteur de 208 524,41 euros, et de 20 852,44 euros au titre des congés payés y afférents, outre une indemnisation au titre des repos et du dépassement des durées maximales de travail, en application des dispositions de l'article 1.7 de l'accord du 14 décembre 2001 et de l'article D 3121-14-1 du code du travail, fixant le contingent annuel d'heures supplémentaires à deux cent vingt heures par salarié.
M. Philippe X... produit à l'appui de ses demandes ses agendas au titre de ces années, sur lesquels sont inscrits des rendez-vous, déplacements et événements, expliquant qu'ils n'ont pu être remplis a postériori, ainsi que certains événements personnels, tels que des anniversaires, qu'il n'aurait pas pris la peine de mentionner, si tel avait été le cas, observant encore que l'agenda au titre de 2009 n'est que partiellement rempli en raison de son hospitalisation cette année là sur une longue période. Il produit également le récapitulatif manuscrit des heures supplémentaires établi à partir des agendas ainsi que des attestations de clients et collaborateurs certifiant de sa présence tôt le matin et tard le soir.
Il fait grief au jugement du conseil de prud'hommes qui a reconnu le caractère illicite de la convention, d'avoir rejeté sa demande au titre des heures supplémentaires, et en particulier d'avoir inversé la charge de la preuve.
Il fait encore grief au jugement d'avoir retenu que «la SAS SONEPAR MEDITERRANEE produisait en réplique des justificatifs (notes de frais, télépéage, attestations), tendant à démontrer que la demande fondée sur 10 heures par jour de travail de 8h à 20h était fallacieuse, dans la mesure où il résulte des éléments produits notamment sur les dernières années, qu'il n'était pas en service certains jours sur lesquels il entend se voir servir des heures supplémentaires. Que ... tous les agendas sont remplis avec le même support, stylo ou crayon et de façon répétitive et quasi à l'identique de jour en jour et que les incohérences relevées par l'employeur sont effectives. .. que la réalité des heures effectuées n'est pas démontrée et que la moyenne de 50 heures par semaine pour fonder ses calculs ne peut suffire à justifier de la réalité du travail effectif accompli, de la fréquence et de la hauteur des heures réellement assurées chaque semaine, ce d'autant que, cadre autonome, il organisait son temps de travail à sa guise sans contrôle hiérarchique direct sur le site qu'il dirigeait».
En ce qui concerne les incohérences relevées quant à l'utilisation du badge de télépéage, M. Philippe X... explique que ses déplacements ne nécessitaient pas toujours de prendre l'autoroute et qu'il lui arrivait à certaines heures, d'emprunter les routes nationales, que certains clients réguliers de l'agence se situant à proximité de son domicile, il en profitait pour les visiter, sans forcément passer par l'autoroute avant de rejoindre son bureau, déplacement qu'au demeurant il ne facturait pas, et s'agissant des incohérences constatées quant à l'absence de note de frais, il indique qu'il déjeunait très souvent avec les clients ou se faisaient inviter par ceux-ci, de sorte que l'absence de note de repas ne signifie pas qu'il n'avait pas de rendez-vous à l'extérieur.
Il résulte du dossier que M. Philippe X... a, dans un premier temps produit les éléments de nature à étayer sa demande, et leur recevabilité n'est pas contestable au regard de la jurisprudence de la haute cour, qu'aux incohérences relevées par l'employeur, il fournit dans un second temps certaines explications, non utilement contredites par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE, la cour observant que celle-ci n'a pu justifier en première instance des horaires effectivement réalisés par M. Philippe X....
Au vu des éléments produits par le salarié et des observations formulées par les parties, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens de l'article L 3171-4 précité que M. Philippe X... a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit à la majoration de 25 %, à hauteur de la somme de 39 600 euros, étant précisé que la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir qu'il y a eu des semaines où la durée du travail de M. Philippe X... a excédé 40 heures.
Le fait que le décompte soit établi par le salarié lui-même et que celui-ci n'ait pas formé de réclamation durant l'exécution du contrat de travail ne sont pas de nature à le priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies, ni à exonérer l'employeur de son obligation de prouver les horaires de travail du salarié.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté M. Philippe X... de ses demandes au titre des heures supplémentaires et la SAS SONEPAR MEDITERRANEE sera condamné au paiement de la somme de 39 600 euros, outre la somme de 3 960 au titre des congés payés et à remettre à M. Philippe X... une attestation Pôle emploi rectifiée et conforme, sous qu'il soit besoin d'astreinte.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes liées au rappel au titre des heures supplémentaires.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la régularité de la procédure : l'information du licenciement avant l'engagement de la procédure
Aux termes de l'article L 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé pour un entretien préalable, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Aux termes de l'article L 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
M. Philippe X... fait valoir que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors qu'il a été informé de son licenciement par un collaborateur par un message téléphoné du 10 juillet 2015, avant l'engagement de la procédure de licenciement, alors qu'il était en congé, et que la lettre de convocation à l'entretien préalable a été postée le même jour, que la mesure de licenciement était donc acquise avant-même la convocation à l'entretien préalable.
En l'espèce, M. Philippe X... estime que son licenciement a été prémédité. Il produit aux débats le message téléphoné reçu le 10 juillet 2015 de l'un de ses collaborateurs, M. Henry A..., lequel lui a rapporté « Monsieur B... m'a annoncé que vous ne faisiez plus partie de SONEPAR et que les codes d'accès avaient changés à partir du 10 juillet 2015...».
La cour observe que ce même témoin, déclarait le 2 février 2017 « ...Pendant les congés de Monsieur X... en juillet 2015, j'ai reçu un coup de téléphone le vendredi 10 juillet 2015 de Monsieur B... me signifiant que Monsieur X... ne faisait plus partie de la société et qu'il allait faire changer les codes d'accès de l'agence de Nice ».
Les déclarations discordantes de ce seul témoin, relatant une discussion qui, au demeurant, a eu lieu le jour même de l'envoi de la lettre de convocation, sont insuffisantes à démontrer le caractère prématuré de la décision de la société de licencier le salarié.
Le moyen sera en conséquence rejeté.
Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement en date du 28 juillet 2015 est ainsi motivée :
«... En premier lieu, après avoir été alertés très récemment par des salariés de l'agence de l'AE Nice, nous avons découvert avec stupéfaction que vous faisiez subir un véritable harcèlement moral depuis de nombreux mois à certains de vos collaborateurs.
Les témoignages concordants de plusieurs collaborateurs de l'agence, ainsi que les constats effectués notamment sur leurs téléphones portables nous ont permis de mettre à jour les pressions quotidiennes que vous avez exercées à leur encontre ainsi que les insultes ou menaces de représailles.
Lors de l'entretien préalable, si vous avez reconnu l'ensemble des faits susvisés, vous n'avez eu de cesse de considérer que votre comportement était des plus appropriés. Or , nous considérons au contraire que vous vous êtes livré à un comportement inacceptable et particulièrement grave, et des plus odieux à l'égard de vos collaborateurs, profitant de votre positionnement hiérarchique et caractérisant de manière indéniable un véritable harcèlement moral à leur encontre que nous ne pouvons tolérer.
En deuxième lieu, au travers des témoignages de vos équipes, nous avons découvert une série de faits caractérisant une violation manifeste et grave des règles liées a l'utilisation des fonds de l'agence ou à l'achat et/ou remise de cadeaux aux clients.
Ainsi, et après enquête, nous avons constaté que certains cadeaux gagnés par des clients lors de manifestations commerciales ne leur ont pas été remis et ont « disparu ''. A titre d'exemple 45 bouteilles de champagne sont introuvables puisque vous avez été incapable de justifier de la remise auprès de trois clients des lots qu'ils avaient gagnés :
* 33 bouteilles de champagne pour le client Clinique Saint Georges,
* 6 bouteilles de champagne pour le client Vernassa,
* 6 bouteilles de champagne pour le client CHU de NICE.
Plusieurs collaborateurs vous ont à ce titre vu charger ces bouteilles dans votre coffre de voiture, ces bouteilles n'ayant par la suite jamais « réapparu ''.
Lors de l'entretien préalable vous avez expliqué la disparition des 33 bouteilles de la Clinique saint Georges par le fait-que vous les aviez en réalité données à M. Damien C..., un ex-salarié de l'agence ne faisant, désormais plus partie de la société. Vous utilisez par ailleurs la caisse de l'agence pour acheter d'onéreux magnums de champagne et bouteilles de vins auprès de cavistes niçois.
Or, en votre qualité de directeur d'agence il vous appartient, lorsque vous souhaitez acheter des cadeaux pour les clients, de demander la validation préalable de votre directeur opérationnel.
Une fois obtenu cet accord, vous pouvez acheter lesdits cadeaux et les passer en note de frais, sans oublier bien évidemment de faire émarger le client bénéficiaire dudit cadeau.
Or en l'espèce, vous n'avez respecté aucun de ces process et avez prélevé dans la caisse de l'agence de l'argent sans aucune autorisation pour acheter des quantités importantes de bouteilles dont nous ignorons totalement à qui elles ont été remises, en l'absence de toute feuille d'émargement que vous êtes dans l'impossibilité de fournir.
Sur les trois derniers mois c'est près de 700 euros qui ont été dépensés via la caisse de l'agence pour vous fournir en alcool.
Nous avons aussi découvert les faits graves suivants :
Vous insultez et hurlez sur vos équipes régulièrement et à la moindre occasion et ce devant les clients et les fournisseurs. Vous traitez ainsi vos collaborateurs de « blaireau '', « chèvre '', « poisson rouge '' ou encore de «con'' et «conne''. Vous avez reconnu ces faits pendant l'entretien préalable et nous avez- même expliqué que chacun d'entre eux avait son propre "surnom" (Stéphane D... étant le « poisson rouge» et Henry A... étant « la chèvre sans permis »).
- Vous contraignez vos collaborateurs à attendre votre retour de déjeuner ou de rendez vous pour qu'ils puissent fermer et quitter l'agence chaque soir alors même que rien ne justifie le respect d'une telle contrainte par vos collaborateurs. Notre responsable RH étant présente sur l'agence le 28 mai dernier, elle a pu constater que l'ensemble des collaborateurs ont dû effectivement attendre votre retour de déjeuner à 17h45 alors que l'[...] pour pouvoir quitter les lieux. Vous avez effectivement reconnu demander à votre équipe de rester jusqu'à votre retour.
- Vous imposez à vos collaborateurs d'être présents chaque lundi soir après la fermeture pour la réunion d'agence, réunion qui s'apparente en réalité à un apéritif se prolongeant tard dans la nuit.
Vos collaborateurs ont l'obligation de préparer cet apéritif (un collaborateur étant en charge d'effectuer chaque semaine les courses associées, un autre préparant les glaçons dès l'après-midi, un autre étant en charge du «tranchage» du saucisson). Si l'une de ces tâches n'était pas correctement effectuée (soit les glaçons ne sont pas de la bonne taille ou si la marque du saucisson ne vous convient pas) vous vous emportez violemment. Si l'un de vos collaborateurs ne reste pas à cet apéritif hebdomadaire obligatoire, vous l'accusez de refuser de s'intégrer, et pouvez lui adresser des SMS jusqu'à 0H30, en l'insultant et le menaçant de départ de l'entreprise comme cela a été le cas le 28 mai 2015 pour votre vendeur comptoir.
Lors de l'entretien, vous nous avez indiqué que les réunions d'agence étaient effectivement suivies d'un apéritif et que nous n'aviez jamais contraint vos collaborateurs à rester, qu'ils l'avaient fait de leur plein gré. Vous avez également reconnu adresser des SMS à vos collaborateurs, l'expliquant par le fait qu'eux même vous en adressaient.
- Vous menacez vos équipes de représailles à la moindre occasion et devant témoins. Ainsi vous répétez sans cesse de manière rnenaçante à vos deux commerciaux itinérants « tu ne passeras pas l'été '' ou « tu ne passeras pas l'année '' devant les clients et fournisseurs.
En. novembre dernier, apprenant la candidature de votre vendeur comptoir sur une autre agence, vous lui avez demandé, lors de la réunion du lundi soir, devant l'ensemble de l'équipe, de vous présenter sa démission. Lors de l'entretien, vous avez également reconnu avoir tenu ces propos mais que cela vous paraissait tout à fait légitime car vous estimez que vos salariés et notamment vos TCI n'accomplissaient pas correctement leurs missions!
- Vous créez un climat de tension permanente au sein de l'agence et tentez d'empêcher tout contact de votre équipe avec la direction ou les services supports. Ainsi, alors que vous aviez fortement incité votre équipe à ne pas se rendre au séminaire de l'enseigne qui réunit l'ensemble des équipes, deux de vos collaborateurs s'y sont rendus. A leur retour vous les avez invectivés en les convoquant dans votre bureau et en leur disant « vous me foutez dans la merde par votre attitude '' ou en ironisant « tu es une femme de parole»
Vos insultes, vos tentatives d'humiliation, vos sous-entendus permanents ainsi que vos menaces récurrentes à l'égard de vos collaborateurs les ont conduits à nous alerter sur la situation de l'agence, ces derniers étant en véritable souffrance morale conduisant d'ailleurs la moitié de l'équipe à se mettre en arrêt maladie sur le mois de juin dernier.
- Vous utilisez également la caisse de l'agence pour l'organisation de vos apéritifs du lundi soir. Chaque lundi et alors même que la consommation d'alcool est interdite sur le lieu de travail par le règlement intérieur, vous demandez à l'assistante d'agence d'acheter des quantités importantes de rhum, vin rosé, saucisson, knacki. .. A titre d'exemple sur le mois de mars 267,68 euros de dépenses aux frais de la société ont été engagés (soit 7 bouteilles de rhum, 1 bouteille de whisky et 3 bouteilles de rosé).
Il est inacceptable qu'en votre qualité de directeur d'agence, vous organisiez chaque semaine un apéritif alcoolisé obligatoire pour l'ensemble de vos équipes et que vous « 'nanciez '' ces apéritifs aux frais de la société en vous servant dans la caisse de l'agence.
- Vous n'hésitez pas par ailleurs à utiliser votre badge télépéage société pour vos trajets personnels, tant durant les week-ends que pendant votre dernier arrêt maladie, ce qui est totalement interdit au sein de la société.
- Vous avez également détourné du matériel des stocks afin d'en faire bénéficier une de vos collaboratrice. Ainsi le 3 juillet dernier, vous avez chargé dans le coffre de votre collaboratrice, Corinne E..., une climatisation mobile, un ajustement de stock ayant permis de sortir ce matériel de l 'agence sans le facturer auprès de ladite collaboratrice.
Lors de l'entretien préalable vous vous êtes évertué à nous démontrer qu'il s'agissait d'un fonctionnement « normal» au sein des agences, qu'il vous arrivait effectivement de faire certains cadeaux à cette collaboratrice et que les dépenses que nous considérions excessives n'étaient là que pour «contribuer' au business » dans une relation « donnant-donnant ''...nous n'avons pu que nous étonner de votre raisonnement tant il est éloigné des règles mais également des pratiques en vigueur au sein de l'entreprise.
En troisième lieu, au-delà des comportements et faits totalement inacceptables, à l'égard des salariés et de l'entreprise nous avons découvert que vous adoptiez une attitude irrespectueuse, même vis-a~vis de nos fournisseurs ou clients.
Ainsi les fournisseurs se plaignent de l'accueil que vous leur réservez, certains préfèrent désormais ne plus venir dans votre agence. La commerciale de chez Nexans témoigne par exemple que lors de sa dernière visite vous l'avez accueillie à l'agence par « bonjour au revoir '' puis quand elle a voulu venir vous voir dans votre bureau «il ne m'a pas adressé la parole et d'un geste autoritaire m'a montré la porte du doigt» a'n qu'elle quitte l'agence.
Vous vous adressez de la même manière à certains clients, les collaborateurs de l'agence nous rapportant que certains d'entre eux ne souhaitent désormais plus travailler avec agence.
A l'évocation de ces incidents et dans la droite lignée de votre position tout au long de l'entretien, vous vous êtes contenté de nous dire que votre attitude était des plus normales, nous démontrant votre incapacité totale à vous remettre en question.
Votre comportement des plus odieux, tant en interne qu'en externe, le harcèlement moral que vous avez fait subir à vos équipes mais également le non respect manifeste des règles en vigueur s'agissant des achats pour le compte de la société. et l'utilisation des fonds de la caisse de manière injustifiée constituent un ensemble de manquements graves à vos obligations contractuelles empêchant votre maintien dans l'entreprise et nous contraignant à vous licencier pour faute grave...»
Il convient de rappeler que la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail, la charge de la preuve de ladite faute incombant à l'employeur.
Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à M. Philippe X...:
- des faits de harcèlement moral, des pressions quotidiennes, insultes et menaces de représailles
La lettre de licenciement fait ainsi état de témoignages concordants de salariés, victimes de pressions, lesquelles ont pu être constatées sur leurs téléphones portables, d'insultes et encore de menaces de représailles, ainsi que du fait de hurler régulièrement sur le personnel devant les clients et les fournisseurs, en utilisant les termes " blaireau , chèvre, poisson rouge, con et conne".
Il y est indiqué que M. Philippe X... contraignait ses collaborateurs à attendre son retour de déjeûner ou de rendez-vous avant de quitter l'agence, la responsable des ressources humaines, Mme F..., présente à l'agence le 28 mai ayant pu constater que l'ensemble des collaborateurs devait effectivement attendre son retour à 17H45, alors que l'[...], qu'il les contraignait encore à être présents chaque lundi soir, après la réunion d'agence, à un apéritif, qu'ils étaient dans l'obligation de préparer, M. Philippe X... s'emportant violement si les tâches étaient mal exécutées, accusant celui qui refusait d'y participer de ne pas vouloir s'intégrer, lui adressant des messages téléphonés tard le soir en l'insultant et le menaçant de départ de l'entreprise, qu'il a invectivé deux salariés qui s'étaient rendus au séminaire rassemblant l'ensemble des équipes.
Sur l'utilisation des fonds de l'agence et l'achat et/ou à la remise de cadeaux aux clients
La SAS SONEPAR MEDITERRANEE fait état de la disparition de 45 bouteilles de champagne qui devaient être offertes aux clients, de l'utilisation des fonds de l'agence aux fins d'acquisition de magnum de champagne et de bouteilles de vin, sans validation préalable du directeur opérationnel, et sans pouvoir justifier à qui elles ont été remises. Il est encore mentionné l'utilisation du badge télépéage à des fins personnelles et le détournement de matériel stocké au profit d'une collaboratrice, Mme Corinne E....
Sur l'attitude irrespectueuse envers certains clients et fournisseurs,
Il est indiqué que certains clients et fournisseurs ont déclaré ne plus vouloir travailler avec l'agence en raison de l'attitude de son directeur.
M. Philippe X... fait valoir en défense, qu'il a toujours démontré son implication au sein de la société, que son engagement personnel, reconnu, a permis le développement de l'agence de NICE, que la qualité de son travail a toujours été remarquée et qu'il n'a jamais fait l'objet d'une sanction quelconque. Il observe que l'attitude de la direction à son égard a changé en avril 2015, alors qu'il a réclamé le sort qui était réservé à certains avantages promis aux salariés.
Il soutient que les reproches formulés dans la lettre de licenciement ne reposent que sur les accusations de deux nouveaux commerciaux, M. Stéphane D... et Mme Aurélie G..., alors que lui-même avait alerté sa hierarchie sur leur comportement, sans obtenir de réponse de sa part, ainsi que d'un salarié, M. Henry A....
Il explique avoir dénoncé le manque d'investissement et les insubordinations de M. Stéphane D... et Mme Aurélie G..., produisant des courriels de rappels adressés à ces derniers, en mai et juin 2015, ainsi que des attestations rédigées par d'anciens salariés soulignant leurs mauvaises performances, et s'être prononcé défavorablement en faveur de la candidature de M. Henry A... sur un poste de technicien commercial en 2014, estimant qu'il n'en avait pas les compétences, produisant des attestations de collaborateurs relevant son comportement inacceptable envers les clients et sa propension à consommer de l'alcool. Il conclut que pour ces raisons, les intéréssés avaient tout intérêt à l'évincer, qu'ils se sont d'ailleurs soudainement rapprochés et ont été placés en arrêt maladie au même moment en juin 2015.
Il indique que son "licenciement pour faute grave a été initié grâce à l'instrumentalisation des propos de ces trois salariés, manifestement guidés par un objectif de vengeance", que la direction a usé de manoeuvres, ainsi qu'en témoigne aujourd'hui M. Henry A..., lequel a indiqué le 2 février 2017 "souhaiter rétablir la vérité" en déclarant "n'avoir jamais été harcelé, ni ses collègues, que les déclarations faites en 2015 l'ont été sous la pression et à la demande de leur direction, (Monsieur B...), et avoir fait cette attestation de peur de perdre son emploi.".
Il conteste les griefs contenus dans la lettre de licenciement, faisant valoir :
- que ce sont ses propres collaborateurs qui s'appelaient entre eux par des surnoms, "qui faisaient référence à une particularité de chacun sur un ton humoristique",
- qu'il n'a jamais forcé aucun de ses collaborateurs à rester le lundi soir pour un apéritif après la réunion de travail, ni à attendre son retour en fin de journée, mais il précise par ailleurs "avoir instauré une routine au sein de l'agence, dans le seul intérêt des salariés, en proposant de faire un point quotidien",
- qu'il n'a jamais empêché les contacts entre ses collaborateurs et la hiérarchie, et notamment leur participation au séminaire organisé le 6 juin 2015, ceux-ci ne pouvant s'y rendre pour des raisons personnelles, et d'expliquer que si des reproches avaient été faits à deux salariés, c'est parce qu'ils ont indiqué ne pas pouvoir s'y rendre et pour par suite changer d'avis, le mettant dans une position délicate.
Sur la disparition de bouteilles de champagne destinées aux clients, il produit une attestation établie par M. Damien C..., ancien technicien commercial au sein de la société, qui a déclaré avoir emporté, sans l'en informer, cinq cartons de six bouteilles de champagne, précisant que la remise de bouteilles de champagne aux clients relèvait d'une pratique courante acceptée par l'entreprise, et qu'il lui arrivait d'en faire la livraison, que plus généralement, il avait coutume d'offrir des cadeaux à la clientèle sans que pour autant, cette pratique ne soit remise en cause par l'ancien directeur, ou encore par le nouveau directeur, en poste depuis juillet 2014, lequel en avait nécessairement connaissance, dès lors que la société était en possession des "factures d'achat LUDICO, datées d'août 2014 à d'octobre 2014", qu'elle a elle-même versées aux débats, et que contrairement à ce qui est soutenu, aucune validation préalable du Directeur opérationnel n'a jamais été requise. Il ajoute que la répétition de faits tolérés sur une longue période ne saurait constituer une faute grave.
Sur les reproches formulés devant les clients de la société, il observe qu'aucun témoignage n'est versé aux débats.
Sur l'utilisation des fonds de la caisse pour la préparation des apéritifs, il fait valoir que la société était en possession des factures d'achat produites en première instance, dont la plupart datent du début de l'année 2015 et dépassent ainsi largement les délais de prescription.
Sur l'utilisation du badge de télépéage pendant les fins de semaine et pendant ses arrêts maladie, il soutient avoir obtenu l'accord du directeur.
Sur le détournement de stock, il explique qu'il s'agissait d'un matériel non écoulé, présent dans les stocks depuis longtemps, qui avait été offert à Mme Corinne E... pour une mission menée sur l'agence de Nice, en remerciement du temps passé, que le directeur en avait d'ailleurs été avisé et ne s'y est nullement opposé, ainsi que le confirme la bénéficiaire.
Sur son attitude vis-à-vis des fournisseurs et des clients, il relate un incident avec un fournisseur, la société NEXANS, qui s'est présentée à l'agence sans avoir de rendez-vous et qui a été reconduite pour ce motif. Il indique qu'il ne saurait être sanctionné pour ce seul fait, qu'en outre, aucun témoignage de fournisseurs ayant souhaité quitter la société n'est produit, et de la même manière, aucune attestation de clients insatisfaits n'est fournie.
Après analyse des éléments du dossier, la cour observe :
- qu'en première instance, les juges ont relevé que la SAS SONEPAR MEDITERRANEE avait apporté à l'appui des trois motifs développés dans la lettre de rupture des témoignages et justificatifs des faits reprochés,
- que la plupart des griefs énoncés ont été reconnus par M. Philippe X... lors de l'entretien préalable, ce dernier laissant entendre que certains comportements qu'il a pu adopter relevaient d'un mode de fonctionnement normal,
- que M. Philippe X... fait état d'une concertation frauduleuse entre les salariés qui se sont plaints de son comportement et la hiérarchie, sans toutefois en rapporter la preuve, le témoignage de M. Henry A..., qu'il verse aux débats, qu'il décrit lui-même comme ayant une "personnalité controversée", et qui au demeurant ne fait plus partie de l'entreprise, étant insuffisant à établir une quelconque manoeuvre de la part de sa hiérarchie,
- qu'il a reconnu, lors de l'entretien préalable, avoir affublé ses collaborateurs de sobriquets péjoratifs, bien qu'il s'en défende aujourd'hui, incriminant ses collaborateurs, expliquant de façon très naturelle que "M. D... qui oubliait ses rendez-vous était surnommé le « poisson rouge », et que Monsieur A..., "qui avait perdu son permis en raison d'un état alcoolique au volant était surnommé par tous « la chèvre sans permis »",
- qu'il ne nie pas les insultes proférées à l'endroit des salariés, tels "blaireau, con, conne",
- que parmi les nombreuses attestations qu'il verse au dossier, Mme Corinne E... témoigne le 1er octobre 2015 de ces agissements, puisqu'elle déclare " si certaines expressions mal appropriées ont été employées, c'est surtout suite aux nombreuses demandes restées sans réponse sur le compte rendu de leur travail. Ces remarques n'ont débuté qu'après leurs mauvaises performances du premier trimestre 2015."
- que s'il conteste avoir forcé ses collaborateurs à rester le lundi soir pour un apéritif après la réunion de travail, il reconnaît que l'organisation d'apéritifs était institutionalisée,
- qu'en outre les attestations versées aux débats pour justifier d'une participation libre aux apéritifs, émanent d'anciens salariés qui étaient en poste avant le déclenchement des faits ou qui ne précisent pas la période de leur présence au sein de la société, de sorte qu'elles manquent de pertinence,
- que s'il conteste encore avoir contraint les salariés à attendre son retour de rendez-vous en fin de journée, il précise " avoir instauré une routine au sein de l'agence, dans le seul intérêt des salariés, en proposant de faire un point quotidien, pratique qui aurait d'ailleurs permis de tripler le chiffre d'affaires de l'agence ", la responsable des ressources humaines a pu, du reste, constater la présence des salariés dans les bureaux après l'heure de fermeture.
Au regard des éléments soumis aux premiers juges, les faits dénoncés traduisant un comportement outrancier de la part de M. Philippe X..., lequel avait la responsabilité d'encadrer le personnel, sont caractérisés et c'est très justement que le conseil de prud'hommes a retenu que ces agissements répétés de harcèlement moral avaient pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits des salariés, à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.
C'est encore très justement que le conseil, rappelant les dispositions de l'article L. 4121-1 du Code du travail aux termes duquel l'employeur ou son représentant doit prendre : « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l'établissement », de l'article R. 4228-20 du Code du travail qui limite la consommation d'alcool sur le lieu de travail, en prévoyant qu' «aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail », a retenu que M. Philippe X... avait enfreint le règlement intérieur en organisant des apéritifs alcoolisés tous les lundis, sa qualité de responsable d'agence, représentant l'employeur étant un facteur aggravant justifiant la mesure prononcée.
Quant aux autres griefs invoqués, la cour observe, tout comme les premiers juges, qu'ils ne sont pas susceptibles d'être retenus pour fonder une mesure disciplinaire, soit en raison de leur ancienneté, s'agissant au demeurant de pratiques tolérées par la société, soit en l'absence de preuve produite par l'employeur.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu la faute grave et dit fondé le licenciement.
Sur les dépens et les frais non-répétibles
Philippe X... qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions doit supporter les dépens, en ce compris ceux de l'incident, et il y a lieu de le condamner à payer à la SAS SONEPAR MEDITERRANEE une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 800 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance. M. Philippe X... doit être débouté de cette même demande.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Écarte les pièces communiquées en cause d'appel par la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à l'appui de ses conclusions déclarées irrecevables,
Confirme jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. Philippe X... de sa demande au titre du rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre septembre 2010 et juillet 2015 et des congés payés y afférents,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à payer M. Philippe X... la somme de 39 600 euros à titre de rappel de salaires, outre la somme de 3 960 euros au titre des congés payés y afférents,
Ordonne en conséquence à la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à remettre à M. Philippe X... l'attestation Pôle emploi rectifiée conforme au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Y ajoutant,
Condamne la SAS SONEPAR MEDITERRANEE à payer à M. Philippe X... une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS SONEPAR MEDITERRANEE de sa demande d'indemnité de procédure,
Condamne la SAS SONEPAR MEDITERRANEE aux dépens d'appel, en ce compris ceux de l'incident.
LE GREFFIERLE PRESIDENT