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21/11/2018 | FRANCE | N°16/05800

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 21 novembre 2018, 16/05800


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT SUR CONTREDIT

DU 21 NOVEMBRE 2018

J-B.C.

N°2018/216













Rôle N° RG 16/05800 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6LKI







[A] [W]





C/



[Z] [S]































Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Elie MUSACCHIA



Me Eric TARLET





Contredit en date du 16 mars 2016 contre un jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 08 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 09/04251.





DEMANDEUR AU CONTREDIT





Monsieur [A] [W]

de nationalité irlandaise

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT SUR CONTREDIT

DU 21 NOVEMBRE 2018

J-B.C.

N°2018/216

Rôle N° RG 16/05800 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6LKI

[A] [W]

C/

[Z] [S]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Elie MUSACCHIA

Me Eric TARLET

Contredit en date du 16 mars 2016 contre un jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 08 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 09/04251.

DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [A] [W]

de nationalité irlandaise

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant Me Jean-louis DEPLANO, avocat au barreau de NICE

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

Madame [Z] [S]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] en Irlande du Nord ,

demeurant [Adresse 2] Irlande

représentée par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Sophie BOROWSKY , avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre, et Mme Annie RENOU, Conseiller, chargés du rapport.

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2018.

Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [A] [W] et Mme [Z] [S] après avoir vécu maritalement se sont mariés religieusement en Irlande en 1997. Ce mariage n'a pas été transcrit à l'époque sur les registres civils et ne l'a été à l'initiative de Mme [S] qu'en 2015. Le couple a procédé à l'acquisition de plusieurs biens situés en France. Il s'est séparé en 2008.

Saisi par madame [S] le tribunal canonique de première instance a, le 27 février 2012, annulé le mariage religieux, décision confirmée en appel le 2 juillet 2012 ce qui a autorisé le décret prononçant la nullité du mariage le 9 juillet 2012.

Selon acte d'huissier du 23 juillet 2009 monsieur [A] [W] a fait assigner madame [Z] [S] devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins de la voir condamner à lui payer la somme principale de 105.267,42 euros, fondant sa demande sur l'indivision ayant existé entre les parties du fait de leur vie commune du printemps 1998 au mois d'avril 2008.

Madame [S] a fait valoir qu'ils étaient mariés religieusement ce qui produisait les effets du mariage au regard de la loi civile irlandaise et, qu'elle avait engagé une procédure de divorce devant la juridiction irlandaise. Elle a soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Nice estimant que les tribunaux irlandais étaient seuls compétents pour statuer. M. [W] a contesté la recevabilité de l'exception d'incompétence et sur le fond à la compténce du juge français.

Suivant jugement du 8 mars 2016 le TGI de Nice a essentiellement :

- débouté monsieur [A] [W] de ses demandes,

- constaté que monsieur [A] [W] et madame [Z] [S] sont mariés au regard du droit irlandais et qu'une procédure de divorce a été engagée devant la High Court Family Law d'Irlande du Nord par madame [Z] [S], cette juridiction apparaissant compétente pour connaître du litige,

- vu l'article 96 du code de procédure civile,

- s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- débouté madame [Z] [S] de sa demande indemnitaire et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, se

- condamné monsieur [A] [W] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

Le tribunal a considéré que la juridiction irlandaise était valablement saisie de la procédure en divorce engagée par madame [Z] [S] tenant à la validité de son mariage et que les biens détenus en commun par les époux étaient par conséquence des biens constituant leur communauté matrimoniale dont la liquidation relevait de la compétence d'attribution du juge du divorce, celui étant en l'espèce, le juge irlandais déjà régulièrement saisi par Madame [Z] [S], aux divers autres constats que le mariage a été célébré en Irlande, entre ressortissants irlandais, madame [Z] [S] justifiant être domiciliée dans ce pays, tous éléments qui commandent de ses déclarer incompétent au profit de la juridiction étrangère.

M. [W] a contesté cette décision par la voie d'un contredit, le 16 mars 2016.

En cause d'appel monsieur [A] [W] a fait valoir au soutien de son contredit que l'exception d'incompétence était irrecevable en application des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, pour ne pas avoir été soulevée simultanément et avant toute défense au fond.

Il lui opposait également la règle de l'estoppel en exposant que Mme [S] avait dans ses écritures déclaré qu'elle était "tout à fait d'accord avec monsieur [A] [W] sur l'urgence qu'il y a à procéder à la liquidation de la société de fait ayant existé entre les ex concubins" et qu'elle s'était domiciliée en France dans ses premiers écrits judiciaires.

Il maintenait que le juge français était compétent et le juge irlandais incompétent en vertu du règlement européen CE 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, mis en avant par madame [S]

Il faisait également valoir qu'en cours d'expertise madame [S] avait reconnu devoir une indemnité d'occupation de la villa de [Localité 2]r pour l'avoir occupé seule et qu'elle s'était accaparée sa part indivise via le jugement d'adjudication, le bien ayant été acquis par une SCI gérée par son père.

Il faisait également valoir que les résidences fiscales étaient distinctes des résidences civiles.

Il demandait en conséquence de :

- déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par madame [S] pour n'avoir pas été soumise au juge de la mise en état et n'avoir pas été soumise in limine litis,

- constater que madame [S] avait expressément acquiescé à la demande de liquidation de la société fait,

- rejeter l'exception d'incompétence,

- constater que madame [S] s'est domiciliée en France et n'a pas contesté la compétence du juge français pendant des années,

- déclarer compétent le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Nice.

- condamner madame [S] au paiement d'une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil.

Madame [Z] [S], s'opposait aux prétentions de monsieur [A] [W] et demandait dans ses écritures en date du 21 septembre 2016 de :

- confirmer le jugement du 8 mars 2016 sauf en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires,

- condamner monsieur [A] [W] à verser à madame [S] :

* la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais de première instance et celle de 5.000 euros pour les frais avancés pour le contredit,

* celle de 5.000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile

- le condamner aux entiers dépens.

Elle soutenait que son exception d'incompétence était parfaitement recevable et que la juridiction irlandaise était seule compétente pour statuer, les parties étant toutes deux de nationalité irlandaise, le mariage ayant été célébré en Irlande, elle même y ayant son domicile et la résidence habituelle des époux se situant en Irlande, la résidence de [Localité 2] n'étant qu'une résidence secondaire.

Elle précisait qu'elle avait formé une déclaration statutaire de domicile irlandais devant notaire aux termes de laquelle elle déclarait que son domicile était depuis sa naissance en Irlande et ajoutait que son domicile se situait en Irlande depuis plus d'une année (article 2a) vi) du Règlement).

Concernant l'article 11 du Règlement relatif au sursis à statuer de la juridiction saisie en second lieu elle exposait que les demandes formées devant les deux juridictions étaient différentes : demande en liquidation d'une société de fait et demande en divorce et que cet article ne pouvait s'appliquer.

Par arrêt en date du 19 octobre 2016 la présente juridiction a :

Déclaré l'exception d'incompétence soulevée par madame [Z] [S] recevable,

Confirmé le jugement de ce chef,

Avant dire droit sur la compétence de la juridiction saisie,

Donné injonction à monsieur [A] [W] de qualifier juridiquement sa demande, avant le 15 décembre 2016,

Invité les parties à conclure subséquemment sur la compétence, avant le 31 janvier 2017,

Renvoyé pour ce faire, la procédure à la mise en état,

Sursis à statuer sur le surplus des demandes.

Concluant après cet arrêt M. [W] fait valoir :

que ni lui ni [Z] [S] n'ont jamais eu le moindre doute sur la validité de leur union mais que leurs avocats irlandais leur avaient initialement indiqué que n'étant pas "juridiquement" mariés, ils ne pouvaient pas introduire une action en divorce.

Pour répondre à la demande de la cour il indique que sur les fondements juridiques de l'article 74 du Code de procédure civile et de l'estoppel le Juge français reste compétent pour statuer sur sa demande initiale fondée sur l'existence d'une société de fait et subsidiairement, si ces fondements juridiques sont écartés et que le mariage doit être dissous, que la seule procédure possible est une procédure de divorce.

Il reprend son argumentation tendant à ce que Mme [S] soit déclarée irrecevable en son exception d'incompétence.

En toute hypothèse il estimes sur la base de ces règles de compétence européenne, que c'est le Juge français qui est compétent et le Juge irlandais incompétent :

que si l'on prend le lieu de résidence habituelle des époux, il se situait à [Localité 2], en FRANCE, dans le ressort de compétence du Tribunal de Grande Instance de NICE.

- Si l'on prend le dernier lieu de résidence des époux où l'un des deux continue de résider, le lieu de résidence habituelle était toujours [Localité 2], et Monsieur [A] [W] réside toujours à [Localité 3] et Madame [S] s'est domiciliée pendant des années à [Localité 2] dans les actes de procédure.

Que si l'on prend le lieu de résidence du défendeur au divorce, il réside à [Localité 3].

Que si l'on prend la résidence habituelle du demandeur, s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question, soit dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son « domicile ».

Monsieur [A] [W] a toujours eu son domicile à [Localité 3].

Que le Tribunal n'a pas répondu à son argument lui demandant subsidiairement de dire le Juge aux affaires familiales niçois compétent.

Qu'il ressort d'ailleurs des règlements européens que la justice irlandaise saisie en second lieu doit surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive du juge français sur la compétence.

Au terme de ses dernières écritures du 07 décembre 2016 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions, il demande à la cour de :

Vu l'article 74 du Code de procédure civile,

Vu la théorie de l'estoppel,

Infirmer le jugement rendu le 8 mars 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NICE,

Dire et juger irrecevable l'exception de compétence soulevée par Madame [S] pour n'avoir pas été soumise au Juge de la mise en état et n'avoir pas été soulevée in limine litis,

Constater que Madame [S] a expressément acquiescé à la demande de liquidation de la société de fait dans ses écritures versées aux débats devant le Juge de la mise en état dans le cadre de l'audience d'incident du 18 mars 2011,

Constater que Madame [S] s'est domiciliée en France et n'a pas contesté la compétence du Juge français pendant des années,

Rejeter de ce fait en tout état de cause l'exception de compétence,

Subsidiairement,

Vu les règles européennes relatives à la compétence en matière de divorce,

- Déclarer compétent le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de Grande Instance de NICE.

Condamner Madame [S] au paiement d'une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Elie MUSACCHIA avocat aux offres de droit.

Madame [S] fait valoir que depuis l'arrêt précédent de la cour la High Court Family Law d'Irlande du Nord a, par décision du 5 février 2018, reconnu d'une part, que le litige opposant les parties ne pouvait être qu'un litige lié à la dissolution d'un mariage et d'autre part, que le Juge irlandais était, au regard des règles communautaires applicables, compétent pour en juger.

Elle souligne que la Cour s'est d'ores et déjà prononcé sur la question de l'exception d'incompétence qui n'est donc plus en débat.

Que la demande de Monsieur [A] [W] ne pouvant être qu'une procédure en divorce la Cour doit désormais déterminer laquelle des juridictions françaises ou irlandaises est compétente pour traiter du litige en se fondant sur le règlement européen CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.

Que ce dernier prévoit en son article 19.3 « lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci ».

Que la High Court Family Law d'Irlande du Nord a, dans une décision du 5 février 2018 expressément reconnu sa compétence pour traiter du divorce des parties indiquant « Il s'ensuit donc que, nonobstant le fait que le défendeur avait sa résidence habituelle en France, la requérante avait le droit d'introduire une procédure dans cette juridiction en vertu de l'article

3.1 a), cinquième tiret, du Règlement, puisqu'elle y avait sa résidence habituelle au moment de l'introduction de cette procédure. Même si le défendeur avait également le droit d'intenter une procédure en France en vertu de l'article 3.1 a), troisième tiret, du Règlement, il ne l'a pas fait.»

Que Monsieur [W] aurait tout à fait pu saisir les juridictions françaises d'une demande en

divorce mais qu'il a préféré les saisir d'une demande en liquidation d'une société de fait et que dès lors, il est constant que la première demande en divorce a été initiée en Irlande par Madame [Z] [S].

Au terme de ses dernières écritures du 20 février 2018 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions, elle demande à la cour de :

Vu les articles 32-1, 74, 92, 700 et 771 du Code de procédure civile ;

Vu la convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux ;

Vu les articles 2 et 11 du règlement CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale,

Il est demandé à la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence

CONFIRMER le jugement du 8 mars 2016 en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant rejeté ses demandes indemnitaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. ;

INFIRMER le jugement du 8 mars 2016 en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

En conséquence :

CONDAMNER Monsieur [A] [W] à verser à Madame [Z] [S] la somme de 10.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en raison des frais avancés par Madame [Z] [S] pour la procédure devant le Tribunal de Grande instance de Nice ;

CONDAMNER Monsieur [A] [W] à verser à Madame [Z] [S] la somme de 5.000 euros au titre de la procédure abusive, conformément aux dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [A] [W] à verser à Madame [Z] [S] la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en raison des frais avancés par Madame [Z] [S] pour le contredit ;

CONDAMNER Monsieur [A] [W] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2018

MOTIFS DE LA DECISION

La cour s'est déjà prononcée dans son arrêt du 19 octobre 2016 sur la recevabilité de l'exception d'incompétence présentée par Madame [Z] [S]; confirmant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice qui l'avait déclarée recevable.

La cour ne saurait dès lors statuer à nouveau sur cette question.

SUR LA NATURE DE LA DEMANDE PRESENTÉE PAR M. [W]

M. [W] a formée une demande fondée sur l'existence d'une société de fait avec Mme [S], pensant qu'il n'était pas « juridiquement» marié avec elle. Il maintient à titre principal sa demande sur le même fondement en se référant à l'article 74 du code de procédure civile et à la règle de l'estopel.

Il a déjà été indiqué que l'exception d'incompétence a été déclarée recevable et que l'article 74 du code de procédure civile ne peut plus être invoqué.

S'agissant de la règle de l'estopel il ne peut être considéré que le fait pour Mme [S] d'avoir changé évolué dans ses écritures vis à vis de la compétence du juge français constitue un changement de position, en droit de nature à induire son adversaire en erreur mais le constat, au vu des éléments qu'elle avait recueillis de ce que son mariage était bien valable et qu'une procédure de divorce pouvait être engagée.

SUR LA COMPÉTENCE

Il résulte de ce qui précède que le différend qui oppose les parties concerne la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux mais qu'étant mariés elle s'inscrit nécessairement dans le cadre d'une dissolution du lien matrimonial et donc d'un divorce.

Que le règlement européen CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale prévoit en son article 3 que :

1. Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'État membre:

a) sur le territoire duquel se trouve:

- la résidence habituelle des époux, ou

- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou

- la résidence habituelle du défendeur, ou

- en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux, ou

- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou

- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son "domicile";

b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du "domicile" commun.

Qu'il existe en conséquence une compétence concurrente des juridictions irlandaises et françaises pour statuer.

Que cependant le réglement précité prévoit en son article 19.3 « lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci ».

Que l'action engagée par M. [W] n'étant pas une action en divorce c'est Mme [S] qui a la première saisi une juridiction d'une telle action.

Que c'est justement que le juge du tribunal de grande instance de Nice s'est déclaré incompétent pour statuer au profit des tribunaux irlandais.

Qu'au surplus depuis cette décision la High Court Family Law d'Irlande du Nord a, dans une décision du 5 février 2018 expressément reconnu sa compétence pour traiter du divorce des parties indiquant « Il s'ensuit donc que, nonobstant le fait que le défendeur avait sa résidence habituelle en France, la requérante avait le droit d'introduire une procédure dans cette juridiction en vertu de l'article 3.1 a), cinquième tiret, du Règlement, puisqu'elle y avait sa résidence habituelle au moment de l'introduction de cette procédure.

Que la compétence de la juridiction première saisie est donc établie, et que c'est de plus fort que l'incompétence du juge du TGI de Nice doit être constatée.

SUR LES DEMANDES ANNEXES

Attendu que les contestations de M. [W] ne présentent pas un caractère abusif et ne sont pas susceptibles de donner lieu à dommages et intérêts de ce chef.

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que la demande de ce chef sera rejetée.

Attendu que les dépens en ce compris les frais d'expertise seront mis à la charge de M. [W] qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement;

Rejette le contredit.

Confirme la décision entreprise en ce que le juge s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Dit n'y a voir lieu à dommages et intérêts et à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [W] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 16/05800
Date de la décision : 21/11/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°16/05800 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-21;16.05800 ?
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