COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2018
N°2018/
Rôle N° RG 15/16359 - N° Portalis DBVB-V-B67-5LVZ
[P] [X]
C/
SAEM [Adresse 1]
Copie exécutoire délivrée
le :25/10/18
à :
Me Fabien ARRIVAT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Me Alain ROUSTAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 01 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1206.
APPELANTE
Madame [P] [X], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Fabien ARRIVAT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAEM [Adresse 1], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Alain ROUSTAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller et Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès MICHEL, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Mme Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2018
Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société anonyme d'économie mixte dénommée [Adresse 1] a embauché Mme [P] [X] suivant contrat de travail à durée déterminée dit « contrat de travail à objet défini » au visa de l'article 6 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, à compter du 1er février 2009 en qualité de cadre administrative responsable foncier pour l'exécution du programme foncier nécessaire à la réalisation de la liaison [Localité 1] ' [Localité 2].
La salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 2 847,31 €.
Par lettre du 6 mai 2010, la salariée se plaignait de sa situation dans les termes suivants : « Je vous adresse la présente accompagnée d'un avis d'arrêt de travail en date du 5 mai 2010, consécutif à la situation que je subis depuis de nombreux mois sau sein de la SCP et qui m'est devenue à ce jour insupportable.
Récapitulatif des faits :
Embauchée à la SCP en date du 2 février 2009 en qualité de cadre administratif responsable foncier au sein du Service Juridique et Domanial, je travaille depuis cette date dans un « isolement cruel ». Cette formulation est celle utilisée par le Docteur [E], lors de ma visite médicale en date du 22 mars dernier. Le Docteur [E] m'a dit être dans l'obligation d'en référer à ma hiérarchie et au service des ressources humaines. Je lui ai clairement exprimé le fait que ma hiérarchie en était parfaitement informée depuis les premières marques d'hostilités de mon entourage professionnel, à mon encontre et dès mon arrivée, verbalisées en ma présence devant mon chef de service, ce dernier m'ayant confirmé recevoir des mails et propos d'autres agents du service me visant directement. À cette situation déjà très difficile à vivre, le déménagement de la cellule foncière au rez-de-chaussée du bâtiment H, en septembre 2009, a renforcé considérablement l'isolement dont je suis victime, n'étant désormais qu'en contact avec un entourage professionnel hostile, ne m'adressant que très rarement la parole ou faisant en sorte de me critiquer indirectement par haussements de voix. Ma demande à M. [S] de réintégrer le premier étage du même bâtiment est restée lettre morte à ce jour. Ma situation s'est d'autant plus aggravée lorsque la rumeur m'a appris le mardi 20 avril dernier que la société se séparait de moi. Comble de l'ironie : le mercredi 21 avril, M. [S] me croisant en fin de journée à la pointeuse, me confirme l'existence de rumeurs en ajoutant « ne vous inquiétez pas, on en parlera lundi ». M. [S] me reçoit en effet le lundi 26 avril à 11 h dans son bureau pour m'annoncer' la rupture de mon contrat de travail en raison de la fin de la Liaison [Localité 1] ' [Localité 2]. À l'ironie du jeudi, s'ajoute le cynisme de son commentaire, sur ma fonction de responsable foncier, en me déclarant que certains du service « avaient eu ma peau ». Par ailleurs, la rumeur relative à mon renvoi et mon entretien avec M. [S] ont éclairé de façon tout à fait significative, l'isolement factuel dont j'ai été victime depuis un certain temps en raison d'une absence de communication professionnelle de mon service sur les dossiers en cours (quasiment plus aucun mail, appel, courrier). Malgré cet isolement, j'ai continué à répondre aux demandes et attentes des autres services dans le cadre de la Liaison [Localité 1] ' [Localité 2]. De plus, à mes questions techniques concernant les demandes des autres services, ma hiérarchie est demeurée plus qu'évasive, m'empêchant ainsi de pérenniser une communication de qualité que j'avais réussi à instaurer. Vous comprendrez donc le côté insupportable d'une situation qui m'oblige à recourir à l'arrêt de travail joint à la présente. »
L'employeur a mis fin au contrat de travail par lettre du 18 mai 2010 ainsi rédigée : « Suite à votre entretien du 12 mai 2010 avec Mme [P] en charge de la Direction des Ressources Humaines et en présence de M. [V], Secrétaire des Délégués du Personnel, nous vous notifions par la présente la décision de la société de rompre le contrat de travail à durée déterminée à objet défini qui vous lie à notre société de puis le 1er février 2009. Cette rupture est motivée par la réalisation de l'objet défini au contrat précité, à savoir « l'exécution du programme foncier nécessaire à la réalisation de la liaison [Localité 1] ' [Localité 2] ». En effet, l'ensemble des opérations de libération foncière liées à l'extension de notre réseau par la réalisation de la liaison « [Localité 1] ' [Localité 2] » sont sur le point de prendre fin et, ainsi que le prévoit votre contrat de travail, cette situation entraîne de droit la fin de la relation contractuelle. Nous n'avons pas d'autre solution que de mettre fin à votre contrat. En application des dispositions légales en vigueur, votre contrat de travail prendra donc fin au bout de dix-huit mois, soit le 31 juillet 2010. Le lendemain du jour de la date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du délai de prévenance, celui-ci étant fixé à deux mois minimum. Les dernières opérations foncières restant à mener dans le cadre des travaux programmés pour la réalisation de la liaison « [Localité 1] ' [Localité 2] » s'inscrivant désormais dans la charge normale de travail des agents fonciers que vous épauliez, et dans l'objectif de faciliter votre reclassement professionnel, il vous est confirmé, conformément à votre entretien du 12 mai dernier, la décision de vous dispenser de l'exécution de la totalité de votre préavis. Vous serez donc libre de tout engagement à l'égard de notre société dès la réception de la présente. Votre rémunération sera maintenue jusqu'au 31 juillet 2010. Il vous sera versé, à l'issue de votre contrat de travail, une indemnité égale à 10 % de la rémunération totale brute perçue par vous depuis le début du contrat. Votre solde de tout compte sera tenu à votre disposition dans les meilleurs délais ainsi que les documents vous revenant liés à votre départ. Enfin, en application des dispositions prévues par l'accord d'entreprise du 19 décembre 2008 instituant le CDD à objet défini au sein de notre société, nous vous confirmons que vous pouvez bénéficier d'une priorité d'embauche au sein de notre société pendant les six mois qui suivent votre départ. Afin de vous permettre de faire valoir vos droits en la matière, il vous sera adressé à votre domicile, pendant cette période de six mois, soit jusqu'au 31 janvier 2011, toute notification de poste à pourvoir à la SCP telle qu'elle est communiquée à l'ensemble de nos collaborateurs. »
Contestant la rupture du contrat de travail et sollicitant le paiement d'heures supplémentaires, Mme [P] [X] a saisi le 9 août 2010 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 1er septembre 2015, a :
dit qu'il n'y a pas lieu à requalification du CDD à objet défini ;
dit que l'action de la salariée est irrecevable ;
débouté la salariée de l'intégralité de ses demandes ;
débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle ;
condamné la salariée aux dépens.
Cette décision a été notifiée le 9 septembre 2015 à Mme [P] [X] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 14 septembre 2015.
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles Mme [P] [X] demande à la cour de :
la dire recevable en son appel ;
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
dire que l'employeur ne s'est pas acquitté dans les délais légaux du paiement des heures supplémentaires ;
dire que ce non-paiement dans les délais obligatoires constitue une faute de l'employeur ;
dire que le paiement des heures supplémentaires après la saisine du conseil de prud'hommes ne saurait exonérer l'employeur de sa faute et au contraire la matérialise ;
dire que l'employeur a volontairement méconnu les dispositions sur les heures supplémentaires ;
dire que les dispositions sur le travail dissimulé, et notamment les dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail sont applicables ;
condamner l'employeur au paiement de la somme de 17 000 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
dire que les parties ont conclu un contrat de travail à objet défini pour une durée de 36 mois ;
dire abusive la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée ;
dire que sont applicables les dispositions de l'article L. 1243-4 du code du travail ;
condamner l'employeur au paiement de la somme de 85 000 € toute cause de préjudice confondu, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
condamner l'employeur au paiement de la somme de 5 125,16 € à titre de complément d'indemnité de précarité en application des dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail ;
à titre subsidiaire,
constater le non-respect par l'employeur des mentions obligatoires devant figurer dans le contrat de travail et l'accord d'entreprise :
requalifier le contrat de travail en un contrat de travail à durée indéterminée ;
condamner l'employeur au paiement de la somme de 2 848 € à titre d'indemnité de requalification en application des dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail ;
dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamner l'employeur au paiement de la somme de 85 000 €, toute cause de préjudice confondue, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
en tout état de cause,
condamner l'employeur au paiement de la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner l'employeur aux dépens.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la société anonyme d'économie mixte dénommée [Adresse 1] demande à la cour de :
débouter la salariée de son appel et plus généralement de toutes ses prétentions, tant en relation avec les modalités de cessation des relations contractuelles qu'au titre d'une prétendue infraction civile de travail dissimulé ;
la recevoir en son appel incident ;
condamner la salariée à lui payer la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner la salariée aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.
1/ Sur la qualification du contrat de travail
Le juge devant restituer aux actes leur véritable qualification, c'est à tort que la salariée ne discute la qualification du contrat de travail qu'à titre subsidiaire. Ce point sera en conséquence examiné préalablement.
La salariée reproche au contrat de travail de ne pas comporter de clause descriptive du projet, de ne pas mentionner sa durée prévisible ni l'événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle. Elle reproche de plus à l'employeur d'avoir eu recours à un contrat de travail à objet défini alors même que contre les dispositions de l'accord d'entreprise il a pérennisé l'emploi une fois le contrat terminé au profit de Mme [U].
L'article 6 de la loi du 20 juin 2008 disposait au temps du contrat que :
« Un contrat de travail à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini, d'une durée minimale de dix-huit mois et maximale de trente-six mois, peut être conclu pour le recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives. Le recours à ce contrat est subordonné à la conclusion d'un accord de branche étendu ou, à défaut, d'un accord d'entreprise.
L'accord de branche étendu ou l'accord d'entreprise définit :
1° Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ;
2° Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauchage et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;
3° Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d'accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise.
Ce contrat est régi par le titre IV du livre II de la première partie du code du travail, à l'exception des dispositions spécifiques fixées par le présent article.
Ce contrat prend fin avec la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance au moins égal à deux mois. Il peut être rompu par l'une ou l'autre partie, pour un motif réel et sérieux, au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de sa conclusion. Il ne peut pas être renouvelé. Lorsque, à l'issue du contrat, les relations contractuelles du travail ne se poursuivent pas par un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité d'un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute.
Le contrat à durée déterminée à objet défini est établi par écrit et comporte les clauses obligatoires pour les contrats à durée déterminée, sous réserve d'adaptations à ses spécificités, notamment :
1° La mention « contrat à durée déterminée à objet défini » ;
2° L'intitulé et les références de l'accord collectif qui institue ce contrat ;
3° Une clause descriptive du projet et mentionnant sa durée prévisible ;
4° La définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;
5° L'événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;
6° Le délai de prévenance de l'arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
7° Une clause mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux et le droit pour le salarié, lorsque cette rupture est à l'initiative de l'employeur, à une indemnité égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié.
Ce contrat est institué à titre expérimental pendant une période de cinq ans à compter de la publication de la présente loi.
À l'issue de cette période, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport, établi après concertation avec les partenaires sociaux et avis de la Commission nationale de la négociation collective, sur les conditions d'application de ce contrat et sur son éventuelle pérennisation. »
L'accord d'entreprise relatif à la mise en place du CDD à objet défini, signé le 19 décembre 2008 par la CFDT, la CFTC, la CGC et FO était ainsi rédigé :
« ARTICLE 1 ' CAS DE RECOURS AU CDD A OBJET DÉFINI
En application de la législation du travail, le CDD de projet ne peut avoir, ni pour objet ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Le recours au CDD à objet défini est ainsi légalement subordonné à des conditions économiques particulières auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée. Il est expressément convenu que le dispositif du CDD à objet défini sera utilisé à la SCP dans les situations économiques suivantes :
' Études ou prestations pour des tiers en France et à l'international, faisant l'objet d'une commande spécifique,
' Activités de la concession pour lesquelles il n'est pas prévu de pérennisation ultérieure de l'emploi une fois le projet réalisé : l'exemple type est celui du projet de création de la liaison [Localité 1] ' [Localité 2],
' Opérations pour compte propre de la SCP définies dans le temps, comme par exemple la mise en place du site internet ou le démarrage, à titre expérimental, d'une activité commerciale nouvelle,
' Contrats de recherche.
ARTICLE 2 ' PERSONNEL CONCERNE
Le CDD à objet défini pourra être conclu pour le recrutement de personnel Ingénieurs ou Cadres (et assimilés), au sens du Statut du personnel de la SCP et de l'affiliation aux caisses de retraite AGIRC. Les salariés concernés sont donc situés aux échelles M et supérieures de la grille de salaire indiciaire du 1er janvier 2008. Le CDD à objet défini est de principe régi par le titre IV du livre II de la première partie du Code du Travail relatif aux CDD, à l'exception des dispositions spécifiques fixées par l'article 6 de la Loi 2008-596, reprises ci-dessous pour application à la SCP.
ARTICLE 3 ' DURÉE DU CDD A OBJET DÉFINI
Le CDD à objet défini est d'une durée minimale de 18 mois et maximale de 36 mois. Il ne peut pas être renouvelé.
ARTICLE 4 ' FIN DU CDD A OBJET DÉFINI
Le CDD à objet défini prend fin avec la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu, avec un délai de prévenance au moins égal à deux mois. En dehors de cette situation, Il pourra également mis être un terme au CDD à objet défini à la date anniversaire de sa conclusion par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux. À l'issue du contrat, le salarié a droit à une « indemnité de précarité » égale à 10 % de la rémunération totale brute reçue durant la durée de son engagement à la SCP. Cette indemnité de précarité n'est toutefois pas due si la relation contractuelle se poursuit immédiatement par un contrat à durée indéterminée.
ARTICLE 5 ' PRIORITÉ D'ACCÈS AUX EMPLOIS EN CDI
À l'issue de leur CDD à objet défini, les salariés bénéficient d'une priorité d'accès aux emplois en CDI de même qualification ouverts à la SCP. À cette fin, la DRH effectuera, durant leur présence à la SCP, un suivi particulier de l'employabilité des salariés sous CDD à objet défini. Enfin, durant le délai de prévenance de rupture de leur contrat, la DRH informera les salariés des emplois en CDI ouverts à la SCP dans les six mois qui suivent et correspondant à leurs compétences, afin de leur permettre une priorité de réembauchage.
ARTICLE 6 ' GARANTIES PARTICULIÈRES DU SALARIE EN CDD A OBJET DÉFINI
Les salariés en CDD à objet défini bénéficient de droits identiques aux salariés en CDI en matière de VAE (Valorisation des Acquis de l'Expérience) et d'accès à la formation professionnelle continue. Dans ce cadre, la DRH apportera une attention particulière à l'aide au reclassement des salariés en CDD à objet défini, afin de leur permettre, notamment durant le délai de prévenance précédant la date de rupture du contrat, d'organiser la suite de leur parcours professionnel.
ARTICLE 7 ' SUIVI DES CDD DE PROJET
Le recours au CDD de projet et le suivi de chaque contrat sera effectué dans le cadre du suivi mensuel des effectifs par les Délégués du Personnel. À cet effet, la DRH ouvrira une rubrique particulière « CDD de projet » dans les documents distribués aux Délégués du personnel afin de leur permettre en premier lieu d'examiner la conformité du motif de recours à ce type de contrat par rapport aux situations économiques définies à l'article 1er du présent accord, puis à l'issue du contrat d'apprécier les actions effectuées pour assurer une priorité d'embauche ou de réembauchage. »
Il sera tout d'abord relevé que l'accord d'entreprise apparaît satisfaire aux trois prescriptions légales alors même qu'il vise à titre d'exemple comme cas de recours au contrat à objet défini l'opération à laquelle était affectée la salariée.
Le contrat de travail comportait les clauses suivantes en rapport avec le présent litige :
« ARTICLE 1 ' MOTIF
Votre engagement se situe dans le cadre des dispositions de la Loi 2008-596 du 20 juin 2008 « portant modernisation du marché du travail », qui a créé dans son article 6 un « Contrat à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini », dont l'application à la SCP a été autorisée par un accord d'entreprise en date du 19 décembre 2008 intitulé « Accord relatif à la mise en place du CDD à objet défini ». La situation économique justifiant le recours à ce type de contrat est l'exécution du programme foncier nécessaire à la réalisation de la liaison [Localité 1] ' [Localité 2], dont les tâches vous concernant sont définies à l'article 5 du présent contrat.
ARTICLE 4 ' FIN DU CONTRAT
Il est expressément convenu que la réalisation de toutes les opérations relatives à l'aspect foncier de la liaison [Localité 1] ' [Localité 2] déterminera de droit la fin de la relation contractuelle. Le présent contrat est en conséquence conclu pour une durée prévisionnelle de 36 mois, soit jusqu'au 31 JANVIER 2012. En dehors de cette situation, il pourra également être mis un terme au présent contrat la date anniversaire de sa conclusion par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux. Le salarié gardera ses droits à l'indemnité de précarité même s'il est à l'origine de la rupture anticipée. La SCP devra respecter un délai de prévenance au moins égal à deux mois pour avertir de l'arrivée au terme du contrat, ou d'une éventuelle proposition de la poursuite de la relation de travail sous forme de contrat à durée indéterminée. Durant ce délai de prévenance, la DRH informera Mme [P] [L] des emplois en contrat à durée indéterminée ouverts à la SCP dans les six mois qui suivent et correspondant à ses compétences, afin de lui permettre une priorité de réembauchage.
ARTICLE 5 ' FONCTIONS
Vous exercerez les fonctions de cadre administratif responsable foncier telles qu'elles sont notifiées dans la définition de fonction ci-jointe qui est réputée faire partie intégrante du présent contrat. Vous vous engagez à accomplir toute formation que vous demanderait la SCP. »
À la lecture des clauses du contrat de travail qui viennent d'être reproduites, il apparaît que sont bien explicitées tant la description du projet (le programme foncier nécessaire à la réalisation de la liaison [Localité 1] ' [Localité 2]), sa durée prévisible (36 mois) ainsi que le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle (la réalisation dudit programme foncier).
De plus, l'employeur justifie de ce que Mme [U] a été embauchée en qualité de chef de groupe (foncier, urbanisme, servitudes) pour tous les programmes de l'entreprise, fonctions bien plus larges que celle occupée par la salariée qui ne concernait que la réalisation d'un canal déterminé.
En conséquence, il n'y a pas lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée à objet défini en un contrat de travail à durée indéterminée.
2/ Sur le travail dissimulé
Il apparaît que l'employeur n'a versé qu'avec retard et durant la procédure judiciaire le salaire afférent à 120 heures supplémentaires qui n'étaient pas portées sur les bulletins de salaires.
Pour autant, aucun élément de l'espèce ne permet de retenir que l'employeur ait volontairement tenté de dissimuler l'emploi de la salariée. Dès lors, cette dernière sera déboutée de sa demande de paiement de l'indemnité légale pour travail dissimulé.
3/ Sur la rupture du contrat de travail
Il convient de relever au préalable que l'employeur justifie par la production des publicités afférentes à deux appels publics à concurrence que la liaison « [Localité 1] ' [Localité 2] » et la liaison « [Localité 1] ' [Localité 2] ' [Localité 3] » constituent deux opérations distinctes. Le fait que la salariée justifie avoir été ponctuellement concernée par la seconde opération n'est pas de nature à étendre l'objet de son contrat de travail aux opérations foncières nécessaires à la réalisation de cette seconde liaison.
L'employeur justifie, sans être factuellement contredit sous la réserve précédente, que le programme foncier nécessaire à la réalisation de la seule liaison « [Localité 1] ' [Localité 2] » se trouvait pour l'essentiel réalisé au temps de la rupture du contrat de travail.
Mais la salariée soutient qu'en application des termes du contrat seule la réalisation de « toutes les opérations relatives à l'aspect foncier » était susceptible de constituer le terme du contrat. La cour retient que compte tenu des droits réels en cause et de la variété des modes d'action ainsi que des délais nécessaires pour passer les actes notariés, une interprétation littérale de ce seul membre de phrase, sorti de son contexte, viderait de sens le contrat lui-même, l'objet de contrat excédant alors sa durée maximale légale de 36 mois.
Ainsi, il convient de retenir qu'au temps de la rupture du contrat de travail, son objet était bien achevé dès lors que l'entreprise pouvait sans difficulté faire assurer les suites des opérations foncières par ses services habituels sans surcroît notable de travail.
La durée minimale de 18 mois étant respectée, l'employeur pouvait à tout moment, dans le respect du délai de prévenance de deux mois, mettre fin au contrat de 36 mois, en constatant que son objet défini se trouvait réalisé. Il n'était nullement tenu d'attendre la date anniversaire du contrat.
Le dispositif d'accompagnement de la salariée lors de la rupture, imposé par la loi et précisé par l'accord d'entreprise, a bien été mis en 'uvre par l'employeur comme relaté dans la lettre de rupture, étant relevé qui ni la loi, ni l'accord d'entreprise ni le contrat de travail ne mettaient à la charge de l'employeur une obligation de rechercher le reclassement de la salariée mais une priorité de réembauchage.
En conséquence, la rupture du contrat de travail apparaît régulière et la salariée sera déboutée de sa demande de dommage et intérêts de ce chef ainsi que de sa demande de complément d'indemnité de précarité en raison d'un emploi qui se serait prolongé durant les 36 mois.
4/ Sur les autres demandes
Il convient d'allouer à l'employeur la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La salariée supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déclare l'appel principal et l'appel incident recevables.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la salariée.
Déboute Mme [P] [X] de l'ensemble de ses demandes.
Y ajoutant,
Condamne Mme [P] [X] à payer à la société anonyme d'économie mixte dénommée [Adresse 1] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Condamne Mme [P] [X] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT