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23/10/2018 | FRANCE | N°16/21366

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 23 octobre 2018, 16/21366


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 23 OCTOBRE 2018

D.D

N° 2018/













Rôle N° RG 16/21366 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7UHT







ETAT DE LA FEDERATION DE RUSSIE





C/



Franz Josef X...





















Copie exécutoire délivrée

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à :Me Y...

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Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 04 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04009.





APPELANT



ETAT DE LA FEDERATION DE RUSSIE

représentée par la Direction Générale des Affaires du Président de la Fédération de Russie (Upravlenie Del...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 23 OCTOBRE 2018

D.D

N° 2018/

Rôle N° RG 16/21366 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7UHT

ETAT DE LA FEDERATION DE RUSSIE

C/

Franz Josef X...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Y...

Me Z...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 04 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04009.

APPELANT

ETAT DE LA FEDERATION DE RUSSIE

représentée par la Direction Générale des Affaires du Président de la Fédération de Russie (Upravlenie Delami Prezidenta Rossiskoy Federatsii)

prise en la personne de son représentant légal Nikitnikov Pereoulok 2 - Entrée 5 - 102132 MOSCOU (RUSSIE)

représenté par Me Romain Y... de la SELARL SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Christelle A..., avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIME

Monsieur Franz Josef X...

né le [...] à MUNICH (Allemagne), demeurant [...] (Allemagne)

représenté et assisté par Me Patrick Z..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame DEMONT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2018,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Par jugement en date du 4 février 2016 le tribunal de grande instance de Draguignan, statuant sur une assignation du 14 mai 2012, a rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 4 mai 2012, mais a rejeté la demande d'exequatur du jugement rendu par le tribunal du district de Pétrograd de la ville de Saint-Pétersbourg du 15 juin 2006 et condamné l'État de la fédération de Russie à verser à M. Franz X... la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure outre les dépens et le bénéfice de l'exécution provisoire.

Le 29 novembre 2016 l'État de la Fédération de Russie, représenté par la direction générale des affaires du président de la fédération de Russie et par l'Entreprise fédérale de Russie, a relevé appel de cette décision qui lui a été signifiée le 30 août 2016.

Par ordonnance d'incident en date du 16 mai 2017 le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé.

Par conclusions du 24 août 2018 l'État de la Fédération de Russie demande à la cour :

' de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'assignation du 14 mai 2012 ;

' d'annuler pour cause de violation du principe du contradictoire le jugement rendu en ce qu'il a rejeté la demande d'exequatur partielle du jugement rendu le 15 juin 2006 par le tribunal du district de Petrograd de la ville de Saint-Pétersbourg ;

' de prononcer l'exequatur partielle du jugement du 15 juin 2006 rendu par le tribunal civil de Petrograd de la ville de Saint Pétersbourg qui a ordonné le recouvrement auprès de M. Franz X... du montant de l'impôt impayé au trésor public de la fédération de Russie en majoration et intérêts dont le montant en roubles est l'équivalent de 65'612'140,12 dollars américains (USD), jugement qui était susceptible de recours auprès du tribunal de la ville de Saint-Pétersbourg dans un délai de 10 jours à compter de la date d'établissement de la décision motivée, la décision motivée ayant été établie le 26 juin 2006, pour sa partie correspondant aux droits et taxes éludés à savoir 3'030'594,61 USD ;

' de rejeter les demandes reconventionnelles de M. X... ;

' et de le condamner aux dépens et à lui payer la somme de 25'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Fédération de Russie fait valoir :

' que M. X... livre contre elle une guérilla judiciaire et médiatique ; qu'en 1998 il a obtenu une sentence du tribunal arbitral de Stockholm pour expropriation et qu'il a engagé pas moins de 140 procédures à son encontre, et même contre l'Allemagne au motif que les autorités allemandes avaient refusé de saisir des avoirs appartenant à la Russie pour exécuter la décision;

' que le jugement qui a condamné M. X... à plus de 65 millions de dollars à la Fédération de Russie porte un cachet indiquant qu'il est passé en force de chose jugée le 27 juin 2006 même si en réalité il est passé en force de chose jugée le 7 juillet 2006, 10 jours après l'établissement de la décision le 26 juin 2006 ; qu'un certificat du greffe du tribunal de Petrograd atteste du caractère exécutoire du jugement, aucun recours n'ayant été formé contre la décision;

' que le jugement à exequaturer a bien été prononcé en matière de droit civil russe , et non en matière fiscale ; que les règles allemandes en la matière ne peuvent pas être utilement invoquées par M. X..., le droit allemand et ses qualifications n'étant pas applicables en matière d'exequatur en France d'une décision étrangère qui n'émane pas d'un État de l'Union européenne, mais de la Russie ;

' que l'audience a été renvoyée du 28 avril 2006 au 15 juin 2006 ce qui correspondait à une demande de M. X... ; que le défendeur ayant été informé une première fois le 12 avril 2006, aucun motif ne justifiait de procéder à une seconde signification internationale en vue de l'audience du 15 juin 2006 ; que la date du 8 juin 2006 qui figure dans le jugement du 15 juin 2006 quant à l'information de M. X... ne correspond pas à la première information de celui-ci quant à la procédure, comme démontré ci-dessus, puisqu'il a été cité à comparaître dès le 12 avril 2006 ; qu'il a pu transmettre des observations sur la procédure et sur le fond au tribunal de Petrograd et ce, à plusieurs reprises ; que le fait qu'il n'aurait pas pu se présenter à l'audience du 15 juin 2006 faute de temps nécessaire pour obtenir des visas pour lui et ses conseils est inopérant puisqu'il n'a fait aucune demande de visa pour se présenter à l'audience du 15 juin 2006 ; et qu'il aurait pu également solliciter l'assistance d'un avocat russe ce qu'il n'a pas fait non plus ;

' que le jugement du 15 juin 2006 est exécutoire en Russie ; que la Fédération de Russie a écrit le 26 juin 2006 à l'autorité allemande pour demander à ce que soit signifié ce jugement ; que le but d'une signification est de porter une décision de justice à la connaissance du justiciable concerné ; qu'un défaut de signification ne serait problématique que si M. X... n'avait pas eu connaissance de cette décision alors qu'à l'évidence il n'en est rien comme le montrent les critiques virulentes qu'il formule contre le jugement du 15 juin 2006 ;

' que c'est donc en vain qu'il critique le caractère exécutoire du jugement en se fondant sur des motifs inopérants, le caractère exécutoire de ce jugement n'étant pas contestable au regard du droit russe, seul applicable ; que le cachet figurant sur le jugement n'est pas conforme aux règles procédurales russes de prise d'effet des décisions et qu'il n'a pas d'effet juridique ayant été apposé non par les juges mais par le personnel du tribunal de Petrograd ; qu'in concreto il ressort d'une consultation de droit russe produite que M. X... n' avait pas pour autant perdu son droit d'appel ; qu'en effet il existe selon les règles russes des possibilités d'être relevé de forclusion quand les justiciables ont un motif légitime pour ne pas avoir respecté un délai d'appel mais que l'intimé n'a pas fait usage de ce droit.

Par conclusions du 14 août 2018 M. X... demande à la cour :

' de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le rejet de la demande d'exequatur du jugement russe du 15 juin 2006 ;

' de l'infirmer s'agissant des dispositions concernant l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'appelant la somme de 25'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

' d'infirmer le jugement entrepris et de constater le défaut de capacité de la direction générale des affaires du président de la fédération de Russie de représenter l'Etat de la Fédération de Russie ;

' de constater que le jugement est contraire à l'ordre public international de procédure français et européen ;

' de débouter l'État de la Fédération de Russie de toutes ses demandes ;

' et de le condamner à commence à régler la somme de 30'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

M. X... soutient en substance qu'il est fait obligation à tout juge d'un État partie à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, saisi d'une demande d'exequatur, de vérifier que la procédure relative à la décision étrangère remplit les garanties de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que le jugement énonce qu'il a été informé de la date de l'examen de l'affaire en bonne et due forme le 8 juin 2006 ; que la demande d'entraide adressée le 13 mars 2006 à l'Allemagne pour une assignation à comparaître le 28 avril 2006 n'est pas la convocation qui est visée par le jugement du 15 juin 2006 ; que l'instance n'a pas été loyalement engagée ; et qu'il n'a pu faire valoir ses droits, y compris de recours.

Motifs

Sur la nullité de l'assignation

Attendu que le premier juge a justement retenu que l'[...], représenté par la direction générale des affaires du président de la Fédération de Russie, et l'entreprise fédérale unitaire d'État justifient de la capacité à agir de la direction générale des affaires du président de la fédération de Russie et de l'entreprise fédérale unitaire d'État « entreprise de gestion de la propriété à l'étranger » par la production du décret du président de la fédération de Russie du 17 septembre 2008 relatif à la direction des affaires de la présidence de la fédération de Russie ainsi que du règlement pris et approuvé en application du décret qui prévoit en son II, 6° 9° et 10° que la direction des affaires de la présidence a le droit de déposer plainte en justice auprès des autorités chargées de l'application du droit au nom de la Fédération de Russie et pour présenter les demandes relatives à la protection des droits pécuniaires et des autres droits et intérêts légitimes de la Fédération de Russie liée à l'administration et à la gestion du patrimoine fédéral situé à l'étranger, y compris « en cas de recouvrement des dommages et des pertes causées à la Fédération de Russie suite au actes illicites des personnes physiques et morales »; que ces documents sont revêtus de l'apostille ce qui témoigne de leur légalisation; que l'article 648 du code de procédure civile relatif à la forme des actes d'huissier de justice n'impose pas que le nom du responsable d'une personne morale ou de ses délégataires soient mentionnés sur l'assignation ;

Attendu qu'il y a lieu d'ajouter que l'État de la Fédération de Russie, représenté par la direction générale des affaires du président de la Fédération de Russie, et l'entreprise fédérale unitaire d'État figurent en qualité de demanderesses à l'action engagée contre M. X... dans le jugement du tribunal du district de Petrograd de la ville de Saint-Pétersbourg du 15 juin 2006 dont il est demandé l'exequatur ; et que le juge de l'exequatur n'est pas le juge de la qualité des parties à agir dans le procès originaire ;

Attendu qu'il s'ensuit le rejet du moyen de nullité de l'assignation du 14 mai 2012 devant le tribunal de grande instance de Draguignan soulevé 'à titre de moyen d'appel incident' dans le corps des écritures de M. X... et 'à titre subsidiaire' en son dispositif ;

Sur l'exequatur

Attendu qu'en application de l'article 509 du code de procédure civile, « Les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers et étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi. » ;

Qu'ils est de jurisprudence constante que l'exequatur d'un jugement étranger, en l'absence de convention internationale, est soumis à la triple condition de la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, de la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure, et enfin de l'absence de fraude ;

Que M. X... invoque des contrariétés du jugement russe à l'ordre public international de procédure français et européen ;

Attendu que la cour relève que la convocation en justice adressée à M. X... est des plus laconiques, tenant in extenso sur à peine un quart de page ;

Qu'elle énonce seulement :

« Le tribunal du district de Petrograd de la ville de Saint-Pétersbourg,

Exige du défendeur, M. X... de se présenter à 14 heures le 28 avril 2006 à l'adresse suivante : (').

Invite les parties à se présenter à cette audience avec l'ensemble des preuves relatives au dossier.», étant observé que le dossier en question n'est pas davantage évoqué que sous un numéro : « affaire civile n° 540 » ;

Attendu qu'il en résulte que le défendeur à l'action ne sait pas, en recevant la convocation, qui est le demandeur à l'action, ni même quel est l'objet du litige ;

Que l'acte introductif d'instance n'énonce pas davantage le droit pour le défendeur à l'action d'être représenté par un avocat ;

Que le moyen tiré par l'appelant de ce que M. X... aurait pu solliciter l'assistance d'un avocat russe pour le représenter doit dès lors être écarté ;

Attendu que l'intimé fait valoir exactement que la demande d'entraide avec l'Allemagne afin de le convoquer à son domicile [...] pour l'audience à Saint-Pétersbourg a été effectuée le 13 mars 2006 pour comparaître le 28 avril 2006, et qu'il n'a été avisé concrètement que le 12 avril 2006 pour cette audience du 28 avril 2006 ; et que l'affaire ayant été renvoyée au 15 juin 2006, il n'a pu être informé de cette nouvelle date d'audience que le 8 juin 2006, comme il est dit au jugement dont il est demandé l'exequatur ;

Attendu que la date effective de jugement n'a été portée à la connaissance du défendeur à l'action que 7 jours seulement avant l'audience ;

Que la circonstance qu'il ait eu connaissance le 12 avril précédent de sa première convocation pour le 28 avril 2006, soit 16 jours avant la première date d'audience prévue est tout aussi insuffisante pour permettre à un citoyen de nationalité allemande demeurant [...] d'organiser matériellement son déplacement en Russie et d'obtenir un visa, et a fortiori en vue d'organiser utilement sa défense ;

Qu'en effet des délais, chacun trop bref, ne se cumulent pas pour conduire à un délai raisonnable de convocation et de jugement ;

Que le moyen tiré de ce que M. X... n'a pas déposé de demande de visa consulaire est inopérant à cet égard compte tenu du délai insuffisant qui lui était laissé pour accomplir cette démarche ;

Attendu, sur le moyen tiré de ce que M. X... aurait pu néanmoins transmettre des observations sur la procédure et sur le fond au tribunal de Petrograd et ce, à plusieurs reprises,

que le jugement du 15 juin 2006 dont il est demandé l'exequatur fait mention en page 3 de sa traduction :

« Le défendeur, M. X... n'a pas assisté à l'audience, bien qu'il ait été informé du lieu et de l'heure de l'examen de l'affaire en bonne et due forme le 8 juin 2006, ce qui a été confirmé au cours d'un entretien téléphonique qui a eu lieu le 14 juin 2006 par l'intermédiaire de son interprète. Il a motivé la raison de son absence par l'impossibilité d'accomplir les démarches d'obtention de visa dans un délai aussi court pour lui et pour ses représentants.

Une information identique figure dans les conclusions relatives à l'affaire transmises par télécopie qui ont été traduites par les soins du tribunal.

Conformément à l'article 167 du code de procédure civile, les parties intervenantes à l'affaire sont tenues d'informer le tribunal des raisons de leur absence et de présenter les preuves du bien-fondé de ces raisons.

Ayant analysé la raison de l'absence de M. X... à l'audience judiciaire du 15 juin 2006, le tribunal ne peut pas la considérer comme fondée, étant donné que le dossier contient la réponse du ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie précisant qu'au cours de la période du 25 janvier 2006 jusqu'à ce jour, M. X... ne s'est pas adressé aux services consulaires de la Fédération de Russie en Allemagne pour obtenir un visa .

Le tribunal estime que la raison de l'absence M. X... à l'audience n'est pas justifiée et procède à l'examen de la demande de la Fédération de Russie.

Le défendeur a introduit sa réplique du 20 avril 2006 et l'a complétée par ses objections concernant l'affaire. » ;

Attendu que le jugement énonce ensuite qu'il s'agit là de moyens tirés de l'incompétence du tribunal russe au profit de la compétence d'un tribunal d'arbitrage, du délai de prescription et de ce que les impôts et taxes auraient été payées à temps ;

Mais attendu qu'en réalité ces prétendues 'observations', qui ont paru au juge russe suffire à la défense de M. X..., sont contenues dans deux télécopies adressées au juge les 20 avril 2006 et 14 juin 2006 ;

Qu'elles sont axées essentiellement sur la demande de M. X... de renvoi de l'affaire «pour des raisons pratiques et temporelles », n'évoquant l'incompétence du juge russe que pour protester contre la légèreté et la partialité de la procédure suivie contre lui ;

Qu'elles ne sauraient être considérées comme la preuve de ce qu'il a pu défendre à l'action ;

Attendu ensuite que le jugement du district de Petrograd de la ville de Saint-Pétersbourg du 15 juin 2006 porte un cachet sur lequel il est mentionné que ce jugement est passé en force de chose jugée le 27 juin 2006, alors que par ailleurs le jugement énonce lui-même qu'il est susceptible d'un recours dans un délai de 10 jours à compter de la date d'établissement de la décision motivée, laquelle est intervenue le 26 juin 2006 ;

Attendu que la Fédération de Russie fait valoir que M. X... en première instance avait seulement déploré l'absence de caractère exécutoire de ce jugement du 15 juin 2006 en raison de cette contradiction entre mentions, que M. X... n'en tirait cependant aucunes conséquences juridiques quant à une éventuelle privation pour lui de voies de recours, et que le jugement déféré qui a soulevé d'office ce moyen doit être annulé ;

Mais attendu que les premiers juges n'ont pas soulevé un moyen de droit nouveau sans le soumettre à la discussion des parties ; que le caractère exécutoire ou non du jugement était dans le débat ; que l'Etat russe qui invoque le caractère exécutoire du jugement pour en solliciter l'exequatur, ne peut reprocher au tribunal de l'avoir suivi dans son argumentation sur ce point; que le tribunal en a seulement tiré des conséquences toutes différentes en considérant que M. X... avait été privé du délai de recours et de la possibilité de faire appel par l'apposition du cachet attestant du caractère définitif du jugement et, par suite, en accueillant le moyen de M. X... tiré d'une violation des droits de la défense contraire à l'ordre public international de procédure ;

Attendu qu'aucune violation du principe du contradictoire n'est à déplorer, et qu'il convient de rejeter la demande d'annulation du jugement déféré ;

Attendu que M. X... n'a pu qu'ignorer la date de la motivation du jugement russe rendu contre lui faisant courir le délai de recours de 10 jours et donc ce délai dans lequel il aurait pu interjeter appel ;

Que l'Etat de la Fédération de Russie ne saurait lui reprocher de ne pas s'être renseigné ;

Que le moyen tiré d'une possibilité d'être éventuellement relevé de forclusion doit être écarté ; qu'il est par définition exceptionnel et conduirait plutôt à l'absence de caractère exécutoire de la décision dont il est demandé l'exequatur ;

Attendu que dans ces conditions, l'exercice des voies de recours n'est demeuré que purement théorique pour M. X... et que le caractère exécutoire du jugement du 15 juin 2006 résulte d'une privation de son droit d'exercer une voie de recours contre ce jugement rendu en son absence ;

Attendu en définitive que la procédure suivie ne respecte pas le principe du contradictoire et les droits de la défense ; qu'elle est contraire à la conception française de l'ordre public international de procédure, les intérêts de M. X... ayant été objectivement compromis par la violation de principes fondamentaux de procédure et de son droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

Que le moyen tiré de ce que l'ensemble de la procédure suivie est conforme aux règles de la procédure russe est inopérant à cet égard ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu dès lors de statuer sur les autres moyens de droit soulevés (prescription du jugement de 2006, nature fiscale de la créance et non civile, absence de réciprocité avec l'État russe, ou encore caractère disproportionné du jugement russe) ;

Attendu que le jugement qui a rejeté la demande d'exequatur du jugement rendu le 15 juin 2006 présentée par L'État de la Fédération de Russie doit donc être entièrement approuvé ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette la demande d'annulation du jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 4 février 2016,

Confirme ledit jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant

Condamne l'Etat de la Fédération de Russie aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'Etat de la Fédération de Russie à payer à M. Franz X... la somme de 4000€ à ce titre.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/21366
Date de la décision : 23/10/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/21366 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-23;16.21366 ?
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