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12/10/2018 | FRANCE | N°16/09824

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 12 octobre 2018, 16/09824


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 12 OCTOBRE 2018



N°2018/ 421















Rôle N° RG 16/09824 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6VYX







SARL FRESIA MATERIAUX





C/



Philippe X...



































Copie exécutoire délivrée

le : 12/10/2018

à :



Me Sophie Y..., av

ocat au barreau de TOULON



Me Christine Z..., avocat au barreau de TOULON







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section C - en date du 30 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/662.





APPELANTE



SARL FRESIA MATERIAUX, demeura...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 12 OCTOBRE 2018

N°2018/ 421

Rôle N° RG 16/09824 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6VYX

SARL FRESIA MATERIAUX

C/

Philippe X...

Copie exécutoire délivrée

le : 12/10/2018

à :

Me Sophie Y..., avocat au barreau de TOULON

Me Christine Z..., avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section C - en date du 30 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/662.

APPELANTE

SARL FRESIA MATERIAUX, demeurant [...]

représentée par Me Sophie Y..., avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur Philippe X..., demeurant [...]

représenté par Me Christine Z..., avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M.Thierry CABALE, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre

Mme Solange LEBAILE, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Octobre 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Octobre 2018

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 03 mai 1999, par contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur Philippe X... a été embauché par la Sarl Fresia Matériaux en tant que chauffeur poids-lourds grutier moyennant en dernier lieu un salaire de base d'un montant mensuel brut de 1389,29 euros pour 151,67 heures de travail augmenté de 174,62 euros bruts au titre de 17,33 heures supplémentaires bonifiées.

Aux termes d'une lettre en date du 02 mars 2006, Monsieur X... a indiqué à l'employeur:

'Monsieur,

Suite aux différents que nous avons eu, Je vous prie de bien vouloir accepter ma démission à compté de ce Jour.

Comme la loi le prévoit je ferai mon mois de préavis comme convenu et je ne ferai plus parti de votre Entreprise le 03 Avril 2006.

Je vous prie d'agrée, Monsieur, mes plus respectueuses salutations'

Le 26 octobre 2006, afin notamment d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et le paiement par celui-ci de rappels de salaires et d'indemnités de rupture, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon qui a, par jugement en date du 30 septembre 2013, requalifié la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné l'employeur au paiement des sommes de 18.698,94 euros au titre des heures supplémentaires, 8335,74 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1389,29 euros à titre d'indemnité de préavis, 138,92 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, ordonné la remise d'un bulletin de paie portant mention des sommes accordées au titre des heures supplémentaires et du préavis, débouté le salarié de ses autres demandes, débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle et condamné celui-ci au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'une expertise ordonnée par jugement avant dire droit, pour un montant de 11.005,42 euros.

Le 22 octobre 2013, dans le délai légal, la Sarl Fresia Matériaux a régulièrement relevé appel de ce jugement, puis l'instance a été radiée par décision du 18 mars 2016 et l'affaire a été réenrôlée, appelée à l'audience du 14 juin 2018 et plaidée à l'audience du 6 septembre 2018.

Par des conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sarl Fresia Matériaux demande à la cour de réformer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande fondée sur l'article L 8223-1 du code du travail et de sa demande de condamnation aux intérêts, de dire n'y avoir lieu à homologation du rapport A..., de débouter le salarié de toutes ses demandes, fins et conclusions, de le condamner au paiement des frais d'expertise ainsi que de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sarl Fresia Matériaux fait valoir que la démission n'est pas équivoque et ne peut être requalifiée en prise d'acte en ce que la lettre du 2 mars 2006 ne comporte aucun grief; qu'auparavant et de manière contemporaine, aucun manquement n'est repris par le salarié qui n'a évoqué et réclamé des heures supplémentaires qu'en juillet 2006; que la réalité des heures supplémentaires était si peu évidente qu'il a demandé avant dire droit la désignation d'un expert; que les demandes antérieures au 11 juin 2004 sont prescrites dès lors que ce n'est qu'à l'audience du 11 juin 2009 que le salarié a chiffré sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires; que le rapport déposé par l'expert judiciaire ne peut être homologué en ce qu'il comporte de nombreuses erreurs, imprécisions et contradictions, ne tenant pas compte du temps de travail contractuel, des heures bonifiées ou des modalités d'applications des majorations applicables; qu'elle n'a pas intentionnellement mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui des heures réellement effectuées dès lors qu'une expertise judiciaire a dû être mise en oeuvre.

Par des conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, le salarié demande à la cour de:

- constater que la Sarl Fresia Matériaux a commis des manquements graves justifiant sa démission et de dire et juger que ces manquements rendent la rupture imputable à l'employeur,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la démission était équivoque et devait produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- réformer le jugement sur le quantum des condamnations, en conséquence condamner l'employeur au paiement des sommes de:

8335,74 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1389,29 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

1389,29 euros à titre d'indemnité de préavis,

8335,74 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L 8223-1 du code du travail,

- homologuer le rapport A... en ce qui concerne le calcul des heures supplémentaires accomplies et non réglées conformément aux dispositions légales,

- confirmer la condamnation de l'employeur au paiement, au titre des heures supplémentaires , des sommes de:

5902,78 euros pour l'année 2002,

4086,56 euros pour l'année 2003,

4287,80 euros pour l'année 2004,

3201,30 euros pour l'année 2005,

1220,30 euros pour l'année 2006,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2006, date de la mise en demeure,

- ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard des documents de travail rectifiés notamment les bulletins de salaires, l'attestation Assedic faisant état d'un contrat à durée indéterminée conclu le 15 janvier 2009 et d'une fin de contrat le 8 octobre 2010 avec préavis non effectué mais payé,

- condamner l'employeur au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise, soit 11.005,42 euros, par suite du refus de communication des disques.

Le salarié soutient que le caractère équivoque de sa démission résulte de la mention de 'différents' dans sa lettre en date du 2 mars 2006 qui englobaient des problèmes salariaux qui l'avaient convaincu de conserver la copie de tous ses disques et plannings, et de la réalité des heures supplémentaires réclamées pour la première fois par écrit en juillet 2006 après avoir réuni les pièces et trouvé un conseil puis en première instance au moyen de décomptes et d'une expertise qui a été mise en oeuvre pour obtenir des certitudes; que l'employeur a eu recours à lui en violation des dispositions légales, que l'article L 8223-1 du code du travail s'applique donc et que la mauvaise foi de l'employeur résulte de la mauvaise volonté de celui-ci qui ne l'a pas indemnisé alors qu'il avait fourni ses disques et plannings.

MOTIFS:

Sur la rupture du contrat de travail :

Au sein de son courrier du mois de mars 2006, rédigé dans des termes clairs, explicites et empreints de courtoisie, ponctués par des formules de politesse, le salarié n'invoque aucun manquement précis de l'employeur, n'allègue ni ne soutient que son consentement a été vicié, et, au vu des courriers échangés avec l'employeur entre 2004 et février 2006, qui concernaient principalement, sans lien même indirect avec un différend de nature salariale, des problèmes de sécurité en matière de transport et le non-respect de consignes notamment quant à la remise d'un disque et d'un rapport de journée, ses premières réclamations en rapport avec des heures supplémentaires sont non seulement postérieures à sa démission mais en outre, elles ne sont pas concomitantes à celle-ci et sont donc tardives en ce que, par le truchement de son conseil, il n'a adressé un courrier à son employeur que le 6 juillet 2006, soit près de quatre mois après sa démission, et n'a saisi le conseil de prud'hommes de sa demande de requalification en prise d'acte que le 26 octobre 2006, soit plus de sept mois après cette même démission.

Au vu de ces éléments, il n'y a pas lieu de requalifier la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Sur les heures supplémentaires:

La prescription quinquennale, alors applicable, n'est pas encourue dès lors que la saisine de la juridiction prud'homale par le salarié remonte au 26 octobre 2006 et que la demande porte sur des rappels de salaires exigibles à compter de l'année 2002.

En application des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail, le salarié étaye à suffisance sa demande en paiement d'heures supplémentaires en ce qu'il se prévaut des horaires réellement effectués au vu des enregistrements des disques chronotachygraphes sur toute la période objet de sa réclamation.

En mesure de répondre aux éléments fournis par le salarié, l'employeur critique les conclusions de l'expert désigné par le premier juge en application de l'article susvisé sans apporter le moindre élément sérieux lui permettant de justifier des horaires effectivement accomplis par son salarié, pas même d'une organisation concrète du temps de travail.

Après examen et confrontation de l'ensemble des éléments fournis de part et d'autre, il y a lieu de condamner l'employeur à payer au salarié la somme totale de 18.698,74 euros bruts au titre des heures supplémentaires.

Faute de mise en demeure préalable pour obtenir le paiement d'une somme quelconque, les intérêts au taux légal courront à compter de la date à laquelle l'employeur a reçu sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Sur le travail dissimulé:

Il ne résulte pas des éléments fournis que l'employeur, qui a porté sur les bulletins de salaires des heures supplémentaires qu'il a réglées, qui n'a pas conservé les enregistrements des disques chronotachygraphes en raison d'une simple négligence, sans mauvaise foi de sa part, et qui n'a été destinataire d'une réclamation relative au non-paiement d'heures supplémentaires que plusieurs mois après la démission du salarié, n'a pas volontairement dissimulé du travail.

Le salarié sera donc débouté de sa demande en paiement d'une indemnité en application des dispositions alors en vigueur des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail.

Sur la remise des documents:

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de remise sous astreinte de documents rectifiés conformément à l'arrêt est fondée et il y est fait droit comme indiqué au dispositif.

Sur les frais irrépétibles:

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice du salarié, auquel la somme de 1200 euros sera allouée de ce chef.

Sur les dépens:

L'employeur, qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais de l'expertise judiciaire de Monsieur A... dont le rapport a été déposé le 22 mars 2011.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant:

Déboute Monsieur Philippe X... de sa demande de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, ainsi que de ses demandes subséquentes.

Condamne la Sarl Frésia Matériaux à payer à Monsieur Philippe X... la somme de 18.698,74 euros bruts au titre des heures supplémentaires.

Dit que les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter de la date à laquelle l'employeur a reçu sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Condamne la Sarl Frésia Matériaux à remettre à Monsieur Philippe X... des bulletins de paie et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.

Condamne la Sarl Frésia Matériaux à payer à Monsieur Philippe X... la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la Sarl Frésia Matériaux aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais de l'expertise judiciaire de Monsieur A... dont le rapport a été déposé le 22 mars 2011.

Le GreffierM.Thierry CABALE, conseiller faisant fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 16/09824
Date de la décision : 12/10/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°16/09824 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-12;16.09824 ?
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