La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2018 | FRANCE | N°17/08756

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 03 octobre 2018, 17/08756


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 03 OCTOBRE 2018

D.D

N° 2018/













N° RG 17/08756 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAPYO







POLE EMPLOI





C/



Gérard Félix Louis X...



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Y...

Me C...














<

br>













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Avril 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/06887.





APPELANT



POLE EMPLOI, dont le siège social est [...]



représenté par Me Yves Y... de la SCP Y.../ ROBLOT DE COULANGE, avocat au barreau de MARSEIL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 03 OCTOBRE 2018

D.D

N° 2018/

N° RG 17/08756 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAPYO

POLE EMPLOI

C/

Gérard Félix Louis X...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Y...

Me C...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Avril 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/06887.

APPELANT

POLE EMPLOI, dont le siège social est [...]

représenté par Me Yves Y... de la SCP Y.../ ROBLOT DE COULANGE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur Gérard Félix Louis X...

né le [...] à LA TRONCHE (38700), demeurant [...]

représenté par Me Dominique C..., avocat au barreau de TOULON substitué par Me Estelle Z..., avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Danielle DEMONT, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Anne VIDAL, Présidente

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Octobre 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Octobre 2018

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

M. Gérard X... a été embauché le 1er janvier 2004 par une filiale du groupe Roche Bobois en qualité de directeur général. Il a dirigé ensuite d'autres filiales du groupe. En 2013 il était président de la SAS Comptoir international du cuir et de la SAS Martel soleil ameublement.

Le 26 juin 2013 il a été licencié pour faute grave.

Le 29 octobre 2013 le bénéfice de l'assurance-chômage lui a été refusé au motif qu'il n'avait pas la qualité de salarié.

Par arrêt du 22 octobre 2015 l'ordonnance de référé du 7 juillet 2014 qui avait octroyé à M. X... le bénéfice de l'Aide au retour à l'emploi a été réformée en l'état d'une contestation sérieuse.

Par exploit du 18 mai 2016 M. X... a fait assigner l'institution Pole emploi aux fins d'obtenir le versement de cette aide et le paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Par jugement en date du 3 avril 2017 le tribunal de grande instance de Marseille a débouté l'institution publique Pole emploi de toutes ses demandes, lui a fait injonction de reconnaître à M. Gérard X... le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi sous astreinte de 100 € par jour de retard, rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive présentée par M. Gérard X..., et condamné l'institution à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire du jugement, et condamné Pole emploi aux dépens.

Le tribunal retient qu'il appartient à celui qui se prévaut de l'absence de lien de subordination caractérisant le contrat de travail salarié, d'en rapporter la preuve ; que l'institution invoque la circonstance que du 18 juin 2004 au 20 septembre 2010, M. X... était l'administrateur unique du GIE multiservices, alors que sa situation d'administrateur est sans influence sur sa situation professionnelle au moment de son licenciement en 2013, trois ans plus tard, la cessation de ses fonctions d'administrateur étant due au transfert du contrat de travail ; que le fait qu'il ait été dirigeant de plusieurs sociétés du groupe Roche Bobois n'est pas exclusif de l'existence d'un lien de subordination dans le cadre de ses fonctions au sein du GIE Servogest.

Le 7 mai 2017 Pole emploi a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 30 novembre 2017 l'institution publique Pôle Emploi demande à la cour de réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, de débouter l'intimé de sa demande au titre de l'aide au retour à l'emploi, et de le condamner à lui verser la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Pôle emploi fait valoir au soutien de son appel que si un mandataire social peut par ailleurs être salarié pour des fonctions distinctes exercées dans des conditions caractéristiques du salariat, en l'espèce, la qualité de salarié de M. X..., condition du bénéfice de l'Aide au retour à l'emploi selon l'article premier du règlement annexé à la convention du 6 mai 2011, ne ressort pas d'éléments objectifs ; que le motif dérisoire visé dans la lettre de licenciement justifiait tout au plus un blâme ; que M. X... n'a pas contesté la gravité de cette faute devant son juge naturel, le conseil des prud'hommes ; et qu'il a acquiescé alors qu'il se trouvait privé de son préavis et de ses indemnités de licenciement, ce qui se traduit alors par une prise en charge sans délai de carence par l'assurance-chômage laquelle supporte en fait le non paiement du préavis ; que la faute grave prive l'institution publique de la faculté d'obtenir le remboursement par l'employeur des 6 mois d'indemnités de chômage et des allocations perçues au titre du préavis impayé ; que dès le lendemain de son licenciement, M. X... a sollicité le versement d'allocations chômage proportionnelles au salaire de 10'000 € qui lui était versé ; que l'importance de ces salaires et la circonstance que l'intéressé ait dissimulé sur sa demande d'allocation l' existence de plusieurs mandats sociaux ont conduit Pole emploi à une étude approfondie de sa demande ; et que l'emploi de M. X... s'inscrit dans un contexte qui exclut tout lien de subordination avec le GIE Servogest.

Par conclusions du 30 novembre 2017 M. Gérard X... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, le réformant en ce qu'il a débouté de sa demande tendant à voir condamner M. X... à lui payer la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, de condamner Pôle Emploi à lui payer cette somme, et de le condamner en tout état de cause à lui payer la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

M. X... répond qu'il a été embauché par la SARL Servogest, filiale à 100 % du groupe Roche Bobois le 1er janvier 2004, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de directeur général salarié de la société ; que les deux cogérants de la SARL Servogest, M. A... et M. B... lui ont demandé de prendre la gérance de quelques filiales détenues à 95 % ou 100 % par la SARL Servogest afin de leur éviter de cumuler trop de mandats sociaux; qu'en 2010 le groupe Roche Bobois a décidé de supprimer la SARL Servogest pour concentrer l'ensemble des activités au sein d'une seule entité, le GIE Servogest auquel les contrats de travail ont été transférés, y compris le sien ; qu'il était placé sous l'autorité directe de son administrateur, M. B... ; que les relations hiérarchiques entre les parties se sont considérablement dégradées au point de donner lieu à des altercations publiques et qu'il a été convoqué pour un entretien de licenciement le 12 juin 2013 ; qu'il a déposé le 27 juin 2013 un dossier auprès de son agence Pole emploi pour obtenir les allocations-chômage ; qu'il rapporte la preuve de ce que cette institution a fait une analyse erronée de sa situation en soupçonnant une collusion ; qu'il prouve l'existence incontestable d'un lien de subordination ; qu'il occupait en sus de ses mandats sociaux, un véritable emploi salarié, ce qui parfaitement possible ; qu'il n'a pas participé à la politique générale de gestion des sociétés filiales de la SARL Servogest dont MM. A... et B... ont gardé en réalité le contrôle ;

que ses fonctions de directeur général salarié préexistaient à sa nomination à la tête des différentes filiales ; que le président d'une filiale peut demeurer salarié de la société mère dès lors que celle-ci a conservé à son égard les prérogatives de l'employeur ;que pour des raisons indépendantes de sa volonté M. X... s'est retrouvé fortuitement représentant légal direct ou indirect des sociétés membres du GIE, son nouvel employeur ; qu'il a souhaité immédiatement démissionner ce que les dirigeants à l'époque avaient refusé, ce que M. B... atteste ; qu'au mois de mai 2015 M. X... a démissionné de son mandat de président des sociétés Martel soleil et Comptoir international du cuir et donc également des mandats détenus au sein des entités détenues par ces 2 sociétés ; que les clauses de son contrat de travail, et ses bulletins de salaire, de par son affiliation au régime d'assurance-chômage, montrent de manière incontestable l'existence d'un lien de subordination entre les gérants du GIE et lui-même ; que la pièce 27 et la pièce n° 32 démontrent qu'il lui était fixé des directives et notamment un impératif de retour effectif à la rentabilité ; qu'il verse les témoignages de ses 2 anciens dirigeants et supérieurs qui sont on ne peut plus probants, un climat d'apaisement étant revenu entre les parties ; qu'il a bel et bien contesté son licenciement à réception de sa lettre de licenciement, ce litige avec son ancien employeur se soldant par la suite par une transaction dont Pole emploi n'a aucune compétence pour apprécier la validité.

Motifs

Attendu qu'en application de l'article L 5422-1 du code du travail, relatif à l'allocation d'aide au retour à l'emploi, « Ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L 1237-11 et suivants, aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont aux conditions d'âge et d'activité antérieure. » ;

Attendu que le bénéfice de cette allocation nécessite que soit prouvée la qualité de salarié du demandeur, ce qui implique la démonstration que celui-ci se trouvait dans un lien de subordination, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements, l'existence d'une telle relation ne dépendant ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention les liant, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle, la preuve de celle-ci pouvant résulter d'un faisceau d'indices ;

Attendu que l'institution publique Pôle emploi fait donc valoir exactement que l'existence d'un contrat de travail, d'une lettre de licenciement et de bulletins de paie, ou la volonté exprimée par les parties ou encore la dénomination qu'elles ont données à leur accord sont inopérantes à cet égard ;

Attendu que pour licencier M. X... avec effet immédiat de 26 juin 2013, le GIE Servogest reproche à M. X... de s'être emporté :

« le 23 mai 2013 à Viry-Châtillon lors d'un entretien avec M. B..., le président du directoire du groupe Roche Bobois, sur la revue budgétaire et la situation des structures dont vous avez la charge, (') vous avez proféré à son encontre, en ma présence [le signataire est M. D... contrôleur de gestion du GIE] et en présence de M. Éric A... à son encontre des propos totalement déplacés à savoir : 'incompétent (') malhonnête (') Tu mets tout en 'uvre pour faire couler la boîte (')'.

L'attitude dont vous avez fait preuve à notre égard est inacceptable et ne permet nullement d'envisager la poursuite de notre collaboration. Vos agissements sont dès lors constitutifs d'une faute grave incontestable justifiant la rupture immédiate de votre contrat de travail » ;

Que pour autant, MM. A... et B... ont apporté leurs témoignages pour appuyer la demande de M. X... devant le tribunal (pièces n° 8 et 31 de l'intimé) ;

Attendu que M. X... a été l'administrateur de la SARL Servogest jusqu'en avril 2010 , date de la réorganisation du groupe et du transfert de son contrat de travail de « cadre dirigeant » salarié ;

Attendu que la société Servogest est un groupement d'intérêt économique de 5 sociétés ; que toutes les sociétés assistées par le GIE Servogest, dont l'activité consiste à organiser les services communs de ses membres, étaient dirigées par M. X... ou par des personnes morales que celui-ci dirigeait, ce qu'il a dû admettre en page 10 de ses écritures :

' la SAS Martel et soleil dont M. X... était directement le président,

' la SNC Martel et soleil et compagni, société gérée par la SAS Martel et soleil elle-même présidée par M. X...,

' la SNC Servogest et compagnie, société gérée par la SAS Martel et soleil elle-même présidée par M. X...,

' la SAS Comptoir international du cuir directement présidée par M. X...,

' la SNC déco Center 13 dont le dirigeant est Comptoir international du cuir elle-même présidée par M. X... ;

Attendu que M. X... gérait donc directement ou indirectement l'ensemble des sociétés membres du GIE Servogest dont il signait les actes pour les 5 membres lors des assemblées et dans lesquelles il donnait ses instructions jusqu'à une démission en mai 2013,un mois à peine avant son licenciement ; que ses mandats sociaux ont duré la quasi-totalité de son travail pour le groupement ;

Attendu que le GIE Servogest étant par sa nature juridique même l'auxiliaire des sociétés dirigées par M. X..., ce dernier ne peut pas être considéré comme étant un subordonné du GIE Servogest ;

Que sont insuffisants à la contradiction les documents produits par M. X... soit la pièce 27 et la pièce n° 32 qui sont des notes/feuilles de route concernant des objectifs à atteindre pour 'le groupe de Marseille' en 2012 émanant de M. B... en sa qualité de président du directoire de la société Roche Bobois International et de M. D..., le directeur financier du groupe Roche Bobois, et qui n'émanent pas de l'employeur, le GIE Servogest ;

Attendu que Pole emploi établit en conséquence l'absence d'un lien de subordination caractéristique du salariat ;

Attendu que le jugement qui a fait injonction à Pole emploi d'accorder à M. X... le bénéfice de l'aide au retour à l'emploi doit donc être infirmé ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts présentée par M. Gérard X...,

L'infirmant pour le surplus, et ajoutant

Dit que M. X... ne peut prétendre au bénéfice de l'assurance-chômage et le déboute de sa demande tendant à l'octroi de l'Aide au retour à l'emploi,

Condamne M. X... à payer à l'institution publique Pôle emploi la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 17/08756
Date de la décision : 03/10/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°17/08756 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-03;17.08756 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award