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27/09/2018 | FRANCE | N°17/04254

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 27 septembre 2018, 17/04254


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 27 SEPTEMBRE 2018



N° 2018/479





MS







Rôle N° RG 17/04254





F... X...





C/



G...

































Grosse délivrée

le :27 septembre 2018

à :



- Me Y... E...-PALAZONavocat au barreau de GRASSE



- Me Roy Z..., avocat au ba

rreau de NICE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section CO - en date du 06 Février 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 14/159.







APPELANT



Monsieur F... X..., demeurant [...]



comparant en personne, assisté de Me Y...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 27 SEPTEMBRE 2018

N° 2018/479

MS

Rôle N° RG 17/04254

F... X...

C/

G...

Grosse délivrée

le :27 septembre 2018

à :

- Me Y... E...-PALAZONavocat au barreau de GRASSE

- Me Roy Z..., avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section CO - en date du 06 Février 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 14/159.

APPELANT

Monsieur F... X..., demeurant [...]

comparant en personne, assisté de Me Y... E..., avocat au barreau de GRASSE, et de Me Maria I..., avocat au barreau de GRASSE,

INTIMEE

G..., demeurant [...]

représentée par Me Roy Z..., avocat au barreau de NICE substitué par Me Noémie A..., avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Michelle SALVAN, Président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018 puis prorogé au 27 septembre 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2018,

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

FAITS ET PROCEDURE

M. X... a été embauché par la société anonyme monégasque Les Rapides du B... en qualité de conducteur-receveur, à compter du 25 septembre 2000 suivant contrat à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 6 mars 2000, au sein de la société Rapides Côte d'Azur. Il a été délégué syndical entre 2013 et avril 2015.

Revendiquant l'application de la loi française et de la convention collective nationale des réseaux de transports urbains de voyageurs, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 28 janvier 2014, afin de voir condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et indemnités.

M. X... s'est vu décerner un avertissement le 22 septembre 2015.

Après avoir été convoqué, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 septembre 2015, à un entretien préalable fixé le 2 octobre 2015 , il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 octobre 2015 et mis à pied à titre conservatoire.

Par jugement du 6 février 2017, le conseil de prud'hommes de Nice s'est déclaré compétent, a jugé que le contrat de travail était régi par la loi monégasque, a débouté le salarié de sa demande tendant à l'application de la convention collective nationale des transports publics urbains de voyageurs, l'a débouté de toutes ses demandes au titre du licenciement, a débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle et a condamné M. X... aux dépens.

M. X... a interjeté appel cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 26 août 2017, M. X... fait valoir qu'il travaille habituellement en France et que l'activité principale de la société anonyme monégasque Les rapides du B... est le transport urbain de voyageurs, que, si la société anonyme monégasque Les rapides du B... soumet ses salariés au droit du travail monégasque et à la convention collective nationale française des transports routiers, la preuve est rapportée que la loi française et la convention collective nationale française des transports urbains sont applicables au contrat de travail. Il conclut à la nullité du licenciement aux motifs que la société n'a respecté ni la procédure spéciale de licenciement, ni la procédure disciplinaire conventionnelle , alors que le droit français s'appliquait de manière impérative à la rupture de son contrat de travail . Il soutient avoir été licencié abusivement pour des faits jusqu'alors tolérés par l'employeur.

Par voie de conséquence, en application des dispositions plus favorables du droit du travail français, de la convention collective nationale française des transports urbains de voyageurs ( notamment en ses articles 25,31,32,51 à 55,62, ses dispositions relatives à la durée du travail, au travail de nuit et aux durées d'indemnisation des arrêts maladie) et au visa de l'article L2411-3 du code du travail M. X... demande d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'employeur, et de :

- condamner la société anonyme monégasque Les rapides du B... au paiement des sommes suivantes :

-20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-application de la législation française et de la convention collective des transports urbains,

-4.288,38 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés y afférents,

-7.807,59 euros à titre de rappel d'indemnités de repos compensateur et congés payés y afférents,

- 729,03 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et congés payés y afférents,

- 774,25 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois et congés payés y afférents,

- 1.985,70 euros à titre de rappel de jours fériés non pris et congés payés y afférents,

-1.560 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation des heures de DIF non comptabilisée

-10.118 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 6.584,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents,

-18.956 euros à titre d'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours)

- 60.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- dire et juger que concernant les rappels de salaire, le calcul sera établi pour toute la période écoulée jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir tel que détaillé dans ses écritures,

- condamner la société anonyme monégasque Les rapides du B... à une astreinte de 100 euros par jour de retard dans l'exécution de la condamnation, à compter du prononcé de la décision,

- condamner la société anonyme monégasque Les rapides du B... aux dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 27 mars 2018, la société anonyme monégasque Les rapides du B... conclut à ce qu'il soit jugé que le tribunal du travail de la Principauté de Monaco est seul compétent, que le contrat de travail se trouve régi par la loi monégasque laquelle est plus protectrice en matière de licenciement des salariés protégés, que la convention collective nationale des transports urbains n'est pas applicable, que les faits fautifs consistent en une insubordination persistante, en conséquence, au débouté de M. X... de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions et à la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence

Pour soutenir que les juridictions françaises seraient incompétentes pour connaître du litige au profit du tribunal du travail de la Principauté de Monaco, l'employeur fait valoir que le contrat de travail est soumis à la loi monégasque.

La société anonyme monégasque les Rapides du B... ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L 1411-1 du code du travail pour soutenir que la compétence des juridictions françaises serait limitée aux seuls contrats gouvernés par le code du travail français. Si ce texte dispose que le conseil de prud'hommes règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient, ces dispositions ne visent qu'à limiter la compétence du conseil de prud'hommes aux litiges nés entre les employeurs et les salariés à l'occasion de leur relation de travail et elles ne sauraient avoir pour effet de faire échec à la règle de compétence territoriale posée par l'article R 1412-1 du code du travail.

Le salarié fait valoir sans être contesté sur ces points qu'il exerce ses fonctions de conducteur receveur en dehors de tout établissement ou entreprise, que ses fonctions impliquent des prises et des fins de poste aux dépôts de bus situés à Menton et à Nice et qu'en outre, il est domicilié dans le ressort du conseil de prud'hommes de Nice.

S'agissant d'une difficulté relative à la compétence territoriale de la juridiction, la question doit être examinée à la lumière des dispositions de l'article R 1412-1 du code du travail aux termes duquel le conseil de prud'hommes territorialement compétent pour connaître des litiges entre l'employeur et le salarié est soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail, soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

Dès lors que le salarié a son domicile dans le ressort du conseil de prud'hommes de Nice et qu'il travaille en dehors de tout établissement ou entreprise, il est en droit de se prévaloir de l'article R 1412-1 du code du travail pour revendiquer la compétence de la juridiction française, sans qu'il y ait lieu de rechercher la loi applicable au litige.

La clause attributive de compétence aux juridictions monégasques incluse dans le contrat de travail ne peut valablement y déroger.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société anonyme monégasque Les Rapides du B... tendant à voir déclarer le conseil de prud'hommes de Nice incompétent pour connaître du litige au profit du Tribunal du Travail de Monaco.

Sur la loi applicable

M. X... fait valoir qu'il est de nationalité française vit en France et acquitte ses impôts en France que la loi française est applicable en vertu de la Convention de Rome du 19 juin 1980, dont l'article 3 pose le principe que le choix de la loi par les parties doit résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause; que le contrat de travail ne contient aucun accord exprès des parties concernant la loi applicable ; qu'à défaut de choix exprès, les éléments suivants tendent en faveur de l'application de la loi française :

-le lieu habituel de travail du salarié est situé en France : seul le dépôt de Nice constitue le lieu effectif de travail, le siège social de la société situé au [...] n'est qu'un bureau vide où aucun salarié n'exerce d'activité; la prestation de travail du salarié s'effectue quasi-exclusivement en France le salarié ne se rendant jamais dans les locaux monégasques lors de l'exécution de sa relation contractuelle et les prises et fin de service s'effectuent en France; les temps de pause sont pris en France, les têtes de ligne et terminus se situent en France, les véhicules conduits sont tous entreposés en France, les instructions pour l'exécution des missions sont données en France;

- le contrat de travail présente des liens étroits avec la France: l'implantation du siège social à Monaco est fictive, les locaux monégasques sont vides et la direction est implantée à Nice le compte bancaire de la société est français, l'absence de coordonnées monégasques ne permet pas de joindre la société dont les coordonnées sont celles de la société RCA dont les locaux sont tous en France, le lieu et la monnaie de paiement sont en France aucun courrier n'est adressé au salarié depuis Monaco;

-il ressort du contrat de travail que la société anonyme monégasque Les rapides du B... applique volontairement une convention collective française, celle des transports routiers et qu'elle a donc accepté spontanément de se soumettre à la législation française;

- en tout état de cause, il n'est pas possible de déroger aux dispositions impératives du droit du travail français, notamment au régime légal des heures supplémentaires qui est d'ordre public ni aux dispositions relatives au respect de la procédure de licenciement et à la motivation de celui-ci.

La société anonyme monégasque Les rapides du B... réplique que la loi applicable est la loi monégasque pour les motifs suivants :

-le Règlement Rome I n° 593/2008 du 17 juin 2008 est applicable aux contrats de travail signés à partir du 17 décembre 2009 et la Convention de Rome du 19 juin 1980 reste applicable aux contrats conclus postérieurement ;

-en l'absence de clause contractuelle expresse, les juges recherchent les indices résultant des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause (article 3.1 de la Convention de Rome), leur permettant de déterminer la volonté des parties sur le choix de la loi applicable ;

-ainsi, l'existence d'une clause attributive de juridiction, désignant la juridiction monégasque seule compétente pour connaître des litiges relatifs au contrat, constitue un indice explicite de la volonté des parties de soumettre le contrat à la loi monégasque ;

- la présente cour d'appel en a jugé ainsi par arrêt du 8 juin 2017 n°15/04715 ;

-l'ensemble des lignes desservent à la fois la France et Monaco de sorte que les salariés travaillent à la fois en France et à Monaco.

-d'autres indices s'ajoutent à ceux-ci : la société intimée est une société de droit monégasque; son siège social est situé à Monaco, elle a ses comptes bancaires à Monaco ; le contrat de travail a été signé à Monaco, le lieu de travail expressément prévu au contrat est à Monaco, certaines prises de service du salarié ont lieu sur la Principauté ; la caisse de retraite est une caisse monégasque et les charges sociales sont versées auprès des caisses sociales de Monaco; la société applique la majoration des 5 % monégasques sur l'ensemble des primes conventionnelles;elle applique la durée du travail monégasque, soit 169 heures par mois ;

-la société applique le calendrier des jours fériés monégasque qui comparé à la France comporte un jour férié supplémentaire; le décompte des jours fériés est effectué conformément à la loi monégasque ;

-les éléments qui précèdent constituent tous des indices au sens de la Convention de Rome démontrant que les parties ont volontairement fait le choix de se soumettre à la loi monégasque.

- de plus, les allégations du salarié relatives à la fictivité du siège social ne sont pas fondées, le centre d'exploitation de la société n'est nullement situé à Nice, les véhicules sont immatriculés à Monaco et leur contrôle technique a lieu à Monaco,

La Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles applicable au contrat de travail signé entre les parties, précise en son article 3 intitulé « Liberté de choix » que « 1 - Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat... ».

Le contrat de travail signé à Monaco entre les parties le 28 novembre 2006 prévoit que le lieu de travail de M. X... est fixé à l'adresse de la société, domiciliée [...], que le salaire de base mensuel s'élève à 7.745,38 F pour une durée de travail effectif égale à 169 heures par mois, que la Caisse de retraite est l'AMRR, qui est une caisse monégasque. Il dispose que « les parties conviennent que tout litige relatif à l'interprétation, l'exécution ou la rupture du présent contrat sera portée devant le Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco ».

Il est constant que les lignes de bus exploitées par la G... desservent des villes côtières entre Nice et Menton, via des arrêts sur Monaco. Les plans de ligne n°100,101,102,110,112 montrent que la société a en charge de relier les communes de Nice à Menton via Monaco, Nice à Beau soleil via Monaco, Roque brune à Eze via Monaco ainsi que de relier l'Aéroport de Nice à Menton via Monaco, avec plusieurs arrêts à Monaco pièces 4-1 à 9) . Au surplus, il ressort du planning produit en pièce 24 que la prise de service et la fin de service pouvaient s'effectuer au dépôt de Monaco. Il est donc démontré que le salarié accomplissait son travail tant sur Monaco que sur le territoire français.

Les éléments produits au soutien de l'argumentation du salarié ne sont pas déterminants face à l'accomplissement de la prestation de travail au moins pour partie sur le territoire de la Principauté.

Il résulte ainsi, de façon certaine, tant des dispositions du contrat de travail que des circonstances de son application que les parties ont tacitement entendu se soumettre à la loi monégasque, peu important que la société anonyme monégasque Les rapides du B... ait décidé de faire une application de la convention collective française des transports routiers et des activités auxiliaires du transport à défaut de tout autre convention collective applicable sur le territoire monégasque.

Il convient donc de dire juger que le contrat de travail liant M. X... à la société anonyme monégasque Les rapides du B... était régi par la loi monégasque choisie par les parties.

Cependant , aux termes de l'article 6.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, « dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article».

Il en résulte que la loi monégasque désignée par les parties, ne peut priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi applicable à défaut de choix et que les dispositions impératives de la loi française doivent donc s'appliquer au contrat de travail liant les parties.

Sur la convention collective applicable

M. X... ne prétend pas que l'application de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs est une norme impérative du droit français.

Il discute de l'applicabilité de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, en fonction de l'activité économique principale de la société anonyme monégasque Les rapides du B..., dans le cadre de l'application de la loi français au contrat de travail.

Or, il a été rappelé ci-dessus que c'était la loi monégasque qui était applicable à l'exécution du contrat de travail liant les parties.

Le salarié se bornant à demander l'application de la loi française, sans prétendre que la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs est une norme impérative, son argumentation est sans portée utile.

Au surplus, l'activité de transport de voyageurs exercée par la société anonyme monégasque Les rapides du B... apparaît comme étant une activité de transport interurbain.

Il convient de dire et juger qu'en l'absence de convention collective des transports existant en droit monégasque, seule la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, dont la société de droit monégasque Les Rapides ud B... a fait une application volontaire, est applicable à la relation salariale.

Sur les dommages-intérêts pour non-application de la législation nationale et des dispositions de la convention collective des transports urbains :

Cette demande est subséquente à celles ci-dessus examinées et auxquelles la cour n'a pas fait droit. M. X... en sera débouté.

Sur les demandes salariales

Sur le rappel d'heures supplémentaires dont l'indemnité de congés payés :

M. X... revendique l'application des dispositions impératives de la loi française en matière de durée du travail et de rémunération des heures supplémentaires. Il sollicite en conséquence le paiement des majorations dues sur heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires, ainsi que les congés payés afférents.

La société anonyme monégasque Les rapides du B... réplique que la durée légale du travail en France (35 heures hebdomadaires) n'est pas considérée comme une règle impérative au sens de la Convention de Rome, la loi française permettant elle-même une dérogation par accord collectif, d'une part, à la durée hebdomadaire de travail et, d'autre part, au montant de la majoration pour heures supplémentaires et que, dès lors, M. X... doit être débouté de sa demande de ce chef.

Le choix par les parties de la loi monégasque ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française. Il résulte des dispositions de l'article 3.3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que les dispositions impératives d'une loi sont celles auxquelles cette loi ne permet pas de déroger par contrat.

Alors que la loi monégasque prévoit une durée hebdomadaire de travail de 39 heures, sans paiement de majoration des heures effectuées entre la 36ème et la 39ème heure, la loi française fixe la durée légale de travail à 35 heures hebdomadaires. S'il peut être dérogé à cette durée de travail, des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 35ème heure doivent cependant être rémunérées à un taux horaire majoré.

Ces dispositions impératives du droit français, qui protègent les salariés en matière de la rémunération des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires de travail, sont donc plus favorables que le droit monégasque.

En conséquence, il sera fait droit à la réclamation du salarié en paiement des majorations sur heures supplémentaires exécutées au-delà de 35 heures hebdomadaires, selon le calcul détaillé qu'il présente dans ses écritures non utilement discuté.

Sur le rappel d'indemnités de repos compensateur dont indemnité de congés payés :

Cette demande est subséquente à la précédente.

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur en temps utile, a droit à l'indemnisation du préjudice subi ; celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.

En conséquence, il sera fait droit à la réclamation du salarié.

Sur le rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté :

M. X... qui percevait une prime d'ancienneté correspondant à 12 % de son salaire de base brut, réclame le paiement d'un rappel de sa prime d'ancienneté calculé sur le rappel de salaire alloué au titre de la majoration sur heures supplémentaires.

Cette demande est subséquente à la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

En conséquence, il sera fait droit à la réclamation du salarié.

Sur le rappel de prime de 13ème mois :

En l'état du rappel de prime d'ancienneté alloué ci-dessus, M. X... réclame le paiement d'un rappel de prime de 13ème mois selon le calcul détaillé et exact présenté dans ses écritures et non utilement discuté par l'employeur.

Il convient de faire droit à sa réclamation.

Sur le rappel de salaire sur jours fériés :

M. X... réclame le paiement de jours fériés en France (8 mai, 14 juillet, 11 novembre), donnant lieu à majoration sur salaire, en application de l'article 32 de la convention collective.

M. X... a cependant perçu le paiement majoré des jours fériés monégasques, tel que cela résulte de l'examen de ses bulletins de paie.

Alors que le droit monégasque concernant les jours fériés est plus favorable que le droit français M. X... ne justifie pas d'une perte de salaire en jours fériés.

Au surplus, la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, dont le salarié revendique l'application au titre de la majoration des jours fériés travaillés, n'est pas applicable à la relation salariale.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour les heures de DIF non comptabilisées

La disposition légale du droit français dont le salarié revendique l'application n'est pas impérative.

En outre, le salarié ne démontre pas subir un préjudice du fait de ce manquement.

En conséquence, M. X... sera débouté de sa demande.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 8 octobre 2015 est ainsi rédigée:

(...) Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 septembre 2015, nous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, entretien fixé au 2 octobre 2015. De plus, compte tenu de la gravité des agissements fautifs qui vous sont reprochés, et dans l'attente de la décision définitive, nous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire à compter du 24 septembre 2015.

Lors de cet entretien au cours duquel vous vous êtes fait assister de Monsieur C... Cédric, délégué syndical, nous avons exposé les faits qui nous sont reprochés et qui nous ont conduit à envisager à votre égard une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Ces faits sont les suivants :

Le jeudi 17 septembre 2015 vous étiez affecté au service 100107 de 6h15 à 13h15. À sept heures, votre bus numéro 254 fait l'objet d'un contrôle des titres de transport des clients présents par la brigade de prévention de sécurité mobile (BPSM).

Lors de ce contrôle qui a eu lieu à Villefranche-sur-Mer à l'arrêt «Octroi», les agents de la BPSM ont constaté que trois voyageurs étaient en possession d'un ticket TAM alors qu'ils se rendaient à Beaulieu-sur-Mer.

Ainsi, conformément à la réglementation en vigueur en matière de titres de transport dont vous avez parfaitement connaissance qui vous a été rappelée lors de notre entretien du 10 septembre dernier, vous auriez dû délivrer à ses voyageurs à titre solo NCA.

Par ailleurs, le même 17 septembre 2015, nous avons reçu les résultats d'un contrôle qualité d'une société extérieure, diligentée par notre autorité organisatrice, qui constate que le 11 août dernier à 11h19 à l'arrêt «gare SNCF Beaulieu-sur-Mer»le conducteur receveur du bus 230 a délivré un ticket NCA Azur à la place d'un titre NCA Solo d'une valeur d'1,50 €.

Après recherche il s'avère que vous étiez affectés à ce service.

Vous avez donc encaissé 1,5 € pour un titre normalement délivré gratuitement et qui plus est que vous demandez de boycotter.

Ces faits sont d'autant plus graves qu'il s'agit d'une action préparée, écrite revendiquée affichée publiquement et relayée dans vos divers courriers. En effet, le 10 août 2015 vous adressiez un courrier à Monsieur Yannick D... directeur de la régie des transports urbains de Nice métropole lui demandant d'attribuer des cartes de libre circulation sur son périmètre au bénéfice des agents des Rapides du M B... et de tarifs avantageux pour leurs ayants droits. Pour appuyer votre demande et tenter de forcer sa décision, lui avait transmis un tract affiché appelant vos collègues au boycott de la vente des titres en ces termes « cessons la vente de titres métropole temps que nous subissons de la discrimination », discrimination liée selon au fait de ne pouvoir bénéficier de cette libre circulation sur le réseau de Nice métropole.

Et vous mettiez vos menaces à exécution ainsi qu'il était déjà constaté le 28 août suivant.

En ce sens à l'avertissement vous avez été notifié le 22 septembre 2015 pour des faits identiques. Vous demandions alors de vous reprendre afin d'éviter une sanction plus grave.

Vous avez toutefois entendu réitérer ce comportement inadmissible malgré une première sanction.

Il est par conséquent datant que vous n'entendez absolument pas exécuter loyalement votre contrat de travail et que vous agissez volontairement dans le but de porter préjudice à l'entreprise.

Compte tenu de la protection dont vous bénéficiez suite à la fin de votre mandat de délégué syndical depuis le conseil syndical du syndicat Transport et Déménagement 3 avril 2015, nous avons demandé à l'inspection du travail, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 25 septembre 2015, la tenue de la commission prévue par la loi numéro 257 du 18 juillet 1974 et numéro 459 du 19 juillet 1947.

Lors de l'entretien du 2 octobre dernier vous n'avez pas souhaité vous exprimer sur ces faits.

Nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui contrevient aux obligations contractuelles en tant que conducteur receveur. En effet, du fait de votre fonction vous vous devez de délivrer la billettique conformément à la réglementation en vigueur instaurée par notre autorité organisatrice.

Vos agissements impacts négativement la qualité du service que nous fournissons à notre clientèle et un autre autorité organisatrice puisque la délivrance de titres conformes est une des obligations contractuelles des Rapides du B....

Ainsi, vous avez parfaitement connaissance du fait qu'à tout moment nous pouvons faire l'objet de mesures qualité, dont la délivrance des titres est un critère principal du référentiel. Le fait de délivrer un titre de transport non conforme est passible d'une pénalité financière conséquente pour l'entreprise pouvant aller jusqu'à 20'000 €.

En l'espèce pénalité financière qui s'élevait fin juin à 8516,66 euros est passée à 10'153,33 euros à fin août compte tenu notamment des non-conformités évoquées ci-dessus. Ce faisant votre comportement dégrade les résultats de l'entreprise

Plus grave encore, il risque de remettre en cause le contrat de délégation de service public en lui-même. En effet, le faite de ne pas se conformer de manière répétée au règlement vigueur et notamment celui de la vie éthique peut-être, après mise en demeure, une clause de résiliation pour faute du contrat de la délégation de service public.

D'une part, les explications que vous nous avez fournies ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés et d'autre part la commission qui s'est réunie le 5 octobre a accepté votre licenciement .

C'est pourquoi compte tenu de l'ensemble de ces faits de leur caractère répétitif et volontaire regret de vous notifier par la présente votre licenciement du poste de conducteur receveur pour faute grave sans indemnités de congédiement ni de préavis.

Au soutien de son appel, le salarié rappelle que selon l'article L. 2411-3 du Code du travail, le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir en France qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an. Il soutient qu'en application des dispositions susvisées, il est établi que c'est la législation française qui aurait dû s'appliquer à la relation de travail.

La cour constate qu'en application de la loi monégasque, à défaut de choix exprès dans le contrat de travail, la société anonyme monégasque Les Rapides du B... a sollicité et obtenu de l'inspecteur du travail monégasque, l'autorisation de licencier. Le licenciement n'a été prononcé qu'après autorisation de la commission de licenciement présidée par l'inspecteur du travail. Cette autorisation a été obtenue le 5 octobre 2015.

M. X... n'est pas fondé à se prévaloir de la nullité de son licenciement alors que les dispositions mises en oeuvre à son égard par la société anonyme monégasque Les Rapides du B... ne sont pas moins protectrices que celles du droit français requérant l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les 12 mois suivant la cessation des fonctions.

Par ailleurs, le moyen tiré de la violation d'une garantie de fond prévue par les dispositions applicables à la procédure disciplinaire de la convention collective nationale française des transports urbains de voyageurs, articles 49, 51 à 55, est sans portée utile, cette convention collective n'étant pas applicable à la relation de travail.

Sur le bien-fondé du licenciement, M. X... invoque la tolérance depuis plusieurs années par l'employeur des faits qui fondent le licenciement; alors qu'il a été congédié pour des faits commis le 17 septembre 2015, l'employeur savait parfaitement que depuis plusieurs mois il ne s'approvisionnait plus en tickets de bus urbains et n'en vendait plus; or, aucune sanction ne lui a jamais été délivrée aurapavant si ce n'est un avertissement une semaine avant le licenciement.

Les faits à l'origine de l'avertissement notifié le 22 septembre 2015, consistent à avoir le vendredi 28 août 2015 délibérément vendu à un voyageur contrôlé à 6h15 puis à 4 voyageurs contrôlés à 9h30 des tickets TAM au lieu de tickets NCA.

En dépit de cette sanction, il est établi que le salarié a le 17 septembre 2015 refusé la vente de tickets du réseau Nice Métropole à des voyageurs dans les termes décrits dans la lettre de licenciement. Il s'agit d'une violation des règles applicables dans l'entreprise et connues du salarié relatives à l'obligation de délivrance de titres de transport conformes.

En ayant concomitamment encouragé au boycott de la vente de titres de transport, notamment par le biais d'une affiche « cessons la vente de titre métropole tant que nous subissons de la discrimination», le salarié a conféré aux faits un caractère délibéré et répétitif justifiant la décision de l'employeur d'engager une procédure disciplinaire en dépit d'une tolérance antérieure.

Les faits sont constitutifs d'une faute grave justifiant la cessation immédiate du contrat de travail.

Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il juge le licenciement du salarié fondé sur une faute grave.

Par voie de conséquence, le salarié sera débouté de ses demandes de condamnation de l'employeur au versement d'indemnités de rupture et de ses demandes de condamnation de l'employeur au versement d'une indemnité pour licenciement nul et d'une indemnité pour méconnaissance du statut protecteur.

Sur les autres demandes :

Il n'est pas nécessaire d'assortir l'exécution du présent arrêt d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais non-répétibles :

La société anonyme monégasque Les rapides du B... qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à M. X... une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1.500 euros, au titre des frais de première instance et d'appel ; la société anonyme monégasque Les rapides du B... doit être déboutée de cette même demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement rendu le 6 février 2017 par le conseil de prud'hommes de Nice en ce qu'il s'est déclaré compétent, en ce qu'il a dit que le contrat de travail liant les parties était régi par la loi monégasque, en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'application de la convention collective nationale (française) des transports publics urbains de voyageurs à la relation de travail, en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des jours fériés, en ce qu'il a débouté la société anonyme monégasque Les rapides du B... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le confirme en ce qu'il a jugé le licenciement fondé pour faute grave,

L'infirmant et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Condamne la société anonyme monégasque Les rapides du B... à payer à M. X...:

- 4.288,38 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés y afférents,

- 7.807,59 euros à titre de rappel d'indemnités de repos compensateur et congés payés y afférents,

- 729,03 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et congés payés y afférents,

- 774,26 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois et congés payés y afférents,

Y ajoutant,

Déboute M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-application de la législation française et de la convention collective des transports urbains,

Déboute M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre des heures de DIF non comptabilisées,

Déboute M. X... de ses demandes de condamnation de l'employeur au versement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement nul et prononcé en méconnaissance du statut du salarié protégé,

Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil,

Condamne la société anonyme monégasque Les rapides du B... aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à M. X... la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit qu'il n'y a pas lieu d'assortir l'exécution de la présente décision d'une astreinte,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 17/04254
Date de la décision : 27/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-27;17.04254 ?
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