COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 SEPTEMBRE 2018
N° 2018/
Rôle N° RG 15/20249
- N° Portalis DBVB-V-B67-5VKY
Francis X...
Société SNTU CFDT
C/
Société REGIE DES TRANSPORTS DE MARSEILLE
Grosse délivrée
le :
13 septembre 2018
à :
Me Alain Y..., avocat au barreau de MARSEILLE
Me Béatrice Z..., avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes d'AIX-EN-PROVENCE - Formation de départage - section encadrement - en date du 01 Octobre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 15/199.
APPELANTS
Monsieur Francis X...,
demeurant [...]
comparant en personne, assisté de Me Alain Y..., avocat au barreau de MARSEILLE
Syndicat SNTU CFDT,
demeurant [...] -
[...]
représentée par Me Alain Y..., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Société REGIE DES TRANSPORTS DE MARSEILLE,
demeurant [...] -
[...]
représentée par Me Béatrice Z..., avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Juin 2018 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès MICHEL, Président
Monsieur Jean-Yves MARTORANO, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2018..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2018.
Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Madame Harmonie VIDAL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur Francis X... a été salarié de la régie des transports de Marseille -RTM- du 20 août 1979 au 1er avril 2009 ;
au 1er janvier 1984 il avait bénéficié d'un reclassement au coefficient '530 + 50', échelon 4, et au dernier état de la relation contractuelle, régie par la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, il exerçait, à ce même coefficient, l'emploi de chef de service chargé de mission auprès du directeur général moyennant un salaire mensuel brut de 8.027,04 € auquel s'ajoutaient divers accessoires ;
à compter du 1er septembre 1998 il a exercé différents mandats syndicaux et électifs : délégué syndical SNTU CFDT, membre titulaire du comité d'entreprise collège cadres, membre titulaire du conseil de discipline collège cadres, conseiller prud'hommes collège salariés section encadrement, délégué du personnel collège cadres, administrateur salarié collège cadres, représentant syndical SNTU CFDT au comité d'entreprise et enfin, à compter du 3 décembre 2008 à nouveau conseiller prud'hommes collège salariés section encadrement ;
Mis à la retraite d'office à l'issue d'un préavis de trois mois, par décision de son employeur en date du 23 décembre 2008 prise sur autorisation de l'inspecteur du travail en date du 4 décembre 2008, Monsieur Francis X... a obtenu, par décision du 17 juillet 2012 du tribunal administratif de Marseille l'annulation de cette autorisation, puis la confirmation de cette annulation par arrêt de la cour administrative d'appel du 30 juillet 2013 devenu définitif suite à l'arrêt du conseil d'État du 23 janvier 2014 ayant rejeté le pourvoi en cassation formée par la RTM ;
Après la décision du tribunal administratif du 17 juillet 2012, exécutoire nonobstant appel, Monsieur X..., par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 septembre 2012, a demandé sa réintégration au sein de la RTM ;
par lettre recommandée datée du 28 septembre 2012 et reçue le 3 octobre suivant, l'employeur lui a notifié sa réintégration et fixé un rendez-vous pour le 4 octobre 2012, mais, par courrier recommandé posté le 27 septembre 2012 Monsieur Francis X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de l'absence de réponse à sa requête pendant plus de 2 semaines en dépit des démarches effectuées auprès du directeur du personnel et d'une entrevue qui lui avait été accordée le 18 septembre 2012 ;
Le 23 février 2015 Monsieur Francis X... a sollicité le ré-enrôlement d'une instance ayant fait l'objet d'un retrait de rôle en janvier 2014, qu'il avait introduite le 03 mars 2010 devant le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, en son nom et es qualités de représentant du syndicat SNTU-CFDT, aux fins d'obtenir des rappels de salaire pour les années 2006 à 2008, des dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et des dommages et intérêts pour discrimination syndicale, demandes qu'il a ampliées, suite aux décisions des juridictions admnistratives, de prétentions nouvelles en complément d'indemnités de mise en retraite, dommages et intérêts pour mise à la retraite irrégulière, et aux fins de faire porter à sa prise d'acte les effets d'un licenciement nul et des dommages et intérêts de ce chef ;
par jugement du 05 octobre 2015, le juge départiteur du conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence a :
' Donné acte à la RTM de ce qu'elle proposait de verser à Monsieur X... une somme de 35.892,80 € en réparation du préjudice financier subi à raison de sa mise à la retraite irrégulière pour la période allant du 1er avril 2009 à sa réintégration en octobre 2012 et l'y condamnait en tant que de besoin;
' Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail notifiée par Monsieur Francis X... produit les effets d'une démission ;
' Débouté Monsieur X... du surplus de ses demandes ;
' Débouté le syndicat SNTU - CFDT de l'intégralité de ses demandes ;
' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 09 novembre 2015 Monsieur Francis X... et le syndicat SNTU CFDT ont interjeté appel général de ce jugement qui leur avait été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 21 octobre 2015 ;
Par conclusions déposées le 13 juin 2018, auxquelles il est expressément fait référence, par application de l'article 455 du code procédure civile, pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par leur conseil, Monsieur Francis X... et le syndicat SNTU CFDT, au visa des articles L1132-1, L2141-5, L1134-1, L2421-3, D3141-6 et L2422-1 du code du travail, demandent à la cour de :
' Réformer la décision entreprise,
' fixer la rémunération moyenne de Monsieur Francis X... à 10.816,46 euros
' dire que Monsieur Francis X... a fait l'objet d'une discrimination syndicale
' constater que le conseil des prud'hommes n'a pas tiré les conséquences de l'annulation de la mise à la retraite de Monsieur Francis X...,
' requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement nul,
' condamner en conséquence la RTM à payer à Monsieur Francis X... les sommes de :
' 60.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale
' 257.672,36 € au titre des salaires à compter de la mise à la retraite, déduction faite de l'intégralité des sommes perçues au titre de la pension vieillesse,
' 4.164,37 € à titre de dommages et intérêts résultant du surcoût lié à la mutuelle durant la période
' 6.600 € au titre de la perte du bénéfice de la prime PIRC
' 324.449,38 € au titre de la violation du statut protecteur
' 269.158,15 € à titre de rappel sur indemnité de licenciement
(ou subsidiairement
' 346.178,17 € à titre de rappel sur indemnité de licenciement )
' 104.010,20 € à titre de rappel sur cotisation indûment prélevé sur l'indemnité de mise à la retraite
' 32.449,39 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 3.244,93 € à titre d'incidence congés payé,
' 124.992 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
' 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
' Déclarer l'intervention volontaire du syndicat SNTU recevable,
' condamner en conséquence la RTM à lui payer les sommes de :
' 2.000 € à titre de dommages et intérêts,
' 2.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
' Condamner la RTM aux entiers dépens
Par conclusions déposées le 13 juin 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, la RTM, au visa de l'article L.2422-4 du code du travail, demande à la cour de :
' Lui Donner acte de ce qu'elle reconnaît que Monsieur X... a été mis à la retraite de manière irrégulière le 1er avril 2009,
' Lui Donner acte de ce qu'elle propose de verser à ce titre à Monsieur X... une somme de 33.360,94 € en réparation du préjudice subi entre le 1er avril 2009 et sa réintégration au mois d'octobre 2012 outre 4.164,37 € au titre de surcoût mutuelles.
' Débouter Monsieur X... du surplus de ses demandes concernant sa mise à la retraite irrégulière; sa prise d'acte de rupture qui s'analyse en une démission, la discrimination syndicale dont il se dit victime et ses demandes de rappels de salaire.
MOTIFS DE LA DECISION
Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;
1- Sur la discrimination syndicale
L'article L.1132-1 du code du travail, en sa rédaction applicable aux faits de la cause résultant de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, (...) en raison (...) de ses activités syndicales ou mutualistes (...), et l'article L.1132-4 du même code frappe de nullité (...) tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des [ces] dispositions ;
selon l'article L.1134-1 du même code, en sa rédaction applicable aux faits de la cause, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance desdites dispositions (...) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, (...). Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Monsieur Francis X... soutient qu'il a fait l'objet d'une discrimination au titre de ses activités syndicales et présente les éléments de fait suivants :
1°) l'absence d'entretiens annuels et l'absence de versement de la 'prime individuelle de remplacement du choix et du grand choix' (PIRC) ;
il explique que cette prime, qui résulte d'un accord d'entreprise en date du 27 décembre 1984 - qu'il produit-, a pour objet de ' sanctionner la réussite d'un cadre dans un poste au cours d'une année donnée, selon le critère de la réalisation de ses objectifs, indépendamment de tout changement de fonction, ou modification de responsabilité, ou d'évaluation de son potentiel à évoluer ', s'élève à un montant au plus égal à un mois de salaire, et est déterminée en fonction notamment des résultats obtenus pour chaque cadre, quantifiés lors d'une procédure annuelle d'évaluation fondée sur un entretien bilatéral relatif aux objectifs ;
il affirme avoir bénéficié de cette prime jusqu'en 2005, année après laquelle l'employeur n'a plus mis en oeuvre les entretiens individuels, le privant donc de la prime, et soutient que la décision de l'employeur est liée à sa participation à la grève contre la délégation de service public accordée au groupement RTM-VEOLIA pour l'exploitation du nouveau tramway, et à la part active qu'il a prise dans la dénonciation du contrat de délégation de service public ;
à l'appui de cette affirmation il produit :
' divers documents démontrant son activité syndicale
' un tableau récapitulatif de l'ensemble des PIRC versées aux cadres de 2005 à 2008
' un courrier de réclamation envoyé en recommandé le 11 mai 2009 ,
De son côté la RTM rétorque que Monsieur Francis X... n'a pas eu l'activité syndicale de l'intensité qu'il décrit, concernant sa participation à la grève et à l'annulation de la délégation de service public au profit de RTM/Veolia, que son activité représentative principale concernait son mandat de conseiller prud'hommes, et enfin qu'aucun des cadres de l'entreprise n'a bénéficié d'entretiens de fixation d'objectifs et d'évaluation entre novembre 2005 et l'année 2009 et qu'ainsi cette absence d'entretien n'était pas propre à Monsieur X... qui n'a donc nullement été singularisé pour ses activités syndicales ;
à l'appui de cette contestation elle produit :
' les tableaux de répartition des heures de « fonctions syndicales » (FS) pour les années 2005 et 2006 démontrant que l'organisation syndicale à laquelle appartenait Monsieur Francis X... n'a pas distribué à ce dernier, au titre de ces heures « FS » offertes par la RTM en sus des heures de délégation, des heures de délégation supplémentaires,
' une attestation établie dans les formes légales le 11 mai 2015 par Madame A... ainsi rédigée :
« j'ai été recrutée en tant que cadre en novembre 2005 au sein de la des RH. Je n'ai eu aucun entretien de fixation et d'objectifs tout comme mes autres collègues, jusqu'en 2009 où ces entretiens ont été mis en place pour les cadres. J'ai su que ce type d'entretien avait déjà été initié il y a une vingtaine d'années mais qu'ils avaient été abandonnés quelques années plus tard.' » ;
Sans qu'il y ait lieu d'entrer dans des considérations inutiles quant à l'ampleur de l'activité syndicale de Monsieur Francis X..., dès lors qu'il est établi que ce dernier appartenait bien à un syndicat et avait été désigné et/ou élu sous l'égide de cette organisation à diverses fonctions et mandats, la cour, comme les premiers juges, ne peut que constater qu'il n'y a pas corrélation entre l'absence de versement de la prime PIRC et l'activité syndicale de Monsieur Francis X... dès lors qu'aucun cadre n'a été soumis, pendant la période considérée ( 2006 à 2008 ) à un entretien d'évaluation et de fixation d'objectifs et qu'il n'était pas seul à n'avoir pas reçu paiement de ladite PIRC ;
2°) l'absence d'évolution de son coefficient et d'évolution de carrière,
Monsieur Francis X... fait valoir qu'après l'augmentation de coefficient accordée en 1984, il a stagné au coefficient 530+50, soit 580, pendant 25 ans, sans jamais plus bénéficier d'aucun avancement ' ce qui caractérise de facto une discrimination syndicale ';
or, ainsi que le soutient la RTM, l'annexe III à la convention collective, qui contient la définition et le classement hiérarchique des emplois ( dans 6 groupes) ainsi que la grille des coefficients hiérarchiques, et le tableau des équivalences, comporte 25 paliers dont les cinq derniers sont réservés aux ingénieurs et cadres, le tableau des équivalences étant, pour ces personnels, ainsi présenté :
équivalence
des paliers
coefficient
Personnel des ingénieurs
et cadres
21
390
62 a - Ingénieur adjoint ou cadre adjoint du mouvement.
62 b - Ingénieur adjoint des services techniques.
Chef d'entretien principal.
62 c - Chef des approvisionnements.
62 d - Cadre adjoint de service administratif.
22
430
63 a - Ingénieur du mouvement.
63 b - Ingénieur des services techniques.
63 c - Sous-chef de la comptabilité.
63 d - Chef du contentieux.
63 e - Chef du personnel.
23
530
64 a - Ingénieur, chef du service du mouvement.
64 b - Ingénieur, chef de service technique.
64 c - Chef du service du personnel.
64 d - Chef du service de la comptabilité.
64 e - Chef du service du contentieux.
64 f - Chef du service administratif.
24
630
65 - Chef d'exploitation
ou ingénieur principal
ou secrétaire général administratif
ou cadre principal administratif.
25
690
66 - Ingénieur en chef ou assimilé.
ainsi donc, à la lecture de ce tableau, il ressort que Monsieur Francis X..., qui bénéficiait du coefficient 580, faisait partie du palier 23, commençant au coefficient 530 et pouvant atteindre le coefficient 620 puisque le coefficient 630 est celui correspondant à des fonctions de cadre supérieur qu'il n'exerçait pas ;
par ailleurs, la cartographie des postes de cadres de l'entreprise, produite par la RTM fait apparaître que seule la Direction Générale est dotée des postes supérieurs au coefficient 580, en l'occurrence les directeurs, au coefficient 590 et le directeur général au coefficient 600 ;
par conséquent, Monsieur Francis X... n'a pas dépassé le coefficient 580 (qu'il avait rapidement atteint) parce qu'il était parvenu au maximum du coefficient qu'il pouvait atteindre et que son augmentation salariale ne dépendait plus que de sa prime d'ancienneté ;
il n'y a donc pas, dans l'absence d'augmentation de coefficient, d'indice de discrimination ;
3°) l'absence de convocation au séminaire sur la GPEC du 28 mai 2008
Monsieur Francis X... soutient que dans le cadre de ses activités représentatives au sein de l'entreprise, il avait à de multiples reprises interpellé l'employeur sur l'obligation de négociation triennale au titre de la Gestion prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences (GPEC) imposée par la loi du 18 janvier 2005, et que lorsqu'il s'est décidé à mener ces négociations, l'employeur l'a volontaire écarté en ne le conviant pas car, eu égard à son implication importante pour la mise en place de la GPEC dans l'entreprise et des formations qu'il avait suivies pour avoir connaissance de l'ensemble des normes applicables, sa présence durant la formation aurait constitué une gêne notable pour lui ;
à l'appui de cette affirmation il produit un courriel en date du 02 juin 2008 de Mme Audrey Messager, secrétaire du Directeur Général, s'adressant à une liste d'interlocuteurs, dont il ne fait pas partie, ainsi rédigé : ' vous trouverez ci-joint la présentation faite lors du séminaire GPEC du 28 mai 2008 à Aubagne '
La RTM rétorque que ce courriel ne démontre en rien l'exclusion alléguée alors surtout que le relevé des heures d'absence en raison des fonctions prud'homales démontre que ce 28 mai 2008, Monsieur Francis X... a siégé au conseil des prud'hommes ;
la cour ne peut que souligner que compte tenu du nombre important de participants au séminaire du 28 mai 2008, qui n'avait donc aucun caractère occulte, et compte tenu de la position hiérarchique qu'occupait Monsieur Francis X..., son absence à ce séminaire - dont il ne pouvait pas ignorer l'existence - ne peut être attribuée à la volonté d'exclusion qu'il allègue alors surtout qu'à cette date l'employeur démontre qu'il siégeait au conseil des prud'hommes ;
il ne peut y avoir, là encore d'indice de discrimination ;
4°) la volonté de l'employeur de l'empêcher d'exercer son mandat au C.E
Monsieur Francis X... expose qu'alors qu'il avait obtenu la majorité absolue (34 voix sur 67 suffrages exprimés) au premier tour des élections de la représentation salariale au conseil d'administration de la RTM, l'employeur, qui souhaitait par tous moyens éviter de voir élu au sein de ce conseil, un autre représentant de la CFDT, puisque Monsieur B..., qui a d'ailleurs rédigé une attestation en sa faveur, était lui-même élu au titre du collège 'Maîtrise', a organisé un second tour, l'obligeant à contester l'élection qui fut annulée par jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 05 novembre 2009, cette juridiction ayant constaté son élection au premier tour ;
la cour observe que, dans un premier temps, Monsieur Francis X... avait saisi le juge des référés qui a estimé que la question de la détermination de la majorité absolue au sein d'un collège électoral peu nombreux avec un nombre impairs de votants, ressortissait à la compétence du juge du fond ;
ce dernier, dans son jugement du 05 novembre 2009, après avoir constaté que le protocole d'accord pré-électoral du 06 avril 2007 définissait la majorité absolue comme ' celle équivalent à la moitié des voix plus une ', décidait de raisonner par analogie avec le mode de calcul retenu dans la circulaire du 27 juin 2001 pour les élections sénatoriales et celui exposé par le conseil d'État dans son arrêt en date du 11
avril 2003 et retenait que ' lorsque le nombre de suffrages exprimés est impair, la majorité absolue est égale à la moitié plus un du chiffre pair immédiatement inférieur ' ;
ainsi donc la position de l'employeur, certes erronée, reposait sur une interprétation littérale du protocole d'accord préélectoral signé (à l'exception du syndicat SNTU CFDT) par les organisations syndicales, que le tribunal a censurée à l'issue d'un raisonnement juridique résumé ci-dessus ;
la volonté discriminatoire opposée à l'employeur, qui n'était pas apparue évidente au juge des référés, ne peut dés lors être retenue puisque une question juridique ayant nécessité l'intervention du juge du fond se posait ;
5°) la volonté de l'employeur de l'écarter de l'entreprise
à l'appui de cette affirmation Monsieur Francis X... produit un courrier que lui a remis en main le directeur général le 23 juin 2005 ainsi libellé :
« A la suite du départ en retraite de votre responsable hiérarchique, je vous ai convoqué le 27 mai pour faire le point sur vos activités passées et futures.
Au cours de cet entretien, vous avez reconnu que, hormis diverses des activités de nature syndicale, votre production au bénéfice de l'entreprise été quasiment nulle depuis de nombreux mois, et vous m'avez fait part de votre intention de poursuivre votre activité professionnelle jusqu'à l'âge de 65 ans. Je vous ai indiqué que ceci supposait de votre part une activité normale et vous et fait des propositions en ce sens.
Vous m'avez demandé un délai jusqu'à la fin de la semaine suivante (soit le 3 juin) pour réagir sur mes propositions et me faire éventuellement des contre-propositions.
Malgré une relance par mél le 8 juin, je n'ai encore rien reçu de votre part.
À défaut de réaction de votre part la fin de la semaine en cours, je fixerai votre programme de travail unilatéralement. » ;
selon Monsieur X... ce courrier doit être interprété en ce sens que l'employeur lui faisait part dès juin 2005 sa volonté de rompre son contrat de travail ' sil ne reprenait pas une activité « normale » au sein de l'entreprise, à savoir une activité dénudée d'activités syndicales et représentatives ' ;
Cette interprétation dudit courrier ne correspond manifestement pas à la volonté de l'employeur ; en effet il résulte de cette correspondance que c'est Monsieur X... lui-même qui a mentionné ses activités syndicales, l'employeur s'intéressant aux activités professionnelles ordinaires ;
Ainsi donc les cinq premiers faits présentés par Monsieur Francis X..., ne caractérisent pas, examinés isolément puis pris dans leur ensemble, la présomption de discrimination alléguée par Monsieur Francis X... ;
6° et 7° ) la mise en 'uvre irrégulière de la procédure de mise à la retraite et sa mise à l'écart brutale par congés imposés par lettre en date du 25juin 2008
ces deux griefs rejoignent la question de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail après la réintégration et seront donc examinés avec cette question ;
2- Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
Il est rappelé que la prise d'acte, mode de rupture du contrat de travail, par laquelle le salarié informe directement son employeur qu'il met un terme à ce contrat en raison de faits qu'il lui reproche, survenus et connus antérieurement à sa décision et caractérisant un manquement suffisamment grave à ses obligations pour en empêcher la poursuite, produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, -voire nul -, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;
En l'espèce les premiers juges ont fait une exacte analyse des faits et en ont tiré les conséquences pertinentes ;
en effet il résulte des éléments produits que :
- le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 juillet 2012, exécutoire nonobstant appel, qui a annulé la décision implicite du ministre du travail ayant confirmé, sur recours hiérarchique, la décision du 4 décembre 2008 du directeur départemental adjoint du travail ayant autorisé la RTM à procéder à la mise à la retraite d'office de Monsieur Francis X..., ainsi que cette dernière décision, a été notifié à ce dernier par lettre recommandée reçue le 18 juillet 2012 et à la RTM par lettre recommandée numéro 2 C [...] postée le 17 septembre 2012, et reçue le 18 septembre 2012 ;
- par lettre recommandée postée le 12 septembre 2012 et reçue le 13 septembre 2012 Monsieur Francis X... a sollicité l'exécution de la décision de la juridiction administrative dans les termes suivants :
« objet : demande de réintégration
Monsieur le directeur général, par décision du 17 juillet 2012 (' ) qui m'a été notifié le 18 juillet 2012 (') en application de l'article L2422-1 du code du travail j'ai l'honneur de solliciter ma réintégration dans l'entreprise. Je me tiens à votre disposition à partir de ce jour pour mettre en 'uvre cette demande et préciser les conditions et les modalités pratiques de cette réintégration' »,
- le 17 septembre puis le 18 septembre 2012 Monsieur Francis X... se rendait au siège de la RTM où il rencontrait le directeur des ressources humaines ;
- par lettre recommandée n° 1A [...] en date du vendredi 28 septembre 2012, postée le lundi 1er octobre 2012 la RTM indiquait à Monsieur Francis X... :
« j'accuse réception de votre demande de réintégration en l'état du jugement rendu par le TA de Marseille le 17 juillet 2012, qui nous a été notifié le 17 septembre 2012 et dont nous avons d'ores et déjà interjeté appel.
Comme je vous l'ai laissé entendre lors de notre entretien du 18 septembre (poursuivi chez Monsieur C..., DG), comme je l'ai affirmé lors de l'entretien avec votre conseil, Monsieur Patrick B... le 27 septembre, je vous confirme votre réintégration conformément aux dispositions légales et en particulier à l'article L2422-1 du code du travail.
Je vous recevrai le jeudi 4 octobre à 9 heures dans mon bureau afin de fixer les modalités concrètes de votre retour dans l'entreprise dans un emploi équivalent au vôtre en termes de qualification et de responsabilités et dans des les conditions contractuelles qui étaient les vôtres avant votre départ' »;
il se déduit de cette lettre qu'après l'entretien du 18 septembre un nouvel entretien a eu lieu avec le directeur des ressources humaines le 27 septembre 2012 en présence de l'avocat de Monsieur Francis X..., au cours duquel le directeur des ressources humaines a marqué l'accord de la RTM pour la réintégration ;
- le jour même de ce second entretien, par lettre recommandée numéro 1A [...], datée du 26 septembre 2012 mais postée le 27 septembre 2012 (et reçue par l'employeur le 28 septembre 2012) Monsieur Francis X... a pris acte de la rupture du contrat de travail dans les termes reproduits in extenso par les premiers juges contenant notamment le paragraphe suivant :
« plus de 2 semaines après avoir fait ma demande de réintégration et malgré les initiatives que j'ai prises je constate que je n'ai toujours pas de réponse. » ;
or il vient d'être souligné que Monsieur Francis X..., au jour de l'envoi de ce courrier, avait, en présence de son conseil, reçu une réponse positive à sa demande de réintégration, d'ailleurs confirmée, dès le lendemain, par la rédaction de la lettre recommandée susvisée ;
même en tenant compte, non de la date de réception de la notification du jugement du tribunal administratif (18 septembre 2012), qui marque le jour de la connaissance de la décision et donc celui de l'obligation de réintégration, mais de la date de réception de la demande formée par Monsieur Francis X..., soit le 13 septembre 2012, la réintégration - juridiquement entendue comme la décision de l'employeur de reprendre le salarié, (les opérations matérielles de remise dudit salarié, qui avait quitté l'entreprise depuis plusieurs années, dans des conditions concrètes de travail pouvant naturellement prendre plusieurs jours ), est intervenue dans un délai raisonnable ;
ainsi donc le motif indiqué dans la lettre de prise d'acte est erroné ;
Toutefois la prise d'acte n'étant soumise à aucun formalisme l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige ;
aussi Monsieur Francis X... invoque-t-il également, à l'appui de sa prise d'acte, le comportement déloyal dans le déroulement de la procédure de mise en retraite, qui selon-lui, s'analysait en une humiliation à son encontre, ainsi que la discrimination dont il affirme avoir fait l'objet durant la relation contractuelle ;
Il a été indiqué ci-dessus que les cinq premiers faits présentés par Monsieur X... ne suffisent pas pour caractériser la présomption de discrimination syndicale ;
par ailleurs les juridictions administratives ont annulé la décision de mise à la retraite d'office au motif qu'elle n'avait pas été prononcée après convocation à un entretien préalable et dans les formes de la procédure de licenciement ;
cependant le juge judiciaire, pour apprécier le caractère déloyal et humiliant de la conduite de cette procédure - dont il ne peut que prendre acte de l'irrégularité -, doit tenir compte de l'ensemble des éléments produits par les parties ;
or il résulte de ces éléments que Monsieur Francis X... avait été informé de la volonté de l'employeur de le mettre d'office en retraite en application des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail ( selon lequel la mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale), au cours d'un entretien qui a eu lieu le 03 juillet 2008 ;
en lui demandant de prendre les congés qu'il avait accumulés, avant l'engagement de la procédure de mise à la retraite, l'employeur a fait bénéficier Monsieur Francis X... de ses droits ; les attestations de Messieurs D... et E... démontrent d'ailleurs que Monsieur X... n'a pas été le seul cadre à qui l'employeur a demandé de prendre des congés dans de telles conditions ;
dés lors utilisant une possibilité légale dans des conditions dont il n'est pas démontré le caractère vexatoire, et en prévenant à l'avance le salarié, la RTM n'a pas fait preuve de déloyauté ; son manque de compétence juridique, stigmatisé et sanctionné par les juridictions administratives, ne peut être assimilé à un défaut de loyauté ni moins encore à une volonté d'humiliation du salarié ;
Dans ces conditions c'est à juste titre que les premiers juges ont, d'une part, écarté toute discrimination syndicale, d'autre part, dit que la prise d'acte de la rupture du lien contractuel prononcée par Monsieur Francis X... par lettre postée le 27 septembre 2012 produit les effets d'une démission et ont rejeté les demandes indemnitaires présentées par ce salarié ;
3- Sur les demandes salariales
La demande de fixation du salaire de référence intégrant la PIRC, dont il a été dit ci-dessus que Monsieur Francis X... n'a pas été privé par suite de discrimination, est infondée et doit être rejetée ;
Le salarié protégé, mis d'office à la retraite en vertu d'une autorisation ultérieurement annulée a le droit d'être indemnisé de la totalité du préjudice subi depuis son départ en retraite jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision annulant l'autorisation, sous déduction des pensions de retraite perçues pendant la même période ;
En application des divers protocoles salariaux de l'entreprise, et sur la base du salaire net tel qu'il résulte des derniers bulletins de salaire, soit 8.589,57 € incluant tous les accessoires, Monsieur Francis X... a vocation à percevoir, au titre de l'indemnisation de son préjudice entre son départ à la retraite et la réintégration, la somme nette de :
' salaires [( 8.589,57 € x 41) =]352.172,37 €
' à déduire :185.802,50 €
( pension de retraite nette perçue pendant la période)
' à déduire : 77.020,20 €
( indemnité nette de mise en retraite )
-----------------
' Reste dû net 89.349,67 €
Il conviendra de réformer le jugement concernant la somme allouée de ce chef et prononcer condamnation en deniers ou quittance dans la mesure où la RTM avait proposé de payer de ce chef la somme de 35.892,28 €, dont les parties n'ont pas précisé si elle avait été effectivement réglée ;
La RTM ne conteste pas devoir, en sus de cette somme, le surcoût 'mutuelle', évalué à la somme de 4.164,37 € pour la même période, puisque Monsieur Francis X... a dû souscrire un contrat après son départ de l'entreprise ;
il conviendra également de prononcer condamnation en deniers ou quittance
4- Sur l'intervention du syndicat SNTU CFDT
Cette intervention, recevable en application de l'article L. 2132-3 du code du travail, n'est pas contestée ;
A défaut de discrimination syndicale, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande en dommages et intérêts et participation aux frais non répétibles ;
5- Sur les frais non répétibles
Il serait inéquitable de laisser Monsieur Francis X... supporter l'intégralité de ses frais d'instance d'appel ; une somme de 1.500 € lui sera donc allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement entrepris hormis sur la fixation de l'indemnité allouée en réparation du préjudice financier subi résultant de la mise a la retraite irrégulière entre le 1er avril 2009 et la réintégration d'octobre 2012 ;
Statuant à nouveau, sur ce point et y ajoutant :
Condamne la Régie des Transports de Marseille à payer à Monsieur Francis X... les sommes de :
1°) 89.349,67 € net (quatre vingt neuf mille trois cents quarante neuf euros et soixante sept centimes), dont 35.892,28 € en deniers ou quittance, à titre d'indemnité en réparation du préjudice financier résultant de la mise à la retraite irrégulière, subi entre le 1er avril 2009 et la réintégration en octobre 2012 ;
2°) 4.164,37 € (quatre mille cent soixante quatre euros et trente sept centimes), en deniers ou quittance, au titre du surcoût 'mutuelle' ;
3°) 1.500,00 € (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les intérêts, calculés au taux légal, courront à compter :
- du 04 juin 2015 concernant les condamnations ci-dessus numérotées 1° et 2°,
- de la présente décision concernant la condamnation ci-dessus numérotée 3°
Condamne la Régie des Transports de Marseille aux dépens de première instance et d'appel.
Le GreffierLe Président