COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre D
ARRÊT AU FOND
DU 12 SEPTEMBRE 2018
E.D.
N°2018/179
Rôle N° RG 16/12394 - N° Portalis DBVB-V-B7A-64JI
Virginie X...
Philippe X...
C/
Association LA LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Cécile Y...
Me Barbara A...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04517.
APPELANTS
Madame Virginie X...
née le [...] à MARSEILLE (13008),
demeurant [...]
représentée et assistée par Me Cécile Y..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Monsieur Philippe X...
né le [...] à MARSEILLE (13008),
demeurant [...]
représenté et assisté par Me Cécile Y..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
INTIMEE
LA LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, Association loi 1901, prise en son comité départemental ayant son siège l, [...] et en la personne de son Président en exercice y domicilié.
représentée et assistée par Me Barbara A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine PEYRACHE, Conseiller faisant fonction de Présidente et Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée, chargés du rapport.
Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Madame Christine PEYRACHE, Conseiller faisant fonction de Présidente
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller
Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2018.
Signé par Madame Christine PEYRACHE, Conseiller faisant fonction de Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 3 novembre 2013, Monsieur Gilbert X... a fait donation de la somme de 50.000 euros à ' la ligue nationale contre le cancer' - LA LIGUE.
Par un courrier recommandé du 24 octobre 2014 émanant du conseil de la gérance de tutelle de son épouse, LA LIGUE était informée du décès de son donateur en date du [...] et de la remise en cause de la donation effectuée au motif, selon le gérant de tutelle, que Monsieur Gilbert X... aurait outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs. Le même courrier sollicitait la restitution immédiate de la somme de 50.000 euros versée.
Madame Geneviève Z... devenue veuve X... décédait pour sa part le [...].
Par acte extrajudiciaire du 9 avril 2015, Madame Virginie X... et Monsieur Philippe X..., ayants-droits de Madame Geneviève Z... veuve X..., ont fait délivrer à LA LIGUE une assignation à comparaître sur le fondement de l'article 1427 du Code civil, visant à l'annulation d'une donation consentie à l'Association en 2013 par leur père, Monsieur Gilbert X..., décédé [...].
Par jugement du 7 juin 2016, la Juridiction saisie en premier ressort a :
- déclaré irrecevable l'action des héritiers contre LA LIGUE
- condamné solidairement les héritiers à payer à LA LIGUE la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive
- prononcé l'exécution provisoire
- condamné les demandeurs aux dépens ainsi qu'au paiement de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Les consorts X... ont interjeté appel de cette décision le 1er juillet 2016.
Par leurs dernières conclusions au fond en date du 4 novembre 2016, Madame Virginie X... et Monsieur Philippe X... demandent à la cour de :
-Dire et juger que venant aux droits de leur mère décédée, Madame Geneviève Z... veuve X..., ils ont par l'effet de la saisine héréditaire, qualité à agir.
-Reformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable leur action,
-Constater que les fonds dont Monsieur Gilbert X... a disposé sont des biens communs,
-Constater que Monsieur Gilbert X... a outrepassé ses droits en consentant une donation au profit de la LIGUE sans recueillir l'accord préalable de son épouse, s'agissant de biens communs,
-En conséquence dire et juger nul et de nul effet la donation ainsi consentie,
-Condamner la LIGUE au remboursement de la somme de 50.000 € assortie des intérêts au taux légal à dater de la donation, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an.
-Rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions de la LIGUE comme étant contraires,
-Rejeter la demande d'explication avant dire droit comme étant nouvelle et non fondée.
- A titre subsidiaire, réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés au paiement de dommages- intérêts pour procédure abusive
-Condamner LA LIGUE au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Y...
Ils font valoir que :
-l'utilisation d'acquêts sans l'accord préalable du conjoint conduit à la nullité de la donation,
-en réservant l'action au seul conjoint, le législateur a voulu confirmer le fait qu'il s'agit d'une nullité relative, qui ne peut être invoquée que par le conjoint victime du dépassement de pouvoir.
-la présomption de communauté s'applique tant vis-à-vis des époux que des tiers
-la demande avant dire droit de LA LIGUE est une demande nouvelle en cause d'appel
-la présomption de communauté est d'application générale
Par conclusions en date du 27 septembre 2016, LA LIGUE demande à la cour de :
-Confirmer en tous points le jugement entrepris par le tribunal de grande instance de Marseille le 7 juin 2016,
-Déclarer irrecevable l'action en nullité formée par les héritiers sur le fondement de l'article 1427 du Code civil,
A titre subsidiaire,
-Dire et juger que les demandeurs n'établissent pas que les fonds dont Monsieur Gilbert X... a disposé étaient des biens communs,
-Dire et juger que dès lors, Monsieur Gilbert X... pouvait librement disposer en faveur de LA LIGUE,
-Débouter Monsieur Philippe X... et Madame Virginie X... de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
-A titre infiniment subsidiaire et avant dire droit,
-inviter les appelants à communiquer à l'intimée l'ensemble des pièces permettant de déterminer l'origine des actifs appartenant aux époux X... et de justifier de la qualité propre ou commune des fonds consentis en donation,
En tout état de cause,
-Condamner les appelants à payer à l'intimée :
- 5.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- une somme de 4.000 Euros au titre des frais irrépétibles de Justice de l'article 700 du code de procédure civile,
- les dépens, distraits au profit de Maître Barbara A... en son affirmation de droit
Elle fait valoir que:
-l'action fondée surl'article 1427 du Code civil est ouverte au conjoint ou au conjoint divorcé pour permettre à l'époux lésé de faire valoir ses droits dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial.
-Cette action n'était ouverte qu'à Madame Geneviève Z... X... représentée par son tuteur
-La seule mise en demeure adressée par le gérant de tutelle, quelques jours à peine avant le décès de Madame Geneviève Z... X..., ne saurait couvrir le défaut de recevabilité de l'action judiciaire, à l'évidence menée par la succession et non par l'intéressée à l'action.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2018.
***
Sur ce,
Sur la recevabilité de l'action:
En vertu de l'article 1427 du code civil, si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation.
L'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté.
L'action en nullité prévue par l'article 1427 du code civil est réservée au conjoint victime de l'auteur de l'acte, et en cas de décès, aux héritiers, lesquels agissent dans l'intérêt de sa succession.
En l'espèce, la donation a été consentie par Monsieur Gilbert X..., du vivant de son épouse, Madame Geneviève Z... X..., laquelle était sous tutelle. L'existence de cette donation n'a manifestement été révélée qu'au moment de l'ouverture de la succession du donateur. La communauté des époux X... s'est dissolue en 2014, au moment du décès de l'époux, suivi de peu par celui de l'épouse. Or l'action des ayant-droits date du 9 avril 2015.
En conséquence, l'action des appelants, ayant qualité à agir, est recevable et conforme aux conditions de l'article 1427 du code civil.
Sur le fond:
Le régime matrimonial réglemente les relations patrimoniales entre les époux mais également celles entre les époux et les tiers.
En vertu de l'article 1402 du code civil, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi.
La nature de propre de fonds versés ne peut être déduite du seul fait qu'ils provenaient d'un compte personnel.
En l'espèce, LA LIGUE doit se voir opposer cette présomption de communauté érigée à l'article 1402 du code civil. Il lui incombe de rapporter la preuve que les deniers objet de la donation litigieuse étaient des biens propres à Monsieur Gilbert X... et non de réclamer aux ayant-droits de Madame Geneviève Z... veuve X... la preuve que les deniers étaient communs.
Or la preuve de la nature propre des deniers objets de la donation en faveur de la LIGUE n'est nullement rapportée par cette dernière. Aussi, sa demande avant dire droit tendant à ce que les appelants aient à s'expliquer sur la nature du patrimoine des défunts apparaît mal fondée et sera rejetée.
Au regard de la somme concernée par la donation et du régime matrimonial des époux X..., il est établi que Monsieur Gilbert X... a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau, il y a lieu de juger nulle et de nul effet la donation de 50 000 euros consentie à la LIGUE par Monsieur Gilbert X... le 3 novembre 2013 et de condamner LA LIGUE au remboursement de la somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à dater de la donation, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an.
Sur les demandes accessoires:
Succombant, l'intimée sera condamnée à verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Cécile Y....
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Dit que l'action de Madame Virginie X... et Monsieur Philippe X... venant aux droits de leur mère décédée Madame Geneviève Z... veuve X... est recevable.
Déclare la donation de 50 000 euros consentie le 3 novembre 2013 par Monsieur Gilbert X... à LA LIGUE nulle et de nul effet.
En conséquence,
Condamne LA LIGUE au remboursement de la somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à dater de la donation, avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an.
Condamne LA LIGUE à verser à Madame Virginie X... et Monsieur Philippe X... la somme de totale de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne LA LIGUE aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Cécile Y....
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT