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01/08/2018 | FRANCE | N°15/21146

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 01 août 2018, 15/21146


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 01 AOUT 2018



N°2018/



Rôle N° RG 15/21146







SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE





C/



Jean-François X...

Valérie Y... épouse X...

















Grosse délivrée le :



à :





Me Jacques Z..., avocat au barreau de MARSEILLE





Me Caroline A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 22 Octobre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1267.





APPELANTE



SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, demeurant [...] CX 2



...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 01 AOUT 2018

N°2018/

Rôle N° RG 15/21146

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

C/

Jean-François X...

Valérie Y... épouse X...

Grosse délivrée le :

à :

Me Jacques Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

Me Caroline A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 22 Octobre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1267.

APPELANTE

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, demeurant [...] CX 2

représentée par Me Jacques Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur Jean-François X..., demeurant [...]

représenté par Me Caroline A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame Valérie Y... épouse X..., demeurant [...]

représentée par Me Caroline A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Août 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Août 2018

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de cogérance du 27 novembre 2004, la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a confié à M. Jean-François X... et à Mme Valérie Y... épouse X... la gestion de la succursale à l'enseigne «Petit Casino» numéro C7259 exploitée à Marseille.

Suivant contrat de cogérance, cette fois intérimaire, du 21 février 2006, la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a confié à M. Jean-François X... et à Mme Valérie Y... épouse X... la gestion de différentes succursales à l'enseigne «Petit Casino» situées dans les anciennes régions Languedoc Roussillon et Provence Alpes Côte d'Azur pendant les périodes d'absence des gérants titulaires ou dans l'attente de l'acceptation d'une nouvelle gérance.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a notifié à M. Jean-François X... et à Mme Valérie Y... épouse X... la résiliation du contrat de cogérance par lettre remise en mains propres par huissier de justice le 11 février 2011 et ainsi rédigée: «Nous faisons suite à votre entretien préalable du 14 janvier 2011, au cours duquel vous étiez accompagnés de M. B..., Délégué Gérants Mandataires Non Salariés. Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisagions la résiliation de votre contrat de cogérance mandataire non salariée, à savoir:

Dans le cadre du traitement comptable des montants des crédits effectués suite aux procédures de changement de prix en magasin, il est apparu pour le magasin Petit CASINO n° C 8217 sis à FREJUS VILLE, dans lequel vous avez effectué un intérim du 1er au 22/12/2010, une demande de crédit anormalement élevée. En effet, il s'avère que vous avez indiqué le 03/12/2010, dans le cadre de la procédure d'inventaire de changement de prix, détenir une quantité de 1000 boîtes de préservatifs (produit en baisse de 1,60€). Or, le stock en magasin de ce produit à l'inventaire du 01/12/2010 était de 0 et aucune livraison de ce même produit n'a été effectuée entre le 1er et le 3décembre 2010. Cet abus manifeste d'une procédure existante, dont vous aviez parfaitement connaissance, a généré un préjudice important pour Distribution Casino France puisque, à tort et de manière totalement injustifiée, un crédit de 1600€ a été porté sur votre R.D.D.C du 22/12/2010 sous le numéro de pièce P 1319.

Après avoir constaté cette anomalie comptable portant sur les préservatifs, nous avons repris vos précédents intérims et nous avons alors relevé le même type d'anomalie dans vos transmissions d'inventaire de produits faisant l'objet d'un changement de prix lors d'intérims que vous avez effectués au cours de l'année 2010 et au début de l'année 2011, à savoir:

'le 26/03/2010 au magasin C 9085 sis à ALES, vous avez indiqué, dans le cadre de la procédure d'inventaire de changement de prix, détenir 1000 cônes glacés vanille, 1000 cônes glacés coco, 1000 glaces café Carte d'Or, ce qui vous a fait bénéficier d'un crédit sur votre R.D.D.C. du 31/03/2010 de 1258,01€ sous le numéro P 1019.

'le 24/09/2010 au magasin E 3204 sis à NIMES vous avez indiqué, dans le cadre de la procédure d'inventaire de changement de prix, détenir 1000 figues barquette ce qui vous a fait bénéficier d'un crédit sur R.D.D.C. du 30/09/2010 de 300,00€ sous le numéro P 1226.

'le 01/10/2010 au magasin E 3204 sis à NIMES, vous avez indiqué, dans le cadre de la procédure d'inventaire de changement de prix, détenir 1000 papiers hygiénique, 1000 petits pois, 1000 moulinés de légumes, 1000 veloutés, ce qui vous a fait bénéficier d'un crédit sur R.D.D.C. du 15/10/2010 de 1010,00€ sous le numéro P 1240.

'le 29/10/2010 au magasin C 9018 sis à ORANGE, vous avez indiqué, dans le cadre de la procédure d'inventaire de changement de prix, détenir 1000 crevettes crues, ce qui vous a fait bénéficier d'un crédit sur votre R.D.D.C. du 31/10/2010 de 2371,25€ sous le numéro P 1283.

'le 08/01/2011 au magasin C 9849 sis à Aix-en-Provence vous avez indiqué, dans le cadre de la procédure d'inventaire de changement de prix, détenir 1000 foie gras entier CASINO ce qui vous a fait bénéficier d'un crédit sur votre R.D.D.C. du 31/01/2011 pour un montant de 630,00€ sous le numéro P 1344. Or, lors de l'inventaire du 06/01/2011, le stock en magasin de ce produit était de 4 et aucune livraison de ce produit n'a été effectuée entre le 06et le 08 janvier 2011 le crédit aurait dû être au plus de 2,52€.

La répétitivité de ces anomalies comptables et l'importance des sommes créditées sur votre compte à tort et de manière totalement injustifiée ne peuvent être le fruit d'une erreur d'inattention ou d'une mauvaise manipulation lors de la transmission des changements de prix, procédure que vous connaissez parfaitement. Au cours de l'entretien vous avez nié avoir transmis ces changements de prix et indiqué ne pas contrôler vos R.D.D.C. «du moment que l'inventaire est bon». Vous avez abusé d'une procédure existante et avez généré un préjudice financier important pour Distribution Casino France. Dans ces conditions, compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous sommes contraints de résilier votre contrat de cogérance mandataire non salarié signé le 21 février 2006, en application de l'article 16 de celui-ci, sans préavis ni indemnités.

Nous vous indiquons, par ailleurs que nous nous réservons la possibilité d'engager des poursuites devant la juridiction compétente. Il va donc être procédé, ce jour, VENDREDI 11 FEVRIER 2011, à un inventaire de cession sous contrôle d'huissier; par conséquence, vous sortirez des effectifs le soir même. Nous vous informons que nous n'entendons pas nous prévaloir de l'article 18 de votre contrat, clause de non rétablissement, et que vous pouvez donc la considérer comme nulle et non avenue. En conséquence, vous ne serez tenu à aucune obligation de non-concurrence lors de la rupture de votre contrat de cogérant mandataire non-salarié que vous avez signé le 21 février 2006. Nous vous indiquons par ailleurs que, conformément à l'accord collectif national des gérants mandataires du 18 juillet 1963 modifié, vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF), sous réserve d'en formuler la demande avant la fin du préavis théorique. Pour votre parfaite information, nous vous précisons que vous bénéficiez au titre du DIF d'un volume de 11 jours pour M. X... et de 12 jours pour MmeX... jours, qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de gérance, peut se traduire par le versement d'une allocation versée au prestataire. Le montant correspondant à cette allocation doit être utilisé pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compétence, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à la réception du justificatif de suivi de l'une des actions susvisées.»

La discussion entre les parties devait continuer et le 17 février 2011 les cogérants adressaient à la maison de commerce une lettre ainsi rédigée: «Nous revenons par la présente sur votre courrier du 11 février 2011, sur les termes duquel nous émettons les plus expresses réserves. Vous nous accusez d'avoir à de nombreuses reprises, tout au long de l'année 2010 et début 2011 passé des changements de prix en notre faveur pour des montants très importants, or, comme nous vous l'avons précisé lors de cet entretien, nous n'avons jamais durant cette période passé des changements de prix. M. B..., délégué du personnel qui nous assistait, vous a demandé si d'autres personnes avaient accès à ces passations informatiques en dehors des gérants en poste dans le magasin. Vous lui avez répondu qu'il fallait disposer d'un code confidentiel et que seul le gérant pouvait avoir accès à ces opérations. À la demande de M. B..., à notre retour dans notre magasin, nous avons constaté que, uniquement pourvu du géocode propre à chaque supérette, et qui nous est fourni chaque début d'année sur le répertoire des magasins à remplacer, nous avions la possibilité d'accéder aux fonctions de changement de prix, prise de commandes, etc. de chacun des magasins. Ce qui signifie que n'importe qui disposant du géocode d'un magasin (gérants intérimaires, service commercial) mal intentionné peut intervenir directement sur les changements de prix sans que le gérant du magasin ne s'en aperçoive. Nous avons évidemment tiré copie des différents documents relatifs à ces magasins. D'autre part en ce qui concerne la comptabilité, la quasi-totalité des gérants intérimaires sont dans l'impossibilité de la pointer car une partie des pièces comptables arrivent dans les magasins après la fin de leur remplacement et rares sont les gérants qui leur font suivre. En conséquence, nous nous contentons d'un pointage comptable à minima en vérifiant que les pièces passées correspondent à notre période de gestion. Je tiens à vous préciser que lors de l'inventaire qui a eu lieu le 11 février, par surprise, votre service commercial s'est présenté avec un huissier auquel j'ai demandé de partir car il n'avait pas de mandat signé par un juge, il a refusé d'obtempérer et tout au long de l'inventaire a également refusé de noter les remarques que nous avions à faire. Durant ce même inventaire, M. C..., Directeur Commercial, nous a ordonné de postiter les articles en magasin, ce que nous nous sommes vus contraints de refuser. Il serait souhaitable que vous rappeliez à cette personne que les gérants ne peuvent subir aucun lien de subordination juridique de la part d'un membre du service commercial. À la fin du dit inventaire, M. C... a refusé que nous annotions la feuille d'inventaire dans la case réservée aux éventuelles observations. Je vous signale également que nous ont pas été réglé, à l'issu de cet inventaire, les montants suivants:

'réclamation numéro 242 du 17/12/08 d'un montant de 376,64€;

'redressement marchandises 101 du 08/03/10 d'un montant de 2775,04€.

Nous nous réservons donc la possibilité d'engager des poursuites devant la juridiction compétente pour ce licenciement abusif.» La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE répondait le 13 avril 2011 dans les termes suivants: «Nous faisons suite à votre courrier en date du 17 février 2011, reçu le 28 février 2011, sur les termes duquel nous émettons les plus expresses réserves. Nous maintenons en effet que la répétitivité des anomalies comptables constatées dans le cadre du traitement des montants des crédits effectués suite aux procédures de changement de prix en magasin et l'importance des sommes créditées sur votre compte à tort et de manière totalement injustifiée, ne peuvent être le fruit d'une erreur d'inattention ou d'une mauvaise manipulation lors de la transmission des changements de prix, procédure que vous connaissez parfaitement. Nous maintenons donc notre décision de résilier votre contrat de cogérance mandataire non salarié signé le 21 février 2006, en application de l'article 16 de celui-ci, sans préavis ni indemnités et vous renvoyons aux termes de notre lettre de rupture du 11 février 2011. Pour ce qui concerne les documents comptables relatifs à la gestion des magasins dont vous avez assuré la gestion, nous vous rappelons que la plupart des documents comptables sont adressés à la Direction Régionale qui les faits suivre à votre domicile par les services de La Poste. De plus, il vous est toujours possible et ce à tout moment de nous demander des copies des RDDC éventuellement manquants pour vous permettre d'assurer un pointage complet. Vous avez également la possibilité de laisser des consignes aux cogérants mandataires non salariés des magasins dont vous avez assuré le remplacement pour leur demander de faire suivre votre courrier. Pour ce qui concerne la présence d'un huissier de justice lors de l'inventaire du 11 février 2011, nous vous rappelons les termes de votre contrat de cogérance qui stipule dans son article 7: «Un inventaire des marchandises et du matériel détenu par les cogérants mandataires non salariés pourra toujours être fait à la demande de l'un des contractants, sans que l'autre puisse s'y refuser; celle des deux parties qui le demandera en supportera les frais. Au cas où les cogérants mandataires non salariés se refuseraient à assister à un inventaire ou à raison d'une difficulté quelconque, DISTRIBUTION CASINO France aura le droit de passer outre en faisant constater la régularité des opérations par un officier ministériel ou par toute autre personne assermentée». Cet huissier était tout à fait habilité à contrôler les opérations de l'inventaire, dans l'intérêt de tous et ce, sans décision de justice. Pour ce qui concerne le fait de postiter le stock lors d'un inventaire, il s'agit d'une modalité pratique et habituelle prévue dans votre intérêt et en aucun cas d'une volonté de la part de M. C..., Directeur Commercial du secteur d'Aix-en-Provence, de créer un lien de subordination avec les gérants mandataires non salariés. Enfin, pour ce qui concerne les demandes de redressement dont vous faites état, nous vous demandons de nous préciser les magasins concernés par ces demandes afin que nous puissions faire les éventuelles recherches.»

Contestant la rupture du contrat de cogérance, M. Jean-François X... et MmeValérie Y... épouse X... ont saisi le 4 novembre 2011 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section commerce, lequel, par jugement de départage rendu le 22 octobre 2015, a:

dit que la rupture du contrat de cogérance conclu le 9 février 2006 est dépourvu d'une cause valable pour faute lourde;

dit que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de cogérance est nulle;

condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à M. Jean-François X... les sommes suivantes:

'15000,00€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et sans cause réelle et sérieuse;

' 2843,79€ à titre d'indemnité de préavis;

' 284,37€ au titre des congés payés y afférents;

' 1801,06€ à titre d'indemnité de résiliation du contrat;

' 3767,56€ à titre de remboursement des retenues illégales sur commissions pour la période de janvier 2009 à février 2011;

' 5000,00€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

'16892,05€ à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence;

' 1500,00€ au titre des frais irrépétibles;

condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme Valérie Y... épouse X... les sommes suivantes:

'15000,00€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et sans cause réelle et sérieuse;

' 3539,08€ à titre d'indemnité de préavis;

' 353,90€ au titre des congés payés y afférents;

' 2241,42€ à titre d'indemnité de résiliation du contrat;

' 3392,26€ à titre de remboursement des retenues illégales sur commissions pour la période de janvier 2009 à février 2011;

' 5000,00€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

'21022,20€ à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence;

' 1500,00€ au titre des frais irrépétibles;

dit que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement;

dit que les sommes allouées à titre de créances salariales et de remboursement des retenues illicites porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la demande en justice;

ordonne la capitalisation des intérêts;

ordonné à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE d'établir et de délivrer à M. Jean-François X... et à Mme Valérie Y... épouse X... les documents rectifiés suivants: bulletins de commission et attestation Pôle Emploi compte tenu du dispositif du jugement;

rappelé l'exécution provisoire de droit conformément à l'article R. 1454-28 du code du travail;

ordonné l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile;

débouté M. Jean-François X... et Mme Valérie Y... épouse X... du surplus de leurs demandes;

condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens.

Cette décision a été notifiée le 9 novembre 2015 à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE qui en a interjeté appel suivant déclaration du 24 novembre 2015.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE demande à la cour de:

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la jonction des affaires concernant les cogérants eut égards à l'unicité du contrat de cogérance;

l'infirmer en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de cogérance doit être analysée en un licenciement pour faute lourde;

l'infirmer en ce qu'il a dit que les faits reprochés pour avoir été commis les 26 mars 2010, 24 septembre 2010, 1er octobre 2010 et 29 octobre 2010 sont prescrits;

rejeter la demande des cogérants tendant à voir déclarés les faits qui leur sont reprochés comme prescrits au jour de la rupture, et, de ce fait, à solliciter que la rupture s'analyse en une rupture sans cause réelle et sérieuse;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la rupture du contrat de cogérance est dépourvue d'une cause valable pour faute lourde;

constater que la matérialité des faits est prouvée par les documents fournis;

dire que la résiliation du contrat a été prononcée à juste titre du fait du non-respect par les cogérants d'une obligation essentielle du contrat;

débouter les cogérants des demandes de condamnation au titre de la rupture du contrat;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à:

'M. Jean-François X... la somme de 2843,79€ à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 284,37€ à titre d'incidence congés payés sur préavis;

'Mme Valérie X... la somme de 3539,08€ à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 353,90€ à titre d'incidence congés payés sur préavis;

'M. Jean-François X... la somme de 1801,06€ à titre d'indemnité de résiliation;

'Mme Valérie X... la somme de 2241,42€ à titre d'indemnité de résiliation;

'M. Jean-François X... la somme de 15000€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et sans cause réelle et sérieuse;

'Mme Valérie X... la somme de 15000€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et sans cause réelle et sérieuse;

débouter les cogérants des demandes formulées de ce chef;

dire qu'elle n'a manifesté aucun acte de déloyauté dans l'exécution du contrat de cogérance;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit sans aucun élément de preuve qu'elle a systématiquement procédé à des retenues illicites en compensant le montant du déficit d'inventaire avec les commissions des cogérants;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à rembourser à titre de retenues illégales sur commissions pour la période de janvier 2009 à février 2011 à:

'M. Jean-François X... la somme de 3767,56€;

'Mme Valérie X... la somme de 3392,26€;

débouter les cogérants des demandes formulées de ce chef;

dire qu'elle a respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives au statut de cogérant mandataire non-salarié;

dire qu'elle a exécuté de bonne foi le contrat de cogérance mandataire non-salarié liant les parties;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit sans aucun élément de preuve que les cogérants n'ont pas bénéficié, depuis 2006, de l'indépendance dans la gestion d'une succursale malgré leur qualité de cogérants mandataires intérimaires;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à chacun des cogérants la somme de 5000€:

dire que les cogérants devront être déboutés de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle la clause de non-rétablissement;

débouter les cogérants de la demande tendant à voir déclarer nulle la clause de non-rétablissement existant au contrat de cogérance;

constater qu'elle a valablement dénoncé aux cogérants, par courrier du 11 février 2011, la clause de non-rétablissement prévue au contrat de cogérance;

constater que les cogérants n'ont jamais été contraints de limiter leurs activités professionnelles après la rupture du contrat de cogérance;

dire que les cogérants ne justifient pas d'un préjudice du fait de la clause de non-rétablissement existant au contrat de cogérance;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la stipulation d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice aux gérants et ce même si la société de distribution a renoncé à s'en prévaloir;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence à:

'M. Jean-François X... la somme de 16892,05€;

'Mme Valérie X... la somme de 21022,20€;

débouter les cogérants de ce chef de demande comme non-fondé;

débouter les cogérants de la demande de condamnation à leur remettre sous astreinte de 100€ par jour de retard les documents suivants:

'bulletins de commissions rectifiés;

'attestation Pôle Emploi rectifiée;

débouter les cogérants de l'ensemble des demandes liées à la rupture du contrat de cogérance comme non-fondées;

condamner solidairement les cogérants à lui payer la somme de 2500€ au titre des frais irrépétibles;

condamner solidairement les cogérants aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Jacques Z..., Avocat qui y a pourvu sur son affirmation de droit.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles M.Jean-François X... et Mme Valérie Y... épouse X... demandent à la cour de:

statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel;

débouter la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de l'ensemble de ses demandes;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception des montants alloués au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive et sans cause réelle et sérieuse et au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat;

dire la rupture du contrat de cogérance les liant à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE dépourvue de cause réelle et sérieuse en raison de la prescription des faits fautifs allégués;

dire qu'aucune faute grave et a fortiori lourde n'a été commise par eux;

dire la rupture du contrat de cogérance dépourvu de cause réelle et sérieuse;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à M. Jean-François X... les sommes suivantes:

' 2843,79€ à titre d'indemnité de préavis;

' 284,37€ au titre des congés payés y afférents;

' 1801,06€ à titre d'indemnité de résiliation du contrat;

'18000,00€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et sans cause réelle et sérieuse;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme Valérie Y... épouse X... les sommes suivantes:

' 3539,08€ à titre d'indemnité de préavis;

' 353,90€ au titre des congés payés y afférents;

' 2241,42€ à titre d'indemnité de résiliation du contrat;

'18000,00€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et sans cause réelle et sérieuse;

constater la déloyauté de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE dans l'exécution du contrat;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à M. Jean-François X... la somme de 3767,56€ au titre du remboursement des retenues illégales sur commissions pour la période de janvier 2009 à février 2011;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme Valérie Y... épouse X... la somme de 3392,26€ au titre du remboursement des retenues illégales sur commissions pour la période de janvier 2009 à février 2011;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à M. Jean-François X... la somme de 10000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme Valérie Y... épouse X... la somme de 10000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat;

constater que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de cogérance conclu entre les parties le 21 février 2006 ne comporte pas de contrepartie financière;

dire en conséquence cette clause de non-concurrence nulle;

constater qu'ils respectent ladite clause de non-concurrence;

dire que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne pouvait pas renoncer à l'application de la clause de non-concurrence sans leur accord;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à M. Jean-François X... la somme de 16892,05€ à titre de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence illicite qu'il respecte;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à Mme Valérie Y... épouse X... la somme de 21022,20€ à titre de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence illicite qu'elle respecte;

dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, majorés des intérêts à compter d'octobre 2011 s'agissant des remboursements de retenues illégales sur commissions et de toutes les sommes à caractère salarial susmentionnées, à savoir, préavis, indemnité de résiliation, indemnité de congés payés;

ordonner la capitalisation des intérêts;

enjoindre la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, sous astreinte de 100€ par jour de retard et par document à compter de la notification de l'arrêt d'avoir à leur établir les documents rectifiés suivants: bulletins de commission, attestation Pôle Emploi;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à leur verser la somme de 3000€ chacun au titre des frais irrépétibles;

condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens tant de première instance que d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

1/ Sur l'application du droit du travail aux gérants mandataires non-salariés

L'article L. 7322-1 du code du travail dispose que:

«Les dispositions du chapitre Ier sont applicables aux gérants non salariés définis à l'article L. 7322-2, sous réserve des dispositions du présent chapitre.

L'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord.

Dans tous les cas, les gérants non salariés bénéficient des avantages légaux accordés aux salariés en matière de congés payés.

Par dérogation aux dispositions des articles L. 3141-1 et suivants relatives aux congés payés, l'attribution d'un congé payé peut, en cas d'accord entre les parties, être remplacée par le versement d'une indemnité d'un montant égal au douzième des rémunérations perçues pendant la période de référence.

Les obligations légales à la charge de l'employeur incombent à l'entreprise propriétaire de la succursale.»

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE soutient que seules doivent s'appliquer au contrat de cogérance les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, aux repos, aux congés, et, sous condition, à la santé et à la sécurité au travail.

Mais il résulte pourtant de l'article précité que les dispositions du code du travail bénéficiant aux salariés s'appliquent en principe aux gérants non-salariés de succursales de commerce de détail alimentaire.

2/ Sur les retenues

M. Jean-François X... sollicite la somme de 3767,56€ au titre du remboursement des retenues illégales sur commissions pour la période de janvier 2009 à février2011 et Mme Valérie X... la somme de 3392,26€ au même titre.

Les cogérants se plaignent de retenues intitulées «retenue bonification» faisant valoir qu'ils avaient bien droit à la bonification de 0,35% du chiffre d'affaires réalisé au cours des 12mois précédant le versement dès lors qu'ils bénéficiaient d'une ancienneté de 6 mois dans la fonction et qu'ils étaient en activité au 30 novembre de l'année en cours conformément aux conditions de l'article 6 de l'accord collectif national et de l'article 1-E de l'avenant à leur contrat de cogérance, et que pourtant la maison de commerce a retenu 77% du montant versé.

L'appelante répond que les intimés font une mauvaise appréciation de notion de retenue et que la bonification fait l'objet en décembre de chaque année d'un virement distinct de celui des commissions et encore que le montant est réintégré en brut sur le bulletin de décembre et retenu comme un acompte en bas du bulletin pour le montant viré.

La cour retient que l'appelante ne produit pas d'élément attestant des virements distincts dont elle se prévaut et qu'elle n'explique pas même pourquoi, si de tels virements étaient bien intervenus, 33% des bonifications étaient versées avec les commissions.

Les cogérants incriminent encore des retenues intitulées «retenue avance paie négative», «retenue congés payés + ancienneté» et «vir. com. inv. au cte genr. depot.». L'appelante ne justifie nullement ces retenues et ne les explique pas même.

En conséquence, il sera alloué de ce chef aux cogérants les sommes par eux sollicitées.

3/ Sur l'exécution déloyale du contrat de cogérance

Les cogérants reprochent à l'appelante de leur avoir confié entre 2007 et 2011 des établissements de plus en plus modestes dont le chiffre d'affaires a diminué de 61,7% sur la période précitée.

Mais il n'apparaît pas que l'appelante s'était engagée contractuellement à maintenir un chiffre d'affaires minimum ni que la bonne foi qui doit présider à l'exécution des contrats commande le maintien d'un volume d'affaires constant tout au long de la relation contractuelle. Dans le cas d'espèce, un chiffre d'affaires moindre rend compte d'une activité commerciale plus modeste et rien n'indique que les cogérants désiraient le maintien de l'activité très importante que leur imposaient les premiers remplacements. En particulier, ils n'ont jamais fait valoir ce souhait auprès de la maison de commerce alors qu'au contraire ils expliquent que la cadence et la surcharge de travail ont entraîné leur maladie du 9 au 29 novembre 2010.

Les cogérants reprochent encore à l'appelante de les avoir soumis contre leur statut et leur contrat à une véritable relation salariale subordonnée les privant de leur liberté ainsi que leur indépendance, dès lors qu'ils n'effectuaient que des remplacements de courte durée ce qui les contraignait à respecter les pratiques des cogérants qu'ils remplaçaient notamment en termes d'horaires d'ouverture et de recrutement.

Mais la cour retient que les intimés ne sollicitent pas la requalification de leur contrat de cogérants en contrat de travail mais revendiquent au contraire l'application du statut de mandataire non-salarié. Les limitations à leur liberté et à leur indépendance qu'ils invoquent apparaissent bien réelles et, si elles sont de nature à nourrir un débat en requalification, lequel n'est pas conduit en l'espèce, elles n'apparaissent nullement fautive de la part de l'appelante dès lors que ces limitations sont consubstantielles aux fonctions de cogérant intérimaire dont les intimés n'ignoraient rien, ayant déjà une expérience de cogérant au temps de la conclusion de leur contrat de cogérants intérimaires. Ainsi, il n'apparaît pas que l'appelante ait exécuté de façon déloyale le contrat de cogérance et les cogérants seront déboutés de ce chef.

4/ Sur la rupture du contrat de cogérance

Les cogérants soutiennent que les faits des 26 mars, 24 septembre, 1er octobre et 29octobre sont prescrits. Mais ils ont effectué la déclaration incriminée le 3 décembre 2010 alors que la procédure de rupture a été engagée dans un court délai, l'entretien préalable ayant été tenu le 14 janvier 2011. L'appelante n'avait préalablement au 3 décembre 2010 aucune raison de douter des comptes qui lui étaient adressés et ce ne sont que les vérifications qu'elle a entreprises après la déclaration du 3décembre 2010 qui ont révélé les anomalies reprochées. En conséquence, ces anomalies ne sont pas prescrites et leur invocation n'est pas tardive.

L'article 16 du contrat de cogérance stipule que toute infraction à la convention constitue, de convention expresse, une faute lourde puis il liste une série de motifs de rupture du contrat.

Les cogérants déduisent de cet article que le contrat ne peut être rompu qu'en cas de faute lourde au sens du droit du travail, c'est-à-dire comportant une intention de nuire alors que l'appelante y lit une qualification contractuelle de la faute.

La cour retient que l'article précité n'a pas une telle portée et qu'il se contente de détailler des exemples de cause de rupture du contrat de cogérance, laquelle rupture se trouve soumise au droit commun du licenciement. En l'espèce, il convient donc de retenir que l'employeur reproche aux cogérants une faute grave au sens du droit du travail dès lors qu'il les a privés de leur préavis.

Les cogérants ne contestent pas les changements de prix concernant à chaque fois mille articles qui n'existaient pas, ni que cette man'uvre leur ait bénéficié, mais ils soutiennent ne pas en être les auteurs expliquant qu'il s'agit de simples transmissions informatiques qui pouvaient être réalisées par un grand nombre de personnes possédant un certain code, dit géocode, qui était donné à tous les cogérants intérimaires et au service commercial.

La cour retient que les cogérants établissent par constat d'huissier du 1er septembre 2011 ainsi que par la production de la liste des «géocodes» que la manipulation qui leur est reprochée pouvait être effectuée par un tiers. En conséquence, la fraude dénoncée par l'employeur ne peut leur être imputée, faute de certitude sur l'identité de l'auteur des opérations informatiques. Par contre, les cogérants sont tenus d'une obligation de vérification de leurs comptes et ainsi il leur appartenait de vérifier les soldes des relevés des débits et crédits, dit RDDC, qui se sont trouvés significativement affectés par les opérations frauduleuses suivantes:

1258,01€ le 26 mars 2010;

300,00€ le 24 septembre 2010;

1010,00€ le 1er octobre 2010;

2371,25€ le 29 octobre 2010;

1600,00€ le 22 décembre 2010;

630,00€ le 8 janvier 2011.

La répétition de la négligence ainsi que les montants en cause rendaient impossible le maintien des cogérants à leur poste, durant même le préavis. En conséquence, la rupture du contrat de cogérance repose bien sur une faute grave et les cogérants seront dès lors déboutés de leurs demandes concernant l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de résiliation ainsi que des dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse.

5/ Sur la clause de non-rétablissement

En application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L. 7322-1 du code du travail, une clause de non-concurrence introduite dans le contrat d'un cogérant non-salarié de succursale de maison d'alimentation de détail n'est licite que si elle comporte l'obligation pour la société de distribution de verser au gérant une contrepartie financière.

L'article 18 du contrat de cogérance dispose que:

«En cas de résiliation pour une cause quelconque, les cogérants s'interdisent de s'établir, soit ensemble, soit séparément, durant une période de trois années et dans le rayon ci-dessous précisé de l'établissement qu'ils quittent:

1km pour les villes de 10000 habitants et plus,

2km pour les villes de moins de 10000 habitants,

3km pour les «Petit Casino» avec tournées à domicile.

Ils s'interdisent de même toute concurrence directe ou indirecte à DISTRIBUTION CASINO FRANCE durant la même période et dans le même rayon que ci-dessus:

soit en participant d'une manière quelconque à l'exploitation d'un commerce analogue,

soit en sollicitant ou faisant solliciter la clientèle,

soit sous toute autre forme que ce soit, même en prêtant leur concours à une société non-commerciale qui répartirait des produits analogues à ceux vendus,

soit, d'une manière générale, sur la vente ou la distribution au détail des articles faisant l'objet du commerce de l'entreprise, à l'exclusion toutefois du cas où le gérant occuperait les fonctions de simple vendeurs chez un spécialiste.»

L'article 19 du même acte prévoit une sanction pécuniaire au bénéfice de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE si le cogérant ne respecte pas la clause de non-concurrence mais aucune contrepartie au bénéfice du cogérant qui la respecte.

Les cogérants demandent à la cour de constater que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de cogérance ne comporte pas de contrepartie financière, qu'en conséquence elle est nulle, de constater aussi qu'ils l'ont respectée, que l'appelante ne pouvait renoncer à son application sans leur accord et en conséquence d'allouer à M. Jean-François X... la somme de 16892,05€ et à Mme Valérie Y... épouse X... celle de 21022,20€ à titre de dommages et intérêts, soit 33% de la moyenne des commissions bruts perçues sur 12 mois pendant 3 ans.

La cour retient que la clause de non-rétablissement est nulle faute de contrepartie financière, qu'aucune clause du contrat n'autorisait une partie à y renoncer et que c'est donc en vain que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a cru pouvoir renoncer à la clause de non-concurrence.

Compte tenu de la renonciation à la clause, le préjudice des cogérants se trouve limité et il ne consiste plus qu'en la limitation de leur liberté de rompre leur contrat durant tout le temps de son exécution par crainte d'avoir à supporter l'interdiction de rétablissement. Dès lors, compte tenu de la portée de cette interdiction et de la durée d'exécution du contrat, le préjudice sera entièrement réparé par l'allocation de sommes équivalentes à 1/10ème des commissions sur la période de 3 ans, soit pour M. Jean-François X... la somme de 1421,89€ x 1/10 x 36 mois = 5118,80€ et pour Mme Valérie Y... épouse X... celle de 1769,54€ x 1/10 x 36 mois = 6370,34€ à titre de dommages et intérêts.

6/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre de rappel de commissions produiront intérêts au taux légal à compter du 1erdécembre 2011, date du bureau de conciliation, celle de la réception par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de sa convocation devant ce dernier n'étant pas connue de la cour.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de du 22 octobre 2015, date du jugement entrepris.

Les intérêts seront capitalisés pour autant qu'ils sont dus pour une année entière.

L'appelante remettra aux cogérants des bulletins de commissions et une attestation Pôle Emploi régularisés sans qu'il soit besoin de prononcer une mesure d'astreinte.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles d'appel qu'elles ont exposés. Dès lors, elles seront déboutées de leurs demandes formées à hauteur d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare l'appel recevable.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a:

dit que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de cogérance est nulle;

condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à M. Jean-François X... les sommes suivantes:

'3767,56€ à titre de remboursement des retenues illégales sur commissions pour la période de janvier 2009 à février 2011;

'1500,00€ au titre des frais irrépétibles;

condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme Valérie Y... épouse X... les sommes suivantes:

'3392,26€ à titre de remboursement des retenues illégales sur commissions pour la période de janvier 2009 à février 2011;

'1500,00€ au titre des frais irrépétibles;

dit que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement;

ordonné la capitalisation des intérêts;

condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Dit que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a exécuté de manière loyale le contrat de cogérance.

Dit que la rupture du contrat de cogérance est fondée sur une faute grave.

Condamne la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à M. Jean-François X... la somme de 5118,80€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la clause nulle de non-rétablissement.

Condamne la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme Valérie Y... épouse X... la somme de 6370,34€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice cause par la clause nulle de non-rétablissement.

Dit que les sommes allouées à titre de rappel de commissions produiront intérêts au taux légal à compter du 1erdécembre 2011.

Dit que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE remettra à M. Jean-François X... et à Mme Valérie Y... épouse X... des bulletins de commissions et une attestation Pôle Emploi régularisés.

Déboute les parties de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles d'appel.

Condamne la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/21146
Date de la décision : 01/08/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°15/21146 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-08-01;15.21146 ?
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