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06/07/2018 | FRANCE | N°15/18983

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 06 juillet 2018, 15/18983


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2018



N°2018/





Rôle N° N° RG 15/18983 - N° Portalis DBVB-V-B67-5SJU







Pierre D...





C/





Charles F...











Grosse délivrée le :



06 Juillet 2018



à :







Me Antoine X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Me Christine Y..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section I - en date du 04 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/1174.





APPELANT



Monsieur Pierre D..., demeurant [...]



représ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2018

N°2018/

Rôle N° N° RG 15/18983 - N° Portalis DBVB-V-B67-5SJU

Pierre D...

C/

Charles F...

Grosse délivrée le :

06 Juillet 2018

à :

Me Antoine X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Christine Y..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section I - en date du 04 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/1174.

APPELANT

Monsieur Pierre D..., demeurant [...]

représenté par Me Antoine X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc Z..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Maître Charles F... liquidateur amiablede la SAS AZUR RENOVATION DECORATION BÂTIMENT, demeurant [...]

représenté par Me Christine Y..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2018

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS AZUR RÉNOVATION DÉCORATION BÂTIMENT a embauché M. Pierre D... suivant contrat de travail à durée indéterminée du 10 octobre 1996, en qualité d'ouvrier d'exécution, niveau 1, position 1, coefficient 150.

Le salarié a été placé en arrêt maladie du 1er octobre 2010 au 25 octobre 2011. Au terme de la seconde visite médicale de reprise il a été déclaré inapte à son poste mais apte à un poste en équipe sous réserve du respect des restrictions médicales ou à un poste de type surveillance de chantiers ou réalisation de devis.

Le salarié a été reconnu travailleur handicapé le 29 novembre 2011.

Le 14 décembre 2011, l'employeur a proposé au salarié un reclassement en qualité de maître ouvrier, chef d'équipe, que ce dernier a accepté le jour même.

Par avenant du 2 janvier 2012, le salarié a donc été promu chef d'équipe, coefficient 270, position 2. Par visite médicale du 29 février 2012, il a été déclaré apte à ce poste avec restriction.

Mais estimant que le salarié ne donnait pas satisfaction, l'employeur lui a proposé le 13juillet 2012 une rupture conventionnelle contre une indemnité 20000€, rupture que le salarié a refusée.

À compter du 10 septembre 2012, l'employeur a estimé n'avoir plus de chantier à proposer au salarié qui fût compatible avec ses restrictions médicales. Il lui a indiqué de rester à son domicile et a continué de le rémunérer. L'employeur a confié une nouvelle mission au salarié par courriel du 12 décembre 2012.

Le salarié a été placé en arrêt maladie du 28 décembre 2012 au 5 novembre 2013 en raison d'un syndrome anxio-dépressif. À la suite d'une première visite médicale de reprise tenue le 6 novembre 2013, le salarié a été déclaré inapte à son poste et à revoir en deuxième visite. Le médecin du travail a écrit à l'employeur le 22 novembre 2013 dans les termes suivants: «J'ai vu ce jour en 2e visite médicale M. D... G..., né le [...], employé comme chef d'équipe au sein de votre entreprise. Je le déclare inapte à son poste de travail et vous sollicite dans une démarche de reclassement. Ce salarié ne peut plus effectuer:

'de manutention de charges lourdes et d'efforts physiques répétés,

'de montées / descentes itératives d'escaliers et d'échafaudages,

'de travaux prolongés en hauteur,

'de travaux nécessitant le maintien du bras D en élévation (au-dessus du plan des épaules).

'Pas de poste à responsabilité.

Je reste à votre disposition pour toute proposition de poste, sous réserve d(une étude de ce poste et d'une validation après une nouvelle visite médicale.»

Le salarié a été licencié pour inaptitude suivant lettre du 20 décembre 2013 ainsi rédigée: «Suite à notre rencontre lors de votre convocation en notre siège le 17 décembre 2013, pour un entretien préalable, nous sommes au regret de vous informer que nous devons procéder à votre licenciement suite à la déclaration d'inaptitude définitive. Cette déclaration a été faite le 22 novembre 2013, par votre médecin du travail, le docteur H.... Il nous est malheureusement impossible de vous proposer un reclassement à poste compatible avec votre inaptitude définitive. C'est pourquoi nous sommes contraints de procéder à votre licenciement sans préavis. Votre licenciement prendra donc effet à la présentation de la présente lettre recommandée avec accusé de réception. Vous percevrez le solde des sommes qui vous sont éventuellement dues au titre de l'exécution du contrat de travail et notamment les congés payés, votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC seront disponibles dans les plus brefs délais en nos bureaux. Nous vous informons que vous bénéficiez d'un droit individuel à la formation (DIF) pour une durée de 120 heures pour une valeur unitaire de 9,15€ soit un montant total de 1098€, sous réserve d'en formuler la demande. Vous pouvez également demander à bénéficier d'un bilan de compétences, d'une validation de vos acquis, ou d'une formation. À défaut d'une telle demande, vos droits pourront être transférés de plein droit vers votre nouvel employeur ou le Pôle Emploi, sous réserve des conditions de prise en charge.»

Contestant son licenciement, M. Pierre D... a saisi le 7 juillet 2014 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section industrie, lequel, par jugement rendu le 4septembre 2015, a:

dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse;

condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes:

'6463,38€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

' 646,00€ au titre des congés payés y afférents;

'1000,00€ au titre des frais irrépétibles;

débouté le salarié de ses autres demandes;

condamné l'employeur aux dépens.

Cette décision a été notifiée le 15 octobre 2015 à M. Pierre D... qui en a interjeté appel suivant déclaration du 21 octobre 2015.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. Pierre D... demande à la cour de:

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes:

'6463,38€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis spécial, en application des dispositions de l'article L. 5213-9 du code du travail;

' 646,00€ au titre des congés payés y afférents;

'1000,00€ au titre des frais irrépétibles;

l'infirmer pour le surplus;

enjoindre à l'employeur d'avoir à produire les pièces en son exclusive possession permettant de reconstituer les déplacements effectués par le salarié selon les chantiers d'affectation qui lui étaient assignés;

réserver ses droits au titre du rappel d'indemnité conventionnelle de trajet dans l'attente de la communication par l'employeur des déplacements effectués durant la période non-prescrite;

dire fautive l'exécution du contrat de travail par l'employeur;

dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes:

'10000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail;

'35000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail;

' 1500€ au titre des frais irrépétibles;

condamner l'employeur aux intérêts légaux avec capitalisation;

condamner l'employeur aux dépens.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles Maître Charles F..., en qualité de liquidateur amiable de SAS AZUR RÉNOVATION DÉCORATION BÂTIMENT, demande à la cour de:

lui donner acte de son intervention volontaire;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre du licenciement dont la cause réelle et sérieuse est avérée;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 6463,38€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis spécial, au visa des dispositions de l'article L. 5213-9 du code du travail, outre celle de 646€ à titre d'incidence congés payés;

constater que l'employeur a bien tenté de procéder au reclassement du salarié;

constater que la procédure de licenciement pour inaptitude définitive sans possibilité de reclassement est régulière et fondée;

dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse;

constater que les demandes du salarié sont irrecevables ou infondées;

débouter le salarié de toutes ses demandes;

condamner le salarié au remboursement de la somme perçue au titre de l'exécution provisoire, soit 6538,35€ outre les charges assumées par l'employeur 5338,11€ outre 1000€ au titre des frais irrépétibles;

condamner le salarié au paiement de la somme de 3000€ par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile tel que modifié par le décret n° 2013-1280 du 29 décembre 2013 au titre de la procédure de première instance et d'appel;

condamner le salarié aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

1/ Sur l'indemnité conventionnelle de trajet

Le salarié demande à la cour d'enjoindre l'employeur de produire les pièces en son exclusive possession permettant de reconstituer les déplacements effectués selon les chantiers d'affectation qui lui étaient assignés et de réserver ses droits au titre du rappel d'indemnité conventionnelle de trajet dans l'attente de la communication par l'employeur des déplacements effectués durant la période non-prescrite.

Mais l'employeur justifie de ce que le salarié disposait d'un véhicule de service pour se rendre sur les chantiers par la production tant d'une lettre de mise à disposition de 2003 signée par le salarié que par une note de service de 2010 dans le même sens. L'employeur précise qu'il n'y a que durant son dernier mois de travail effectif, en août 2012, que le salarié n'a pas bénéficié d'un véhicule de service, car il habitait à côté du chantier et n'avait pas besoin de se rendre dans les locaux de l'entreprise.

Le salarié ne forme aucune contestation des explications produites par l'employeur et il sera dès lors débouté de ce chef de demande.

2/ Sur l'exécution du contrat de travail

Le salarié reproche à l'employeur de ne pas lui avoir procuré de travail du 10 septembre au 12 décembre 2012 pour finalement l'affecter sur le chantier géré par une autre société qui ne garantissait pas ses conditions de travail, ce qui l'aurait plongé dans le syndrome anxio-dépressif qui a justifié son arrêt de travail du 28 décembre 2012 au 5 novembre 2013.

L'employeur répond qu'il a reçu fin août 2012 un courrier de M. A..., conducteur de travaux en charge de superviser le salarié, se plaignant de son comportement et demandant à ne plus l'avoir au sein de son équipe dans les termes suivants: «Je viens vous faire part de mes difficultés à travailler avec M. D... depuis son affectation dans mon équipe, en février 2012. Non seulement son comportement quotidien est exécrable avec tous les gens qui l'entourent, mais je mets sérieusement en doute ses compétences et ses motivations professionnelles. Je ne me suis pas manifesté plus tôt, car la rumeur de son départ circulait dans l'entreprise. Mais il semblerait que ce ne soit plus le cas et donc je me permets de solliciter de votre bienveillance la possibilité qu'il ne fasse plus partie de mon équipe. Voici quelques anecdotes qui me poussent dans cette démarche: L'attitude générale de Pierre est irrespectueuse tant envers moi, qu'envers les sous-traitants, les clients ou les locataires. Outre le fait d'omettre quasi systématiquement de saluer son interlocuteur, il donne ses ordres sans la moindre aménité. Dernièrement, au chantier LES HERMES à Vitrolles, un locataire a mit plus de temps qu'il ne lui aurait semblé nécessaire pour répondre à son coup de sonnette. Il a donc commencé à tambouriner sur sa porte pour que le locataire accélère. Pas de chance, M. et Mme B... étaient en train de s'occuper de leur fils handicapé, mais ils n'ont pas eu droit à la moindre excuse, marque de politesse ou de compassion. Le responsable de l'agence PAYS D'AIX HABITAT me confiait qu'il faisait tout son possible pour éviter Pierre, tant il l'importune à chaque rencontre. Ses services ont organisé des jours de réception pour gérer les dossiers administratifs de leurs prestataires. Malgré le fait que nous lui ayons communiqué et rappelé moult fois ces consignes, et sans qu'il y ait une urgence particulière, il se rend quand bon lui semble dans leurs bureaux, dérange le personnel dans son travail, néglige le sien et refuse de partir tant qu'il n'a pas gain de cause. Bien qu'il ait les plus grandes difficultés à me faire remonter des informations sur les chantiers, tant en vitesse qu'en pertinence, il prend le temps de gérer les autres corps de métier. Ainsi, une fuite sur un bac à douche a inondé l'appartement du dessous. Pierre n'a pas hésité à gérer un secteur hors de ses compétences et hors du mandat d'ARDB. Il a contacté directement le siège de l'entreprise de plomberie qui travaille en parallèle sur le chantier avec nous, alors que ses équipes étaient encore sur site. Bien entendu, l'ambiance entre nos deux entreprises s'est fortement dégradée. Il serait peut-être possible de passer outre ce genre de comportement s'il était capable de juger de l'état d'avancement du chantier ou de sa qualité d'exécution. Encore ce lundi 20 août, à mon retour de vacances, il me rapporte que l'état du chantier LES HERMES est catastrophique. Je modifie en urgence mon emploi du temps pour corriger les dérives décrites. Tout a été résolu sans la moindre difficulté, et aurait pu l'être par Pierre lui-même tout aussi aisément. Mais il a les plus grandes difficultés à juger le seuil de l'acceptable. Ainsi, il refusait la réception du logement DA SYLVA chez PAYS D'AIX HABITAT à notre sous-traitant pour un travail mal fait selon lui. J'ai été obligé de reprendre le dossier, de valider le travail tout à fait correct (qui a été également accepté par le client), et de gérer la tension qui s'est installée entre les deux entreprises. De la même façon, sur le chantier LES HERMES, Pierre a négligé de remettre le badge d'ouverture de la porte au sous-traitant MILOUD malgré mes consignes, ce qui a entravé son approvisionnement du chantier. Egalement et malgré des consignes expresses, Pierre a négligé de contrôler le stock de faïences de salles de bain avant de passer une commande pour les 17 logements restants. De ce fait, il nous reste 15 cartons soit environ 20m² qui vont être jetés malgré tous mes efforts pour approvisionner au plus juste les chantiers. Au niveau administratif, j'avais pris le soin, dès son arrivée, de lui faciliter la tâche en répertoriant la liste des pièces et le processus à suivre pour la transmission des dossiers à la facturation. J'ai même pris le soin de l'afficher dans le bureau. Ça n'a jamais été respecté malgré toutes mes remarques! Il y a toujours une étape omise, ou incomplète, ce qui me contraint à reprendre systématiquement tous les dossiers dans le détail pour éviter de déranger et surcharger inutilement les comptables, à la recherche de pièces justificatives manquantes. Ces récits ne sont que quelques exemples d'une attitude générale qui font que je suis trop fréquemment dérangé par les appels inutiles de Pierre, et que je suis contraint de gérer, outre ses incompétences, les tensions qu'il génère avec les clients, les locataires et les fournisseurs. Tout ceci fini par me retarder également, car il m'apporte plus de travail que d'aide. C'est pourquoi je souhaiterais qu'il ne fasse plus partie de mon équipe. Je vous remercie d'avoir pris le temps de me lire et espère vivement que vous pourrez m'apporter une aide dans le travail que vous avez bien voulu me confier.» L'employeur produit encore un courriel de réclamation de M.C..., responsable chez PAYS AIX HABITAT. Il fait valoir qu'il a ainsi été contraint d'arrêter la mission du salarié auprès de PAYS AIX HABITAT et LOGIS MÉDITERRANÉENNE pour ne pas risquer de perdre les marchés importants obtenus auprès de ces organismes publics du fait de leur mécontentement.

La cour retient que l'employeur était contraint de laisser le salarié sans activité durant une période limitée en l'absence de chantier à lui confier tout en continuant à le rémunérer pleinement et qu'il n'apparaît nullement que le nouveau chantier proposé au salarié le 12décembre2012 n'ait pas respecté pas les restrictions médicales ou bien qu'il ait consisté en un prêt de main d''uvre illicite.

En conséquence, l'employeur n'a pas manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et le salarié sera débouté de sa demande formée de ce chef.

3/ Sur la cause du licenciement

Le salarié reproche à l'employeur de n'avoir pas recherché activement et sérieusement son reclassement au besoin par aménagement de son poste de travail.

L'employeur répond que les restrictions médicales tant physiques que psychologique, puisque le salarié était inapte à un poste à responsabilité, rendaient impossible son reclassement en interne et qu'il a sollicité sa maison-mère, JAV INVESTISSEMENT, laquelle a procédé de manière diligente à des recherches au sein des autres sociétés du groupe, lesquelles recherches se sont révélées négatives.

La cour retient que les compétences du salarié, passé d'ouvrier à maître ouvrier chef d'équipe déjà dans le cadre d'une démarche de reclassement, rendaient particulièrement difficile son reclassement dès lors qu'il était tout à la fois frappé de restrictions physiques importantes dans son domaine de compétence et de l'impossibilité d'exercer un poste à responsabilité. Pour autant, cette difficulté n'exonérait pas l'employeur d'une nouvelle recherche active, loyale et sérieuse de reclassement. S'il appartient normalement à l'employeur de solliciter lui-même les différentes sociétés du groupe auquel il appartient en vu du reclassement du salarié, le simple fait que la maison-mère du groupe se soit chargé de cette diligence n'apparaît pas fautif en lui-même. Par contre, l'employeur ne justifie pas du nombre et de l'identité des sociétés du groupe, et dès lors rien n'indique que chacune ait bien été contactée en vue d'une recherche de reclassement.

En conséquence, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Le salarié disposait d'une ancienneté de 17 ans au temps du licenciement, il était âgé de 51 ans, et il justifie de sa situation au regard de Pôle Emploi. En conséquence, il lui sera alloué une somme équivalente à 13 mois de salaire soit la somme de 13 x 2154,46€ = 28007,98€ à titre de dommages et intérêts.

4/ Sur l'indemnité compensatrice de préavis spécial

Le salarié sollicite la somme de 6463,38€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis spécial, en application des dispositions de l'article L. 5213-9 du code du travail outre celle de 646,00€ au titre des congés payés y afférents.

L'article L. 5213-9 du code du travail dispose qu'en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis. Mais ce texte, qui a pour but de doubler la durée du délai-congé en faveur des salariés handicapés, n'est pas applicable à cette indemnité compensatrice de préavis qui doit être versée par l'employeur au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi occupé précédemment et dont le contrat a été rompu.

En conséquence, le salarié, qui ne bénéficiait pas d'un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, sera débouté de ce chef de demande.

5/ Sur les autres demandes

La somme allouée à titre indemnitaire produira intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance soit le 4 septembre 2015.

Les intérêts seront capitalisés pour autant qu'ils sont dus pour une année entière.

Il convient d'allouer au salarié la somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris seulement en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

L'infirme pour le surplus.

Déboute M. Pierre D... de ses demandes de production de pièces, de sursis à statuer, d'indemnité compensatrice de préavis spécial et de dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail.

Dit que la SAS AZUR RÉNOVATION DÉCORATION BÂTIMENT a manqué à son obligation de rechercher le reclassement de M. Pierre D... et que dès lors le licenciement de ce dernier est dénué de cause réelle et sérieuse.

Condamne Maître Charles F..., en qualité de liquidateur amiable de SAS AZUR RÉNOVATION DÉCORATION BÂTIMENT, à payer à M. Pierre D... les sommes suivantes:

28007,98€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

1500,00€ au titre des frais irrépétibles d'appel.

Dit que la somme allouée à titre de dommages et intérêts produira intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2015.

Dit que les intérêts seront capitalisés pour autant qu'ils sont dus pour une année entière

Condamne Maître Charles F..., en qualité de liquidateur amiable de SAS AZUR RÉNOVATION DÉCORATION BÂTIMENT, aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/18983
Date de la décision : 06/07/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°15/18983 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-06;15.18983 ?
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