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05/07/2018 | FRANCE | N°16/14083

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 05 juillet 2018, 16/14083


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT

DU 05 JUILLET 2018



N° 2018/ 264













Rôle N° N° RG 16/14083 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7AWZ







Patrick X...

Elisabeth X...





C/



SA HSBC FRANCE





















Grosse délivrée

le :

à :



Y...

Z...













Décision déférée

à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 19 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00115.





APPELANTS



Monsieur Patrick X...

né le [...] à BOULOGNE BILLANCOURT (92), demeurant [...]

représenté par Me Virginie Y..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN, et assisté de Me Christophe MAIRET...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT

DU 05 JUILLET 2018

N° 2018/ 264

Rôle N° N° RG 16/14083 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7AWZ

Patrick X...

Elisabeth X...

C/

SA HSBC FRANCE

Grosse délivrée

le :

à :

Y...

Z...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 19 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00115.

APPELANTS

Monsieur Patrick X...

né le [...] à BOULOGNE BILLANCOURT (92), demeurant [...]

représenté par Me Virginie Y..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN, et assisté de Me Christophe MAIRET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Monsieur Elisabeth X...

né le [...] à METZ (57), demeurant [...]

représenté par Me Virginie Y..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN, et assistée de Me Christophe MAIRET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

SA HSBC France prise en la personne de ses représentants légaux, dont le siège est [...] 08

représentée par Me Cédric Z... de la SCP LECLERC Z... A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Mai 2018 en audience publique devant la cour composée de:

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

Madame Isabelle DEMARBAIX, Vice-président placé auprès du Premier Président

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2018,

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Cannes du 19 mai 2016 ayant notamment:

- débouté M. Patrick X... et Mme Elisabeth X... de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamnés à payer à la SA HSBC France la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans dépens ainsi qu'aux dépens ;

Vu la déclaration du 28 juillet par laquelle M. Patrick X... et Mme Elisabeth X... ont relevé appel de cette décision;

Vu les dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2016 aux termes desquelles M.Patrick X... et Mme Elisabeth X... demandent à la cour de :

- à titre principal, déclarer leur appel recevable et infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire et juger que le contrat de prêt ne respecte pas les articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation,

- prononcer la nullité du taux d'intérêt conventionnel et y substituer le taux d'intérêt légal en vigueur,

- condamner la SA HSBC à leur rembourser la différence entre le taux appliqué au contrat et celui au taux légal, soit la somme de 70.455,84 euros, ainsi que les intérêts indûment prélevés postérieurement au constat amiable dressé par l'expert,

- dire que la SA HSBC n'a pas respecté ses obligations d'information, de loyauté, d'honnêteté et de bonne foi à leur égard,

- condamner en conséquence la SA HSBC à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens,

- à titre subsidiaire, débouter la SA HSBC de toutes ses demandes indemnitaires reconventionnelles éventuelles ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2016 aux termes desquelles laSA HSBC demande à la cour :

- déclarer l'appel principal mal fondé et accueillir son appel incident,

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la somme de 4.600 euros aurait dû être pris en compte pour le calcul du taux effectif global, point sur lequel il est formé appel incident,

- débouter M. et Mme X... de leurs demandes,

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

SUR CE, LA COUR,

Attendu que le 4 octobre 2010, M. et Mme X... ont souscrit auprès de la SA HSBC

un prêt immobilier d'un montant de 550.000 euros, au taux de 3,3 % l'an, remboursable en 180 mensualités, destiné à l'acquisition d'un appartement à usage de résidence principale sis à Le Cannet (06) , pour lequel ils ont fait un apport personnel à hauteur de 125.000 euros ;

Que les époux X... ont soumis les conditions dans lesquelles avait été conclue cet emprunt à un expert, la société Global Finexpert, qui a conclu que l'offre de prêt n'était pas conforme aux dispositions du code de la consommation ;

Que par acte d'huissier du 28 avril 2015, les époux X... ont assigner la SA HSBC devant le tribunal de commerce de Cannes aux fins d'obtenir la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ;

Que par jugement du 19 mai 2016, le tribunal les a déboutés de leurs demandes ;

Sur la recevabilité de la demande en nullité de la stipulation d'intérêts:

Attendu que la SA HSBC soutient que la seule sanction de l'inexactitude contestée du taux effectif global serait la déchéance facultative des intérêts contractuels dans la proportion fixée par le juge, et non la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ;

Mais attendu que les dispositions d'ordre public qui fixent, à peine de déchéance du droit aux intérêts, les informations de nature précontractuelle qui doivent être communiquées dans une offre de prêt immobilier, n'ont ni pour objet, ni pour effet de déroger aux dispositions générales, également d'ordre public, qui obligent le prêteur, en vertu de la combinaison des articles 1907 alinéa 2, du code civil et L. 313-2, devenu l'article L. 314-5 du code de la consommation, à fixer par écrit le taux effectif global dans tout acte de prêt ; que cette dernière obligation est une condition de validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel qui ne supporte aucune exception quelle que soit la nature du prêt et la qualité de l'emprunteur ;

Que les actions en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et en déchéance du droit aux intérêts, qui reposent sur des fondements distincts et tendent à des sanctions différentes, ne sont pas exclusives l'une de l'autre ; que dans le premier cas, l'action tend à sanctionner la méconnaissance d'une condition de formation de la clause d'intérêts tandis que dans le second, elle sanctionne l'inexactitude d'une information précontractuelle due à l'emprunteur ;

Qu'en conséquence, les époux X... sont titulaires de ces deux actions, non exclusives l'une de l'autre ;

Qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la SA HSBC sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;

Sur l'omission des frais notariés de caution mutuel

Attendu qu'au titre des irrégularités, les époux X... soutiennent que le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt est erroné en ce qu'il n'intègre pas le coût des frais notariés ; qu'ils estiment que ces frais, bien qu'étrangers à une quelconque garantie du prêt, doivent être considérés comme directement lies à l'obtention du prêt ; qu'ils ajoutent que le coût de la société de caution mutuelle n'a pas davantage été inclus dans le calcul du taux effectif global;

Que la SA HSBC réplique qu'il s'agit d'un acte de prêt sous-seing privé pour lequel aucune inscription d'hypothèque n'a été prise en raison de la garantie du crédit logement ; qu'elle fait remarquer que les emprunteurs se réfèrent aux frais notariés liés à la vente, lesquels ne sont pas intégrés dans le calcul du taux effectif global ; que s'agissant des frais de participation au fonds mutuel de garantie, ceux-ci n'avaient pas à être inclus dans le calcul du taux querellé ;

Mais attendu que l'article L.313-1 alinéa 1er du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au jour du présent contrat, applicable tant au crédit à la consommation qu'au crédit immobilier, dispose :

« Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondant à des débours réels » ;

Que toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat;

Qu'en premier lieu, comme le relève à juste titre la SA HSBC, l'offre de prêt acceptée le 20 septembre 2010 n'a pas fait l'objet de la rédaction d'un acte notarié ; que les frais notariés auxquels se réfèrent les emprunteurs pour un montant total de 40.857,54 euros et figurant dans un décompte du 19 avril 2011 rédigé par le notaire, sont relatifs aux frais de l'acquisition immobilière et d'inscription d'une hypothèque de premier rang ; qu'à la lecture de l'offre, cette garantie n'était pas une condition d'octroi du prêt, lequel prévoit une garantie émanant de la société Crédit Logement d'un montant correspondant à celui de l'emprunt ainsi que le relèvent à juste titre les premiers juges ;

Que dès lors, les frais notariés d'un montant justifié de 40.857,54 euros, exclusivement liés à l'acquisition du bien immobilier, objet du financement querellé, n'avaient pas à être intégrés dans le calcul du taux effectif global ;

Qu'en second lieu, s'agissant de l'absence de prise en compte du coût de la garantie de la société Crédit Logement, il ressort de l'acte de cautionnement, comme de l'offre de prêt, que ces frais sont constitués d'une commission de 300 euros et d'une contribution initiale au fonds mutuel de garantie de 4600 euros ; que ces frais étaient donc déterminés au jour de l'offre;

Que la somme payée par l'emprunteur au titre de la constitution d'un fonds de garantie créé par une société de caution mutuelle pour garantir la bonne exécution du prêt, et dont le montant est déterminé lors de la conclusion du prêt comme c'est le cas en l'espèce, est imposée comme une condition d'octroi de celui-ci, de sorte qu'elle doit être prise en compte dans sa globalité pour le calcul du taux effectif global ;

Que c'est donc en vain que la SA HSBC soutient que les frais de participation de 4.600euros n'avaient pas à être intégrés au motif que cette contribution constituerait en fait un gage en espèces susceptible d'être restitué, en tout ou partie, au jour du remboursement du prêt;

Qu'en effet, il importe peu que ces frais restent ou non à la charge de l'emprunteur lors du dénouement de l'opération ;

Que le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que la somme de 4.600 euros aurait dû être prise en compte dans le calcul du taux effectif global;

Sur le caractère erroné du taux effectif global:

Attendu qu'à l'appui de leurs demandes de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et de dommages et intérêts, les époux X... produisent aux débats deux notes techniques, dont une réactualisée au 20 juin 2016, rédigées par la société Global Finexpert;

Que la SA HSBC relève que le taux effectif global de 4,139204 % revendiqué in fine par les emprunteurs, après intégration de la contribution initiale au fonds de garantie, et celui de 4,01% mentionné au contrat, représente une différence de 0,129204 % ;

Mais attendu que s'agissant d'un emprunt immobilier, l'article R. 313-1, dernier alinéa, du code de la consommation, dans sa version antérieure au décret n° 2011-135 du 11 février 2011, applicable au litige, dispose :

« Pour les opérations mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre que annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale » ;

Que l'annexe à cet article dispose, en son paragraphe d) :

« d) le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale.

Lorsque le chiffe est arrondi à une décimale particulière, la règle suivante est

d'application : si le chiffre de la décimale suivant cette décimale particulière est

supérieur ou égal à 5, le chiffre de cette décimale particulière sera augmenté de 1.»

Qu'en l'espèce, les emprunteurs produisent aux débats deux notes techniques rédigées à des dates différences par la société Global Finexpert ;

Que dans la première note du 7 janvier 2015, les premiers juges ont justement relevé que la société Global Finexpert avait calculé le taux effectif global qu'il fixait à 5,314022 %, en tenant en compte du coût de la garantie de la société Crédit Logement et des frais notariés, alors que ces derniers devaient être exclus du calcul du taux effectif global ;

Que dans la seconde note rédigée le 20 juin 2016, l'expert retient un taux effectif global réel de 4,139204 % et un taux de période de 0,344934 %, après avoir tenu compte de la commission de la société de caution mutuelle et de la contribution initiale au fonds de garantie (4.900euros) ainsi que des frais de dossier (250euros), soit une différence non contestée de 0,129204 % par rapport au taux effectif global de 4,01 % et au taux de période de 0,335000 % tels que mentionnés dans l'offre ;

Qu'arrondie à une décimale, cet expert conclut à l'existence d'une différence de 0,1 % entre le taux annuel réel et le taux annuel contractuel, soit un écart supérieur à la tolérance prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation ;

Qu'il convient, en conséquence, de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel du prêt, et d'y substituer les intérêts au taux légal et de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande ;

Qu'il y a lieu de condamner la SA HSBC à payer aux époux X... la somme de 70.455,84 euros correspondant au montant des intérêts indûment perçus, selon décompte arrêté le 20 juin 2016 ;

Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu que les époux X... sollicitent l'allocation de la somme de 5.000 euros pour manquement de l'établissement prêteur à ses obligations de loyauté, d'honnêteté, d'information et de bonne foi ;

Mais attendu que les époux X... ne rapportant pas la preuve d'un préjudice distinct de celui qui sera réparé par la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, d'où il suit qu'ils seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la SA HSBC qui succombe dans ses prétentions, doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;

Attendu que l'équité commande de ne pas faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

PRONONCE la nullité de la stipulation d'intérêt contenue dans l'offre préalable établie par la SA HSBC au profit des époux X... le 4 octobre 2010 ;

ORDONNE la substitution des intérêts au taux légal aux intérêts au taux conventionnel;

CONDAMNE la SA HSBC à payer aux époux X... la somme de 70.455,84 euros correspondant au montant des intérêts indûment perçus, selon décompte arrêté le 20 juin 2016 ;

REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA HSBC aux dépens de première instance et d'appel d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 16/14083
Date de la décision : 05/07/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°16/14083 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-05;16.14083 ?
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