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29/06/2018 | FRANCE | N°15/08448

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 29 juin 2018, 15/08448


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2018



N°2018/ 340















Rôle N° RG 15/08448



N° Portalis DBVB-V-B67-4YFQ







Katia X...





C/



SAS LAPP MULLER





















Grosse délivrée le :

29/06/2018

à :



Me Philippe Y..., avocat au barreau de GRASSE



Me Cyrille Z..., avocat

au barreau de SARREGUEMINES



Copie certifiée conforme délivrée le 29/06/2018



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section E - en date du 10 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/527.





APPELANTE



Madame Katia X...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2018

N°2018/ 340

Rôle N° RG 15/08448

N° Portalis DBVB-V-B67-4YFQ

Katia X...

C/

SAS LAPP MULLER

Grosse délivrée le :

29/06/2018

à :

Me Philippe Y..., avocat au barreau de GRASSE

Me Cyrille Z..., avocat au barreau de SARREGUEMINES

Copie certifiée conforme délivrée le 29/06/2018

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section E - en date du 10 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/527.

APPELANTE

Madame Katia X..., demeurant [...]

représentée par Me Philippe Y..., avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SAS LAPP MULLER, demeurant [...]

représentée par Me Cyrille Z..., avocat au barreau de SARREGUEMINES (BP 40133 12 rue Bellevue 57201 SARREGUEMINE) substitué par Me Anna A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 Mai 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Chantal BARON, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2018

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement du conseil des prud'hommes de Fréjus du 10 avril 2015, dont l'accusé de réception de la notification ne figure pas au dossier de la Cour, la juridiction a jugé qu'était fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par lettre du 20 juin 2013 par son employeur, la SAS Lapp Muller, à l'encontre de Katia X..., qui exerçait dans l'entreprise, par contrat à durée indéterminée conclu le 1er septembre 2008, et pour une rémunération mensuelle brute de 4000 euros, les fonctions de responsable des ressources humaines.

La décision a rejeté toutes les demandes en paiement présentées par Katia X....

Par acte du 29 avril 2015, dans le délai légal et par déclaration régulière en la forme, la salariée a régulièrement relevé appel total de la décision.

Katia X... soutient,

par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :

' que l'entreprise a connu un changement de direction par l'arrivée de M. B..., consultant libéral exerçant de façon intérimaire les fonctions de directeur général de l'entreprise, dont la mission était d'évincer un certain nombre de cadres de la SAS Lapp Muller, dont la salariée elle-même, ainsi qu'il est établi notamment par la production aux débats d'un document projetant l'élimination de 'sl'ancienne équipe',

' que Katia X... a subi un licenciement de fait, la décision de licencier étant prise dès avant l'engagement de la procédure de licenciement,

' qu'en toute hypothèse elle a été victime de différents agissements de l'employeur constituant harcèlement, établis par les attestations produites aux débats, ayant déterminé son inaptitude à l'issue de deux accidents du travail, et rendant nul le licenciement prononcé pour inaptitude le 20 juin 2013,

' qu'elle a en effet subi un premier accident du travail le 9 novembre 2011 ; qu'à son retour, le 2 mai 2012, son bureau avait disparu, et un autre bureau trois fois plus petit lui avait été attribué, avec un ordinateur sans accès à l'informatique et aucune fourniture de bureau ; que l'employeur a voulu, le même jour, la forcer à signer sa convocation médicale pour la visite de reprise à la médecine du travail en déclarant qu'il ne souhaitait pas la voir dans l'entreprise en attendant ; qu'après délivrance, le 3 mai de l'avis d'aptitude, l'employeur l'a convoquée le même jour à l'entretien préalable au licenciement, voulant de nouveau la forcer à signer la convocation, ce qui a déterminé un nouvel accident du travail, avec arrêt de travail jusqu'en février 2013 ; enfin qu'il a effectué, dès avant le licenciement, des recherches pour la remplacer,

' qu'elle a été déclarée inapte en une seule visite, le 1er mai 2013, par le médecin du travail, qui indique dans l'avis d'inaptitude la « nécessité de changement de contexte relationnel », et atteste en outre que l'inaptitude est en rapport direct avec le travail puisqu'elle fait suite à deux arrêts pour accident du travail,

' que l'état d'inaptitude qui a motivé son licenciement découle par conséquent des manquements contractuels commis par l'employeur, de ses manquements à son obligation de sécurité, enfin de ses agissements qualifiés de harcèlement, qui ont eu une répercussion considérable sur l'état de santé de la salariée,

' que les agissements de l'employeur sont en effet qualifiables de harcèlement, s'agissant d'un comportement répétitif dégradant les conditions de travail et portant atteinte notamment à la santé de la salariée, par la mise en place, par de méthodes de travail comportant des pressions continuelles,

' que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en s'abstenant de protéger la salariée des agissements de Monsieur B..., le licenciement étant ainsi nul,

' que l'employeur n'a pas loyalement rempli son obligation de recherche de reclassement, les recherches n'ayant pas été effectuées au niveau du groupe, constitué par 40 filiales,

' que Katia X... a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées, la convention de forfait de 215 jours ne pouvant lui être opposée,

' qu'il lui est dû en outre différentes sommes à titre de salaires, congés payés, heures supplémentaires, rappel de primes ci-dessous détaillées,

' sur l'exception d'incompétence soulevée par la SAS Lapp Muller, que le présent litige ne peut être considéré comme étant de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale, ainsi que le soutient l'employeur qui sollicite le renvoi de la cour devant cette juridiction pour connaître de la demande indemnitaire liée à la perte d'emploi,

' que les conséquences indemnitaires de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, de sa nullité, ou de l'absence par l'employeur de l'exécution de son obligation de recherche de reclassement, sont en effet de la compétence de la juridiction prud'homale.

La salariée demande à la Cour d'infirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions et de lui allouer en définitive paiement des sommes de :

-80'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement la même somme pour licenciement nul

-80'000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement,

-1284 € et 561 euros à titre d'indemnité de préavis,

-49'369,44 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

-74,63 euros représentant le rappel de salaires dus en raison de la mise à pied injustifiée,

-3880 euros représentant les congés payés sur les salaires dus pendant la mise à pied,

-6171 euros à titre de rappel de salaires,

-617 euros représentant le rappel de congés payés sur salaire,

-47'980 euros à titre d'heures supplémentaires,

-4798 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

-1250 euros à titre de primes,

-24'685 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé,

-1002 euros à titre de dommages-intérêts indemnisant la perte du droit individuel à formation,

outre 7000 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Katia X... sollicite encore la remise de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

La SAS Lapp Muller réplique,

par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :

' que la cour de céans, statuant en matière prud'homale, est incompétente pour connaître de la présente instance, s'agissant en réalité d'une demande d'indemnisation de la perte d'emploi consécutive à un accident du travail, litige de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale,

' subsidiairement, que la demande est irrecevable ; qu'en effet, la salariée aurait dû saisir la CPAM du Var d'une demande de conciliation, avant de porter l'affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale,

' qu'une procédure d'audit a été engagée dans l'entreprise, à compter de 2011, et confiée à M. B..., consultant libéral, le président allemand de la SAS Lapp Muller ayant été alerté par l'inspection du travail sur des agissements de harcèlement commis notamment par Katia X..., à l'encontre des salariés de l'entreprise,

' que la réalité de l'accident du travail prétendument subi par Katia X... le 9 novembre 2011 est sujette à caution, la déclaration à la caisse d'assurance-maladie n'en ayant été faite par la salariée qu'en avril 2012, et sans même en aviser l'employeur ; et la cour de céans, par arrêt du 25 octobre 2017, ayant déclaré cet accident du travail inopposable à l'employeur,

' qu'à compter du 14 novembre 2011, Katia X... s'est trouvée sans interruption, hormis les 2 et 3 mai 2012, en arrêt de travail, jusqu'à la déclaration d'inaptitude du 1er mars 2013, et ce à la grande satisfaction des salariés harcelés par elle,

' que l'accident du travail du 3 mai 2012 n'est pas davantage crédible, Katia X... ayant en fait mis en scène son malaise,

' que l'employeur a consulté les délégués du personnel le 29 avril 2013, qui ont constaté l'absence de solution de reclassement, et qu'il a régulièrement initié une procédure de licenciement bien fondée sur l'inaptitude de la salariée, après avoir loyalement effectué les recherches nécessaires pour une tentative de reclassement,

' que les attestations produites aux débats, non plus que les pièces médicales, n'établissent aucunement la réalité du harcèlement allégué, d'autant plus invraisemblable que Katia X... n'a travaillé avec M. B... que pendant une période fort brève, entre le 5 octobre 2011, date d'arrivée de celui-ci dans l'entreprise, et le 14 novembre 2011, date de l'arrêt de travail de la salariée ; que Katia X... avait été déclarée apte à la reprise le 2 mai 2012 ; qu'elle n'a repris son travail qu'une seule journée, et qu'il apparaît donc invraisemblable qu'elle ait pu être déclaré inapte en mars 2013 en raison de faits de harcèlement commis par l'employeur,

' que l'inspection du travail, par une lettre du 18 juin 2012, a rejeté la demande de Katia X..., tendant à la saisine du procureur de la République d'une infraction de harcèlement moral commise à son encontre,

' qu'aucune décision concernant un licenciement de fait n'avait été prise à l'encontre de la salariée,

' qu'une convention de forfait pour 215 jours de travail par an était conclue entre les parties, et que Katia X... ne justifie pas d'heures de travail supplémentaires, qui seraient au demeurant prescrites pour l'année 2008, le conseil des prud'hommes ayant été saisi le 18 novembre 2013,

' que les demandes formées au titre du bonus et de la perte de droit à la formation ne sont pas davantage fondées.

L'employeur demande à la Cour de confirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions, de débouter Katia X... de toutes ses demandes en paiement et de lui allouer en définitive le paiement de la somme de 5500 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence de la cour pour connaître de la présente instance

Si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce d'ailleurs, par arrêt du 28 juin 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré inopposable à la SAS Lapp Muller la décision de la caisse primaire d'assurance-maladie du 28 août 2012 reconnaissant l'accident du travail du 3 mai 2012, déclaré par sa salariée, Katia X.... Par arrêt de cette même cour du 25 octobre 2017, l'accident du travail survenu le 9 novembre 2011 et déclaré par la salariée le 16 avril 2012, a de même été déclaré inopposable à la SAS Lapp Muller.

Il s'ensuit que notre cour est compétente pour connaître de la présente instance.

Sur l'existence d'un licenciement de fait

Katia X... soutient que la décision de licencier avait été prise dès avant l'engagement de la procédure de licenciement, et produit à l'appui de ses affirmations un document de travail émanant de l'employeur, intitulé : « Organigramme de la SAS Lapp Muller/octobre 2011 : Objectif : réduction des coûts de structure » comportant un organigramme de l'entreprise où figure le nom de Katia X..., et ainsi rédigé :

« Objectifs principaux : simplifier, augmenter effectivité et efficacité, réduire les coûts salariaux, éliminer les gens ne résolvant pas certaines problématiques (')

Équipe de direction, éliminer les mauvaises références (' bande des quatre') = PS, ES, KZ, ME, décision de non retour, quelle voie pour KZ ' »

'KZ' désigne à l'évidence Katia X..., ce que l'employeur ne conteste pas. Cependant, un tel document, qui ne constitue visiblement qu'un document de travail et de réflexion pour la réorganisation de l'entreprise, ne suffit nullement à établir la volonté de l'employeur de licencier la salariée, et encore moins la réalité des agissements de harcèlement allégués, dès lors d'une part qu'il n'évoque manifestement qu'une interrogation sur la salariée ; et d'autre part et surtout qu'il est daté d'octobre 2011, soit près de deux ans avant le licenciement pour inaptitude, les entreprises privées n'ayant pas pour coutume de se projeter à si long terme dans la gestion des ressources humaines, surtout à l'occasion d'une mission de consultant libéral, par essence éphémère.

Katia X... produit encore le procès-verbal d'audition de la CPAM du Var, établi suite à l'accident du 2 mai 2012, par lequel M. B... a déclaré, en réponse à la question : « Qui assure le remplacement de Monsieur C..., directeur général du site de Grimaud depuis son départ le 30 septembre 2011 ' ' C'est moi. J'ai été nommée pour gérer la crise, à savoir travailler avec de meilleures relations et se séparer de l'ancienne direction. »

Or, dans le contexte général de réorganisation de l'entreprise, une telle déclaration, certes tranchante, mais conforme aux relations très directes existant dans le secteur privé, ne permet pas de déterminer une volonté arrêtée de licenciement d'une salariée en particulier.

Il convient par conséquent de dire qu'aucun licenciement de fait n'a été effectué.

Sur les agissements de harcèlement

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Pour être constitué, le harcèlement nécessite ni l'intention de nuire de son auteur, ni une condition de durée, les agissements pouvant se répéter sur une brève période ou être espacés dans le temps. Des méthodes de gestion peuvent, le cas échéant, caractériser un harcèlement.

Il s'ensuit que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge ne peut statuer sans analyser les documents médicaux produits par le salarié et sans apprécier si les éléments précis et concordants établis par celui-ci, pris dans leur ensemble, sont de nature à être qualifiés d'agissements constituant harcèlement moral.

Le licenciement est nul lorsque cette inaptitude trouve sa cause directe et certaine dans des actes de harcèlement moral commis par l'employeur. En pareil cas, le salarié peut prétendre, quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise, à des dommages-intérêts au moins équivalents à six mois de salaire, indemnisant le préjudice subi du fait du licenciement, et à l'indemnité compensatrice de préavis.

En l'espèce, Katia X... soutient que, le 2 mai 2012, après son retour du premier accident du travail, survenu le 9 novembre 2011, elle a été privée de son bureau et de ses outils informatiques et produit un courriel qu'elle a elle-même adressé le même jour à sa hiérarchie, avec cinq photographies. Elle ajoute que l'employeur a publié des annonces, le 20 février 2012, pour la remplacer.

Les photographies produites, inidentifiables en leur temps et lieu, n'apportent aucun élément aux débats, de même que le mail rédigé par la salariée elle-même, et la plainte qu'elle a déposée auprès des services de police, qui ne rapporte que ses propres déclarations. Les annonces d'offres d'emploi, dans un contexte général de réorganisation de l'entreprise, ne visent pas nécessairement le poste précis de Katia X... et ne sauraient en tout cas constituer agissements de harcèlement, dès lors qu'une réorganisation de l'entreprise était envisagée, qui pouvait conduire les dirigeants à envisager la rupture conventionnelle de certains contrats de travail ou au contraire l'embauche de nouveaux salariés.

Par ailleurs, l'unique attestation produite par Katia X... ne rapporte aucun élément de nature à constituer harcèlement, comme employant des termes très généraux, en indiquant seulement : « Madame Katia X... était elle-même victime des odieuses pratiques de M. B.... ».

Enfin, en l'absence de tout élément établissant le harcèlement, les seuls certificats médicaux produits par Katia X..., qui ne peuvent rapporter que les déclarations de la salariée elle-même sur l'origine de ses troubles, ne sont pas de nature à établir la réalité des man'uvres imputées à l'employeur, les médecins n'ayant pu rapporter que les déclarations de la salariée elle-même et ne se prononçant que sur que les signes objectifs de son état de santé, sans pouvoir émettre aucune hypothèse sur l'origine des troubles constatés.

Il ne résulte donc pas des éléments fournis par la salariée l'existence d'agissements caractérisant le harcèlement. Il s'ensuit que les demandes fondées sur la nullité du licenciement du fait des agissements de harcèlement allégué, et sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, qui repose sur les mêmes allégations, ainsi que la demande en paiement d'une indemnité doublée de licenciement, seront rejetées.

Sur l'exécution par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement

En application des dispositions de l' article L 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable à l'époque du licenciement, si le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de rechercher un reclassement compatible avec les conclusions du médecin du travail à l'issue de la visite de reprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de tentative de reclassement, laquelle est de moyens, dans l'entreprise ou le cas échéant dans les entreprises formant un groupe au sein duquel des postes peuvent être disponibles ou peut être envisagée une permutabilité des salariés entre sociétés. La recherche des possibilités de reclassement doit s'effectuer, le cas échéant, à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

L'employeur est tenu d'effectuer une recherche loyale et sérieuse, ce qui exige qu'elle soit concrète, réfléchie et inscrite dans la durée. En revanche, il ne résulte pas des dispositions de l'article L 1226 ' 2 du code du travail que les propositions de reclassement doivent être faites par écrit

En l'espèce, le médecin du travail avait conclu, par avis du 1er mars 2013, à « l'inaptitude définitive (de la salariée) à la reprise à son poste et à tout poste dans l'entreprise + toute autre filiale du groupe ». La SAS Lapp Muller produit la lettre adressée au médecin du travail, le 7 mars 2013, le saisissant à nouveau pour solliciter ses « préconisations ou propositions positives (aptitude résiduelle) en termes de reclassement dans l'entreprise et/ou le groupe de la salariée, afin que nous puissions rapidement réfléchir aux conditions de son retour dans l'entreprise. ». Il produit également la liste des sociétés du groupe sollicitées pour la demande de reclassement, ainsi que l'ensemble des réponses apportées par ces sociétés. Enfin, il produit la convocation des délégués du personnel à une réunion exceptionnelle, le lundi 29 avril 2013, pour consultation sur les possibilités de reclassement de la salariée, ainsi que la lettre adressée à celle-ci, 16 mai 2013, qui mentionne notamment qu'il a été sollicité de la salariée un curriculum vitae réactualisé, (qui a été traduit en anglais pour envoi à l'international), et indique que, malgré les recherches faites, aucun poste ne peut lui être proposé, une procédure de licenciement devant par conséquent être engagée.

Il convient donc de dire que la SAS Lapp Muller a correctement rempli son obligation de recherche de reclassement, et de débouter Katia X... de la demande faite sur ce fondement.

Il y a donc lieu de débouter Katia X... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour inexécution par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement et de dommages-intérêts pour harcèlement.

Sur l'indemnité de préavis

La reconnaissance des accidents du travail ayant été déclarée inopposable à l'employeur par les arrêts précités, celui-ci n'est pas redevable de l'indemnité compensatrice de préavis. Il convient donc de débouter la salariée des demandes formées à ce titre, à hauteur de 1284 € et 561 €.

Sur la demande en paiement de salaires

Katia X... sollicite à ce titre paiement de la somme de 74,63 euros, représentant selon elle le solde du salaire du mois de juin 2013. Le bulletin de salaire correspondant n'est pas produit aux débats et aucune explication n'est fournie sur le motif de ce rappel, demande dont la salariée sera déboutée.

Sur la demande en paiement d'indemnité de congés payés

Katia X... sollicite à ce titre paiement d'une indemnité de congés payés de 3880 €, en faisant valoir qu'elle disposait 'de congés payés acquis et restant sur la période 2010 ' 2013", et qu'elle n'a pu prendre ces jours de congé en raison de l'accident du travail imputable à l'employeur. Dans ce solde est comprise une majoration du 10e sur l'indemnité de congés payés elle-même.

Il est constant qu'une indemnité de congés payés lui a déjà été versée à hauteur de 10'200,32 euros. La salariée ne fournit aucune justification du supplément réclamé en tant qu'indemnité de congés payés proprement dite. Par ailleurs, cette indemnité de congés payés ne saurait elle-même porter droit à majoration de 10 % pour congés payés.

Il convient donc de rejeter là encore la demande de la salariée.

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

Katia X... réclame à ce titre paiement des sommes de 47'980 €, représentant les heures supplémentaires qu'elle affirme avoir effectuées ; 4798 € , à titre de congés payés sur les heures supplémentaires ; 6171 € représentant un rappel sur indemnité liée aux jours supplémentaires non payés dans le forfait de 215 jours contractuel et 617 € à titre de congés payés afférents.

En droit, l'article L3171-4 du Code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge tous éléments de nature à étayer sa demande, ces éléments devant être suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

En l'espèce, Katia X... produit ses feuilles de pointage et un tableau récapitulatif des heures et jours supplémentaires effectués.

Les feuille de pointage produites par la salariée apparaissent sujettes à caution, dans la mesure où la quasi-totalité des horaires qui y sont portés sont suivis du symbole d'un crayon, qui manifeste que les horaires ont été saisis manuellement, et ne correspondent donc pas au badgeage, mais à une rectification postérieure. Le tableau Excel également produit par la salariée, manifestement établi après coup, et pour les besoins de la cause, ne saurait non plus apporter aucun élément exploitable dans l'établissement des horaires effectivement réalisés. Ces éléments ne mettant pas l'employeur en mesure de répondre en apportant la preuve contraire, il convient de débouter la salariée de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et de jours supplémentaires, ainsi que les demandes en paiement de congés payés afférents.

Il s'ensuit que Katia X... sera également déboutée de la demande fondée sur l'article L8 223 ' 1 du code du travail, tendant à obtenir une indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande en paiement de primes

Katia X... réclame à ce titre paiement de la somme de 1250 €, représentant le rappel au titre du bonus 2011. Elle fait valoir qu'il lui a été accordé, le 28 septembre 2011, une prime exceptionnelle de 2500 € bruts, et produit la lettre du directeur général lui annonçant cette prime.

Le paiement d'un « bonus partiel sur objectifs » de 1250 € apparaît effectivement sur le bulletin de paye octobre 2011, sans que le solde n'apparaisse avoir été réglé. L'employeur soutient que cette prime exceptionnelle s'analyse en une gratification qui n'oblige pas l'employeur en répéter le paiement. Il n'en demeure pas moins que le montant intégral de la prime promise le 28 septembre 2011 n'a pas été réglé. Il convient par conséquent de faire droit sur ce point à la demande de la salariée, à hauteur de 1250 €.

Sur la demande en paiement de de dommages-intérêts liés à la perte du droit individuel à formation

Katia X... sollicite à ce titre paiement de la somme de 1002 €, en faisant valoir qu'elle disposait de 95,42 jours de formation, qu'elle n'a pu obtenir.

En droit, l'article L6323-17 du code du travail dispose qu'en cas de licenciement non consécutif à une faute lourde, et si le salarié en fait la demande avant la fin du préavis, la somme correspondant au solde du nombre d'heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées, multiplié par le montant forfaitaire visé au deuxième alinéa de l'article L6332-14 permet de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. A défaut d'une telle demande, la somme n'est pas due par l'employeur.

En l'espèce, Katia X..., ne justifiant nullement d'une demande faite par la salariée auprès de l'employeur, doit être déboutée de cette demande.

Sur la demande en remise de documents

Il convient de condamner l'employeur à délivrer à Katia X... l'attestation Pôle emploi, et le reçu pour solde de tout compte, rectifiés conformément aux énonciations du présent arrêt relativement au paiement de la somme de 1250 € représentant le reliquat de la prime exceptionnelle pour l'exercice 2011, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur les autres demandes

Katia X... échouant dans la quasi-totalité de ses demandes, l'équité en la cause commande de la condamner à verser à l'employeur la somme de 3000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré, hormis en ce qu'il a débouté Katia X... de sa demande en paiement du reliquat du bonus partiel sur objectifs de 1250 € et de sa demande en remise de documents de fin de contrat,

Condamne la SAS Lapp Muller à verser à Katia X... la somme de 1250 euros à titre de bonus partiel sur objectifs pour l'exercice 2011,

Condamne l'employeur à délivrer à Katia X... l'attestation Pôle emploi, et le reçu pour solde de tout compte, rectifiés conformément aux énonciations du présent arrêt,

Condamne Katia X... à verser à la SAS Lapp Muller la somme de 3000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne Katia X... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 15/08448
Date de la décision : 29/06/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°15/08448 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-29;15.08448 ?
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