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27/06/2018 | FRANCE | N°17/11754

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 27 juin 2018, 17/11754


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2018

E.D.

N° 2018/148













Rôle N° 17/11754 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAX3K







Lassana X...

C...

Maïmouna X...





C/



MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE



























Grosse délivrée

le :

à :



Me Serge Y...



Mme Z.

.. (2)

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 29 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/01537.







APPELANTS





Monsieur Lassana X...

né le [...] à TOULEL (MAURITANIE),

demeurant [...]

En sa qualité de représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2018

E.D.

N° 2018/148

Rôle N° 17/11754 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAX3K

Lassana X...

C...

Maïmouna X...

C/

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Serge Y...

Mme Z... (2)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 29 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/01537.

APPELANTS

Monsieur Lassana X...

né le [...] à TOULEL (MAURITANIE),

demeurant [...]

En sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Maimouna X...

Madame C...

née le [...] à Toulel

demeurant [...]

En sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Maimouna X...

Maïmouna X...

Mineure représentée par ses parents Monsieur Lassana X... et Madame C...

né le [...] à TOULEL (MAURITANIE),

demeurant [...]

représentées par Me Serge Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Anthony A..., avocat au barreau de MARSEILLE, ayant pour avocat Me Nicole B..., avocat au barreau de PARIS.

INTIME

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

PRÈS LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Palais Monclar - [...]

représenté par Monsieur Gildas PAVY , avocat général.

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée faisant fonction de Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrats a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée faisant fonction de Présidente

M. Benoît PERSYN, Conseiller

Madame Monique RICHARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2018.

Signé par Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée faisant fonction de Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Maïmouna est née le [...] à Toulel en Mauritanie de Monsieur Lassana X... né le [...] à Toulel et de Madame C....

Monsieur Lassana X... a reconnu Maïmouna le 18 mai 2003 à l'Ambassade de France à Nouakchott. Cette reconnaissance a été transcrite sur l'acte de naissance de Maïmouna le 14 septembre 2006.

Maïmouna est titulaire du certificat de nationalité française délivrée le 20 mai 2011 par le Service de la Nationalité des Français nés et établis hors de France, comme étant né à l'étranger d'un père français

Par acte du 27 janvier 2016, le Procureur de la République a assigné Monsieur Lassana X... et Madame C..., représentants légaux de Maïmouna devant le tribunal de grande instance de Marseille sur le fondement de l'article 19-3 du code civil, aux fins de dire que le certificat de nationalité française qui a été délivré à leur fille le 20 mai 2011 l'a été à tort et de voir constater son extranéité.

Par jugement en date du 29 mars 2017, le tribunal de grande instance de Marseille a dit que le certificat de nationalité française a été délivré à tort à Maïmouna et a constaté son extranéité.

Les premiers juges ont retenu que le ministère public rapportait la preuve qu'Maïmouna ne pouvait se prévaloir d'un lien de filiation à l'égard d'un père français.

Par déclaration en date du 20 juin 2017, Maïmouna a interjeté appel de cette décision.

***

Dans ses dernières conclusions, les représentants légaux de Maïmouna demandent à la cour de:

-constater que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies

-infirmer le jugement du 29 mars 2017 et statuant à nouveau, dire et juger que Maïmouna née le [...] à Toulel est de nationalité française

-ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil

-allouer à Maïmouna la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

-condamner l'agent judiciaire du trésor à régler cette somme ainsi que les entiers dépens

Ils font valoir que:

-le certificat qui lui a été délivré est conforme aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil et vise les pièces produites au soutien de la demande: l'acte de mariage des grands-parents paternels y figure ainsi que l'avis de la Chancellerie sur le fondement juridique de la nationalité française du grand-père. Le certificat délivré à Maïmouna se fonde donc sur des éléments fiables qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation

-il n'est pas contesté que Monsieur Kandé X... résidait en France au moment de l'indépendance puisqu'il occupait un emploi en France entre juin 1959 et mai 1961. Il a obtenu la délivrance de son certificat de nationalité française une première fois le 20 août 1965 par le juge d'instance de Marseille sous le numéro 327/65. Il a obtenu une nouvelle délivrance de ce certificat le 28 octobre 1996 sous le numéro 5755/96 par le Greffier en Chef du tribunal d'instance de Marseille.

-Monsieur Kandé X... a obtenu le premier certificat de nationalité en fonction des critères admis en 1965: travailler et résider en France au moment de l'indépendance, ce dont il a justifié

-le Greffier en chef a expressément constaté l'existence des éléments nécessaires à l'attribution de la nationalité française de Monsieur X...

-S'agissant des attaches professionnelles, il totalise 94 trimestres retenus

-Son mariage a été célébré et ses enfants sont nés alors que la Mauritanie était un territoire français

-Il a accompli toutes les démarches pour que ses enfants obtiennent leur certificat de nationalité française

-Lassana X..., fils de Kandé X... et père de l'appelant justifie résider et travailler en France de façon stable et permanente depuis plus de 30 ans. Il est français en application des dispositions de l'article 17-1 du code de la nationalité comme enfant légitime d'un père français

-Il est démontré que le père de Maïmouna et son grand-père sont tous deux titulaires de certificat de nationalité française et qu'ils ont la possession d'état de français depuis 30 ans pour le premier et 52 ans pour le second.

Par conclusions en date du 18 avril 2017, le ministère public demande à la cour de:

-constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré

-confirmer le jugement de première instance et constater l'extranéité de l'intéressé

-ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil

Il fait valoir que:

-l'auteur du certificat de nationalité française litigieux, pour considérer que le grand-père supposé de l'appelant, Monsieur Kandé X... devait être réputé avoir conservé la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de la Mauritanie en fixant son domicile de nationalité hors des territoires devenus indépendants, s'est fondé sur un certificat de nationalité française antérieur.

-Ainsi, Maïmouna est titulaire d'un certificat de nationalité délivré au vu du seul certificat de nationalité française de son grand-père paternel, Monsieur Kandé X...

-le caractère erroné du certificat de nationalité française dont le demandeur est titulaire fait peser sur celui-ci la charge de la preuve que son grand-père paternel dont l'origine mauritanienne n'est pas contestée a conservé sa nationalité française de plein droit pour avoir transféré de façon effective son domicile de nationalité hors des anciens territoires devenus indépendants en fixant son domicile [...]

-Dans la loi du 28 juillet 1960, le domicile détermine quelles sont les populations concernées par les effets sur leur nationalité de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'outre-mer d'Afrique et de Madagascar. Il convient de rechercher si à la date de l'accession, la personne en cause avait transféré hors des anciens territoires d'outre-mer français son domicile de nationalité, soit la résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles

-en l'espèce, Monsieur Kandé X... a seulement eu un emploi en France pour une durée limitée de juin 1959 à mai 1961. Cela ne constitue pas un transfert de domicile au sens de la loi de 1960. Monsieur Kandé X... avait maintenu de manière stable le centre de ses attaches familiales en Mauritanie lors de l'accession de l'indépendance de cet Etat. Il a donc perdu la nationalité française le 28 novembre 1960.

Le père de Maïmouna, Monsieur Lassana X... qui a suivi la condition de son père en tant que mineur à cette date n'est donc pas français .Il en est de même de Maïmouna en application de l'article 30-2 du code civil. Née d'un père étranger, Maïmouna ne peut donc prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 18 du code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2018.

***

Sur ce,

En vertu de l'article 31-2 du code civil, le certificat de nationalité indique [..] la disposition légale en vertu de laquelle l'intéressé a la qualité de Français, ainsi que les documents qui ont permis de l'établir. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire.

Il incombe donc au ministère public de démontrer que le certificat a été délivré de façon erronée.

En l'espèce, le ministère public fait valoir que le certificat de nationalité délivré à Maïmouna est erroné car bien qu'il indique les dispositions de l'article 18 du code civil selon lesquelles 'est français dont l'un des parents au moins est français, il se fonde selon le parquet au vu du seul certificat de nationalité française de son grand-père paternel, Monsieur Kandé X....

Le greffier en chef pour vérifier et délivrer le certificat de nationalité de Maïmouna avait en sa possession une photocopie du certificat de nationalité française délivré au père de Maïmouna, Lassana X... délivré par le tribunal d'instance de Frejus le 2 avril 2001.

Cette pièce authentifiant la nationalité française de Lassana X... fait foi jusqu'à preuve du contraire.

Il incombe au ministère public de démontrer que ce certificat a été délivré à Lassana X... de façon erronée.

Ce certificat se fonde sur son acte de naissance mais également sur le certificat de nationalité n°5755/96 de son père Kandé X... délivré par le tribunal d'instance de Marseille le 28 octobre 1996.

Pour invoquer le caractère erroné du certificat délivré à Maïmouna, le ministère public s'empare d'une mention inopérante laissée par le greffier en chef du tribunal d'instance de Marseille en 1996 selon laquelle 'bien que son domicile au sens du droit de la nationalité ne semble pas avoir été en réalité établi hors d'un ancien territoire d'Outre-mer à la date de l'indépendance, j'estime inopportun en l'espèce d'engager une action judiciaire en annulation de ce certificat, l'intéressé doit être réputé avoir conservé de plein droit la nationalité française puisqu'il résulte du précédent certificat de nationalité française qui lui a été délivré, qu'il était domicilié [...] lors de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'Outre-Mer de la République française.'

Le Greffier en Chef en 1996, remettant en cause la notion de domicile au sens du droit de la nationalité sans en tirer de conséquence juridique avait pourtant en main un premier certificat de nationalité française délivré à Monsieur Kandé X... le 20 août 1965 sous le numéro 327/65 (faisant foi jusqu'à preuve du contraire), un certificat de travail, de résidence à la date de l'indépendance de Mauritanie et un avis du garde des sceaux en date du 10 juillet 1996 lui permettant de délivrer une deuxième fois ce certificat.

Aussi, il incombe toujours au ministère public de rapporter la preuve que le premier certificat délivré à Monsieur Kandé X... le 20 août 1965 l'a été de façon erronée.

D'une part, les pièces ayant permis la délivrance de premier certificat en 1965 (jugement supplétif de l'acte de naissance, certificat de travail, de résidence à la date de l'indépendance de la Mauritanie) ne sont nullement remises en cause.

D'autre part, le ministère public doit démontrer que Monsieur Kandé X... ne remplissait pas les critères admis en 1965 pour acquérir la nationalité française, à savoir travailler et résider en France, ce qu'il ne fait nullement.

Le ministère public ne parvenant pas à démontrer que le certificat de 1965 a été délivré à Monsieur Kandé X... de façon erronée, il y a lieu d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 29 mars 2017 en toutes ses dispositions et de dire que Maïmouna née le [...] à Toulel est de nationalité française.

Il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens resteront à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort.

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 29 mars 2017 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que Maïmouna X... née le [...] à Toulel est de nationalité française.

Ordonne la mention du présent arrêt en marge de l'acte de naissance de l'intéressé en application de l'article 28 du code civil.

Met les dépens à la charge du Trésor public.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 17/11754
Date de la décision : 27/06/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°17/11754 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-27;17.11754 ?
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