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07/06/2018 | FRANCE | N°17/19316

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 07 juin 2018, 17/19316


-COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT SUR COMPETENCE

DU 07 JUIN 2018



N° 2018/ 275













Rôle N° N° RG 17/19316 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBMFE







Société ALFRED KARCHER GMBH & CO.KG

SAS KARCHER





C/



Société VARO-VIC VAN ROMPUY













Grosse délivrée

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 10 Octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F01315.





APPELANTES





Société ALFRED KARCHER GMBH & CO.KG Société de droit allemand,

dont le siège est [...] (ALLEMAGNE)



représentée par Me Pi...

-COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT SUR COMPETENCE

DU 07 JUIN 2018

N° 2018/ 275

Rôle N° N° RG 17/19316 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBMFE

Société ALFRED KARCHER GMBH & CO.KG

SAS KARCHER

C/

Société VARO-VIC VAN ROMPUY

Grosse délivrée

le :

à :

Me X...

Me Y...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 10 Octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F01315.

APPELANTES

Société ALFRED KARCHER GMBH & CO.KG Société de droit allemand,

dont le siège est [...] (ALLEMAGNE)

représentée par Me Pierre-yves X... de la SELARL SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Christophe Z... de la SCP Cabinet HW et H, avocat au barreau de PARIS

SAS KARCHER Société par actions simplifiée à associé unique,

dont le siège est [...]

représentée par Me Pierre-yves X... de la SELARL SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Christophe Z... de la SCP Cabinet HW et H, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

Société VARO-VIC VAN ROMPUY,

dont le siège est [...]

représentée par Me Isabelle Y..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Jean-Frédéric A..., avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, madame B..., présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Madame Marie-Christine B..., Présidente

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2018,

Signé par Madame Marie-Christine B..., Présidente et Madame Viviane BALLESTER, greffier présent lors du prononcé.

***

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 10 octobre 2017 rendu par le tribunal de commerce de Marseille,

Vu l'appel interjeté le 25 octobre 2017 par la société Alfred KARCHER Gmbh & Co.KG et la SAS KARCHER,

Vu les dernières conclusions de la société Alfred KARCHER Gmbh & Co.KG et la SAS KARCHER, appelantes en date du 10 avril 2018,

Vu les dernières conclusions de la société VARO-VIC VAN ROMPUY, intimée en date du 13 avril 2018,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société de droit allemand Alfred KARCHER GmbH & Co.KG, fondée en Allemagne en 1935, crée, fabrique et commercialise dans le monde entier des appareils de nettoyage, et en particulier des nettoyeurs haute pression.

La SAS KARCHER (ci-après KARCHER France), filiale de KARCHER, créée en 1962 est l'importateur exclusif en France des appareils conçus et fabriqués par la maison- mère et est en charge de leur distribution en France.

Reprochant à la société de droit belge VARO-VIC VAN ROMPUY créée en 1958, exploitée sous l'enseigne VARO qui a pour activité la distribution d'outils électriques et de jardinage de commettre des actes de concurrence déloyale, les sociétés KARCHER ont, suivant autorisation présidentielle du 8 juin 2017 fait assigner à jour fixe selon acte d'huissier du 9 juin 2017 devant le tribunal de commerce de Marseille cette dernière aux fins de voir dire et juger que 'la société Varo, en commercialisant les appareils POWXG 9035, POWX 371 et POWXG 90920 constituant l'imitation illicite des appareils KARCHER, dont ils reprennent la couleur jaune emblématique, contrastant avec des éléments en noir, l'agencement de ces couleurs et le design, créant un risque de confusion avec eux et un lien indu, a commis des actes de concurrence déloyale, en conséquence, engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard des sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER SAS '.

Le jour de l'audience la société VARO a soulevé une exception incompétence matérielle au profit du tribunal de grande instance de Marseille sur le fondement de l'article L 721-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, déterminées par voie réglementaire.

Les sociétés KARCHER y ont opposé une fin de non-recevoir et sollicité son rejet au fond.

Suivant jugement contradictoire du 10 octobre 2017 dont appel, le tribunal de commerce de Marseille a :

- déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société VARO-VIC VAN ROMPUY,

- s'est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Marseille,

- laissé à la charge des sociétés KARCHER les dépens.

En cause d'appel la société Alfred KARCHER Gmbh & Co.KG et la SAS KARCHER appelantes demandent au visa des articles 4, 5, 7, 12, 74 et 83 et suivants du Code de procédure civile, L. 721-3 du Code de commerce, 74 du Code de procédure civile, L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle, dans leurs dernières écritures en date du 10 avril 2018 de :

- constater dire et juger que la Société Varo a communiqué le 29 août 2017 des conclusions au fond sans soulever d'exception d'incompétence, puis a, le 5 septembre 2017, communiqué de nouvelles conclusions au fond soulevant pour la première fois une exception d'incompétence, qu'elle a également soulevée à l'audience ;

en conséquence :

- déclarer irrecevable l'exception d'incompétence matérielle soulevée le 5 septembre 2017 par la société Varo,

- constater dire et juger

*que la compétence juridictionnelle s'apprécie uniquement au regard aux demandes telles qu'elles figurent dans l'assignation,

* que dans leur assignation du 9 juin 2017, les sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER SAS se sont fondées uniquement sur la concurrence déloyale et parasitisme, sans se prévaloir, ni même citer la marque jaune N°3 588 314 dont est titulaire la société Alfred KARCHER,

* que ladite marque n'a été citée que dans les conclusions des sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER SAS du 4 septembre 2017 qu'en réponse à l'argumentation développée par la société Varo dans ses premières conclusions,

en conséquence :

- déclarer irrecevable ou à tout le moins mal fondée l'exception d'incompétence matérielle soulevée le 5 septembre par la société Varo en réponse aux conclusions des sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER SAS ,

- constater dire et juger :

* que la compétence est appréciée au stade de l'assignation et au regard des demandes formées,

* que l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale ou parasitaire procèdent de causes différentes et ne tendent pas aux m^mes fins, la première concernant l'atteinte à un droit privatif, la seconde exigeant une faute ; que rien n'interdit au titulaire de droits de propriété industrielle de se fonder uniquement sur la concurrence déloyale et le parasitisme,

* que l'action intentée par les sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER SAS à l'encontre de la société Varo est une action en concurrence déloyale et parasitisme,

* que la compétence est appréciée au regard des demandes expressément formées,

* que l'existence d'un environnement de propriété intellectuelle est sans incidence sur la compétence,

* que l'article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle n'est applicable qu'en présence de plusieurs demandes, à savoir une demande fondée sur un droit de marque et une seconde demande en concurrence déloyale, de sorte que cet article n'est pas applicable en l'espèce puisqu'il ne peut y avoir de connexité lorsqu'une seule demande est formée,

en conséquence,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 10 octobre 2017 par lequel le Tribunal s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Marseille,

- constater dire et juger que le Tribunal de commerce de Marseille est compétent pour statuer sur les demandes des sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER SAS ;

- dire y avoir lieu à évocation de l'affaire au fond et inviter les parties à constituer avocat dans le délai qu'il lui plaira de fixer,

subsidiairement, renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Marseille à la diligence du greffe,

- condamner la société Varo à payer aux sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER SAS la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Varo aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de son conseil.

La société de droit belge VARO - VIC VAN ROMPUY, intimée s'oppose aux prétentions des appelantes, et demande au visa des articles 4, 12, 74, 88, 446-2, 446-4 et 860-1 du Code de procédure civile, et L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle, dans ses dernières écritures en date du 24 janvier 2018 de :

in limine litis, sur l'incompétence :

- juger que les demandes des sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER France portant sur la prétendue reprise de la couleur jaune sont relatives à sa marque française figurative n°3588314,

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 10 octobre 2017 aux termes duquel celui-ci s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Marseille,

à titre subsidiaire, sur l'évocation,

- juger que les conditions relatives à l'évocation du fond de l'affaire ne sont pas réunies, celle-ci étant contraire à une bonne administration de la justice,

en tout état de cause :

- débouter les sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER France de toutes leurs demandes,

- condamner les sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER France à payer à la société Varo ' Vic Van Rompuy la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700,

- condamner les sociétés Alfred KARCHER GmbH & Co.KG et KARCHER France aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Isabelle Y... C..., avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

****************

Sur la fin de non-recevoir

L'article 74 alinéa 1 du code de procédure civile édicte que 'les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en va ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.'

La société Alfred KARCHER Gmbh & Co.KG et la SAS KARCHER, font valoir que dans leur assignation elles ont expressément motivé leurs demandes sur les articles 1240 et 1241 du code civil ainsi que sur l'article 10 bis de la Convention de Paris principaux fondements légaux de la concurrence déloyale et du parasitisme ; que bien que la société Alfred KARCHER soit titulaire d'une marque de couleur consistant en une teinte jaune pour des nettoyeurs à haute pression, elles ont délibérément choisi d'agir exclusivement sur le terrain de la responsabilité délictuelle et de ne former qu'une demande à ce titre ; que la marque jaune n'était pas mentionnée dans leur assignation qui ne faisait référence exclusivement qu'à la concurrence déloyale et de parasitisme .

Elles ajoutent que la compétence est appréciée au stade de l'assignation qui ne faisait pas mention de la marque et que l'existence d'un environnement de propriété intellectuelle et la seule référence à un droit de propriété intellectuelle , sont sans incidence sur la compétence du tribunal de commerce et que celle du tribunal de grande instance ne se justifie pas dès lors qu'aucune demande n'est formée à ce titre ;

Que ne doivent pas être pris en compte les moyens soulevés dans la mise en demeure initiale, et la simple référence faite à un droit de propriété intellectuelle dans ses conclusions ultérieures;

Elles précisent que dans ses premières conclusions en réponse du 29 août 2017, VARO a pris le parti d'amener le débat sur le terrain du droit des marques, soutenant comme principal argument 'qu'au moyen d'une action en concurrence déloyale et parasitisme, KARCHER tente d'obtenir un monopole sur la couleur jaune qui lui a été refusée sur le fondement du droit des marques' ;

Que par conclusions en réponse en date du 4 septembre 2017 elles ont rappelé qu'elles agissaient exclusivement sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme et précisaient, la société VARO ayant contesté les droits de propriété intellectuelle de la société KARCHER, qu'elle est titulaire en France, de la marque enregistrée N°3 588 314, déposée le 15 juillet 2008, et constituée de la couleur jaune (RAL1018), qui désigne les 'appareils de nettoyage à haute pression' et qu'elles ont ajouté 'Force est ainsi de constater que contrairement aux affirmations péremptoires et inexactes de VARO, KARCHER dispose d'un droit de marque enregistré sur la couleur jaune, ce qui démontre objectivement que cette couleur identifie ses produits et leur origine et incidemment que son usage n'est pas usuel' ;

Qu'ainsi, ce n'est qu'en réponse aux conclusions de VARO et à ses affirmations factuelles inexactes, que les sociétés KARCHER ont évoqué la marque jaune, dans l'unique but de rétablir la vérité devant le Tribunal quant au prétendu échec du dépôt de cette couleur à titre de marque, mais surtout de la distinctivité de cette couleur ;

Elles poursuivent en faisant valoir que la compétence est appréciée au regard des demandes expressément formées et que l'action en concurrence déloyale fondée sur une faute délictuelle ou quasi délictuelle se distingue de l'action en contrefaçon qui sanctionne l'atteinte portée à un droit privatif et que le plaideur est libre de choisir le fondement juridique de son action et qu'il n'appartient pas au juge de changer le fondement de la demande dont il est saisi ;

Qu'en l'espèce elles se sont fondées sur la concurrence déloyale en reprochant à la société intimée de reprendre de façon combinée quatre éléments caractéristiques des modèles Kärcher dont la couleur jaune dont l'usage constant constitue depuis 1976 le véritable emblème des appareils Kärcher et permet de les identifier auprès des clients ;

Que la juridiction n'est pas tenue d'apprécier les droits respectifs des parties, aucune atteinte à la marque n'étant invoquée ;

Que par des conclusions en réponse du 5 septembre 2017, le jour de l'audience la société VARO a soulevé une exception d'incompétence matérielle du tribunal de commerce de Marseille.

La société Alfred KARCHER Gmbh & Co.KG et la SAS KARCHER soutiennent que la société VARO ayant communiqué ses premières conclusions qui portaient uniquement sur le fond du litige le 29 août 2017 elle n'était plus recevable à soulever à la barre dans ses conclusions postérieures le 5 septembre 2017 une exception d'incompétence.

Elles exposent à cet effet que l'article 446-4 du code de procédure civile issu du décret n° 2010-du 1 octobre 2010 applicable aux procédures orales, énonce que la date des prétentions et des moyens d'une partie régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre parties, de sorte qu'en l'espèce l'exception d'incompétence, faute d'avoir été soulevée in limine litis, est irrecevable.

La société VARO-VIC VAN ROMPUY soutient comme l'a retenu le tribunal que conformément aux dispositions de l'article 860-1 du Code de procédure civile, la procédure est orale devant le Tribunal de Commerce ; que dès lors, les prétentions peuvent être formulées au cours de l'audience et il en est notamment ainsi des exceptions de procédure ; qu'il s'ensuit que l'exception d'incompétence soulevée oralement par une partie à l'audience avant toute référence à ses prétentions au fond formulées par écrit est recevable.

Elle poursuit en indiquant que les dispositions de l'article 446-4 du code de procédure civile ne sont applicables que dans un cas de figure spécifique et non de manière générale à toute procédure orale.

Que cet article ne s'applique que dans le cas où le juge a décidé de mettre en place une mise en état en organisant les échanges des parties suivant un calendrier et des modalités définis avec les parties ; qu'en l'absence d'un tel dispositif, le régime général de la procédure orale qui consacre la recevabilité des exceptions de procédure si elles sont invoquées avant toute prétention au fond au cours de l'audience de plaidoirie est seule applicable ;

Qu'aucun dispositif de mise en état n'ayant été mis en place en l'espèce, seuls des renvois d'audiences étant intervenus, et l'exception d'incompétence ayant été soulevée à l'audience avant toute défense au fond, celle-ci est recevable.

Ceci rappelé, à défaut de mise en place en l'espèce du dispositif de la mise en état de la procédure orale prévu à l'article 446-2 du code de procédure civile, s'agissant d'une assignation à jour fixe pour une audience qui a fait l'objet de renvois, les dispositions de l'article 446-4 sont inapplicables. Il est établi que la société VARO-VIC VAN ROMPUY a soulevé à l'audience de plaidoirie son exception d'incompétence matérielle avant toute défense au fond, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal l'a déclarée recevable.

Sur l'exception d'incompétence matérielle,

La société Alfred KARCHER Gmbh & Co.KG et la SAS KARCHER, soutiennent que la compétence de la juridiction saisie est appréciée au stade l'assignation, uniquement au regard des demandes telles qu'elles figurent dans celle-ci.

Qu'en l'espèce, l'assignation se fondait uniquement sur des agissements constitutifs d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; que dans leurs conclusions en réplique du 4 septembre 2017 elles ont expressément rappelé que la procédure n'était pas fondée sur l'atteinte aux droits des marques .

Elles précisent que l'existence d'un environnement de propriété intellectuelle est sans incidence sur la compétence et que la compétence exclusive des tribunaux de grande instance est limitée aux hypothèses où l'exercice de l'action en concurrence déloyale est connexe, au sens de l'article 101 du code de procédure civile, à une action relative aux droits de propriété intellectuelle.

Elles indiquent que si elles ont indiqué être titulaire d'une marque, c'était d'une part, exclusivement pour justifier que la couleur jaune n'est pas banale dans le domaine des nettoyeurs à haute pression et qu'elles étaient fondées à soutenir que celle-ci constitue un identifiant et un emblème de leurs produits, de sorte que sa reprise, ajoutée à celle du design de leurs appareils, créait un risque de confusion avec trois modèles antérieurs KARCHER et d'autre part pour répondre à l'argumentaire erroné de la société VARO

La société VARO-VIC VAN ROMPUY fait valoir que les demandes des sociétés KARCHER relatives à la couleur jaune, fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme, consistent en réalité en une action en contrefaçon déguisée car la couleur jaune invoquée est couverte par une marque française figurative qui, selon les appelantes ' démontre objectivement que cette couleur identifie ses produits et leur origine et incidemment que son usage n'est pas usuel.'

Que KARCHER s'appuie expressément sur cette marque pour établir ses droits sur la couleur jaune ; que c'est d'ailleurs sur le fondement de la contrefaçon de marque que KARCHER a engagé des procédures parallèles en Allemagne et aux Pays-Bas.

Que le demandeur à l'action ne dispose d'un choix quant au fondement juridique de celle-ci que s'il ne dispose pas de droits privatifs ou s'il est en mesure de prouver l'existence d'une faute distincte de l'attente à un droit privatif ;

Que ce qui importe c'est l'objet réel du litige et non la qualification juridique donnée par la partie qui peut être, le cas échéant, erronée.

Elle fait valoir que la titularité par KARCHER, de la marque est invoquée pour démonter le monopole qu'elle détiendrait sur la couleur jaune ainsi que sa distinctivité ; que les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale relatives à la reprise prétendument fautive de cette couleur par VARO visent en réalité à sanctionner l'atteinte à sa marque et notamment l'atteinte à sa fonction d'identité d'origine ; qu'elle revendique sur cette couleur les mêmes fonctions qu'une marque et que la reprise de la couleur jaune serait constitutive d'une atteinte à sa fonction d'identité d'origine et partant, d'une atteinte au droit de marque KARCHER.

Que d'ailleurs préalablement au lancement de ses trois actions judiciaires KARCHER lui a adressé un courrier lui demandant de cesser la commercialisation des produits litigieux sur le fondement de ses marques figuratives nationales et qu'elle n'a engagé en France son action sur le fondement de la concurrence déloyale car elle est consciente de la vulnérabilité de son enregistrement.

Ceci rappelé, les demandes exclusivement fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme conduisent la juridiction saisie dans l'obligation d'apprécier les droits de la société KARCHER sur la couleur jaune, élément essentiel à son argumentation, qui constitue par ailleurs sa marque figurative, de sorte que les faits poursuivis au titre de la concurrence déloyale peuvent être qualifiés de contrefaçon et ne portent donc pas sur des faits distincts de l'imitation de sa marque.

En effet, dans leur assignation initiale les sociétés KARCHER exposent que 'grâce aux efforts et investissements déployés par elles, cette couleur jaune est ainsi devenue un véritable marqueur de leurs produits, ainsi qu'en attestent les nombreux articles de presse y faisant référence ; L'utilisation par un concurrent de la même couleur, devenue un identifiant de la marque, la banalise et en dilue le pouvoir distinctif, portant ainsi atteinte aux investissements des demanderesses.'

Qu'elles font donc expressément référence à leur marque de couleur jaune et à sa fonction d'identification de leurs produits.

En raison de cette connexité des faits relatives à ces deux actions, seul le tribunal de grande instance de Marseille se trouve compétent pour en connaître, l'action en concurrence déloyale et parasitisme ne pouvant servir d'action de repli d'une action en contrefaçon, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal de commerce de Marseille a renvoyé l'affaire devant cette juridiction.

Sur la demande d'évocation,

Les sociétés ALFRED KARCHER GMBH & CO KG et la SAS KARCHER demandent à la cour d'évoquer l'affaire celle-ci étant juridiction d'appel du tribunal de commerce qui devra être déclaré compétent.

Elles indiquent que les parties ont déjà eu la possibilité de présenter leur argumentation au fond et qu'elles ont à la barre également présenté leur argumentation ; qu'il y a lieu eu égard aux enjeux du procès de régler rapidement ce litige.

La société VARO s'y oppose en faisant valoir que les sociétés appelantes ne justifient pas en quoi il serait d'une bonne administration de la justice de priver cette affaire du double degré de juridiction alors que l'action a été engagée il y a moins d'un an, et qu'une décision sur le fond pourra être rendue dans un délai raisonnable .

Elle ajoute que les sociétés KARCHER n'ont pas subi de préjudice car les produits litigieux n'ont fait l'objet que d'une exposition limitée en France.

Ceci rappelé, rien ne justifie en regard de la complexité de l'affaire que celle-ci ne bénéficie pas du double degré de juridiction ; il n'y a pas lieu dès lors de faire droit à la demande d'évocation.

Sur les autres demandes,

L'équité commande d'allouer à la société intimée la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par les sociétés appelantes.

Les dépens resteront à la charge des sociétés appelantes qui succombent qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Rejette l'ensemble des demandes des sociétés appelantes,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés appelantes à payer à la société intimée la somme de

15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés appelantes aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 17/19316
Date de la décision : 07/06/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°17/19316 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-07;17.19316 ?
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