COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre D
ARRÊT MIXTE
SUR RENVOI DE CASSATION
DU 16 MAI 2018
V.N.
N°2018/104
Rôle N° 16/06252 -
N° Portalis DBVB-V-B7A-6MPJ
[G], [I] [S]
C/
[F], [K] [S]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ
Me Nathalie RUIZ
Sur saisine de la cour suite à l'arrêt n° 1218 F-P+B rendu par la Cour de Cassation en date du 04 Novembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° J 14-23.662 lequel à cassé et annulé partiellement l'arrêt de la chambre civile A de la Cour d'appel de Bastia rendu le 30 avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00528 à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 31 mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 04/00538.
DEMANDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [G], [I] [S],
né le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Jean-Michel BARGIARELLI, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [F], [K] [S]
né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté par Me Nathalie RUIZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique NOCLAIN, Présidente, et Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée, chargés du rapport.
Mme Véronique NOCLAIN, Présidente , a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique NOCLAIN, Présidente
Mme Chantal MUSSO, Présidente de chambre
Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2018 et qu'à cette date le délibéré par mise à disposition était prorogé au 16 Mai 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2018.
Signé par Mme Véronique NOCLAIN, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Paul [S] et [N] [E] se sont mariés le [Date mariage 1] 1937 sous le régime de la communauté légale des biens meubles et acquêts.
Par acte notarié du 21 novembre 1996, ils ont procédé à une donation-partage conjonctive portant sur la nue-propriété de biens immobiliers au profit de leurs deux fils [G] et [F].
Par acte du 22 octobre 1999, en avancement d'hoirie, Paul [S] a donné à son fils [F] l'usufruit des biens objet de la donation partage sus-dite.
Les époux [Y] et [N] [S] décédent respectivement les 27 avril 2001 et 19 janvier 1997 et laissent pour leur succéder leurs deux fils.
Par acte d'huissier du 16 avril 2004, monsieur [G] [S] assigne son frère devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 43.661,53 euros sur le fondement d'un acte sous seing privé du 21 novembre 1996 qualifié de reconnaissance de dette; par acte d'huissier du 18 octobre 2004, monsieur [F] [S] assigne son frère devant la même juridiction aux fins de partage de la succession des époux [S]-[E]; les deux procédures sont jointes le 20 janvier 2006.
Une expertise est ordonnée et confiée à monsieur [B] le 2 mars 2007 aux fins d'évaluation des comptes bancaires des défunts; le rapport d'expertise est déposé le 1er février 2008.
Par jugement contradictoire du 31 mai 2010, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a principalement:
-prononcé la nullité de l'acte du 21 novembre 1996, en ce qu'il contient un pacte de succession future;
-rejeté la demande en paiement de la somme de 43.661,53 euros;
-ordonné la liquidation et le partage du régime matrimonial et de la succession des époux [S];
-dit que fait partie de la masse des biens à partager la valeur de 1/5 d'une licence IV à Querciolo;
-dit que font partie de la masse des biens à partager de [Y] [S] des droits indivis sur des biens situés sur la commune de Taverna;
-rejeté la demande de monsieur [G] [S] au titre d'un rapport d'une somme de 140.000 francs par son frère sur le fondement d'une donation-partage du 26 mai 1985;
-dit que la donation du 22 octobre 1999 de [Y] [S] à son fils [F] est soumise aux règles du rapport des libéralités;
-dit que monsieur [F] [S] doit rapporter les sommes de 9.147 euros (60.000 francs) et de 25.992,56 euros (170.500 francs) à la succession de [Y] [S];
-dit que monsieur [G] [S] doit rapporter la somme de 120.854,38 euros (792.752,80 francs) à la succession de [Y] [S];
-rejeté les demandes des parties fondées sur le recel successoral;
-rejeté l'action en réduction intentée par monsieur [G] [S];
-dit que la quotité disponible est de 1/3 et la réserve de 2/3 en application de l'article 913 du code civil;
-rejeté les demandes d'expertise;
-rejeté les demandes d'exécution provisoire;
-rejeté les demandes faites au titre des frais irrépétibles;
-dit que les dépens seront frais privilégiés de partage et répartis à proportion des droits respectifs des co-partageants.
****
Par déclaration reçue le 6 juillet 2010, monsieur [G] [S] a interjeté appel du jugement précité.
Dans ses demandes à la cour, il a sollicité principalement:
- qu'il soit fait droit à son action en réduction;
-que soit ordonné le rapport par l'intimé à la succession de son père de la somme de 96.919 euros au titre du fonds de commerce et des fruits reçus 'à titre de don manuel en 1972 de [Y] [S].';
Monsieur [F] [S] s'est opposé aux demandes de l'appelant.
****
Par arrêt contradictoire du 30 avril 2014, la cour d'appel de Bastia a:
-confirmé le jugement déféré;
-débouté monsieur [G] [S] de ses demandes d'homologation des rapports dexpertise de madame [C] [C] et de madame [Q] [G];
-débouté monsieur [G] [S] de ses demandes tendant à ordonner la communication de pièces à la SCP Mes [Y] et [I], notaires associés à [Localité 2], et à désigner subsidiairement un expert;
-débouté monsieur [F] [S] de ses demandes tendant au rapport par son frère à la masse successorale de la valeur de l'appartement acquis le 13 octobre 1958 ainsi que du cabinet dentaire et de l'appartement sis à [Adresse 3];
-débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts et de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
-condamné monsieur [G] [S] aux dépens.
Il sera retenu les deux points encore en débat dans la présente procédure:
1 s'agissant de l'action en réduction:
Monsieur [G] [S] a soutenu devant la cour, en se fondant sur les évaluations de l'expert [C], que sur un montant global d'actif successoral 881.154 euros, il n'avait bénéficié que d'une somme de 81.133 euros, soit un pourcentage inférieur à ses droits de plus de 90%, que [Y] [S] n'avait pas conféré par testament le bénéfice de la quotité disponible à monsieur [F] [S] et que son frère avait caché la valeur des biens reçus par lui par donation-partage; l'intimé a précisé à la cour que le rapport [C] ne pouvait être retenu car les biens qui lui avaient été donnés étaient des terres agricoles non constructibles dont plus de la moitié était en zone inondable et qu'en ce qui concerne l'action en réduction engagée par son frère, il convenait au préalable d'évaluer la totalité de la masse successorale; il a ajouté que son frère [G] avait reçu au moins une valeur de 139.837 euros de plus que lui.
La cour a écarté l'action en réduction engagée par monsieur [G] [S] en faisant application de l'article 922 du code civil, aux termes duquel les biens doivent être évalués à la date d'ouverture de la succession, et a écarté les dispositions de l'article 1078 du code civil.
2.s'agissant de la demande de l'appelant de voir rapporter par son frère à la masse successorale la somme de 96.919 euros au titre du fonds de commerce et des fruits reçus à titre de don manuel en 1972 de [Y] [S]:
Monsieur [G] [S] a soutenu devant la cour que le fonds de commerce de papeterie dont s'agit, situé [Adresse 1], avait été cédé par son frère aux époux [M] par acte notarié du 6 janvier 1976 moyennant le prix de 95.000 francs, soit 57.337 euros, et que le versement de cette somme appartenait à [Y] [S], qui avait acquis ce commerce le 24 janvier 1955 et continué à l'exploiter jusqu'en 1976; il a ajouté que monsieur [F] [S] ne possédait pas d'acte notarié d'acquisition à son nom du fonds de commerce concerné et qu'il s'agissait en réalité d'un don manuel réalisé sous une opération secrète habillée par la création d'un nouveau fonds de commerce; il a réclamé le rapport à la succession de [Y] [S] de la valeur du fonds de commerce et de ses bénéfices pour les années 1973, 1974 et 1975.
La cour a écarté la demande de rapport de l'appelant en précisant que' les biens incorporels ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'un don manuel, lequel exige une tradition matérielle'; la cour a ajouté monsieur [G] [S] ne pouvait valablement se prévaloir de l'existence d'un don manuel par leur père à l'intimé du fonds de commerce de papeterie et qu'en conséquence, ses demandes portant sur le rapport successoral relatif à la cession du fonds de commerce par monsieur [F] [S] suivant acte notarié du 6 janvier 1976 devaient être rejetées.
***
Un pourvoi a été interjeté par monsieur [G] [S] et la cour de cassation a rendu son arrêt le 4 novembre 2015.
Aux termes de cet arrêt, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt sus-dit mais uniquement en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio ayant rejeté l'action en réduction intentée par monsieur [G] [S] et ayant rejeté sa demande tendant à voir ordonner le rapport par son frère [F] de la somme de 96.919 euros au titre du prix de vente d'un fonds de commerce de papeterie et des fruits perçus du fonds à titre de don manuel; la cour de cassation a, sur ces seuls points, renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
A l'appui de son arrêt, la cour de cassation a précisé que:
-sur l'action en réduction:
'En statuant ainsi alors qu'en cas d'action en réduction, l'article 1078 texte d'exception prévoit une évaluation des biens au jour de la donation-partage et n'impose pas de retenir celle figurant dans l'acte, la cour d'appel a violé les textes sus-visés '( à savoir les articles 922 et 1078 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 applicable en la cause);
-sur le rapport du don manuel de 96.919 euros:
'En statuant ainsi, alors que monsieur [G] [S] ne demandait pas le rapport du fonds de commerce mais, en soutenant que son père l'avait cédé secrètement à son frère qui l'avait revendu, le rapport du prix de vente de ce bien, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé le texte sus-visé' ( à savoir l'article 4 du code de procédure civile).
****
Monsieur [G] [S] a déposé le 5 avril 2016 auprès de la cour d'appel d'Aix-en-Provence une déclaration de saisine après renvoi de cassation.
Par dernières écritures signifiées le 1er février 2018, monsieur [G] [S] demande à la cour principalement de:
-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'action en réduction exercée par lui;
-écarté l'expertise de monsieur [J];
-juger que les biens reçus par monsieur [G] [S] lors de la donation-partage du 21 novembre 1996 avaient une valeur de 39.552 euros à la date de la donation et non celle de 89.182 euros telle que déclarée dans l'acte;
-juger que les biens reçus par monsieur [F] [S] lors de la donation-partage du 21 novembre 1996 avaient une valeur de 585.835 euros à la date de la donation et non celle de 59.926,73 euros telle que déclarée dans l'acte;
subsidiairement, avant dire droit au fond sur la valeur des biens objet de la donation-partage du 21 novembre 1996,
-ordonner une expertise;
en toute hypothèse,
-ordonner le rapport par monsieur [F] [S] à la succession de [Y] [S] de la somme de 195.346 euros au titre de la donation frauduleusement dissimulée de la valeur du fonds de commerce de papeterie et des fruits reçus au titre des années de 1972 à 1976, avec intérêts au taux légal à compter de l'ouverture de la succession de [Y] [S];
subsidiairement, avant dire droit au fond sur la valeur de l'appartement sis [Adresse 1] à la date de la donation-partage,
-ordonner une expertise pour évaluer l'appartement sus-dit à la date de la donation-partage;
-en toute hypothèse, condamner monsieur [F] [S] aux peines du recel au titre de cette donation et le priver de toute part successorale dans cette somme;
subsidiairement,
-ordonner le rapport par monsieur [F] [S] de la somme de 125.838 euros au titre de la donation frauduleusement dissimulée de la valeur du fonds de commerce de papeterie et des fruits produits;
en toute hypothèse, le condamner aux peines du recel au titre de cette donation et le dire privé de toute part successorale dans cette somme;
trés subsidiairement, ordonner le rapport par monsieur [F] [S] de la somme de 22.029 euros au titre de la donation frauduleusement dissimulée de la valeur du fonds de commerce de papeterie et des fruits produits, avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 1976, date de la vente, et plus subsidiairement avec intérêts aux taux légaux à compter du 27 avril 2001, date d'ouverture de la succession;
en toute hypothèse, le condamner aux peines du recel au titre de la donation et le priver de toute part successorale dans cette somme;
en toute hypothèse, ordonner le partage successoral par parts égales;
-condamner monsieur [F] [S] à rapporter à la succession et à reverser à son frère la somme totale de 508.165 euros avec intérêts à compter du 21 avril 2001, date d'ouverture de la succession, et subsidiairement, 403.903 euros avec intérêts à compter du 21 avril 2001 et très subsidiairerment, 248.190 euros avec avec intérêts à compter du 21 avril 2001;
subsidiairement,
-dire monsieur [G] [S] bien fondé en son action en réduction des libéralités execessives consenties à monsieur [F] [S];
-ordonner la réduction de ces libéralités;
-condamner monsieur [F] [S] à rapporter à la succession et à reverser à monsieur [G] [S] la somme totale de 341.331 euros et subsidiairement, 247.753 euros et très subsidiairement, 109.241 euros;
-dire que les sommes soumises à réduction porteront intérêts légaux à compter de l'ouverture de la succession;
-condamner monsieur [F] [S] à verser à monsieur [G] [S] une somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
***
Par dernières conclusions signifiées le 19 février 2018, monsieur [F] [S] a demandé principalement à la cour de:
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'action en réduction exercée par monsieur [G] [S];
-débouter monsieur [G] [S] de l'ensemble de ses demandes;
sur demande incidente,
-dire et juger que le rapport de madame [C] est partial;
-dire et juger que le rapport de monsieur [J] permet une juste évaluation des biens objet de la donation-partage;
-dire et juger que les terrains attribués à monsieur [F] [S] à [Adresse 1] ne peuvent être considérés comme constructibles du seul fait de l'aléa juridique;
-dire et juger que la masse successorale connue à ce jour est de 311.832,74 euros;
-dire et juger, eu égard au rapport [J] et à l'acte de partage, que :
*la réserve d'un tiers dont bénéficiait monsieur [F] [S] s'élève à 103.944,25 euros (un tiers de 311.832,74 euros);
*monsieur [F] [S] a perçu au titre de la donation-partage la somme de 52.250 euros et au titre du rapport de la libéralité, une somme de 25.992,56 euros, soit un total de 78.242,56 euros;
*monsieur [G] [S] a perçu au titre de la donation-partage 112.736 euros et au titre de la libéralité qu'il doit rapporter la somme de 120.854,38 euros, soit un total de 233.590,38 euros, soit une part supérieure à sa réserve d'un montant de 78.242,56 euros;
*monsieur [F] [S] ets fondé dans son action en réduction et il y a lieu de l'ordonner en tant que de besoin;
-dire et juger que l'acte du 16 janvier 1976 est un acte authentique qui n'a pas fait l'objet d'une inscription de faux;
-dire et juger que cet acte énonce que le fonds de commerce a été créé par monsieur [F] [S] et qu'il n'est pas issu d'une donation ou d'un acte de cession;
-dire et juger que l'intention libérale de Paul [S] à l'égard de son fils [F] n'est pas démontrée ni l'existence d'un appauvrissement de sa part au bénéfice de son fils;
-dire et juger qu'il n'y a pas recel successoral ni d'acte de dissimulation de la part de monsieur [F] [S];
-dire et juger que les demandes de l'appelant au titre du rapport sur le prix du fonds de commerce et des fruits perçus ainsi qu'au titre du recel successoral seront écartées;
à titre subsidiaire, dire et juger que les demandes chiffrées de monsieur [G] [S] sur le fonds de commerce ne correspondent pas à la réalité économique;
à titre infiniment subsidiaire, dire en tout état de cause que cette donation n'aurait en rien empiété sur la réserve de l'appelant;
L'intimé s'en rapporte sur la demande d'expertise et si elle est ordonnée, demande de dire et juger que l'appelant aura à en supporter le coût provisionnel.
Il demande enfin de condamner monsieur [G] [S] à lui verser une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 février 2018.
Sur ce,
La sasine de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est délimitée par les termes de l'arrêt de la cour de cassation du 4 novembre 2015; cet arrêt a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 30 avril 2014:
- en ce qu'il a rejeté l'action en réduction engagée par monsieur [G] [S] en écartant les dispositions de l'article 1078 du code civil;
-en ce qu'il a rejeté la demande de rapport du prix de vente du fonds de commerce sis [Adresse 1] et des fruits perçus pour les années 1973, 1974 et 1975 aux motifs que 's'agissant de biens incorporels, il ne peut y avoir de don manuel'.
-sur l'action en réduction:
L'article 1078 du code civil, texte d'exception, dispose qu'en cas d'action en réduction, les biens doivent être évalués au jour de la donation-partage.
En l'espèce, c'est donc au 21 novembre 1996 que les biens reçus par les parties seront évalués.
La cour a à sa disposition pour l'évaluation des biens, et vérifier si l'action en réduction est ou non fondée, deux rapports, l'un rédigé par monsieur [A] [J] le 20 novembre 2016 et l'autre par madame [C] [C] le 18 octobre 2010.
Monsieur [J] évalue ainsi les biens en 1996:
-attribués à monsieur [F] [S]: 52.250,00 euros
-attribués à monsieur [G] [S]: 112.736 euros
Dans un dernier écrit en date du 24 février 2017, monsieur [A] [J] précise que son évaluation de 2016 est en partie caduque eu égard notamment à l'évolution du bâti sur les parcelles et à l'absence de précisions sur l'état des constructions édifiées.
Madame [C] [C] évalue ainsi les biens en 1996:
-attribués à monsieur [F] [S]: 558.835 euros;
-attribués à monsieur [G] [S]: 39.551,60 euros.
Les parties s'opposent sur l'évaluation des biens en s'appuyant chacune sur le rapport qui lui est favorable; aucun de ces rapports n'a été rédigé au contradictoire de la partie adverse.
Il y a donc lieu, avant-dire droit, d'ordonner une expertise contradictoire aux fins d'évaluation des biens de la donation-partage du 21 novembre 1996 et ce, à la date de cette dernière.
Les demandes des parties s'agissant de l'action en réduction seront, dans cette attente, réservées.
-sur le rapport du prix de vente du fonds de commerce et des fruits perçus
La cour de cassation a rappelé que monsieur [G] [S] n'avait pas demandé le rapport du fonds de commerce mais, en soutenant que son père l'avait cédé secrètement à son frère qui l'avait revendu, le rapport du prix de vente de ce bien.
Le bien dont s'agit, sis [Adresse 1], a été cédé aux époux [M] par acte notarié du 6 janvier 1976 au prix de 95.000 francs, soit 57.337 euros.
Dans ses dernières écritures, monsieur [G] [S] demande à titre principal de dire que l'intmé rapportera à la succession la somme de 125.838 euros au titre de la vaeur du fonds de commerce et des fruits produits et à titre subsidiaire, la somme de 22.029 euros avec intérêts au taux légal à compter de la vente ou à la date de l'ouverture de la succession le 27 avril 2001; il demande également de retenir à l'encontre de l'intimé les peines du recel successoral.
Monsieur [F] [S] demande d'écarter les prétentions de l'appelant à titre principal, le fonds de commerce dont s'agit n'étant selon lui pas issu d'une donation déguisée ou d'un acte de cession déguisée et aucune intention libérale de son père à son profit n'étant démontrée; à titre subsidiaire, il demande de dire que les prétentions chiffrées de l'appelant 'ne correspondent pas à la réalité économique' et qu'en toute hypothèse, s'il y a eu 'donation', cette dernière n'a pas empiété sur la réserve de on frère.
L'acte notarié du 6 janvier 1976 précise que le fonds de commerce, connu sous le nom 'Librairie Papeterie [S]' 'appartient en propre au vendeur pour avoir été créé par lui dans les locaux où il est actuellement exploité depuis l'année 1972"; à cet acte notarié, monsieur [F] [S] a comparu en tant que 'vendeur', les consorts [M] étant présents en tant qu'acquéreurs; or, monsieur [F] [S] ne communique pas l'acte par lequel il fait initialement l'acquisition du-dit fonds de commerce alors qu'il est par ailleurs établi que ce dernier a été acquis le 24 janvier 1955 par son père Paul [S] (pièce 15 de l'appelant); il sera au surplus constaté que Paul [S] a été radié du registre du commerce et des sociétés d'[Localité 2] le 3 janvier 1972 pour motifs cessation d'activité depuis le 31 décembre 1971 et que son fils [F] a été inscrit à ce même registre le 6 janvier 1972 avec effet rétroactif au 1Er janvier 1972 et ce, pour activité Papeterie,fournitures de bureaux, scolaires et journaux au [Adresse 1] en exploitation personnelle.
Sans qu'une contestation des éléments contenus dans l'acte notarié du 6 janvier 1976 par inscription de faux ne soit nécessaire pour trancher le débat, il résulte clairement de l'examen de ces divers éléments que monsieur [F] [S], sous la qualité de 'vendeur', a procédé à la vente aux consorts [M] du fonds de commerce sus-dit qui, faute de preuve contraire, appartenait encore à son père et qu'il exploitait en réalité seul ainsi qu'il résulte du registre du commerce et des sociétés depuis le 1er janvier 1972; ces éléments pemettent de dire que c'est bien monsieur [F] [S] qui a perçu le prix de vente du fonds de commerce, exploité par lui depuis 4 ans, et non son père [Y], et qu'il a également perçu les fruits de ce fonds de commerce pour les années 1973 à 1976.
Aux termes de l'acte de vente du 6 janvier 1976, les fruits du fonds de commerce ont été évalués comme suit:
année 1973: 14.000 francs;
année 1974: 17.000 francs
année 1975: 18.500 francs
soit un total de 49.500 francs, soit 43.142 euros.
Monsieur [F] [S], qui critique ces bilans, ne communique aucun élément comptable permettant de les remettre valablement en cause.
Il est en conséquence établi que c'est une somme totale de 43.142 euros + 82.796 euros = 125.938 euros qui a été donnée de façon dissimulée par [Y] [S] à son fils [F]; la dissimulation résulte de la présence de [F] [S] seul sous la qualité de' vendeur' à l'acte de vente du 6 janvier 1976, alors qu'il n'était pas en possession d'un acte de cession du bien en sa faveur et qu'il apparaît en réalité qu'aucune vente du fonds de commerce par [Y] [S] à son fils [F] n'a eu lieu dans un but évident de dissimulation; en agissant ainsi sans qu'aucune contre-partie ne soit démontrée, [Y] [S] s'est dessaisi de façon irrévocable en faveur de son fils [F] de la valeur de son fonds de commerce en s'appauvrissant du prix de vente de ce bien et des fruits perçus depuis 1972.
En présence d'une donation déguisée, l'héritier réservataire peut demander la réduction de la donation à la quotité disponible et non le rapport du montant total de la donation.
Toutefois, monsieur [G] [S] demande à la cour de retenir à l'encontre de son frère les peines du recel successoral prévues par l'article 792 ancien du code civil; dans cette hypothèse, le montant total de la donation déguisée serait à rapporter à la succession et monsieur [F] [S] serait privé de toute part successorale sur cette somme.
Or, en l'espèce, il est établi qu'à l'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de [Y] [S], monsieur [F] [S] n'a pas mentionné avoir bénéficié de la donation sus-évoquée, alors que le fonds de commerce sis [Adresse 1] appartenait depuis 1955 à [Y] [S] et que sa valeur devait figurer à l'actif de sa succession; cette dissimulation d'actif a eu pour objectif évident de rompre l'égalité du partage entre les héritiers réservataires et de porter atteinte aux droits de monsieur [G] [S]; en conséquence, il sera fait droit aux peines prévues à l'article 792 ancien du code civil et monsieur [F] [S] sera privé de sa part successorale sur la somme de 125.938 euros, somme qui portera intérêts au taux légal à compter de l'ouverture de la succession de [Y] [S].
Pour le surplus des demandes des parties quant au partage de la succession de leur père, il serait prématuré de statuer, la cour ayant ordonné une expertise sur les biens de la donation-partage du 21 novembre 1996 et devant trancher à l'issue de cette expertise le débat sur le bien-fondé de l'action en réduction.
Quant aux dépens de la présente instance et les frais irrépétibles sollicités par les parties, ils seront également en l'état réservés.
Par ces motifs,
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort
Vu l'arrêt de la cour de cassation du 4 novembre 2015 ;
Avant dire droit sur l'action en réduction,
Ordonne une expertise aux fins d'évaluation des biens objets de la donation-partage faite le 21 novembre 1996 faite par les époux [S]-[E] en faveur de leurs fils [F] et [G] [S], cette évaluation devant être réalisée à la date de la donation-partage;
Commet pour y procéder :
Madame [R] [Q]
[Adresse 4]
Tél : XXXXXXXXXX
Dit que Messieurs [F] et [G] [S] devront consigner la somme totale de 3.000 €, soit 1.500 euros par monsieur [F] [S] et 1.500 euros par monsieur [G] [S], à valoir sur la rémunération de l'expert, entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel d'Aix en Provence dans le délai de 2 mois de la présente décision, à peine de caducité de la mesure d'expertise ;
Dit que, pour exécuter sa mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du Code de procédure civile ;
Dit que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple ;
Dit que l'expert pourra recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l'éclairer ;
Dit que l'expert devra :
- en concertation avec les parties, dès la première réunion, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise ; l'actualiser ensuite dans le meilleur délai, en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées et en les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ou son projet de rapport;
- adresser dans le même temps au magistrat chargé du contrôle de l'expertise le montant prévisible de sa rémunération et solliciter le cas échéant le versement d'une consignation complémentaire ;
- adresser aux parties un pré-rapport et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations en fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront pour ce faire d'un délai de 3 à 4 semaines à compter de la transmission du rapport, et en rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu'il fixe ;
Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, se faire assister d'un sapiteur d'une autre spécialité que la sienne, pris sur la liste des experts de la cour ;
Dit que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif ;
Dit que l'original du rapport définitif sera déposé au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans le délai de 8 mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé par le greffe du versement de la provision, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera lui-même copie à chacune des parties en cause et un second original à la juridiction mandante ;
Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport ;
Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête présentée par la partie la plus diligente au conseiller de la mise en état de la sixième chambre D de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Désigne le magistrat de la mise en état de la chambre pour contrôler les opérations d'expertise ;
Ordonne le rapport par monsieur [F] [S] à la succession de Paul [S] de la somme de 125.938 euros représentant la valeur du fonds de commerce sis [Adresse 1] et des fruits perçus par ce fonds;
Dit que sur cette somme de 125.938 euros, monsieur [F] [S] n'aura aucune part successorale;
Réserve les dépens et les frais irrépétibles.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT