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19/04/2018 | FRANCE | N°16/07083

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 19 avril 2018, 16/07083


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2018



N°2018/

GB/FP-D













Rôle N° N° RG 16/07083 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6OOR







[S] [F]





C/



SA KONE



















Grosse délivrée le :

à :

Me Séverine PATRIZIO, avocat au barreau de NICE



Me Nicolas CAPILLON, avocat au barreau de PARIS




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - section E - en date du 09 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/256.





APPELANT



Monsieur [S] [F], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Séverine PATRIZIO, avocat...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2018

N°2018/

GB/FP-D

Rôle N° N° RG 16/07083 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6OOR

[S] [F]

C/

SA KONE

Grosse délivrée le :

à :

Me Séverine PATRIZIO, avocat au barreau de NICE

Me Nicolas CAPILLON, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - section E - en date du 09 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/256.

APPELANT

Monsieur [S] [F], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Séverine PATRIZIO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SA KONE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nicolas CAPILLON, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 3])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2018

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée postée le 5 avril 2016, M. [F] a interjeté appel du jugement rendu le 9 mars 2016 par la formation de départage du conseil de prud'hommes de Nice disant son licenciement disciplinaire fondé sur une cause réelle et sérieuse et le condamnant à rembourser à la société Koné la somme de 76,73 euros au titre d'un indû, la somme de 33.217,75 euros en remboursement de la contrepartie d'une clause de non-concurrence, ainsi que 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] conclut à l'infirmation de ce jugement en toutes ses dispositions et poursuit devant la cour la condamnation de la société Koné à lui verser les sommes suivantes :

207 353,88 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

34 353,88 euros pour préavis, ainsi que 3 455,89 euros au titre des congés payés afférents,

67 735,55 euros au titre de son indemnité conventionnelle de licenciement,

34 732,15 euros, ainsi que 3 473,21 euros au titre des congés payés afférents, en paiement d'heures de travail supplémentaires après annulation d'une clause de forfait,

11 363,32 euros au titre du droit au repos,

55 619,66 euros pour travail dissimulé,

5 000 euros pour ses frais irrépétibles.

La société Koné conclut à la confirmation de cette décision seulement en ce qu'elle lui alloue la somme de 33 217,75 euros et réclame à M. [F] 15 000 euros pour sanctionner l'exécution fautive de son contrat de travail, outre 5 000 euros pour ses frais non répétibles.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures déposées et soutenues oralement par les parties à l'audience du 7 mars 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [F] est réputé avoir été au service de la société Koné du 2 décembre 1992 au 28 octobre 2013, date de la lettre prononçant son licenciement pour une faute grave tenant à son refus d'occuper un poste de travail nouvellement créé, fait considéré comme constitutif d'une insubordination.

Son conseil, en premier lieu, fait à bon droit observer que le contrat de travail du salarié étant suspendu au jour de son licenciement depuis le 12 juin 2013, son employeur, avant de tirer les conséquences de son refus d'occuper un poste de travail, avait l'impérieuse obligation d'attendre l'avis du médecin du travail sur la compatibilité de sa reprise du travail avec son état de santé.

Pour ce seul motif, le licenciement de M. [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [F], par ailleurs, a successivement occupé les postes de responsable du service montage et grosses réparations, de responsable technique, de responsable installation régional et, en dernier lieu, de directeur installation.

Comme il résulte de sa fiche de fonction, ce poste de directeur d'installation lui conférait comme responsabilités et principales missions de 'Diriger et endosser la responsabilité des opérations d'installation ' des ascenseurs, 'Etablir et maintenir des relations de qualités avec les clients afin de promouvoir les produits et services de l'entreprise et de résoudre tout conflit sur les Conditions générales des accords d'installation' et 'Etablir les budgets opérationnels, contrôler les coûts, l'efficacité et la fiabilité des activités d'installation afin d'optimiser les ressources, de prioriser les dépenses et de garantir que les exigences standard sont respectées'.

Cependant que le poste de 'Responsable du développement Ebuli' qui lui a été proposé impliquait une large activité commerciale comme il résulte de sa fiche de poste prévoyant que le salarié devait évaluer des opportunités de business afin de permettre à la société de pénétrer le marché Existing Building List, à savoir l'installation d'ascenseurs dans des immeubles qui en sont dépourvus, ce poste exigeant d'avoir des 'compétences et expérience de gestion de la relation client', une 'compréhension du marché et de l'activité des clients', des 'connaissances commerciales et financières de base', une 'connaissance étendue des contrats du secteur de la construction et de leur gestion', une 'connaissance et expérience de la qualification de l'organisation et de la négociation avec plusieurs commerciaux' et des 'contrats et projets en collaboration avec plusieurs intervenants', ainsi qu'une 'aptitude prouvée à travailler et communiquer avec des décideurs de haut niveau et à développer des relations dans des environnements complexes'.

Alors que le salarié était noté sur sa capacité à éviter les pannes et à gérer les plannings, il aurait été noté sur sa capacité à améliorer les résultats nets de l'entreprise ce qui était en dehors de son champ de compétence.

L'ancien salarié [Y] confirme que dans le cadre de ses activités, M. [F] n'avait pas de fonctions de développement commercial, confiées aux ingénieurs des ventes, et que ses seuls contacts avec la clientèle étaient ponctuels, à l'occasion par exemple de réunions de suivis de chantiers.

La comparaison entre ces deux postes de travail permet de retenir que le poste créé sur le segment 'Ebuli' modifiait profondément le coeur du métier que M. [F] exerçait depuis plus de 21 ans et que cette modification de son contrat de travail dans l'un de ses éléments essentiels supposait une acceptation dont l'employeur ne justifie pas, de sorte que le salarié n'a pas commis de faute, le 24 septembre 2013, en refusant d'occuper cet emploi.

La cour, infirmant, dira sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [F].

.../...

M. [F] recevra les indemnités de rupture qu'il sollicite - en particulier 6 mois de salaire au titre de son préavis conventionnel (+ 50 ans et + 5 ans de présence dans l'entreprise) - dont le détail n'est pas discuté- par application de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Âgé de 51 ans au moment de la rupture de son contrat de travail, survenue en l'état d'une ancienneté de 21 ans au sein d'une entreprise occupant habituellement plus de 11 salariés, M. [F] a perdu un salaire mensuel de 5 759,83 euros brut ; l'intéressé a perçu des indemnités journalières de la Sécurité Sociale du 12 juin 2013, avant d'être pris en charge par le Pôle emploi jusqu'au 10 octobre 2016, date à partir de laquelle il justifie d'un nouvel emploi dans le même secteur d'activité rémunéré 2 295,83 euros brut par mois.

La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour arrêter à la somme de 145 000 euros l'exacte et entière réparation née de la rupture illégitime de son contrat de travail.

.../...

Le forfait stipulé dans l'avenant du 5 juillet 2012 n'est pas opposé par l'employeur au principe de la demande en paiement d'heures de travail supplémentaires.

.../...

L'employeur objecte à cette demande que le salarié était un cadre dirigeant de l'entreprise car il bénéficiait d'une rémunération au moins équivalente au niveau IIIA de la convention collective, ainsi que de 6 jours de congés payés supplémentaires, ce qui le situait parmi les rémunérations les plus élevées et que son niveau de responsabilité impliquait qu'il participât à la gestion de la région PACA comme tous les membres du comité de direction pour ce qu'il leur incombait sous l'autorité du directeur régional.

Le conseil de l'employeur en déduit que le statut de M. [F] correspondait en tous points au dispositif décrit à l'article L. 3111-2 du code du travail et que la circonstance que ce cadre dirigeant n'opérait pas au niveau national, comme c'est le cas en l'espèce, mais à un niveau régional est inopérant.

Mais s'il est exact que le périmètre d'appréciation des salaires les plus élevés au sein d'une entreprise d'ampleur internationale peut s'apprécier à l'échelon national, voire même local lorsque l'établissement présente une certaine importance, la rémunération de M. [F] doit être tenue, faute d'éléments d'appréciation contraires, comme moindre que les rémunérations des cinq cadres placés au-dessus de lui dans l'organigramme que fournit l'employeur (pièce 30).

M. [F] était l'un des cinq directeurs, chacun exerçant une autorité hiérarchique sur une équipe d'une dizaine de subordonnés (7 dans le cas de M. [F]), cette constatation étant exclusive d'une participation de ce cinq salariés investis de responsabilités mineures à la direction de l'entreprise, fût-ce au niveau de la région PACA.

Enfin, le chapitre 4, section 1, de l'accord national d'entreprise sur la réduction de la durée du travail à 35 heures signé le 16 mai 2000 au sein de l'unité économique et sociale formée entre la SFA Koné et Konématic, dont les dispositions, toujours en vigueur, sont applicables aux rapports entre les parties au contrat de travail, indique que les cadres dirigeants au sein de la société Koné sont positionnés III B et III C (position 23 et 24 de la nouvelle grille de transposition), ainsi que les cadres membres des comités de direction, ainsi que les cadres ayant signé une délégation de pouvoir, quelle que soit leur position hiérarchique.

M. [F] étant classé III C position 22 de la nouvelle grille de transposition, ne faisant pas partie des membres du comité de direction et n'ayant pas de délégation de pouvoir, sa qualification de cadre dirigeant ne saurait être retenue.

.../...

Des motifs précédemment adoptés, la cour retient que la relation de travail était soumise à la durée légale du travail.

Le salarié indique qu'il travaillait 5 jours par semaine de 7 heures 30 à 19 heures 30, soit 12 heures de travail par jour dont il faut déduire une heure au titre de la pause méridienne, représentant 20 heures supplémentaires chaque semaine.

Pour étayer sa demande en paiement de la somme de 34 732,15 euros à ce titre, outre l'indemnité de congés payés afférents, le salarié produit de nombreuses attestations en ce compris d'autres salariés ([K], [I], [A], [V]), ainsi qu'un échantillonnage de courriels à caractère professionnel par lui envoyés les samedis et dimanches.

Pour s'opposer à cette demande, l'employeur n'objecte aucun élément, sa défense étant de renvoyer à la qualité de cadre dirigeant prétendue de M. [F].

La cour, dans ces conditions, fera droit aux prétentions de ce salarié, tant sur sa demande en paiement d'heures supplémentaires, assorties des congés payés afférents, que sur sa demande en paiement des heures de repos obligatoires.

.../...

La cour ne trouve pas dans les éléments de ce dossier la démonstration d'une volonté délibérée de l'employeur de dissimuler le temps de travail supplémentaire accompli par M. [F].

Sa demande en condamnation sur le fondement d'un travail dissimulé sera rejetée.

.../...

Un compte courant bancaire ouvert par les époux [F] a été débité le 20 janvier 2014 de la somme de 76,75 euros représentant des frais professionnels dont le salarié a obtenu le remboursement dans le courant du mois de juin 2014.

Le jugement, en conséquence, sera infirmé en ce qu'il condamne le salarié a verser à la société Koné cette somme qui n'est plus réclamée.

.../...

Les premiers juges ont estimé que M. [F] avait méconnu la clause de non-concurrence en participant à la création d'une société concurrente dénommée Linkelin, immatriculée le 1er janvier 2014.

Cette clause de non-concurrence interdisait au salarié de créer une entreprise concurrente pendant une période d'un an sur le territoire de la France métropolitaine.

Le salarié, qui réfute avoir été à l'origine de la création de cette société ou s'y être intéressé avant l'expiration de la période de validité de cette clause de non-concurrence, objecte utilement que la seule production aux débats de l'extrait K-bis de la société Linkelin, sur lequel il n'apparaît pas, ainsi que le procès-verbal de l'assemblée générale nommant son gérant, le 16 décembre 2013. qui ne cite pas son nom, puis d'une publicité Internet pour cette société à laquelle M. [F] est étranger, sont autant de pièces insuffisantes pour établir que celui-ci a participé à la création de cette société en violation de son obligation de non-concurrence.

La cour, en conséquence, infirmera le jugement condamnant M. [F] à payer à la société Koné une indemnité de 33 217,75 euros à ce titre.

.../...

L'intimée, qui succombe, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile.

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau, condamne la société Koné à verser à M. [F] les sommes suivantes :

145 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

34 353,88 euros pour préavis, ainsi que 3 455,89 euros au titre des congés payés afférents,

67 735,55 euros au titre de son indemnité conventionnelle de licenciement,

34 732,15 euros, ainsi que 3 473,21 euros au titre des congés payés afférents, en paiement d'heures de travail supplémentaires après annulation d'une clause de forfait,

11 363,32 euros au titre du droit au repos.

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Condamne l'intimée aux entiers dépens.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Koné à verser 3 000 euros à M. [F].

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/07083
Date de la décision : 19/04/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°16/07083 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-19;16.07083 ?
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