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12/04/2018 | FRANCE | N°16/01460

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 12 avril 2018, 16/01460


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2018



N°2018/

JLT/FP-D













Rôle N° N° RG 16/01460 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6AEQ







SAS RM JARDINERIE ROCCHIETTA





C/



[X] [P]























Grosse délivrée le :

à :

Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE



Me Sophie PANAIAS, avocat au bar

reau d'AIX-EN-

PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section A - en date du 18 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1443.





APPELANTE



SAS RM JARDINERIE ROCCHIETTA, demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2018

N°2018/

JLT/FP-D

Rôle N° N° RG 16/01460 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6AEQ

SAS RM JARDINERIE ROCCHIETTA

C/

[X] [P]

Grosse délivrée le :

à :

Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE

Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section A - en date du 18 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1443.

APPELANTE

SAS RM JARDINERIE ROCCHIETTA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Adrien MIGNONE, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [X] [P], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2018

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] [P] a été embauché par la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA, en qualité de vendeur qualifié, par un contrat de travail à durée indéterminée du 4 janvier 2007.

Il a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Aix-en-Provence le 23 décembre 2011 pour solliciter la condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et de dommages-intérêts en raison de manquements de l'employeur à ses obligations.

Par jugement du 18 juin 2013, le conseil de prud'hommes a condamné la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA à payer à M. [P] les sommes de:

- 1 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 5 638,36 € à titre de rappels de salaires,

- 536,83 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche,

- 980,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a ordonné à l'employeur de rectifier les bulletins de salaire de 2007 à 2012 sous astreinte.

La SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA a relevé appel le 23 juillet 2013 de ce jugement notifié le 17 juillet 2013.

Suite à un arrêt de travail et à la visite médicale de reprise du 1er octobre 2013 ayant donné lieu à un avis d'inaptitude du médecin du travail, M. [P] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 12 décembre 2013.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA, concluant à la réformation du jugement, sollicite de débouter M. [P] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, M. [P], concluant à l'infirmation partielle du jugement, demande de condamner la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA à lui payer les sommes de :

- 5 638,36 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 563,83 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 1 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche,

- 1 101,60 € à titre de rappel sur prime d'ancienneté,

- 5 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 280,32 € à titre de remboursement de frais postaux,

- 20 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande :

- d'ordonner la remise, sous astreinte, des bulletins de paie rectifiés pour les années 2007 à 2010 et celles des mois de février 2011 à janvier 2013,

- d'ordonner les intérêts de droit à compter de la demande et la capitalisation des intérêts.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur la demande de rappel de salaires

Alors que le contrat de travail prévoit une durée hebdomadaire du travail de 35 heures et que M. [P] a toujours été rémunéré sur la base d'une durée mensuelle de travail de 151,67 heures, le décompte des heures de travail qu'il verse aux débats fait état d'une durée mensuelle du travail irrégulière, différente chaque mois, pouvant être, certains mois, inférieure à la durée contractuellement prévue mais aussi supérieure (atteignant 158 heures certains mois en 2008 et en 2010, 163 heures en 2009).

Les fiches de temps produites par l'employeur font état d'un nombre d'heures de travail mensuelles qui ne coïncide pas avec le décompte du salarié mais qui confirme la variabilité constante de cette durée qui est chaque mois différente et qui fluctue de 133 heures à 159 heures en 2007, de 79 heures à 163 heures en 2008, de 76 heures à 163 heures en 2009 et de 63 heures à 153 heures en 2010.

L'employeur soutient qu'il a fait application de l'article 5 de l'accord de branche du 2 juin 1999 sur la réduction du temps de travail, mais, ainsi que le souligne, à juste titre le salarié, l'article 5.1 de cet accord de branche prévoit que le temps de travail peut être organisé 'dans le cadre de l'année dès lors qu'une modulation des horaires a été ou est mise en place conformément aux dispositions de l'annexe III à la convention collective nationale'.

Il s'ensuit que la modulation sur l'année de la durée du travail ne pouvait se faire qu'en application des dispositions de la convention collective nationale des jardineries et graineteries.

Or, l'article VII de l'annexe III visée par l'accord de branche comporte les dispositions suivantes :

'L'amplitude et les conditions de la modulation adaptés à chaque service, ainsi que la date du début de chaque période sont définies dans le règlement interne de l'aménagement du temps de travail de chaque service après consultation du comité d'entreprise, des délégués du personnel, ou, le cas échéant, du personnel, sous réserve de respecter les fourchettes précisées ci-dessus. L'exercice de modulation doit correspondre à l'exercice civil ou social.

Les salariés sont informés par voie d'affichage de tout changement d'horaires collectifs intervenant dans le cadre de la modulation 7 jours avant celui-ci, sauf circonstance exceptionnelle. Information en est faite aux délégués syndicaux'.

Il n'est, en l'espèce, justifié ni d'un règlement interne de l'aménagement du temps de travail, ni d'une consultation des représentants du personnel, ni d'une information des salariés.

L'employeur ne peut donc soutenir avoir appliqué l'accord de branche du 2 juin 1999.

L'article L 212-8 du code du travail, devenu l'article L 3122-14, invoqué par l'employeur, donne, certes, la possibilité de prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année mais c'est à la condition qu'une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoie.

Comme l'employeur ne justifie pas avoir fait application d'une convention ou d'un accord collectif et qu'il ne justifie d'aucun accord d'entreprise, il n'était pas en droit de mettre en place un dispositif d'aménagement faisant varier la durée mensuelle du travail dans le cadre de l'année.

Le salarié est, en conséquence, bien fondé à prétendre au décompte de son temps de travail selon les dispositions légales et à revendiquer le paiement des heures supplémentaires exécutées au-delà de la durée légale du travail.

Il ressort du décompte produit par le salarié que des heures supplémentaires ont été exécutées et qui n'ont pas été payées à hauteur de :

- 1 760,60 euros en 2007,

- 1 325,86 euros en 2008,

- 1 451,64 euros en 2009,

- 1 100,26 euros en 2010.

Pour s'opposer à la demande, l'employeur verse aux débats des documents présentés comme des 'fiches de temps' du salarié mais de tels documents présentés sous forme de feuilles volantes sans indication de leur provenance, ni de leur date, ni de leurs conditions d'élaboration, ne peuvent constituer la preuve de ses horaires en l'absence de tout document de décompte du temps de travail que l'employeur doit tenir pour comptabiliser les heures de travail du salarié et contrôler ses horaires.

Les pièces produites étant de nature à étayer les prétentions du salarié, la demande de celui-ci, en l'absence de tout élément de preuve contraire, doit être accueillie.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme de 5 638,36 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées, non réglées ni récupérées, outre l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche

En application des articles R 4624-10 et suivants du code du travail, le salarié doit bénéficier d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.

L'employeur soutient avoir fait bénéficier M. [P] d'une telle visite mais il n'en justifie pas.

Toutefois, M. [P] n'apporte aucun élément susceptible de mettre en évidence l'existence d'un préjudice que cette carence aurait pu lui causer, une telle preuve ne pouvant résulter de la maladie dont il a souffert à compter d'octobre 2010, soit plus de trois ans après l'embauche.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande sur ce point.

Sur la demande de rappel de prime d'ancienneté

Il résulte des bulletins de salaire que M. [P] a perçu, jusqu'au 31 janvier 2011, une prime d'ancienneté qui s'élevait à 34,42 euros par mois et que cette prime a cessé d'être versée à compter du mois de février 2011.

L'employeur soutient qu'il s'agirait d'un usage dans l'entreprise qui serait 'la résurgence de l'application d'un ancien accord départemental' prévoyant le maintien de cette prime jusqu'à la fin du maintien du salaire à 100% en cas de maladie et jamais au-delà. Toutefois, l'existence de cet ancien accord n'est aucunement justifiée, les affirmations de l'employeur n'étant corroborées par aucun élément, notamment en ce qui concerne les modalités de versement de cette prime et le critère qui permettrait d'y mettre fin. La qualification de prime d'ancienneté tend, au contraire, à démontrer que son versement est seulement lié à l'ancienneté du salarié et non au fait qu'il se trouve en arrêt de travail pour maladie.

Compte tenu que la nature d'usage n'est pas contestée et en l'absence de toute dénonciation régulière, le salarié est bien fondé à solliciter le paiement de cette prime pour la période de février 2011 à janvier 2013, soit la somme de 826,08 euros brut (24 x 34,42 euros).

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

M. [P] explique, sans être contesté sur ce point, qu'il a sollicité de l'employeur, par lettre du 28 janvier 2011, qu'il fasse les démarches nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance afin qu'il soit pris en charge à ce titre, étant en arrêt de travail pour maladie depuis le mois d'octobre 2010. L'employeur ne conteste pas avoir reçu cette lettre. Or, il résulte du courrier du salarié en date du 23 mars 2011 que M. [P] s'est plaint de n'avoir perçu que 354,34 euros en janvier 2011 et d'avoir un bulletin de salaire au titre du mois de février 2011 faisant apparaître une somme négative de - 26,22 euros, 'somme qui n'aurait jamais dû apparaître si la prévoyance avait pris le relais'. M. [P] a ajouté dans ce courrier que 'du fait de tous ces retards de prise en charge d'indemnités par la prévoyance', il se trouve 'dans une situation économiquement faible'.

L'employeur qui ne conteste pas l'existence des retards intervenus dans le paiement du complément de salaire, ne saurait soutenir que ceux-ci sont imputables au salarié qui aurait communiqué avec retard les décomptes de la sécurité sociale en l'absence de tout élément de preuve sur ce point. Le courrier en réponse de l'employeur en date du 25 mars 2011 ne comporte aucune imputation au salarié des retards que celui-ci a dénoncé. Il indique simplement que son dossier est 'en cours de validation' par l'organisme de prévoyance et que 'les indemnités devraient lui être versées au plus tôt'.

Si le salarié a indiqué, dans sa lettre du 23 mars 2011, qu'il en profitait pour communiquer à l'employeur la première attestation concernant la période du 12 au 26 octobre 2010, cette mention ne peut permettre à l'employeur de soutenir que le retard est imputable au salarié alors que celui-ci a précisé dans sa lettre faire cette transmission 'au cas où vous n'auriez pas pu l'ouvrir dans votre boîte de messagerie', ce qui tend à attester d'une transmission antérieure.

La carence de l'employeur est ainsi établie et a causé au salarié un préjudice certain en le privant de l'intégralité de ses revenus ou d'une grande partie d'entre eux en janvier et février 2014. M. [P] a également subi un préjudice certain en raison des manquements de l'employeur en ce qui concerne le décompte du temps de travail, compte tenu que l'irrégularité s'est perpétuée pendant plusieurs années. Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 1 500,00 euros à titre de dommages-intérêts, cette somme étant de nature à réparer le préjudice subi.

Sur la demande en remboursement des frais postaux

M. [P] justifie avoir adressé, pendant 3 ans, une soixantaine de courriers recommandés à l'employeur pour lui faire parvenir les justificatifs de paiement des indemnités journalières.

Si, ainsi que le fait valoir l'employeur, le salarié pouvait utiliser un autre mode de transmission, M. [P] soutient, à juste titre, que, compte tenu des difficultés rencontrées initialement pour obtenir le paiement du complément de salaire au titre de la prévoyance, il était fondé à utiliser la forme recommandée pour être en mesure de justifier de la transmission en temps utile des documents nécessaires à son indemnisation de sorte que sa demande tendant à faire supporter à l'employeur la somme de 280,32 euros à titre de remboursement des frais postaux doit être accueillie.

Sur le licenciement

M. [P] s'est trouvé en situation d'arrêt de travail en raison d'une maladie professionnelle à compter du 9 novembre 2010. Il a fait l'objet d'un examen de pré-reprise par le médecin du travail le 10 septembre 2013 à la suite duquel le médecin a informé l'employeur de ce que son état médical ne permettra pas la reprise sur son poste de travail. Il a demandé à l'employeur s'il est possible d'envisager un aménagement, une adaptation du poste ou un reclassement du salarié en précisant que certaines tâches sont exclues (pas de port de charges de plus de 10 kgs, pas d'efforts violents) et en suggérant qu'un poste de type télétravail à domicile (commercial) dans une autre structure pourrait convenir.

Le 1er octobre 2013, le médecin du travail a émis l'avis ainsi rédigé :

'Inapte à son poste de travail, ne peut porter de charges supérieures à 10 kgs, ne peut effectuer d'efforts violents. M. [P] est inapte au poste de caissier. Un poste de type télétravail à domicile (commercial) dans une autre structure pourrait être indiquée'. Il a précisé qu'il s'agit d'un avis d'inaptitude émis en un seul examen en raison de l'examen de pré-reprise intervenu le 10 septembre 2013.

La lettre de licenciement du 12 décembre 2013 est ainsi motivée :

'(...)Vous avez été en arrêt de travail à compter du 12/10/2010 et déclaré en maladie professionnelle a compter du 09/11/2010.

A la suite d'une visite médicale de pré reprise en date du 18/09/2013 le Médecin du Travail a déclaré que votre état médical ne permettait pas la reprise sur votre poste de travail habituel en précisant que sur votre poste de travail 'certaines tâches devront être exclues : pas de port de charges $gt; 10Kg, pas d'efforts violents'.

Dans le cadre d'une recherche de reclassement, nous avons écrit le 25/09/2013 au Médecin du Travail afin de l'informer qua notre société ne disposait pas de poste administratif ou commercial vacant mais qu'elle pourrait disposer d'un poste de caissier compatible avec ses préconisations dans la mesure où ce travail ne nécessitait pas d'efforts violents ni de port de charges lourdes puisque les pièces lourdes restent dans les chariots lors des passages en caisse.

A la suite de cette proposition et en application des dispositions de l'article R 717-18 du code Rural, le 01/10/2013, le Médecin du Travail vous a déclaré inapte a votre poste de travail et a précisé 'Monsieur [P] est inapte à un poste de caissier. Un poste de type télétravail à domicile(commercial) dans une autre structure pourrait être indiqué'.

La proposition de reclassement au poste de caissier ayant été refusée, toutes les recherches de reclassement menées par notre entreprise et tenant compte des conclusions du Médecin du Travail ont été vaines.

C'est pourquoi, aprés consultation des Délégués du Personnel, nous vous informons de notre decision de vous licencier pour inaptitude physique, médicalement constatée par le médecin du travail sans qu'aucun reclassement ne soit possible y compris par mutation, transformation, adaptation ou aménagernent de votre emploi (...)'.

L'exception de prescription soulevée par l'employeur au motif que le salarié n'a exercé son droit à contestation du licenciement prononcé le 12 décembre 2013 que dans les écritures communiquées le 1er décembre 2017, n'est pas fondée. Si, en application de l'article L 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, le délai de prescription est interrompu par la demande en justice, soit en matière prud'homale, par la saisine de la juridiction, conformément aux dispositions de l'article 2244 devenu l'article 2241du code civil. En matière prud'homale, la prescription s'étend à toutes les demandes présentées au cours de l'instance qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur.

En l'espèce, le conseil de Prud'hommes a été saisi le 23 décembre 2011. Si l'acte de saisine ne comportait pas de réclamations au titre du licenciement puisque le licenciement est intervenu postérieurement au jugement, la saisine du conseil de prud'hommes a interrompu la prescription pour l'ensemble des demandes concernant l'exécution du même contrat de travail. Compte tenu qu'en vertu du principe d'unicité de l'instance, toutes les demandes dérivant du même contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une même instance et que les demandes nouvelles relatives à ce contrat sont recevables en cause d'appel, le délai de prescription n'a pu courir en ce qui concerne la demande au titre du licenciement.

Le salarié doit être débouté en sa demande tendant à voir déclarer le licenciement nul pour défaut de consultation des délégués du personnel, l'employeur justifiant avoir régulièrement consulté les délégués du personnel de l'entreprise lors d'une réunion tenue le 18 octobre 2013.

En application de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités.

Ce texte met ainsi à la charge de l'employeur une obligation de rechercher un reclassement au profit du salarié dès lors que celui-ci fait l'objet d'un avis d'inaptitude du médecin du travail. Si, en l'espèce, en application des règles alors applicables, l'inaptitude ne pouvait être constatée qu'après deux examens du médecin du travail espacés de 15 jours ou d'un seul examen lorsqu'un examen de pré-reprise a été effectué dans les 30 jours précédents, les recherches de reclassement auxquelles l'employeur était tenu ne pouvaient avoir lieu qu'à la suite du dernier avis du médecin du travail qui déterminait l'état définitif du salarié.

Il ressort de la lettre de licenciement que l'employeur a procédé à une recherche à la suite de l'avis émis suite à l'examen de pré-reprise qui l'a conduit à proposer un poste de caissier, poste pour lequel le médecin du travail a estimé M. [P] inapte dans son avis du 1er octobre 2013. Mais, il ne résulte ni de la lettre de licenciement ni d'aucun des éléments versés aux débats que l'employeur aurait procédé à la moindre recherche postérieurement au 1er octobre 2013. Dès lors, il ne peut prétendre avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement.

En outre, alors que M. [P] verse aux débats une copie d'écran du site Internet au nom de 'ROCCHIETTA' faisant apparaître l'existence de 5 magasins dans les départements du Var, des Bouches-du-Rhône et des Alpes Maritimes en plus de celui auquel il était affecté, l'employeur se borne à soutenir qu'il n'a qu'un seul établissement sans s'expliquer sur l'existence de ces magasins qui tendent à démontrer l'existence d'un groupe au sein duquel aucune recherche n'a été effectuée.

Il apparaît, en conséquence, qu'il n'est pas rapporté la preuve de l'impossibilité de reclasser M. [P] et que, dès lors, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [P], né en 1969, a été licencié après 6 ans et 11 mois d'ancienneté au service d'une entreprise employant au moins 11 salariés, à l'âge de 44 ans. Postérieurement à la rupture du contrat de travail, il s'est vu attribuer une pension d'invalidité de catégorie 2.

Compte tenu de son salaire mensuel brut (1 601,00 euros), il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, la somme de 16 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les intérêts

En application des dispositions des articles 1153 ancien du code civil (article 1231-6 nouveau) et R 1452-5 du code du travail, les sommes allouées dont le principe et le montant résultent de la loi, d'un accord collectif ou du contrat (rappel de salaire, indemnité compensatrice de congés payés, prime d'ancienneté), porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 15 mai 2012, la date de la convocation n'étant pas connue.

Les sommes fixées judiciairement (dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et en remboursement des frais postaux, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1154 ancien du code civil (article 1343-2 nouveau).

Sur la demande de documents

L'employeur devra remettre au salarié un bulletin de salaire conforme au présent arrêt.

Cette remise devra intervenir dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50,00 euros par jour de retard.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur doit payer à M. [P], en plus de la somme allouée en première instance sur le même fondement, la somme de 2 000,00 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement sauf :

- en ce qu'il a condamné la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA à payer à M. [X] [P] la somme de 500,00 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche,

- en ce qu'il a débouté M. [X] [P] de sa demande de rappel de prime d'ancienneté,

Infirmant le jugement sur ce point et statuant à nouveau,

- Déboute M. [X] [P] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche,

- Condamne la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA à payer à M. [X] [P] la somme de 826,08 euros brut à titre de rappel de prime d'ancienneté,

Y ajoutant,

- Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamne la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA à payer à M. [X] [P] la somme de 280,32 euros en remboursement de ses frais postaux,

- Condamne la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA à payer à M. [X] [P] la somme de 16 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Dit que les sommes allouées à titre de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés et de prime d'ancienneté porteront intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2012, que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et en remboursement des frais postaux et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1154 ancien du code civil (article 1343-2 nouveau),

- Dit que la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA doit remettre à M. [X] [P] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt et ce, dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50,00 euros par jour de retard,

- Condamne la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA à payer à M. [X] [P] la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA la SAS RM Jardinerie ROCCHIETTA doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01460
Date de la décision : 12/04/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°16/01460 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-12;16.01460 ?
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