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05/04/2018 | FRANCE | N°15/11686

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 05 avril 2018, 15/11686


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 05 AVRIL 2018



N° 2018/ 146













Rôle N° N° RG 15/11686 - N° Portalis DBVB-V-B67-5ABT







[D] [F] épouse [W]





C/



SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC





















Grosse délivrée

le :

à :



OULED-CHEIKH

SIDER













Décision

déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 29 Avril 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 2014F00148.





APPELANTE



Madame [D] [F] épouse [W]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau d'AIX...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 05 AVRIL 2018

N° 2018/ 146

Rôle N° N° RG 15/11686 - N° Portalis DBVB-V-B67-5ABT

[D] [F] épouse [W]

C/

SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC

Grosse délivrée

le :

à :

OULED-CHEIKH

SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 29 Avril 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 2014F00148.

APPELANTE

Madame [D] [F] épouse [W]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Caisse d'Epargne CEPAC anciennement dénommée Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est [Adresse 2]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Martine SABBAN, avocat au barreau de MARSEILLE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mars 2018 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

Madame Isabelle DEMARBAIX, Vice-président placé auprès du Premier Président

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2018,

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 29 juin 2015 ayant notamment :

- constaté que l'engagement de caution solidaire souscrit par Mme [R] [V] était manifestement disproportionné à ses revenus,

- dit que la Caisse d'épargne de prévoyance Provence Alpes Corse ne peut pas se prévaloir de la caution souscrite par Mme [R] [V],

- débouté la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse de toutes ses demandes,

- condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Alpes Corse à payer à Mme [R] [V] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- donné acte à la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse de ce qu'elle n'est pas en mesure de justifier de l'information annuelle de Mmes [D] [W] et [R] [V], cautions,

- dit que la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse doit être déchue de son droit aux intérêts et pénalités conventionnels à hauteur de la somme de 6.847,69 euros,

- ramené la créance de la Caisse d'épargne et de prévoyance à l'encontre de Mme [D] [W], à hauteur de la somme de 80.550,60 euros,

- condamné Mme [D] [F] épouse [W] à payer ladite somme à la Caisse d'épargne et de prévoyance Alpes Corse, avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2013, date de la mise en demeure, ainsi que celle de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les intérêts au taux légal seront capitalisés par période annuelle et porteront intérêts au même taux en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- donné acte à la banque de ce qu'elle ne s'oppose pas à ce que Mme [D] [F] épouse [W] s'acquitte de sa dette en 24 mensualités, la première devant intervenir dans le mois de la signification du jugement et la dernière étend augmentée du solde dû,

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, le solde dû deviendra exigible pour le tout, de plein droit et immédiatement,

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre Mme [D] [F] épouse [W] et la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté tout autre demande ;

Vu la déclaration du 29 juin 2015 par laquelle Mmes [D] [F] épouse [W] et [R] [V] ont relevé appel de cette décision en ce que le tribunal de commerce de Marseille a condamné Mme [D] [F] épouse [W] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse la somme de 80.550,60 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2013 ;

Vu l'ordonnance d'incident du 23 novembre 2017 par laquelle le conseiller de la mise en état a :

- donné acte à la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse de sa nouvelle dénomination,

- déclaré irrecevable l'appel limité interjeté le 29 juin 2015 par Mme [R] [V] pour défaut d'intérêt de qualité à agir,

- déclaré irrecevables les demandes présentées par Mme [R] [V] aux termes de ses conclusions notifiées le 27 juin 2016,

- condamné Mme [R] [V] à supporter ses propres dépens d'appel et à payer les dépens relatifs à l'incident ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 février 2018 par Mme [D] [F] épouse [W] aux termes desquelles elle demande à la cour de :

A titre principal :

- réformer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance CEPAC la somme de 80.550,60 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2013,

- annuler son engagement de caution,

- débouter la banque de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- constater les manquements de la banque à son devoir de mise en garde,

- débouter la Caisse d'épargne et de prévoyance CEPAC de sa demande au titre des intérêts de retard,

- la condamner à payer la somme de 80.550,60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter,

- ordonner la compensation entre cette somme,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater le défaut d'information annuelle des cautions et le défaut d'information du premier incident de paiement,

- dire et juger en conséquence que la Caisse d'épargne et de prévoyance CEPAC sera déchue de son droit aux intérêts et pénalités de retard, à compter de la date de conclusion du contrat de prêt,

- lui accorder les plus larges délais de paiement,

En tout état de cause, condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance CEPAC à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 2 février 2018 par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance CEPAC, anciennement dénommée Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

A titre principal :

- donner acte du changement de sa dénomination sociale,

- dire et juger que l'engagement de caution de Mme [D] [F] épouse [W] pour lequel M. [T] [W], son époux, a donné son consentement, n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

- déclarer irrecevable la demande d'annulation du cautionnement pour ce motif dès lors que cette prétention est formée pour la première fois en cause d'appel par conclusions notifiées le 27 juin 2016,

- constater qu'antérieurement à l'acquisition du fonds de commerce Noce H, Mme [W] a bénéficié, dans le cadre du parcours d'accompagnement Nacre, de conseils personnalisés d'experts et de professionnels de l'organisme Paci 13, qui ont étudié la viabilité économique et financière du projet, après avoir relevé que Mme [W] s'était impliquée depuis deux ans dans ce commerce qu'elle gérait de fait depuis sept mois,

- dire et juger en conséquence que Mme [W] avait la qualité de caution avertie et que la banque n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à son égard,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait la qualité de caution non avertie de Mme [W] :

- dire et juger que le chiffre d'affaires réalisé par le vendeur, et ensuite par la SAS L'Effet du Bonheur, permettait aisément de régler les mensualités de 1.549,38 euros, lesquelles ont été honorées jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire le 12 juin 2013,

- dire et juger qu'il résulte de l'aveu de Mme [W], confirmé par les pièces qu'elle verse aux débats, que la SAS L'Effet du Bonheur avait passé un accord occulte avec son vendeur, Mme [W] [L], aux termes d'une contre-lettre prévoyant, en plus du paiement du prix de vente du fonds de commerce et du stock de marchandises, le reversement d'une partie des recettes de la SAS L'Effet du Bonheur,

- dire et juger inopposables l'exécution de cette contre-lettre ainsi que la rémunération excessive que Mme [W] s'était accordée, tout comme celle consentie à Mme [R] [V], et la décision d'embaucher une salariée supplémentaire au mépris du compte de résultat prévisionnel que Mme [W] avait établi avec le concours de l'organisme Paci 13, ces charges apparaissant être la cause du dépôt de bilan de la SAS L'Effet du Bonheur,

- déclarer irrecevable, et en tout état de cause, infondée la demande de dommages et intérêts présentée pour la première fois par Mme [D] [F] épouse [W] dans ses conclusions notifiées le 27 juin 2016,

- confirmer le jugement de première instance en ce qui concerne la déchéance du droit aux intérêts et pénalités conventionnels pour non-respect de l'obligation annuelle d'information de la caution,

- constater que dans le dispositif de ses dernières conclusions, Mme [D] [F] épouse [W] ne conteste plus, à titre subsidiaire, le quantum de la créance tel que fixé par les premiers juges,

- dire et juger que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et pénalités de retard ne fait pas obstacle au paiement d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée le 19 août 2013 en application de l'article 1153 alinéa 1er ancien du code civil,

- en conséquence, débouter Mme [D] [F] épouse [W] de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 80.550,60 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2013, date de la mise en demeure,

- en l'absence d'appel sur ses chefs du jugement, confirmer, en tant que de besoin, la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil et condamner Mme [D] [F] épouse [W] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- et y ajoutant, condamner Mme [D] [F] épouse [W] à lui payer la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [D] [F] épouse [W] de sa demande de délais de paiement supplémentaire,

- condamner Mme [D] [F] épouse [W] aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Attendu que le 26 septembre 2011, Mmes [D] [F] épouse [W] et [R] [V] ont constitué une société par actions simplifiées dénommée la société L'Effet du Bonheur ;

Que détenant chacune la moitié des parts sociales, elles ont été nommées respectivement présidente et directrice générale de ladite société ;

Que le 6 octobre 2011 la société L'Effet du Bonheur a contracté auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Alpes Corse, ci-après dénommée, la CEPAC, un prêt d'un montant de 106.000 euros destiné au financement de l'acquisition d'un fonds de commerce d'articles de mariage situé à [Localité 2] et exploité sous l'enseigne « Noce H »;

Que le même jour, Mmes [D] [F] épouse [W] et [R] [V] se sont portées caution personnelle et solidaire des engagements souscrits par ladite société dans la limite de 137.800 euros chacune ;

Que par jugement rendu le 12 juin 2013 par le tribunal de commerce de Marseille, la société L'Effet du Bonheur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, Me [J] [I] étant désigné en qualité de liquidateur ;

Que le 19 août 2013, la CEPAC a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire à hauteur de 87.398,29 euros au titre du prêt ;

Que par courriers recommandés avec avis de réception du 19 août 2013, la banque a mis en demeure Mmes [D] [F] épouse [W] et [R] [V] en leur qualité de caution solidaire ;

Que par acte d'huissier du 18 décembre 2013, la banque les a fait assigner en paiement devant le tribunal de commerce de Marseille ;

Que par le jugement entrepris du 29 avril 2015, ce tribunal a débouté la banque de ses demandes à l'égard de Mme [V], considérant que son engagement de caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, mais a condamné Mme [F] épouse [W] à payer à la CEPAC la somme de 80.550,60 euros, après avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour manquement à l'obligation d'information annuelle de la caution ;

Que Mme [D] [F] épouse [W] a relevé appel de cette décision ;

Sur la disproportion manifeste du cautionnement

Attendu que Mme [D] [F] épouse [W] soutient que son engagement de caution était manifestement disproportionné à ses revenus et biens, relevant en premier lieu que la banque a cru devoir solliciter un second engagement de caution auprès de Mme [V], dont les revenus mensuels étaient de 1.200 euros ;

Qu'elle indique que le prêteur omet de préciser que, Mme [V] et elle-même, s'étaient également portées caution solidaire du remboursement du prix des éléments corporels et du stock de marchandises, ce qui renforcerait, selon elle, le caractère disproportionné de leur engagement ;

Qu'elle remet en cause la viabilité du projet garanti, faisant valoir que la société L'Effet du Bonheur avait racheté le fonds de commerce à un prix supérieur à celui payé en 2004, nonobstant une baisse du chiffre d'affaires de l'exploitation ; qu'elle fait observer la société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire à peine un an et demi plus tard ;

Que la Caisse d'épargne réplique que l'engagement de caution de Mme [F] épouse [W], auquel son époux a donné son consentement, n'était pas disproportionné, compte tenu des revenus du couple et du patrimoine immobilier de la caution ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l'article L. 332-1, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Que la charge de la preuve du caractère manifestement disproportionné de l'engagement incombe à la caution ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que M. [W] a donné son consentement exprès à l'engagement de caution de son épouse et que les époux [W] sont mariés sous lé régime de la communauté légale ; qu'il s'ensuit que la disproportion doit s'apprécier au regard d'une part, de la situation patrimoniale de la communauté, et d'autre part, du montant global de l'engagement de caution du 6 octobre 2011 donné dans la limite de 137.800 euros ;

Qu'ainsi que le relève, à juste titre, la banque, Mme [F] épouse [W] a déclaré dans la fiche de situation familiale et patrimoniale être mariée depuis le [Date mariage 1] 2000, avoir deux enfants à charge âgés de 16 et 8 ans, et exercer le métier de retoucheuse vendeuse au sein de la société Noce H moyennant un salaire annuel de 12.849 euros tandis que son conjoint, manutentionnaire, a perçu un salaire annuel de 16.744 euros ; qu'elle a dit être propriétaire d'un appartement de type T4, acquis en 1995, soit antérieurement au mariage, et évalué à 140.000 euros ;

Que les revenus ainsi déclarés correspondent à ceux mentionnés dans l'avis d'imposition de l'année 2010 portant sur les revenus de l'année 2009, et qu'en l'absence d'anomalies apparentes, la banque n'avait pas à vérifier les informations données par la caution, contrairement à ses affirmations ;

Qu'au regard de ces éléments, Mme [F] épouse [W], à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas le caractère disproportionné de son engagement de caution ;

Qu'il échet en conséquence de rejeter ce moyen et de confirmer le jugement de première instance ;

Sur la demande subsidiaire aux fins d'annulation du cautionnement

Attendu qu'à titre subsidiaire, Mme [F] épouse [W] soutient que l'annulation du cautionnement solidaire de Mme [V] résultant de la décision des premiers juges, non frappée d'appel par la banque, aurait fait disparaître la condition déterminante de son engagement dont elle demande l'annulation ;

Mais attendu que si la Caisse d'épargne souligne, à juste titre, que cette demande est formulée pour la première fois en cause d'appel par conclusions notifiées le 27 juin 2016, elle n'en est pas mois recevable, contrairement à ses affirmations, dans la mesure où elle vise à écarter une prétention contraire, au sens de l'article 564 du code de procédure pénale ;

Qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrecevabilité de cette demande sera écarté ;

Mais attendu que dans l'hypothèse d'une pluralité de cautions, dont l'une vient à disparaître ultérieurement, il appartient à Mme [F] épouse [W], qui invoque la nullité de son engagement pour erreur sur l'étendue des garanties fournies au créancier, de démontrer qu'elle avait fait du maintien de la totalité des cautions la condition déterminante de son propre engagement ;

Que Mme [F] épouse [W] étant toutefois défaillante dans l'administration de cette preuve, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande d'annulation pour ce motif ;

Sur l'absence de vérification de la solvabilité de l'emprunteur

Attendu que Mme [D] [F] épouse [W] rappelle que l'article L. 311-9 du code de la consommation, issu de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, impose au prêteur de vérifier la solvabilité de l'emprunteur ;

Que plus spécialement, elle reproche à la banque un manque de concertation quant à la viabilité du projet envisagé et le montage orchestré par le vendeur, Mme [W] [L], laquelle, sous couvert d'une cession de son entreprise réalisée au profit de ses salariées, a obtenu en plus du paiement du prix de vente de 140.000 euros, le reversement d'une partie des recettes, profitant de la naïveté de ses employées ;

Qu'elle affirme que la Caisse d'épargne se serait rendue complice des agissements de la cédante, en acceptant de consentir le prêt ;

Mais attendu que la Caisse d'épargne réplique, à juste titre, que Mme [F] épouse [W], caution d'un prêt consenti pour les besoins d'une activité professionnelle, ne peut se prévaloir de l'application de cet article, issu de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 réformant la protection des consommateurs en matière de crédit à la consommation et les dispositifs de lutte contre le surendettement ;

Qu'en outre, Mme [F] épouse [W] ne démontre pas que la banque aurait été complice des agissements imputés au vendeur et de l'existence d'une contre-lettre cèlant des accords les parties au contrat de vente, qui seraient, de surcroît, contraires à l' intérêt social ;

Que la décision de première instance sera confirmée en qu'elle a retenu que la banque n'était pas tenue de procéder à la vérification de la solvabilité de l'emprunteur, au regard de la nature de l'emprunt cautionné ;

Sur le manquement devoir de mise en garde

Attendu que Mme [D] [F] épouse [W] invoque sa qualité de caution non avertie et fait grief à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde à son égard ;

Que la Caisse d'épargne invoque la qualité de caution avertie de Mme [F] épouse [W], faisant valoir qu'elle était associée à 50 % et présidente de la SAS L'Effet du Bonheur ; qu'elle note que dans la fiche de synthèse, Mme [F] épouse [W] a déclaré être titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle en comptabilité et qu'elle s'est présentée comme impliquée dans la gestion du fonds de commerce « Noce H » depuis plusieurs mois ; qu'elle ajoute que celle-ci a bénéficié de conseils d'experts et de professionnels de l'organisme Paci 13 dans le cadre d'un parcours d'accompagnement pendant trois mois avant d'acquérir le fonds de commerce ;

Que la banque demande confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a retenu la qualité de caution avertie de Mme [F] épouse [W] et exclu tout devoir de mise en garde pour l'établissement prêteur ;

Que dans l'hypothèse inverse, la banque conclut au débouté de la demande de Mme [F] épouse [W] au motif que celle-ci ne démontre pas l'existence d'un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt au regard des documents comptables versés en procédure ;

Qu'elle relève que Mme [F] épouse [W] invoque essentiellement des griefs à l'encontre du vendeur, Mme [W] [L], ainsi que l'existence d'une contre-lettre signée entre la société L'Effet du Bonheur et le vendeur, convention dont elle ignorait l'existence et qui ne lui est pas opposable en application de l'article 1321 du code civil ;

Qu'elle ajoute que la caution confond la vérification préalable de solvabilité de l'emprunteur prévu à l'article L. 311-9 du code de la consommation avec le devoir de mise en garde ;

Que s'agissant de la vérification préalable de solvabilité de l'emprunteur, elle indique que Mmes [W] et [V] ont rencontré, à plusieurs reprises, son chargé de clientèle, et qu'au vu des documents comptables remis par les intéressées, elle estime que la société cautionnée pouvait supporter le remboursement des mensualités de 1.549,38 euros ;

Qu'elle considère que les difficultés de l'entreprise sont imputables à des fautes de gestion, et plus spécialement à des charges salariales trop importantes ainsi qu'aux engagements issus de la contre-lettre signée entre le vendeur et la société L'Effet du Bonheur (reversement au profit du vendeur d'une partie des recettes), dont la banque ne connaissait pas l'existence ;

Attendu qu'il résulte de la fiche de synthèse remise à la banque que Mmes [F] épouse [W] et [V], étaient salariées depuis respectivement deux et quatre ans au sein de l'entreprise exploitant le fonds de commerce « Noce H », dont elles ont repris l'exploitation fin 2011 ; qu'elles assumaient des tâches de vendeuse, gérant le suivi des stocks et des commandes ainsi que des travaux d'essayage et de couture ; que Mme [W] était titulaire d'un brevet d'études professionnelles en vente et action marchande ;

Que si Mme [F] épouse [W] affirme, à juste titre, qu'elle n'avait aucune expérience dans la gestion d'entreprise et qu'elle ne disposait d'aucune compétence pour apprécier elle-même la pertinence du montage financier ainsi que les perspectives d'avenir de l'entreprise, il n'est pas contesté qu'elle a bénéficié d'un accompagnement et de conseils de l'organisme PACI (Place à la création, à la reprise et au développement d'entreprises) dans le cadre du projet d'acquisition du fonds de commerce ; que cet accompagnement se déclinait en cinq étapes :

1. Accompagnement et conseils personnalisés à l'élaboration du projet de création d'entreprise : aide à l'établissement d'un plan d'affaires, mis en relation avec des professionnels (expert-comptable, réseau bancaire,') ;

2. Expertise du projet par des professionnels : évaluation de la viabilité économique et financière des projets au travers d'un comité d'agrément qui réunit une dizaine de membres experts professionnels intervenant bénévolement ;

3. Apports de soutien financier sous forme de prêt d'honneur, de prêt Nacre, de prêt d'honneur au développement' ;

4. Aide à l'obtention de financement bancaire ;

5. Suivi de l'entreprise durant les premières années d'activité : conseils individualisés lors des rendez-vous de suivi trimestriel, aide à la mise en place d'outils de suivi de gestion, programme de suivi post-création collectif ;

Que dans le cadre cet accompagnement, a été préparé un budget prévisionnel sur trois ans démontrant la viabilité du projet ;

Qu'il en résulte que les premiers juges ont considéré, à juste titre, que Mme [F] épouse [W] devait être considérée comme caution avertie au regard de l'accompagnement et des conseils d'experts et de professionnels dont elle a bénéficié avant tout engagement ;

Que la Caisse d'épargne soutient justement qu'elle n'était tenue à aucun devoir de mise en garde à l'égard de Mme [F] épouse [W], laquelle ne démontre pas, au surplus, que la banque aurait été destinataire d'informations ignorées de la caution, contrairement à ses affirmations ;

Que dès lors, Mme [F] épouse [W] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts et la décision des premiers juges confirmée sur ce point ;

Sur le manquement à l'obligation annuelle d'information de la caution

Attendu que la Caisse d'épargne déclarant ne pas être en mesure de justifier de l'envoi de la lettre annuelle d'information de la caution conformément aux dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, il y a lieu de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts;

Qu'il échet de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a appliqué cette sanction ;

Sur le manquement à l'obligation d'information de la caution du premier incident de paiement

Attendu que Mme [F] épouse [W] soutient que la banque ne l'aurait pas informée de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement ; qu'elle demande que soit déduit de la créance alléguée par la banque la somme de 2.545,58 euros correspondant à l'indemnité de 3 % appliquée par la banque ;

Que la Caisse d'épargne sollicite la confirmation des premiers juges en ce qu'ils ont considéré qu'aucun incident de paiement non régularisé n'avait été constaté avant le placement en liquidation judiciaire de la société cautionnée et exclu au cas soumis à leur examen l'application de l'article L. 341-1 du code de la consommation ;

Mais attendu que selon l'article L. 341-1, devenu l'article L. 333-1 du code de la consommation, sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ;

Qu'il ressort du décompte produit par la banque que si la société L'Effet du Bonheur était à jour du paiement des échéances du prêt à la date du jugement déclaratif de liquidation judiciaire du 12 juin 2013, la banque restait tenue de l'obligation d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal ;

Que la première lettre envoyée à la caution pour l'aviser de la liquidation judiciaire de la débitrice principale et de la dette restant due au titre du prêt cautionné, est datée du 19 août 2013 de sorte qu'il n'est pas contestable que la banque a manqué à son obligation d'information sur le premier incident de paiement non régularisé ;

Qu'il échet en conséquence de faire droit à la demande de Mme [F] épouse [W] et de la décharger du paiement de la pénalité de 3 % et de réformer le jugement de première instance sur ce point ;

Attendu qu'au regard de ces éléments, la créance de la Caisse d'épargne sera fixée à hauteur de 78.005,02 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2013 date de la mise en demeure en application de l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6 ;

Que la banque ne peut tirer argument du fait que Mme [F] épouse [W] ne conteste pas, à titre subsidiaire dans le dispositif de ses dernières écritures, le quantum de la créance tel que fixé par les premiers juges pour obtenir paiement de la somme de 80.550,60 euros dès lors qu'elle sollicite expressément la déchéance du droit aux intérêts de retard et pénalités ;

Sur la demande de délais de paiement

Attendu que Mme [F] épouse [W] sollicite des délais de paiement en application de l'article 1244-1 du code civil, demande à laquelle s'oppose la Caisse d'épargne ;

Mais attendu que l'article 1244-1 du code civil, devenu l'article 1343-5, dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ;

Que Mme [F] épouse [W], qui invoque des difficultés financières, ne verse aucune pièce justifiant de sa situation personnelle et professionnelle actuelle de sorte que la cour n'est pas en mesure d'apprécier le bien-fondé de sa demande qui sera rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que Mme [F] épouse [W], qui succombe dans ses prétentions, doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;

Attendu qu'il paraît équitable d'allouer à la Caisse d'épargne une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation prononcée contre Mme [D] [F] [W] ;

Et statuant à nouveau,

DIT et JUGE que Mme [D] [F] [W] est déchargée du paiement de la pénalité de 3 % du fait du manquement de la banque à l'obligation d'information de la caution du premier incident de paiement ;

CONDAMNE Mme [D] [F] [W] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance CEPAC la somme de 78.005,02 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2013 ;

DÉBOUTE Mme [D] [F] [W] de sa demande de délais de paiement ;

CONDAMNE Mme [D] [F] [W] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance CEPAC la somme de 2.000 euros application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [D] [F] [W] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 15/11686
Date de la décision : 05/04/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°15/11686 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-05;15.11686 ?
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