La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2018 | FRANCE | N°16/04398

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 03 avril 2018, 16/04398


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 03 AVRIL 2018

A.D

N° 2018/













Rôle N° N° RG 16/04398 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6HUA







SCI BATTERIE CALIFORNIA





C/



[G] [P]

SCP [P] - [M]





















Grosse délivrée

le :

à :Badie

Guedj

















Décis

ion déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03507.





APPELANTE



SCI BATTERIE CALIFORNIA

prise en la personne de son représentant légal en exercice d omicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est [Adresse ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 03 AVRIL 2018

A.D

N° 2018/

Rôle N° N° RG 16/04398 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6HUA

SCI BATTERIE CALIFORNIA

C/

[G] [P]

SCP [P] - [M]

Grosse délivrée

le :

à :Badie

Guedj

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03507.

APPELANTE

SCI BATTERIE CALIFORNIA

prise en la personne de son représentant légal en exercice d omicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Jean-Jacques PETRACCINI, avocat au barreau de GRASSE,plaidant

INTIMES

Maître [G] [P],

demeurant [Adresse 2] [Adresse 3]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Jean-Pierre KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS,plaidant

SCP [P] - [M] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié [Adresse 4]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Jean-Pierre KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Février 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2018,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, faisant fonction de Président, et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE :

Vu le jugement, contradictoire, rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 25 février 2016, ayant déclaré prescrite l'action en responsabilité civile introduite par la société civile immobilière Batterie California contre Me [P] et contre la société civile professionnelle de notaires [K] [P], [Y] [P], [L] [M], ayant condamné la société Batterie California à payer à Me [P] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts, ayant condamné la société Batterie California à payer à Me [P] et à la société civile professionnelle la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Vu l'appel interjeté le 10 mars 2016 par la société civile immobilière Batterie California.

Vu les conclusions de l'appelante en date du 8 février 2018, demandant de :

- dire l'appel recevable,

- vu les dispositions des articles 1240 et suivants du Code civil, anciennement 1382 et suivants,

- réformer le jugement,

- dire que le notaire a engagé sa responsabilité civile délictuelle au regard des fautes qu'il a commises en sa qualité de rédacteur des actes litigieux, qu'aucune prescription ne peut être opposée dès lors que le délai ne peut courir qu'à compter de l'arrêt du conseil d'état du 18 février 2009 rendu suite aux décisions du 10 novembre 2005 et 26 juin 2008,

- vu les articles 1231, 1344 et suivants du Code civil, anciennement 1146 et suivants,

- dire que le notaire a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard du mandat spécifique dont il a été investi qui ne peut être considéré comme le prolongement de sa mission de rédacteur d'actes,

- rejeter les demandes du notaire et de la société civile de notaires,

- dire qu'elle a droit à la réparation de l'intégralité de son préjudice,

- condamner le notaire in solidum avec la société notariale à lui payer la somme de 104 238 721 € augmentée de l'indice de performance moyenne de 10,6 % par an à compter du 1er janvier 2018 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir avec les intérêts au taux légal sur la somme de 916'303,66 euros à compter du 31 octobre 2000 et capitalisation,

- subsidiairement,condamner le notaire in solidum avec la société notariale à lui payer la somme de 82 416 303€ avec les intérêts au taux légal sur la somme de 916'303,66 euros à compter du 31 octobre 2000 le tout avec les intérêts et capitalisation

- condamner le notaire in solidum avec la société de notaires à lui payer la somme de 10'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, y compris les droits de l'article 10 du décret du 12 décembre 1966 tel qu'issu du décret du 8 mars 2001.

Vu les conclusions de Me [P] et de la société civile professionnelle [P] [M] en date du 5 février 2018, demandant de :

- vu les dispositions de l'article 2270-1 ancien du Code civil, et 2224 du Code civil, dire que l'action est prescrite et confirmer le jugement,

- à titre subsidiaire, dire que la société appelante ne fait pas la démonstration d'un quelconque manquement commis par le notaire susceptible d'avoir engagé sa responsabilité délictuelle, quasi délictuelle, ou contractuelle, et rejeter toutes ses demandes,

- reconventionnellement, dire que l'action menée est abusive et vexatoire et en conséquence, condamner l'appelante à verser à Me [P] la somme de 20'000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner l'appelante à payer à Me [P] et à la société de notaires la somme de 15'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société appelante aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 13 fébrier 2018.

Motifs

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.

Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.

Attendu que par acte administratif du 21 septembre 1977, la société Aérospatiale a acheté de l'État trois parcelles de terrain situées à [Localité 1] pour un prix de 1 100 000fr ;

Que par acte sous seing privé du 12 juillet 1985, la société Aérospatiale promettait de vendre lesdits biens immobiliers à M. [D] moyennant le prix de 12 millions de francs hors taxes ; que M. [D] constituait avec deux autres personnes, le 6 août 1987, une société Eden loisirs ayant pour objet toute opération d'acquisition en vue de la revente de biens immobiliers ;

Que le 6 août 1987, M. [D] substituait la société Eden loisirs dans le bénéfice de la promesse de vente et notifiait cette substitution à la société Aérospatiale ;

Que le 2 septembre 1987, la société Aérospatiale sommait M. [D] et la société Eden loisirs de signer l'acte en l'étude de Me [P] et qu'un procès verbal de difficultés était dressé le 9 septembre 1987;

Qu'une instance était engagée par la société Aérospatiale contre les bénéficiaires afin de voir déclarer la vente caduque, mais que les parties se désistaient de leur demandes réciproques pour finalement signer l'acte le 20 novembre 1989, acte dressé par Me [P] au terme duquel la société Aérospatiale vendait les trois parcelles de terrain à la société Eden loisirs au prix de 16 millions de francs, payé comptant;

Attendu que dans cet acte, M. [D] faisait observer qu'il avait obtenu sur la propriété un permis de construire du maire de [Localité 1] du 27 octobre 1987, que l'ouverture du chantier avait été effectuée le 6 octobre 1989 ;

Que par ailleurs, la société Eden loisirs se réservait de déclarer command et qu'elle effectuait cette déclaration le même jour au bénéfice de la société Batterie California dans les termes suivants :

« M. [D]..., usant de la faculté réservée à la société Eden loisirs qu'il représente..., déclare que les biens immobiliers en faisant l'objet ont été acquis par la société Eden loisirs susnommée pour le compte de la société SCI Batterie California intervenante, » ;

Qu'il y est ajouté que la vente a été payée par la société Eden loisirs à l'aide des fonds mis à disposition par la société Batterie California et que la société Eden loisirs n'a pas de répétition à exercer pour ce paiement contre la société Batterie California;

Attendu cependant, et alors que le permis délivré prévoyait la conservation d'un vieux fort, que la société Batterie California, qui avait été constituée le 16 novembre 1989 pour les besoins de l'opération, rasait la construction en ne laissant que les fondations ;

Qu'un arrêté d'interruption des travaux était alors pris par le maire le 19 septembre 1990 et que des poursuites pénales étaient engagées à un moment où le gros oeuvre des bâtiments était pratiquement achevé ;

Que la cour d'appel, par un arrêt du 1er février 1993, condamnait les consorts [N] pour défrichement non autorisé à une amende ;

Que les travaux ayant été poursuivis, le tribunal correctionnel condamnait ensuite M. [N] qui dirigeait la société Batterie California, par un arrêt du 25 juin 1999, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende et en qualité de bénéficiaire des travaux le condamnait également à procéder à la démolition des constructions, la cour d'appel ramenant, le 15 novembre 2001, la condamnation à une durée de 8 mois avec sursis ;

qu'il est par ailleurs résulté des décisions de justice ainsi rendues que le permis de construire avait été délivré illégalement à M. [D] et que la cour d'appel de Marseille a jugé, le 26 juin 2008, que la société Batterie California avait commis une faute de nature à exonérer l'administration de sa responsabilité envers elle, car elle n'ignorait pas le caractère illégal du permis de construire, ni ses implications judiciaires, cet arrêt étant devenu définitif par suite d'une décision du conseil d'État prononçant la non admission du pourvoi .

Attendu que c'est dans ces conditions que par exploit du 18 juin 2013, la société Batterie California a fait assigner Me [P] et la société de notaires en leur reprochant d'avoir failli à l'obligation de conseil du notaire au regard de la régularité du permis de construire cédé, prétendant par ailleurs que le notaire avait bénéficié d'un mandat spécifique en vue du protocole d'accord du 19 octobre 1989, qu'il s'était comporté comme un monteur d'affaires en organisant le financement de la transaction par la société Batterie California sur la période 19 octobre- 20 novembre 1989 et demandant, en conséquence, que le notaire l'indemnise de la perte de la valeur vénale du terrain et de la perte de la plus-value foncière résultant du gel foncier du terrain.

Attendu que le tribunal a retenu que la responsabilité du notaire ne pouvait être que délictuelle en considérant que ses obligations qui tendent à assurer l'efficacité de l'acte instrumenté ne constituent que le prolongement de sa mission de rédacteur d'actes et relèvent de sa responsabilité délictuelle; qu'en application des dispositions de l'article 2270-1 du Code civil, les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, que la manifestation du dommage réside bien dans la connaissance du caractère illicite du permis de construire qui résulte du jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 25 juin 1999 et que par suite, l'action intentée le 18 juin 2013 est prescrite.

Attendu que le notaire fait valoir que le tribunal administratif de Nice avait mis en évidence le caractère frauduleux de l'autorisation de construire du 27 octobre 1987 dans son jugement du 31 janvier 1991 et que le caractère illégal du permis de construire a ensuite été constaté par le jugement du tribunal correctionnel de Grasse, le 25 juin 1999, dans les termes suivants :

« il convient également en application de l'article L. 111-5 du code pénal de constater l'illégalité qui affecte l'arrêté du 27 octobre 1987 ayant accordé le permis de construire », cette décision prenant le soin de rappeler que ce caractère frauduleux avait été mis en évidence par le tribunal administratif dans une décision du 31 janvier 1991, et cette illégalité ayant été confirmée par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 2000 ; que le tribunal administratif de Nice considérait par ailleurs dans un jugement du 10 novembre 2005 que la société Batterie California avait une parfaite connaissance du dossier du permis de construire lors de l'achat des terrains le 20 novembre 1989 et qu'elle ne pouvait ignorer l'illégalité de celui-ci, ce jugement ayant été aussi confirmé par la cour administrative d'appel de Marseille dont la décision est définitive depuis l'arrêt du conseil d'État du 18 février 2009.

Attendu que pour apprécier le problème de la prescription, il convient au préalable de déterminer la nature de la responsabilité recherchée contre le notaire dans la mesure où avant la réforme de la loi du 17 juin 2008 qui est entrée en vigueur le 19 juin 2008, la prescription de l'action en responsabilité contractuelle était de 30 ans ( ancien article 2262 du Code Civil ), où la prescription de l'action en responsabilité extra contractuelle était de 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, et que la loi nouvelle a ramené les deux délais de prescription à cinq années, en précisant, pour ses dispositions transitoires au titre des prescritions en cours au jour de son application, que la durée totale du délai de la prescription ne peut excéder la durée prévue par la loi antérieure (art 2222du Code Civil ).

Attendu que la société Batterie California reproche au notaire d'avoir commis une faute en n'émettant aucune réserve quant à la licéité du permis de construire et quant à son caractère définitif ; qu'elle lui fait grief d'un manquement à son obligation d'information tendant à assurer l'efficacité de l'acte de vente, l'annulation du permis étant de nature à compromettre la réalisation de la construction projetée alors que l'achat est effectué en vue de cette réalisation.

Attendu que ce premier grief relève de la responsabilité délictuelle ; que le point de départ du délai de prescription étant la manifestation du dommage ou la date à laquelle il a été révélé à la victime si elle établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance, la prescription doit, en l'espèce, être considérée comme ayant commencé à courir du jour où la société Batterie California a eu connaissance de l'illicéité du permis de construire, cette connaissance lui permettant, en effet, d'envisager la recherche de la responsabilité du notaire, et notamment, d'invoquer le caractère irrégulier du permis pour lui reprocher le défaut de conseil présentement allégué, lequel est en outre, dès ce moment, à l'origine de l'existence certaine d'une perte de chance de négocier le contrat ou de ne pas le conclure, sans qu'il soit besoin d'attendre l'issue des autres procédures, alors,en toute hypothèse, que le préjudice susceptible d'être indemnisé dans ce cadre ne peut consister dans le gel du terrain au regard du projet de construction ni dans sa perte de valeur vénale;

Or, attendu qu'en l'espèce, le dommage s'est manifesté pour la société Batterie California dès la décision du tribunal correctionnel en date du 25 juin 1999, qui faisait ainsi état de ce que :

- ' il résulte des pièces de la procédure que l'adjoint au maire ne pouvait ignorer que le permis de construire était illégal et que l'architecte allait enfreindre les textes en vigueur en démolissant le fort'

- 'c'est lors de l'établissement du procès-verbal d'infraction du 23 août 1990 qu'ont été révélés à la fois les infractions aux dispositions du permis de construire, mais également de manière connexe les éléments constitutifs de la fraude réalisée pour obtenir la délivrance indue du permis de construire initial en 1987"

- ' il convient également en application des dispositions de l'article 111-5 du code pénal de constater l'illégalité qui affecte l'arrêté du 14 octobre 1987 ayant accordé le permis de construire', cette illégalité étant également expressément reprise au dispositif de la décision dont la publication est par ailleurs ordonnée .

Qu'il sera par ailleurs rappelé qu'étant partie à cette instance, la société Batterie California était donc parfaitement informée de l'illégalité ainsi constatée et jugée, cette décision, qui a été ensuite déférée à la cour en 2000, puis 2001par suite de la disjonction prononcée à l'égard de M [N], n'ayant pas été remise en cause en ce qui concerne ses mentions relatives à l'irrégularité dudit permis.

Attendu qu'il en résulte que le point de départ du délai de prescription de 10 années de l'action en responsabilité délictuelle doit être fixé au 25 juin 1999 au plus tôt et à la date des arrêts de la cour du 19 décembre 2000 ou 15 noembre 2001, de sorte que l'assignation qui a été délivrée le 18 juin 2013 est prescrite sans que puisse par ailleurs être utilement invoqué, dans le cadre de ces débats, le moyen relatif au caractère non subsidiaire de l'action en responsabilité professionnelle contre le notaire;

qu'à cet égard, il sera relevé :

- d'une part que la responsabilité du notaire n'est pas subsidiaire et que l'on ne saurait donc exiger du demandeur à l'action à son encontre qu'il justifie de l'exercice préalable d'une action contre un autre éventuel responsable ;

- d'autre part, que l'appelante invoque ce moyen à l'effet de voir retarder le point de départ de la prescription au motif, en l'espèce, que ce ne serait qu'à l'issue de la procédure administrative qu'elle pouvait faire valoir un dommage certain contre le notaire;

Que ce faisant, elle ne se place juridiquement pas sur le terrain de la non subsidiarité, mais plutôt sur celui de la certitude du préjudice ;

Or, attendu précisément que la certitude du préjudice de la victime existe, ainsi qu'il a été déjà ci-dessus relevé, dès 1999, puisqu'à cette date, et compte tenu du jugement du tribunal correctionnel, le défaut de conseil du notaire ainsi que la perte de chance d'acquérir dans des conditions différentes ou la perte de chance de ne pas acquérir, qui est le seul dommage dont elle puisse se plaindre à l'égard du notaire, pouvait dores et déjà être alléguée .

Attendu que l'appelante prétend encore pouvoir rechercher le notaire sur le fondement d'une responsabilité contractuelle, invoquant à ce propos l'existence d'un mandat spécifique que Me [P] se serait vu confier, et notamment, une mission de montage du financement, ce qui résulterait du protocole d'accord du 19 octobre 1987.

Qu'ainsi, elle prétend que le notaire lui aurait conseillé la charge du financement de l'opération, avec un montage complexe et déclaration de command et qu'elle lui aurait donné mandat de négocier la transaction avec la société Aérospatiale dès le 19 octobre 1989;

que cependant, la société Batterie California ne démontre pas l'existence de ce mandat qu'elle prétend 'spécifique', ce qui laisserait supposer qu'il ait été formalisé avec la définition d'une mission particulière; qu'il ne peut être considéré au vu de l'examen des diverses clauses y contenues que celui-ci résulterait du protocole du 19 octobre 1989;

Qu'il n'est au demeurant nullement établi que cet acte aurait été signé en l'étude du notaire ou rédigé par lui;

Qu'à cet égard, il résulte d'ailleurs des pièces versées que ce protocole a été rédigé grâce à l'entremise d'une société de droit suisse qui a perçu d'importants honoraires de ce chef (pièces de l'appelant numéro 20) ; que le prétendu doublement des honoraires rattaché à la prétendue participation du notaire à la transaction n'est pas démontré et qu'il ne saurait, en toute hypothèse, se déduire de la seule confrontation de la pièce 12 de l'appelante mentionnant une somme totale de 376'487,64 € au titre des « frais notariées et formalités » avec les calculs de la société appelante, figurant en page 72 de ses conclusions, qui font état d'un total des émoluments proportionnels avec le doublement de la transaction d'un montant de 317'682,59 € ; qu'il ressort en revanche des pièces de la comptabilité notariale, également versées aux débats par l'appelante, que les honoraires perçus par celle ci ne sont en rapport qu'avec l'acte de vente, la constitution de la société et la déclaration de command auxquels s'ajoutent les frais divers d'hypothèque d'enregistrement.

Attendu que de ce chef, il sera souligné que si M.[N] a bien signé le protocole, il y est mentionné qu'il intervenait alors en qualité d'administrateur d'une société Burbank producties BV, de sorte que la société Batterie California est d'autant moins fondée à prétendre qu'elle aurait donné mandat spécifique au travers de ce protocole, puisqu'en réalité, elle-même n'y est pas partie et qu'en toute hypothèse, elle n'était pas encore constituée à cette date.

Attendu qu'il ressort également des pièces versées aux débats que d'autres conventions ont du être passées avant la signature du 20 novembre, ( actes des 10 et 16 novembre 1989, produits en pièces 17 bis et 18 par l'appelante), pour lesquelles aucune intervention de Me [P] n'est démontrée;

Attendu, enfin, que le fait que ce protocole désigne le notaire comme devant recevoir les fonds destinés au financement de l'achat des parcelles et à l'apurement du passif de la société Eden loisirs ne suffit pas à démontrer le prétendu mandat, alors qu'il est d'usage pour le notaire qui reçoit un acte de vente, d'être le séquestre des fonds versés en contrepartie de la transaction ; qu'aucune autre clause de ce protocole n'est utile à cet effet; que la faute alléguée contre le notaire au titre de son devoir d'information sur le permis de construire n'a aucun rapport avec sa mission de séquestre des fonds, ni avec celle ayant consisté à rédiger les statuts de la société Batterie California ; qu'aucun élément n'établit, ainsi que l'appelante l'allègue, que le notaire aurait 'organisé une évidence de fonds en son étude' qui aurait permis de transiger le 20 novembre 1989, ni qu'il aurait assuré le rôle prétendu de 'monteur d'affaires';

Qu' il n'est pas plus prouvé que l'insertion d'une déclaration de command et les versements faits par le notaire à M [D] ou à la société Eden, ( qui est l'acheteur et l'auteur de la déclaration de command), versements dont la fiche comptable précise bien qu'ils sont effectués sur autorisation et sur facture, et la réalité de ces documents étant au demeurant bien établie au vu des pièces 18 et 19 de l'appelante) participaient de ce montage alors que ces diligences s'analysent comme le prolongement de la mission du notaire de rédacteur d'acte qui à ce titre, est tenu de veiller, non seulement à son efficacité jusqu'à sa conclusion, mais aussi à veiller à la bonne exécution des paiements consécutifs à la fois à la vente et aux actes qui y ont concouru en fonction du montage, ici particulièrement complexe voulu par les seules parties, à propos duquel aucune critique quant à sa licéité n'est par ailleurs émise .

Attendu qu'il résulte des observations ainsi faites qu'il ne peut être reproché au notaire d'avoir engagé sa responsabilité contractuelle au titre d'un mandat donné par la société appelante dont la réalité n'est pas prouvée; que par suite, la question de la prescription de l'action sur un tel fondement est sans objet.

Attendu surabondamment, que rien ne démontre que le notaire pouvait douter de la licéité du permis; que celui ci avait été accordé le 25 octobre 1987, soit plus de 2 ans avant l'acte du 20 novembre 1989, qu'il était définitif à la date de la vente et qu'aucun élément extrinsèque ou intrinsèque ne pouvait, en l'état des pièces débattues, l'amener à présumer d'une telle difficulté, étant à cet égard considéré d'une part, que tout acte administratif est présumé légal et d'autre part, que la seule référence au certificat d'urbanisme tel qu'il est visé à l'acte ne permet pas de démontrer l'existence d'un élément extrinsèque, la société appelante n'ayant versé à la procédure que l'acte de vente avec la déclaration de command, à l'exclusion de ses annexes, de sorte que la cour ne dispose pas du certificat délivré à la date de la vente.

Attendu, par suite, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action comme étant de seule nature délictuelle, et prescrite.

Vu les articles 696 suivants du code de procédure civile.

Attendu que la succombance de la société Batterie California prive de fondement ses demandes accessoires au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Attendu que le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués à Me [P] sans qu'il y ait lieu d'en augmenter le montant.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Reçoit l'appel,

Déboute la société Batterie California des fins de son recours et confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

Condamne la société Batterie California à payer à Me [P] et à la société civile professionnelle [K] [P] [Y] [P] [L] [M] la somme de 4500€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ,

Rejette les demandes plus amples,

Condamne la société Batterie California à supporter les dépens de la procédure d'appel et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/04398
Date de la décision : 03/04/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/04398 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-03;16.04398 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award