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29/03/2018 | FRANCE | N°15/17264

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 29 mars 2018, 15/17264


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2018



N°2018/

NT/FP-D













Rôle N° RG 15/17264 - N° Portalis DBVB-V-B67-5OC3







[I] [J]





C/



L'UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DE LA CAISSE D'ASSURANCE MALADIE POUR LA REGION PACA ET







Grosse délivrée le :

à :

Me Vanessa STARK, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE



Me Yves MORAINE, avo

cat au barreau de MARSEILLE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section E - en date du 09 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/396.





APPELANT


...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2018

N°2018/

NT/FP-D

Rôle N° RG 15/17264 - N° Portalis DBVB-V-B67-5OC3

[I] [J]

C/

L'UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DE LA CAISSE D'ASSURANCE MALADIE POUR LA REGION PACA ET

Grosse délivrée le :

à :

Me Vanessa STARK, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE

Me Yves MORAINE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section E - en date du 09 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/396.

APPELANT

Monsieur [I] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Vanessa STARK, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

L'UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DE LA CAISSE D'ASSURANCE MALADIE POUR LA REGION PACA ET CORSE (UGECAM PACA ET CORSE) pour son établissement dénommé '[Établissement 1]' sis [Adresse 2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Yves MORAINE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sandrine LEONCEL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2018

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [I] [J], recruté le 19 mars 1979 par l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse en qualité d'aide-soignant au [Établissement 2], a été promu en 2002 responsable adjoint kinésithérapeute du service de rééducation, puis, au mois de février 2008, directeur de soins, statut cadre, niveau 8 E.

Ayant saisi le conseil de prud'hommes de Grasse le 21 juin 2013 en vue d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement d'heures supplémentaires, d'un rappel de salaire au titre de points de compétence et de dommages et intérêts pour harcèlement moral, M. [I] [J] a été débouté de toutes ses demandes suivant jugement du 9 septembre 2015 dont il a relevé appel par déclaration enregistrée le 1er octobre 2015.

L'appelant évoque devant la cour l'accomplissement avec l'accord implicite de l'employeur d'un grand nombre d'heures supplémentaires non payées sur la période du 21 juin 2008 au 31 décembre 2010, antérieure à la conclusion d'une convention de forfait à effet au 1er janvier 2011, un défaut d'attribution, en méconnaissance du principe « à travail égal, salaire égal », de points de compétence ouvrant droit à rémunération complémentaire dont d'autres salariés de l'établissement ont pu bénéficier ainsi qu'une situation de harcèlement moral en raison d'une surcharge de travail (prise en charge dans un contexte de sous-effectif du service de restauration, du service des transports, du magasin général) et d'une attitude négative de l'employeur à son égard (mise à l'écart, mépris, ordres et contre-ordres, absence de soutien et de considération) ayant conduit à la dégradation de son état de santé et compromis ses perspectives professionnelles.

M. [I] [J] sollicite, en conséquence, l'infirmation de la décision prud'homale et la condamnation de l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse à lui remettre, sous astreinte, des bulletins de salaire rectifiés et à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2013 et capitalisation des intérêts échus  :

19 776,86 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période du 21 juin 2008 au 31 décembre 2010,

1 977,68 € au titre des congés payés afférents,

22 673,29 € à titre de rappel de salaire sur point de compétence,

2 267,33 € au titre des congés payés afférents,

70 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou subsidiairement, pour exécution fautive du contrat de travail,

3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse objecte que M. [I] [J], cadre autonome de haut niveau, ne justifie pas les heures supplémentaires dont il demande le paiement et n'a jamais obtenu l'autorisation du directeur ou du sous-directeur du centre, prévue par une instruction générale datant de 2002, pour en accomplir.

L'employeur soutient également que la réclamation au titre des points de compétence est infondée du fait que ceux-ci ne sont pas attribués chaque année et ne se cumulent pas avec les primes de résultat perçues par M. [I] [J], demande que soient écartées des débats les pièces 45 et 51 produites en cause d'appel qui sont des documents appartenant à l'entreprise obtenus par fraude et conteste tout harcèlement moral.

L'intimée conclut ainsi à la confirmation de la décision prud'homale et au rejet de toutes les demandes de M. [I] [J].

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 5 février 2018

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur les heures supplémentaires

Attendu que selon l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu que M. [I] [J] exerçant au sein du [Établissement 2], à partir de l'année 2008, les fonctions de directeur de soins, statut cadre, verse aux débats (ses pièces n°13,14, 16,30) des relevés de badgeuse, des courriels et un décompte d'heures supplémentaires, documents, autorisant une discussion utile sur son temps de travail, qui étayent suffisamment le fait qu'il a pu accomplir plus d'heures que celles dont il a reçu paiement, étant observé que les bulletins de salaire de la période ne mentionnent aucune heure supplémentaire ; qu'il est également à observer que M. [I] [J] a bénéficié, à partir du 1er janvier 2011, d'un forfait en jours sans modification de fonctions, ce qui tend à confirmer que leur accomplissement pouvait induire un dépassement de la durée légale de travail ; qu'il importe peu que l'employeur n'ait pas expressément autorisé l'accomplissement d'heures supplémentaires ou que le salarié n'ait pas lui-même sollicité une telle autorisation dès lors que celles-ci pouvaient être induites par la charge de travail ou les tâches à réaliser ; que pour sa part, l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse ne justifiant pas, conformément aux dispositions susvisées, les horaires effectivement réalisés par M. [I] [J], il sera alloué à ce dernier, en l'état des éléments d'appréciation produits, un rappel d'heures supplémentaires arbitré sur la période considérée à 9 872 €, outre l'indemnité de congés payés afférente ;

2) Sur les points de compétence

Attendu qu'il n'y a pas lieu de rejeter des débats les pièces 45 et 51 de l'appelant en l'absence d'élément ou circonstance établis permettant de retenir, comme l'affirme l'employeur, que ces documents de l'entreprise, relatifs à l'attribution des points de compétence, auraient été obtenus par des moyens frauduleux ;

Attendu que selon l'article 4.2 d'un protocole d'accord interne daté du 30 novembre 2004 dont l'application en l'espèce n'est pas discutée, des points de compétence peuvent être attribués par la direction - avec un montant minimum suivant la classification professionnelle et sous la condition d'une répartition sur au moins 20 % de l'effectif de la catégorie professionnelle - en fonction de « (') l'accroissement des compétences professionnelles mises en 'uvre dans l'emploi(...) », lesdites compétence devant être appréciées « (') sur la base de faits précis, objectifs, observables et mesurables , l'évaluation de la compétence (étant) formalisée à l'occasion de l'entretien annuel, tel que prévu à l'article 7 (')» ; qu'il s'évince de ces dispositions que les points de compétence constituent un système de rémunération complémentaire en fonction de critères de mérite appréciés par l'employeur ; que le principe « à travail égal salaire égal », invoqué par l'appelant, ne prohibe pas une rémunération différenciée en fonction d'éléments objectifs et pertinents tirés, notamment, de la valeur ou des efforts personnels du salarié de sorte que le constat que certains salariés et cadres aient obtenu plus de points de compétence que M. [I] [J] ne saurait seul justifier sa demande de rattrapage salarial ; qu'il sera observé que ses évaluations annuelles non contestées (ses pièces 4) à partir desquelles, selon le protocole d'accord, la performance est formalisée ne constatent ni n'évoquent la réalité « d'un accroissement des compétences professionnelles mises en 'uvre dans l'emploi » au sens des dispositions protocolaires ; que M. [I] [J], au-delà de la surcharge de travail qu'il invoque, ne démontre par aucun élément précis, objectif et mesurable qu'il a concrètement accru ses compétences professionnelles au point de mériter des points de compétence supplémentaires qui ne lui auraient pas été attribués en raison d'une erreur d'appréciation de l'employeur ; qu'en l'état de ces constatations, la décision déférée ayant rejeté la demande sera confirmée ;

3) Sur le harcèlement moral

Attendu que M. [I] [J] soutient avoir été victime d'un harcèlement moral ayant conduit à la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, caractérisée, selon ses explications, par une surcharge de travail importante (prise en charge dans un contexte de sous-effectif du service de restauration, du service des transports, du magasin général de l'établissement, et du dossier DRIRE ) et une attitude négative de l'employeur à son égard (absence de soutien lors d'un conflit avec la salariée [M], mise à l'écart lors de la conclusion d'une convention avec le rugby club de Grasse, notification d'un avertissement injustifié le 24 juillet 2012, ordres et contre-ordres quant à la gestion du service transport et du magasin général, note humiliante lui retirant les clés d'un véhicule, litige relatif à un mur d'escalade non conforme, absence de formation en lien avec ses responsabilités supplémentaires) ;

Attendu que si les faits et circonstances susvisés, détaillés par le salarié dans ses conclusions en cause d'appel, sont susceptibles, au sens de l'article L 1154-1 du code du travail, de faire supposer l'existence d'un harcèlement, il sera néanmoins retenu que l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse justifie de façon convaincante par ses explications et pièces versées aux débats :

-que toutes les missions confiées à M. [I] [J], dont la gestion du service de restauration, du service des transports, du magasin général ainsi que sa participation à la préparation du dossier DRIRE, relevaient des tâches définies par sa fiche de poste de directeur des soins, d'ailleurs expressément visée dans sa lettre de candidature (pièces 52 et 53),

-qu'il n'a été adressé à M. [I] [J] aucune directive, instruction ou message comportant des propos dévalorisants, négatifs ou péjoratifs,

-qu'elle n'apparaît aucunement avoir failli à ses obligations à l'égard de M. [I] [J] dans son conflit avec la salariée [M], l'ayant accusé de harcèlement, laquelle a été sanctionnée par la direction sur sa proposition (pièces 102 et 103),

-que M. [I] [J] n'a explicitement fait l'objet, où alors pour des raisons strictement techniques ou administratives excluant tout dessein harcelant, d'aucune décision l'écartant de certains dossiers ou responsabilités, une correspondance de sa hiérarchie lui rappelant, au contraire et manifestement contre sa volonté, son maintien à la tête des services magasin général et transports (pièce 31),

-que l'avertissement du 24 juillet 2012 en raison d'un déversement de terre sur un terrain de l'établissement, fait non explicitement contesté par M. [I] [J] qui indique dans un courriel qu'il accepte la sanction même s'il ne se considère pas comme responsable (pièce 105), repose sur des circonstances sérieuses et étayées, excluant, quand bien même la sanction résulterait-elle d'une erreur d'appréciation, toute volonté harcelante,

-qu'aucune formation n'a été explicitement refusée à M. [I] [J] qui a, au contraire, pu bénéficier d'une inscription universitaire (master 2) financé par l'employeur en 2010 (pièces 100 et 101) ;

Attendu que s'il doit, en revanche, être constaté que l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse n'explicite pas, dans ses écritures, les raisons et circonstances de la note de service du 17 avril 2013 demandant de ne plus « donner de clé de véhicule à M. [J] dès lors qu'il n'a pas d'ordre de mission signé de la main de la directrice », pouvant avoir, du fait de sa personnalisation, une connotation harcelante, cette instruction, mise en perspective avec l'ensemble des autre éléments d'appréciation sus-analysés, n'autorise pas à retenir la réalité d'agissements répétés imputables à l'employeur susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral au sens de l'article 1152-1 du code du travail ; que la décision prud'homale sera ainsi et sur ce point confirmée ;

Attendu que la cour ne constatant pas, non plus, un manquement contractuel, évoqué à titre subsidiaire, de l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse pouvant justifier sa condamnation à des dommages et intérêts, la demande à ce titre sera également rejetée ;

4) Sur les autres demandes

Attendu que l'équité exige d'allouer à M. [I] [J] 3 000 € en compensation de ses frais non compris dans les dépens par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que l'intérêt légal sera fixé au 25 juin 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation devant la juridiction prud'homale ; que la capitalisation des intérêts échus sera ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil ;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner à l'employeur, sans astreinte, de remettre à M. [I] [J], un bulletin de salaire rectifié compte tenu de cette décision ;

Attendu que les entiers dépens seront laissés à la charge de l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse qui succombe partiellement à l'instance ; que la demande au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 relatif au tarif des huissiers qui n'incombe pas au débiteur et n'est pas applicable aux créances résultant d'un contrat de travail sera, en revanche, rejetée ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Grasse du 9 septembre 2015 en ce qu'il a rejeté les demandes au titre des points de compétence et du harcèlement moral ;

Infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Condamne l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse à payer à M. [I] [J] :

9 872 €, à titre de rappel d'heures supplémentaires,

987,20 € au titre des congés payés,

3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Enjoint à l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse de délivrer à M. [I] [J] un bulletin de salaire rectifié ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire ;

Condamne l'Union pour la gestion des établissements de la caisse d'assurance maladie pour la région PACA et Corse aux dépens de première instance et d'appel mais rejette la demande au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 relatif au tarif des huissiers. 

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 15/17264
Date de la décision : 29/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°15/17264 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-29;15.17264 ?
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