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27/03/2018 | FRANCE | N°16/13403

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 27 mars 2018, 16/13403


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 27 MARS 2018

D.D

N° 2018/













Rôle N° N° RG 16/13403 - N° Portalis DBVB-V-B7A-67AA







Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES P ROVENCE





C/



[S] [R]





















Grosse délivrée

le :

à :CADJI

GUEDJ












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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 21 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/06114.





APPELANTE



LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES

P ROVENCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domicilié...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 27 MARS 2018

D.D

N° 2018/

Rôle N° N° RG 16/13403 - N° Portalis DBVB-V-B7A-67AA

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES P ROVENCE

C/

[S] [R]

Grosse délivrée

le :

à :CADJI

GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 21 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/06114.

APPELANTE

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES

P ROVENCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-Christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Claire DECLOMESNIL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Maître [S] [R], ,

notaire, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Dominique SARRAU-MICHEL, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Février 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame DEMONT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2018,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Par acte authentique dressé le 21 août 1998 par Me [Y] [B], notaire au [Localité 1], la SCI CCFL a acquis auprès de la société civile immobilière Verane quatre lots dans un immeuble en l'état futur d'achèvement.

Cette acquisition a été financée au moyen d'un prêt immobilier souscrit par la SCI CCFL auprès de la Caisse régionale de crédit mutuel agricole Alpes Provence (le Crédit agricole), le 15 avril 1998 qui a donné lieu à un acte authentique de prêt reçu le 21 août 1998 par Me [T], notaire, le même jour que l'acte de vente.

Le remboursement de ce prêt consenti à hauteur de 950'000 Fr. était garanti par l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers et par une affectation hypothécaire complémentaire sur les droits et biens immobiliers financés.

En raison d'un défaut de paiement de l'emprunt immobilier, le Crédit agricole s'est prévalu de l'exigibilité de sa créance par une mise en demeure du 26 novembre 2001, à laquelle la SCI CCFL n'a pas donné suite.

Par exploits des 18 et 21 décembre 2001, la SCI CCFL et ses associés, les époux [C], ont engagé une action en résolution de la vente et en responsabilité du vendeur et du notaire chargé de l'acte. Le Crédit agricole est intervenu volontairement à cette instance.

Par jugement du 7 décembre 2015 le tribunal de grande instance de Grasse a prononcé la résolution de la vente du 21 août 1998, fixé la créance de restitution du prix de la SCI CCFL à l'encontre de la SCI Vérane représentée par son liquidateur à hauteur de 141'777,59 €, 39'299,75 € au titre du prêt, 4573,64 € au titre de la perte de loyers au 31 août 2005, 1122,29 € au titre des frais de vente, 14'177, 76 € au titre de l'indemnité contractuelle pour résolution de la vente, et 5000 € au titre du préjudice moral, et dit que la SCP de notaires [M] sera tenue in solidum avec la SCI Vérane de régler ces montants, avec exécution provisoire.

Par arrêt partiellement infirmatif du 28 septembre 2016 la cour d'appel de ce siège a :

' débouté la SCI CCFL de ses demandes contre Me [E] en sa qualité de liquidateur de la SCI Vérane en ce qu'elles tendaient à la fixation de sa créance au titre des intérêts sur le prix d'acquisition des lots litigieux, au titre des intérêts du prêt, et au titre de la perte de loyer ;

' fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Vérane le montant de la créance de la SCI CCFL, au titre de la perte des loyers à la somme de 5300 € et à la somme de 2000 € le montant de sa créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' et condamné la SCP de notaire [M] à payer à la société civile immobilière CCFL la somme de 28'000 € au titre de la perte de loyers, 17'729,47 € au titre de la perte des avantages fiscaux de la loi Périssol et 3978,99 € au titre de l'indemnité de remboursement anticipé.

Par acte authentique dressé le 23 octobre 2009 par Me [S] [R], notaire à [Localité 2] (06), les lots immobiliers susvisés ont été vendus par la société civile immobilière Vérane à la commune [Localité 1].

Cette vente n'a pas été portée à la connaissance du Crédit agricole qui a renouvelé le 1er juillet 2017 son inscription de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle en l'absence de paiement de sa créance née du prêt immobilier par la société civile immobilière CCFL.

Par acte authentique du 7 août 2013 par Me [N], notaire à [Localité 3], les lots immobiliers ont été cédés par la commune [Localité 1] à un tiers.

Me [N] a pris contact avec le Crédit agricole, lequel, par télécopie du 1er août 2014 adressée à ce notaire, a consenti à donner mainlevée amiable de ses inscriptions à l'encontre de la SCI CCFL en reconnaissant que son action à l'encontre de cette dernière était désormais prescrite.

Par exploit du 23 octobre 2014 le Crédit agricole a fait assigner Me [S] [R] en responsabilité civile professionnelle pour avoir reçu l'acte de vente du 23 octobre 2009 intervenu entre la société civile immobilière Vérane, venderesse représentée par son liquidateur judiciaire, et la commune [Localité 1], acquéreur puis en s'étant départie du prix payé au titre de cette acquisition sans avoir accompli les formalités impératives de purge des inscriptions qui bénéficiaient au Crédit agricole au titre de son inscription de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle de premier rang, au mépris du dispositif de l'ordonnance du juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la SCI Vérane du 18 juin 2007 ayant fixé les conditions de la vente.

Par jugement en date du 21 juin 2016 le tribunal de grande instance de Nice a débouté la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) Alpes Provence de toutes ses demandes, débouté Me [S] [R] de sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive, et condamné la CRCAM à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Le tribunal retient :

' qu'il ressort des productions qu'en suite de la résolution de la vente prononcée par le jugement du 7 décembre 2004, confirmée par l'arrêt rendu, les lots immobiliers avaient réintégré le patrimoine de la SCI Vérane avec un effet rétroactif au jour de l'acte ; que la créance de la SCI CCFL avait été inscrite au passif de la SCI Verane au titre de la restitution du prix et des frais, tandis que l'assureur du notaire ayant instrumenté l'acte de vente avait procédé à l'indemnisation de la SCI CCFL s'agissant des condamnations susvisées ; que le Crédit agricole qui a financé le prêt immobilier et expose ne pas avoir récupéré le montant de sa créance à l'encontre de la SCI CCFL ne justifiait à ce titre que d'une vaine tentative de saisie-attribution en date du 15 mars 2005 entre les mains de la SCP [M] ;

' qu'en dépit des affirmations de Me [S] [R] qui soutient que l'ensemble des inscriptions prises du chef de l'acquéreur sont réputées sans effet après la résolution judiciaire de la vente, les inscriptions venant en garantie du prêt immobilier consenti par la Caisse étaient toujours effectives malgré la résolution judiciaire de l'acte de vente tel qu'il ressort de l'ordonnance du juge-commissaire de la liquidation de la SCI en date du 18 juin 2007 qui avait force exécutoire ; que le notaire n'a pas respecté les dispositions de l'ordonnance du juge-commissaire dont il est à souligner qu'elle était annexée à l'acte de vente du 23 octobre 2009 ; et que le notaire a indéniablement engagé sa responsabilité délictuelle ;

' en ce qui concerne le dommage et le lien de causalité, que le Crédit agricole n'a effectué aucune diligence pour recouvrer sa créance à l'encontre de la SCI CCFL, alors même que la banque était partie intervenante à l'instance ayant conduit d'une part au prononcé de la résolution judiciaire de l'acte de vente du 21 août 1998 et d'autre part à des condamnations pécuniaires au profit de sa débitrice ; qu'il a été jugé que ne justifie pas d'un dommage certain en lien avec la faute du notaire, le créancier privilégié hypothécaire n'ayant pas exercé son droit de suite, lequel constitue non une voie de droit qui ne serait que la conséquence de la situation dommageable imputée à la faute du notaire, mais un effet attaché aux sûretés ;

' qu'à la date où la faute a été commise par le notaire, le préjudice ne pouvait pas être considéré comme étant certain puisque le Crédit agricole disposait d'un droit de suite enfermé dans un délai de prescription, droit qu'elle n'a pas actionné postérieurement à la décision de justice rendue du fait d'un manque de diligence qui lui est strictement imputable ;

' que le droit de suite dont disposait le Crédit agricole était effectif jusqu'au 19 juin 2010 en application et nouvelles règles édictées par la loi du 17 juin 2008 ayant instauré le nouvel article L 137-2 du code de la consommation aux termes duquel l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par 2 ans ;

' que l'arrêt de la cour de ce siège a été rendu le 28 septembre 2006 et que le Crédit agricole ne justifie d'aucune diligence en vue d'exercer son droit de suite ou d'introduire une action en paiement contre sa débitrice ; que si désormais il ne peut plus y prétendre du fait de la prescription de son action, les circonstances de la cause démontrent que le préjudice direct et certain qui en découle résulte de sa propre négligence.

Le 18 juillet 2016 la CRCAM Alpes Provence (le Crédit agricole) a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 13 février 2017 le Crédit agricole demande à la cour :

' de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la faute du notaire, et de le réformer pour le surplus ;

' de condamner Me [S] [R] à lui payer la somme de 242'787, 75 € avec intérêts contractuels de 5,80 % l'an à compter du 8 août 2013 jusqu'à parfait paiement ;

' de rejeter les demandes de Me [S] [R] ;

' et de la condamner à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Le Crédit agricole soutient que la SCI CCFL ne s'est pas privée d'appréhender et de conserver le bénéfice des sommes reçues de la compagnie MMA tout en s'abstenant de lui régler le premier centime ; que la déchéance du terme avait été notifiée par la banque à la SCI Verane le 26 novembre 2001 ; que le Crédit agricole n'a été informé qu'après l'expiration de la prescription de la vente intervenue le 23 octobre 2009 sans purge de ses inscriptions pourtant formellement imposée par le juge-commissaire le 18 mars 2007 ; que disposant d'un titre exécutoire, à savoir le prêt par acte authentique du 21 août 1998, le Crédit agricole n'avait pas à poursuivre son débiteur pour obtenir un titre exécutoire à son encontre ; que la saisie- attribution du 16 mars 2005 a interrompu la prescription de sa créance ; que le garantie consentie au prêteur à l'occasion du prêt subsiste tant que le prêt n'a pas été remboursé et ici suite à la résolution de la vente, tant que les restitutions réciproques ne sont pas achevées ; que le Crédit agricole a perdu une chance de percevoir à l'occasion du paiement du prix de vente qui s'est élevé à 1'700'000 €, le remboursement du solde du prêt consenti à la SCI CCFL que ses inscriptions avaient pour objet de garantir ; que Me [R] a dressé un procès-verbal de difficultés le 21 mai 2008 en constatant que l'état hypothécaire concernant l'immeuble vendu révélait à la date du 4 septembre 2009 l'existence des inscriptions de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle au profit du Crédit agricole ; que l'acquéreur a déclaré faire son affaire personnelle des inscriptions révélées par l'état et qu'il lui appartiendra d'engager aux frais du vendeur les procédures nécessaires pour que l'immeuble soit libéré de ces inscriptions ou publications ; que le notaire a fait mention de ce procès-verbal de difficultés dans l'acte de vente du 23 octobre 2009 ; que si en droit commun en cas de vente amiable, l'acquéreur peut dispenser le notaire d'accomplir une notification aux fins de purge, en l'espèce les conditions de la vente avaient été fixées par le liquidateur judiciaire en application des dispositions impératives d'ordre public qui gouvernent le droit des procédures collectives ;

' que le notaire l'a empêché de recouvrer sa créance ;

' que le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel est certain alors même que la victime aurait disposé contre un tiers d'une action née de cette faute et propre à assurer la réparation de son préjudice ; qu'il a été jugé dans un arrêt du 24 juin 2004 par la première chambre civile de la Cour de cassation que la victime ne peut pas se voir imposer, à la suite de la situation dommageable occasionnée par la faute du notaire, l'exercice d'une voie de droit qui n'a pas été initialement prévue et alors que la mise en jeu de la responsabilité notariale n'est pas subordonnée à la poursuite préalable contre d'autres débiteurs ; et qu'aucune négligence ne peut être retenue contre la banque pour n'avoir pas mis en 'uvre l'exercice d'un droit de suite consécutivement à la réalisation d'une vente intervenue en fraude de ses droits, en violation des conditions impératives d'une décision judiciaire intéressant l'ordre public, et dont il n'était informé que postérieurement à l'expiration du délai de prescription de l'action en recouvrement de sa créance à l'égard de sa débitrice.

Par conclusions du 16 décembre 2016 Me [S] [R] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions , y ajoutant, de condamner l'appelante à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, et celle de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Le notaire fait valoir :

' que la société d'assurance MMA a directement réglé à la société CCFL le montant des condamnations incluant le prix de vente et donc le montant du prêt en capital ; que le Crédit agricole n'a pas pris la peine de se subroger dans le bénéfice de la déclaration de créance du CCFL au passif de la SCI Vérane à concurrence des sommes dues au titre du prêt ; qu'hormis un commandement de payer délivré en 2005, la banque n'a engagé aucune poursuite contre son débiteur, de sorte que sa créance est prescrite depuis 2010 ;

' que l'ordonnance du juge-commissaire du 18 juin 2007 a autorisé la vente de gré à gré du bien immobilier qui a réintégré le patrimoine de la société suite à divers jugements de résolution de la vente ; que cette ordonnance a été signifiée à l'ensemble des créanciers inscrits mais pas au Crédit agricole puisque ses inscriptions n'avaient été prises du seul chef de la SCI CCFL ; que contrairement à ce qui a été jugé, le privilège et l'hypothèque conventionnelle du Crédit agricole se trouvaient privés d'effets ; que l'ordonnance du juge-commissaire ne vise pas les inscriptions du Crédit agricole ; que la résolution de la vente a entraîné l'anéantissement rétroactif des sûretés, même si elles apparaissent toujours au fichier immobilier ; que l'annulation du contrat de prêt n'est pas la résolution de ce contrat laquelle a un effet rétroactif ; que les inscriptions prises du chef de l'acquéreur sont de plein droit réputées sans effet ; que la résolution de la vente immobilière entraînant la résolution de plein droit du prêt immobilier, il appartenait à la banque de faire constater la résolution du contrat de prêt par le tribunal puis la cour et de faire condamner ses débiteurs au remboursement des sommes lui étant dues puisque la résolution du contrat de prêt lui enlevait tout titre exécutoire sur la SCI CCFL ; que la banque a laissé prescrire sa créance ; qu'il a été jugé que la rétroactivité attachée à la résolution entraîne l'anéantissement des droits constitués sur l'immeuble et le rétablissement du vendeur dans ses droits et que celui-ci n'est pas 1/3 détenteur, de sorte que le créancier hypothécaire de l'acquéreur ne dispose d'aucun droit de suite contre le vendeur ; que le Crédit agricole ne peut pas prétendre exercer ni son droit de suite ni son droit de préférence ; qu'il ne peut dès lors se plaindre de l'absence de mise en 'uvre d'une procédure de purge judiciaire à laquelle il n'aurait pas pu participer ; que le Crédit agricole n'y a jamais déclaré aucune créance sur la SCI Vérane ne s'est pas subrogé dans la déclaration de créances de la SCI CCFL pour les sommes afférentes au prêt, de sorte que la vente des biens ne pouvait en aucun cas permettre au Crédit agricole d'être payé de sa créance sur la SCI CCFL ; que la banque n'a subi par le fait du notaire aucune perte de chance d'être payée de sa créance ; que le notaire n'avait pas l'obligation de procéder à la purge judiciaire des inscriptions peu important les termes de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente amiable ;

' que la purge n'est pas faite pour protéger le vendeur ni pour sauvegarder les droits des créanciers inscrits, mais exclusivement les droits des tiers acquéreurs pour qu'ils ne soient pas évincés par la mise en 'uvre du droit de suite bénéficiant aux créanciers de leur vendeur ; que le juge-commissaire ne peut imposer ni à l'acquéreur ni au notaire quelconque obligation ; que le liquidateur qui a été informé du défaut de purge a encaissé le prix et s'est chargé de la distribution entre les créanciers admis ; qu'il n'a pas qualité pour mettre en 'uvre une procédure de purge contra legem ;

' que le notaire qui ne peut pas refuser d'instrumenter une convention a rempli ses obligations envers les parties à l'acte ; que la commune [Localité 1] ayant refusé de procéder à la purge et ayant déchargé le notaire de toute responsabilité à cet égard, le notaire n'a commis aucune faute; que la vente d'un bien grevé ne peut causer un moindre dommage aux créanciers hypothécaires valablement inscrits puisqu'ayant conservé son droit de préférence sur le prix et son droit de suite;

' que le demandeur ne peut se plaindre de la perte d'un avantage qu'il n'aurait de toute façon pas eu même en l'absence de faute ; qu'en toute hypothèse la liquidation judiciaire du vendeur interdisait formellement tout paiement à son profit sur le prix de vente ; que le liquidateur n'aurait pas pu payer une banque qui n'était pas créancière du failli ; que le liquidateur n'ignorait pas les inscriptions puisqu'elles sont visées dans l'acte ; et qu'elles apparaissaient évidemment sur les états hypothécaires ;

' qu'il ne s'agit pas de reprocher au Crédit agricole de n'avoir pas mis en 'uvre un recours contre un tiers rendu nécessaire par la prétendue faute du notaire, mais bien de n'avoir pas engagé les voies de droit qu'elle devait mettre en 'uvre pour pouvoir se plaindre d'un préjudice certain;

' que le créancier qui a perdu une garantie par la faute du notaire doit justifier d'un préjudice né actuel et certain et que le préjudice n'est pas certain quand le créancier n'a pas épuisé toutes les possibilités pour recouvrer sa créance ; que le préjudice n'est pas certain quand le demandeur ne met pas en 'uvre des sûretés prévues à l'acte lui profitant ;

' et que la banque ne peut pas imputer à la faute du notaire le défaut de paiement d'une créance qu'elle n'a jamais tenté de recouvrer contre son débiteur et qu'il ne s'agit pas là d'une action dérivée de la faute du notaire mais de la voie de droit originelle qui était ouverte en vertu de son acte de prêt.

Motifs

Attendu que Me [S] [R] a reçu l'acte de la vente du 23 octobre 2009 intervenue entre la société civile immobilière Vérane, venderesse représentée par son liquidateur judiciaire, et la commune [Localité 1], acquéreur puis s'est départie du prix payé au titre de cette acquisition sans avoir accompli les formalités impératives de purge des inscriptions qui bénéficiaient au Crédit agricole au titre de son inscription de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle de premier rang, au mépris du dispositif de l'ordonnance du juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la SCI Vérane;

Attendu que cette ordonnance du juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société civile immobilière Vérane en date du 18 juin 2007 ayant fixé les conditions de la vente était annexée à l'acte authentique ; que le juge-commissaire a retenu l'offre d'achat présentée par M. [N] [U] le 8 juin 2007 et autorisé la vente de la villa Vérane au profit de ce dernier au prix que celui-ci offrait de 1'700'000 € ; que le juge-commissaire a dit en son ordonnance « que le liquidateur pourra se faire assister pour la vente d'un notaire de son choix ; qu'à défaut d'obtention de la mainlevée amiable des inscriptions ou de l'obtention de l'accord des créanciers inscrits pour renoncer à leur droit de surenchère, le notaire en charge de la rédaction des actes procédera aux formalités de purge aux frais du vendeur ;

Disons que le prix de vendeur restera consigné entre les mains du liquidateur judiciaire durant la procédure de purge, les oppositions étant reçues par ce dernier (') » ;

Attendu que l'ordonnance du juge-commissaire est revêtue de l'autorité de chose jugée ; que le notaire chargé de la vente était tenu d'en respecter les termes, sans porter quelque appréciation sur le bien-fondé de cette décision qui s'imposait à lui ; que l'ordonnance rendue

ne lui permettait pas de considérer que le Crédit Lyonnais n'étant pas nommément désigné, cette banque qui disposait d'une hypothèque conventionnelle de premier rang ne serait pas concernée par ces dispositions qui visent la levée de toutes les inscriptions sans distinction aucune, ni d'estimer de son propre chef que cette banque aurait perdu tous ses droits suite à la résolution de la vente ;

Attendu que le notaire ne saurait prétendre échapper à sa responsabilité professionnelle en invoquant la responsabilité du liquidateur, les formalités de purge des inscriptions lui incombant expressément en exécution de l'ordonnance rendue autorisant la vente ; que Me [R] n'ignorait pas l'existence de cette difficulté puisqu'elle a donné lieu à son procès-verbal de difficultés le 21 mai 2008 constatant que l'état hypothécaire concernant l'immeuble vendu révélait à la date du 4 septembre 2009 l'existence des inscriptions de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle au profit du Crédit agricole ; que ce procès-verbal de difficultés était mentionné dans l'acte de vente qu'il a dressé le 23 octobre 2009 ; que de surcroît la responsabilité du notaire ne présente pas un caractère subsidiaire ;

Attendu que le notaire ne pouvait davantage, toujours au mépris des termes de l'ordonnance rendue lui conférant sa mission, insérer dans l'acte la mention aux termes de laquelle « l'acquéreur déclare faire son affaire personnelle des inscriptions révélées par l'état et qu'il lui appartiendra d'engager aux frais du vendeur les procédures nécessaires pour que l'immeuble soit libéré de ces inscriptions ou publications » ;

Attendu que Me [R] a donc manqué aux devoirs de sa charge ; qu'il est à relever qu'en levant les états hypothécaires du bien lors de la revente le 7 août 2013, Me [N], notaire, a pris aussitôt contact avec la banque pour obtenir la mainlevée de l'inscription d'hypothèque du Crédit agricole ;

Attendu ensuite, sur le préjudice et le lien de causalité, que la faute du notaire a privé le Crédit agricole du montant qu'il devait percevoir à l'occasion du paiement du prix de vente s'élevant à 1'700'000 € ; qu'en effet la vente étant dépourvue de conditions suspensives, elle n'était affectée d'aucun aléa ;

Attendu que le produit de la vente permettait largement le remboursement au Crédit agricole du solde du prêt consenti à la SCI CCFL que ses inscriptions avaient pour objet de garantir, le solde de ce prêt s'élevant à un montant non discuté de 242'786,75 € ; que le Crédit agricole n'aurait pas subi le concours des créanciers de la procédure collective étant créancier hypothécaire et qu'il aurait été réglé en priorité ;

Attendu qu'il soutient donc exactement qu'il a été privé de l'intégralité du montant de sa créance lors de la vente réalisée à son insu, et non de la seule perte d'une chance de pouvoir percevoir ce montant ; qu'en conséquence Me [R] doit être condamnée à payer au Crédit la somme de 242'786,75 € que ce dernier aurait nécessairement perçue lors de la vente de l'immeuble grevé le 23 octobre 2009 si le notaire avait procédé à la purge des hypothèques, comme il était requis de le faire ;

Et attendu qu'une créance indemnitaire ne porte intérêts qu'à compter de la décision qui la constate, soit à compter du présent arrêt ;

Attendu qu'il s'ensuit la réformation du jugement déféré ; que l'appel prospérant, la demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée à titre reconventionnel par Me [R] ne peut qu'être rejetée ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant

Condamne Mme [S] [R] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence la somme de 242'786,75 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute l'intimée de sa demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages intérêts,

Condamne Mme [S] [R] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/13403
Date de la décision : 27/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/13403 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-27;16.13403 ?
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