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20/03/2018 | FRANCE | N°16/12471

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 20 mars 2018, 16/12471


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 MARS 2018

L.V

N°2018/















Rôle N° N° RG 16/12471 - N° Portalis DBVB-V-B7A-64PY







[Q] [W]

SA DE LA VILLA GAL





C/



[K] [B] veuve [Y]

[I] [R]

































Grosse délivrée

le :>
à :Me Sider

Me De Baets

Me Levaique









Arrêt en date du 20 Mars 2018 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 22/06/2016, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 633 rendu le 20/11/2014 par la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE ( 1ère Chambre B).





DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATI...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 MARS 2018

L.V

N°2018/

Rôle N° N° RG 16/12471 - N° Portalis DBVB-V-B7A-64PY

[Q] [W]

SA DE LA VILLA GAL

C/

[K] [B] veuve [Y]

[I] [R]

Grosse délivrée

le :

à :Me Sider

Me De Baets

Me Levaique

Arrêt en date du 20 Mars 2018 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 22/06/2016, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 633 rendu le 20/11/2014 par la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE ( 1ère Chambre B).

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur [Q] [W]

né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 1] (RUSSIE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Caroline GOUSSE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SA DE LA VILLA GAL prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités au son siège sis, [Adresse 2]

représentée par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS

substitué par Me Caroline GOUSSE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION

Madame [K] [B] veuve [Y]

née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 2] (THAILANDE), demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de NICE

Monsieur [I] [R]

pris en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LIMITED, immatriculée au R.C.S. sous le numéro 3580153, désigné en cette qualité par l'Assemblée des créanciers de la société OAKLAND FINANCE LIMITED du 3 janvier 2003 réunie en exécution d'une ordonnance prononcée par la Haute Cour de LONDRES le 17 avril 2002 ayant prononcé la liquidation de cette société,

né le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 3](ROYAUME UNI),, demeurant [Adresse 4] (ROYAUME UNI)

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Emmanuel BRANCALEONI, avocat au barreau de NICE

plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne VIDAL, Présidente, et Madame Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargée, du rapport.

Madame Anne VIDAL, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2018

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 02 février 2011, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice a établi une déclaration de reconnaissance en France, en application des articles 38 et suivants du règlement CE n°44/ 2001 du 22 décembre 2000, de la décision judiciaire rendue le 19 novembre 2010 par la High Court of Justice of London entre M. [Q] [W], la SA DE LA VILLA GAL (SAVG), M. [I] [R] en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LTD, et la succession de feu [S] [L] [Y].

Aux termes de cette décision, la Haute Cour de Justice de Londres dit que la SAVG ne doit aucune somme ni à la société OAKLAND ( et à son liquidateur), ni à la succession de feu [S] [L] [Y].

Par acte d'huissier en date du 02 mars 2011, M. [I] [R] agissant en qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LTD, et Mme [K] [B] épouse [Y], venant aux droits de la société OAKLAND FINANCE, ont fait assigner M. [Q] [W] et la SAVG devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins de voir prononcer l'annulation du certificat de reconnaissance en France de la décision britannique établi le 02 février 2011 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice.

Par jugement en date du 18 avril 2013, le tribunal de grande instance de Nice s'est déclaré incompétent au profit de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans son arrêt du 20 novembre 2014, a:

- déclaré recevable le recours formé par le liquidateur de la société OAKLAND FINANCE et Mme [K] [Y] contre la déclaration de reconnaissance en France de la décision britannique en date du 19 novembre 2010, établi le 02 février 2011 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice,

- confirmé la déclaration de reconnaissance en France de la décision britannique précitée.

Mme [K] [B] épouse [Y] a régularisé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 22 juin 2016, la première chambre civile de la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence aux motifs que:

- la cour, alors qu'elle était saisie d'une action révocatoire fondée sur l'exception d'inconciliabilité de la décision, dont la reconnaissance était demandée, avec une décision rendue entre les mêmes parties rendues en France, ne pouvait s'en remettre à l'appréciation du juge étranger et s'abstenir de procéder elle-même à l'examen de l'exception invoquée devant elle ( violation de l'article 34 3 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000),

- la cour, alors qu'elle était saisie d'une action révocatoire fondée sur la contrariété à l'ordre public de l'Etat requis, de la décision étrangère dont la reconnaissance était demandée, ne pouvait s'abstenir de vérifier, comme elle y était invitée et ainsi qu'il lui incombait, si la décision anglaise contrevenait à l'ordre public français ( violation de l'article 341 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000).

Par déclaration en date du 1er juillet 2016, M. [W] et la SA DE LA VILLA GAL ont saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après renvoi de cassation.

Mme [K] [Y], dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 25 janvier 2018, demande à la cour de:

- constater le désistement d'instance et d'action de Mme [K] [B] veuve [Y],

- constater en conséquence l'extinction de l'instance et l'abandon par Mme [K] [B] veuve [Y] des prétentions formulées par elle à cette occasion,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

M. [I] [R], es qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LTD, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 06 février 2018, demande à la cour de:

- statuer à nouveau sur les demandes de M. [I] [R], la cour demeurant saisie de l'action initiale introduite par M. [I] [R] en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LTD et ordonnant en tant que de besoin, la disjonction d'instance de M. [I] [R] et Mme [Y],

Statuant à nouveau sur le renvoi de cassation:

- dire et juger que le jugement du 19 novembre 2010 rendu par la Haute Cour de Londres est en contradiction avec la décision définitive rendue le 10 décembre 2007 par le tribunal de grande instance de Nice,

- en conséquence, dire et juger n'y avoir lieu à reconnaissance en France de la décision rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Londres si mieux n'aime la cour annuler la déclaration de reconnaissance du 02 février 2011 du greffier en chef du tribunal de Nice,

- dire et juger que la décision rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Londres ne produira aucun effet en France,

- dire et juger irrecevable l'argumentation présentée par la société VILLA GAL au titre des prêts des 08 juin et 03 juillet 1998 et de l'hypothèque du 03 août 2000 en ce qu'elle contredit son argumentation précédemment développée devant une juridiction française et ayant donné lieu au jugement du 10 décembre 2007,

- au besoin dire et juger inopposable en France le jugement rendu par la Haute Cour de Londres le 19 novembre 2010,

- débouter la société VILLA GAL et M. [W] de toutes leurs demandes à l'encontre de M. [I] [R], es qualité,

- dire et juger que les demandes formées contre le liquidateur seront le cas échéant pris en compte au titre du passif de la société OAKLAND FINANCE et employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de cette société,

- condamner la SA VILLA GAL (SAVG) et M. [W] au paiement de la somme de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle que la SAVG, dont le capital social est détenu par trois sociétés anglaises, est propriétaire sur la commune de [Localité 4] d'une demeure de très grande valeur, que dans le courant de l'année 1998, des ressortissants de nationalité russe, dont M. [W] et son fils, se sont intéressés à l'acquisition de cette villa, étant précisé que la lecture du bilan, arrêté en mai 1998, au moment de la cession envisagée, laissait apparaître au passif de la SAVG une créance au profit de la société EG ACQUISITION, représentée par M. [S] [Y] , pour un montant de 42 million de francs, qui résulterait d'un contrat de prêt sous signature privé en date du 1er janvier 1996.

Il expose que :

- le rachat du contrôle de la SAVG pour un montant de 130 millions de francs a été envisagé par M. [W] de la manière suivante :

* rachat des actions des trois sociétés anglaises et prise en charge du passif pour 80 millions de francs,

* règlement d'une somme de 50 millions de francs au profit de la société EG ACQUISITION,

- la société EG ACQUISITION et son représentant, M. [S] [Y], ont accepté que leur créance soit transmise au profit d'une société à constituer, la société OAKLAND FINANCE LIMITED,

- en contrepartie de la cession de créance au profit de cette dernière, la société EG ACQUISITION et M. [Y] recevront des bons au porteur,

- devenue cessionnaire de la créance initiale d'EG ACQUISITION et de M.[Y], la société OAKLAND FINANCE Ltd prendra soin de faire garantir sa créance contre la SAVG en inscrivant une hypothèque conventionnelle le 09 juillet 1998, inscription initiale qui sera réitérée par acte du 23 août 2000.

Sur le désistement d'instance et d'action de Mme [Y], il précise qu'étant pour sa part demandeur à la procédure sur saisine conjointe à la procédure avec [Y], il n'entend pas accepter ce désistement mettant un terme à la présente instance, au motif qu'il a un intérêt certain à ce que ne soit pas reconnue la décision anglaise rendue le 19 novembre 2010.

Il explique en effet qu'en sa qualité de liquidateur, il a cédé sa créance à Mme [Y] en juin 2010 pour un prix de 12.483.083 €, prix payé en partie par compensation et en partie à terme pour un solde de 1.749.995 €, que cette dernière somme lui est donc due par Mme [Y] et qu'il entend ainsi poursuivre directement le recouvrement contre la SAVG au travers de l'action oblique. Il estime qu'il a donc un intérêt particulier à ce qu'il soit statué au fond de l'affaire pour lui permettre de recouvrer les sommes dues par la SAVG et que le désistement de Mme [Y] est sans effet sur l'action qu'il a introduite, quand bien même elle aurait été intentée par un seul et même acte.

Sur le fond, il fait valoir qu'il est constant que l'action dont la cour doit connaître est régie, s'agissant de ses conditions de fond, par les articles 27 et 28 de la convention de Bruxelles de 1988, les articles 34 et 35 du règlement CE n°44/2001 et de la convention de Lugano de 2007, que selon ces textes, une des causes pouvant conduire à rendre inopposable en France un jugement étranger est, notamment, la contrariété avec une autre décision.

Il rappelle que la cour de justice des communautés européennes a jugé que des décisions sont contraires lorsqu'elles entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement, étant précisé que dans ce domaine, il doit être donné priorité à la décision émanant de l'état du for, auprès de qui la reconnaissance est requise.

Il estime que l'inconciliabilité des décisions doit s'apprécier non au stade de leur cause, mais au stade de leurs conséquences et que des décisions sont inconciliables lorsque les motifs des jugements sont incompatibles.

En l'espèce, il soutient que la décision rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Londres contrarie une décision définitive préalablement rendue en France le 10 décembre 2007 par le tribunal de grande instance de Nice aux motifs que:

1. Sur la procédure française:

- cette procédure a été initiée par la SAVG le 25 juin 2004 à l'encontre de la société OAKLAND FINANCE et de Mme [G] et faisait suite à une mise en demeure du liquidateur de la société OAKLAND sollicitant l'exécution des contrats de prêt des 08 juin et 03 juillet 1998,

- aux termes de son assignation, la SAVG demandait au tribunal de dire et juger nul et de nul effet les contrats des 08 juin et 03 juillet 1998 et l'avenant des 14 décembre 2001 et 11 janvier 2002 et conséquemment la nullité de l'hypothèque conventionnelle inscrite en vertu de ces prêts,

- dans sa décision le tribunal de grande instance de Nice a :

* dans ses motifs, dit que les actes de prêts en date des 08 juin et 03 juillet 1998 n'encourent aucune cause de nullité,

* dans son dispositif, dit que ces actes reposent sur une cause réelle et sérieuse et rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- ces actes ayant été validés, ils ne peuvent plus être critiqués devant une juridiction française,

- la décision du tribunal de Nice a été reconnue en Grande-Bretagne.

2.Sur la procédure anglaise:

- sur la décision d'ajournement de M. [M] du 26 juillet 2005:

* la procédure dont il était saisi avait pour vocation de trancher la question de savoir qui était l'ultime actionnaire de la société OAKLAND FINANCE mais aussi de se prononcer sur la validité des obligations aux porteurs émises par cette société et détenues à l'époque par M. [Y],

* le juge anglais a décidé d'un ajournement de la procédure anglaise jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue dans la procédure française, au motif qu'une partie du litige n'a de raison d'être que si le contrat de prêt et l'hypothèque sont valides, ce qui fait précisément l'objet de la procédure en France,

- sur la décision rendue par la juridiction britannique le 19 novembre 2010:

* dans le prolongement de la décision française le 10 décembre 2007, la SAVG a décidé de ré-initier le contentieux et de saisir le juge anglais dans le prolongement de la décision de sursis du 26 juillet 2005, mais en commettant un parjure ( en revenant sur ses propres écrits) et en ratiocinant la portée de la décision rendue en France,

* pour rendre la décision contrariant directement une décision française, le juge anglais a été contraint de revenir sur la décision rendue s'agissant de la répartition des compétences entre le juge anglais et le juge français, puisqu'il a dissocié la question des prêts de celle des garanties, ce qui est contraire à toute logique mais aussi à toutes les positions prises depuis l'origine,

* il a également donné une interprétation sur la portée de la décision rendue en France, sur la base d'une consultation d'un professeur français, produite par la SAVG et M. [W].

Il soutient que les décisions rendues à [Localité 5] et à Londres sont totalement inconciliables dans la mesure où:

- la décision française a confirmé la validité des prêts pour existence et licéité de cause, tout en rejetant l'extinction de la dette pour absence de preuve d'un paiement et absence de fraude,

- la décision anglaise a retenu que la SAVG ne devait aucune somme à la société OAKLAND, le tout sans aucun paiement dans l'intervalle.

Il souligne la déloyauté procédurale de la SAVG et de M. [W] qui ont toujours soutenu la compétence des juridictions françaises tant pour ce qui concerne les prêts que pour l'hypothèque prise en garantie de ce prêt avant de prétendre que la juridiction française ne pouvait connaître des contrats de prêt, que la saisine du juge français se cantonnait à la validité formelle de l'hypothèque, position soutenue devant le juge anglais dans la procédure qui a abouti à la décision du 19 novembre 2010.

Il en tire pour conséquence que, dans la mesure où la décision rendue à Londres le 19 novembre 2010 contredit directement une décision française rendue entre les mêmes parties et dans la mesure où les conséquences de ces deux décisions sont à l'évidence inconciliables, il y a lieu de dire que la décision anglaise ne doit pas faire l'objet d'une reconnaissance en France.

La SA DE LA VILLA GAL, dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 janvier 2018, demande à la cour, au visa des articles 34 et 36 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 et 394 et suivants du code de procédure civile, de :

- constater que la SAVG accepte le désistement d'instance et d'action de Mme [Y],

- constater que la SAVG se désiste de son instance et de son action à l'égard de Mme [Y] uniquement,

- débouter M. [R], es qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LTD, de sa contestation formée à l'encontre de la reconnaissance du jugement de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 établie par le greffier du tribunal de grande instance de Nice le 02 février 2011,

- dire et juger qu'en conséquence le jugement anglais produira en France tous ses effets à l'égard de la SAVG,

- rejeter en tant que de besoin la demande de M. [R], es qualités, visant à faire déclarer inopposable ladite décision à la SAVG,

- débouter M. [R] es qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- constater que la demande de contestation à l'encontre de la reconnaissance du jugement de la Haute Cour de Londres formée par M. [R] es qualités, relève d'un abus d'agir en justice aggravé par un concert frauduleux,

- condamner M. [R] es qualités à payer à la SAVG la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui des ses prétentions, elle rappelle qu'elle est une société anonyme à conseil d'administration, que ses actionnaires sont trois sociétés anglaises, qu'elle est propriétaire d'un ensemble immobilier de prestige situé à [Localité 4] ( la Villa Rose) dont la valeur actuelle est estimée de 50 à 60.000.000 € et que M. [Q] [W] a été le bénéficiaire économique des sociétés anglaises et donc indirectement de la SAVG et de la Villa Rose entre 1998 et 2006.

Elle expose que, selon les parties défenderesses, elle aurait signé deux contrats de prêt avec une société anglaise OAKLAND FINANCE LIMITED les 08 juin 1998 et 23 août 2000, à hauteur respectivement de 50.000.000 et 60.000.000 francs ( le contrat de prêt de 2000 englobant la créance faisant l'objet du prêt initial de 1998 et ramenant le montant total du principal dû par SAVG à 60.000.000 francs) , contrats qui prévoient la compétence des juridictions anglaises et l'application du droit anglais, que cette société OAKLAND va prendre une hypothèque conventionnelle afin de garantir cette prétendue créance le 08 septembre 2000 sur la Villa Rose et que M. [W] va finalement découvrir qu'il a été victime, ainsi que la SAVG, d'une vaste escroquerie commise au profit de la société OAKLAND et de ses représentants ou bénéficiaires, cette dernière société étant déclarée en liquidation judiciaire le 17 avril 2002 et M. [R] étant désigné en qualité de liquidateur par décision du 03 janvier 2003.

Elle précise que, pour éviter la réalisation de l'hypothèque, elle a assigné, par acte du 25 juin 2004, la société OAKLAND devant le tribunal de grande instance de Nice qui, par jugement en date du 10 décembre 2007, aujourd'hui définitif, a dit que les actes sous seing privé en date des 08 juin 1998 et 23 août 2000 reposent sur une cause réelle et licite et a en revanche, déclaré sans cause donc nul et de nul effet, l'avenant daté des 14 décembre 2001 et 11 janvier 2002, relatif au paiement des intérêts.

Elle explique qu'en juin 2010, la société OAKLAND représentée par son liquidateur, aurait cédé sa créance sur SAVG à Mme [K] [Y] née [B], de nationalité thaïlandaise et veuve de M. [Y], décédé en 1998, qu'en vertu de cette cession de créance dont elle conteste totalement la réalité, la légalité et l'opposabilité à son encontre, Mme [Y] serait devenue bénéficiaire de l'inscription hypothécaire existante sur la Villa Rose au profit de la société OAKLAND, inscription qui a été renouvelée le 28 juillet 2010 avec effet jusqu'en 2020, le nouveau bénéficiaire étant désormais Mme [Y].

Elle indique que:

- suivant décision du 25 février 2010 de la Haute Cour de Londres, M. [W] sera reconnu propriétaire des actions des sociétés anglaises et la demande de Mme [Y] tendant à se voir attribuer cette qualité rejetée,

- en juin 2010, cette dernière a entamé une procédure de saisie immobilière de la Villa ROSE se prévalant d'une créance à hauteur de 17.851.961 € à l'encontre de la SAVG,

- suivant jugement du 19 novembre 2010 de la Haute Cour de Londres, il a été définitivement jugé qu'aucune somme n'était due par la SAVG à OAKLAND et à Mme [Y], que ce soit au titre des contrats de prêt ou tout autre titre,

- le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Nice, dans son jugement du 05 mai 2011, a estimé que la procédure de saisie immobilière était nulle, Mme [Y] ne disposant d'aucun titre constatant une créance liquide et exigible.

Elle ajoute que depuis, les parties s'affrontent devant les juridictions françaises pour faire reconnaître la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 en France, que si elle accepte le désistement d'instance et d'action de Mme [Y], elle maintient sa demande de reconnaissance en France du jugement susvisé ainsi que toutes ses demandes à l'égard de M. [R], es qualités.

Elle rappelle que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 20 novembre 2014 est intervenue sur deux séries de motifs, puisqu'il résulte des dispositions des règlements 44/2001 et 1245/2012 que le juge de l'Etat requis, saisi d'une action en inopposabilité d'une décision d'un autre Etat membre est tenu de vérifier lui-même que cette décision:

- n'est pas inconciliable avec une autre décision rendue par une juridiction de l'Etat requis,

- n'est pas contraire à l'ordre public de l'Etat requis,

et qu'en refusant d'opérer ce contrôle en 2014, la cour de céans n'a pas exercé les contrôles exigés par la réglementation européenne.

Elle fait observer que, dans un arrêt mixte du 19 juin 2014, la cour de céans avait enjoint à la SAVG et à M. [W] de produire un certain nombre de pièces, qui ont été communiquées, alors que comme l'avait relevé le conseiller rapporteur lors des débats devant la Cour de cassation, le contrôle par le juge en cas de non reconnaissance ouvert par l'article 34 du règlement 44/2001 ne s'étend pas à la vérification de la procédure poursuivie devant le greffier en chef et l'examen de la cour d'appel doit porter uniquement sur la décision étrangère dont la reconnaissance a été demandée. Elle en conclut que la cour de céans n'a pas à opérer un nouveau contrôle de la régularité de la procédure de reconnaissance , qui relève du pouvoir exclusif du greffier en chef près le tribunal de grande instance.

Sur le prétendu caractère inconciliable de la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 avec le jugement du tribunal de grande de Nice du 10 décembre 2007, elle fait valoir les moyens suivants:

- la Cour de justice opte pour une conception autonome de cette notion et a jugé que des décisions étaient inconciliables lorsqu'elles entraînaient des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement et l'article 34-3 du règlement 44/2001 exige que les deux décisions rendues l'une dans l'Etat requis, l'autre dans un autre Etat communautaire, l'aient été entre les mêmes parties,

- s'agissant des deux décisions litigieuses, la lecture des dispositifs permet d'établir que l'objet de ces deux procédures est différent, que les conséquences ne sont pas irréconciliables et qu'elles ne s'excluent pas mutuellement puisque :

* les deux décisions ne sont pas rendues entre les mêmes parties,

* l'objet est différent puisque devant le tribunal de grande instance de Nice, il était fait grief aux actes notariés litigieux d'être dépourvus de cause réelle et sérieuse, la juridiction a refusé d'annuler les conventions mais en se plaçant uniquement sur le terrain de la cause et n'a jamais reconnu que la SAVG était débitrice à l'égard d'OAKLAND, ces points n'ayant pas été soumis à son appréciation, puisque M. [R] n'a pas réclamé de condamnation à l'époque, alors que la juridiction anglaise a statué sur une question d'exigibilité de la créance, question qui n'avait pas été soumise au juge français,

* la compétence matérielle des juridictions françaises et anglaises était complémentaire et non concurrente, les premières ayant décidé, de manière définitive, qu'elle étaient bien compétentes en ce qui concerne la validité des affectations hypothécaires, cette question étant relative à des droits réels relevant de la compétence des tribunaux du ressort dans lequel est situé l'immeuble et, les secondes, ayant retenu leur compétence en ce qui concerne l'existence ou l'exécution des contrats de prêt conformément à la clause attributive de compétence contenue dans lesdits contrats,

* il y a avait donc bien deux juridictions compétentes qui devaient agir dans cette procédure,

* la Haute Cour de Londres a examiné la question de la recevabilité de l'action de la SAVG et de M. [W] au regard de l'autorité de la chose jugée du jugement niçois et a estimé que cette action était parfaitement recevable puisqu'elle n'avait pas le même objet,

* le jugement du tribunal de Nice de 2007 n'ayant pas défini le montant effectivement dû par la SAVG à OAKLAND en ce qu'il n'a pas condamné la SAVG au paiement d'une quelconque somme et n'a même pas examiné cette question, les tribunaux anglais étaient tenus de déterminer ce montant et d'examiner la réalité de ce paiement dont le remboursement était demandé et dont l'origine était purement contractuelle,

- la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 ne souffre donc pas d'irréconciliabilité avec la décision précédente française de 2007.

Elle conteste enfin toute déloyauté procédurale de sa part et s'agissant de l'existence invoquée par M. [R] d'une contradiction entre l'argumentaire qu'elle a développé devant le tribunal de Nice et celui qu'elle a fait valoir devant les juridictions anglaises, elle rappelle que M. [R] ne peut en déduire l'inopposabilité en France du jugement rendu par la Haute Cour de Londres pour ce motif, dans la mesure où l'article 34 du règlement 44/2001 ne prévoit pas un quelconque chef de non reconnaissance de la décision étrangère pour une prétendue contradiction dans l'argumentation de la partie demanderesse à la reconnaissance.

Elle considère enfin que M. [R], par la présente action, fait preuve d'une légèreté plus que blâmable ainsi que d'une volonté de nuire, dès lors que celui-ci maintient ses demandes alors que la seule bénéficiaire de l'inscription hypothécaire et la cessionnaire de la prétendue créance d'OAKLAND, Mme [Y], s'est désistée de son instance et de son action en France. Elle relate qu'elle connaît depuis quelques années de lourds problèmes de trésorerie, imposant la mise en vente de la Villa Rose, et que l'attitude dilatoire de M. [R], es qualités, n'a que pour but de l'empêcher de procéder à une telle vente.

M. [Q] [W], dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 30 janvier 2018, demande à la cour de:

Vu le désistement de Mme [Y] du 25 janvier 2018 et l'acceptation de M. [W]:

- dire en conséquence le désistement parfait conformément à l'article 395 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, la cour demeurant saisie de l'action initiale et dans la limite des points restant à juger:

Vu le jugement rendu par la High Court of London le 19 novembre 2010,

Vu les articles 34 et 36 du règlement CE 44/2001,

Vu l'article 1351 du code civil,

- débouter les demandeurs de leur contestation formée à l'encontre de la reconnaissance du jugement de la High Court of London du 19 novembre 2010 établie par le greffier du tribunal de grande instance de Nice le 02 février 2011

- dire en conséquence que ce jugement produira en France tous ses effets à l'égard des demandeurs à la contestation,

- rejeter en tant que de besoin, la demande visant à faire déclarer inopposable ladite décision aux demandeurs à la contestation,

Sur la demande reconventionnelle et au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile:

- constater que la demande relève d'un abus d'ester en justice aggravé par un concert frauduleux,

- condamner M. [R] à payer à M. [W] la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts et 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant des différentes procédures menées en France et en Grande Bretagne, il rappelle que:

- contrairement aux prétentions adverses, la décision du juge anglais du 06 juillet 2005 a été rendue dans le cadre d'une saisine de cette juridiction par OAKLAND en vue de statuer sur une demande portant sur les sommes qui lui étaient dues par SAVG, de sorte que la juridiction anglaise a été saisie dans cette affaire en premier lieu ,

- ce n'est que par suite de la signification à SAVG d'un commandement de payer et au regard de la menace de la réalisation des garanties en France ( alors que la procédure anglaise était en cours) que SAVG a engagé une action en France devant le tribunal de Nice aux fins de contester la validité des affectations hypothécaires,

- le juge anglais a donc ordonné la suspension de la procédure anglaise dans l'attente de la décision de la juridiction française ayant une compétence exclusive sur la validité des affectations hypothécaires, et ce afin d'éviter toute éventuelle contradiction du jugement,

- le juge de la mise en état, dans une décision du 03 novembre 2005, a retenu la compétence de la juridiction française sur la question de la validité des garanties hypothécaires, sans remettre en cause la compétence du juge anglais sur la question de la créance contractuelle mais aussi la propriété des actions transférées en fraude des droits de M. [W],

- la répartition des compétences entre le juge français et le juge anglais a donc été arrêtée de la façon suivante:

* le premier devait statuer sur la validité de la garantie qui portait sur un immeuble en France,

* le second devait se prononcer sur l'exécution du contrat qui le désignait d'ailleurs comme juge, selon une clause attributive de compétence, et sur le transfert des actions.

Il précise que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a pas été cassé au motif qu'il aurait confirmé à tort la reconnaissance du jugement en litige mais uniquement parce que le juge n'avait pas correctement rempli son office en omettant d'exercer un contrôle effectif.

Sur la portée du contrôle que doit opérer la cour de renvoi, il fait valoir :

- le contrôle ne porte pas sur la régularité de la procédure de reconnaissance ayant conduit à la délivrance du certificat du greffier du tribunal de grande instance de Nice:

* toutes les pièces avaient été produites et analysées par la cour de céans à la suite de son arrêt avant dire droit sans qu'aucune anomalie ne soit relevée,

* ce débat initié par Mme [Y] était parfaitement inutile, le conseiller à la Cour de cassation ayant relevé, dans son rapport, que le contrôle des cas de non reconnaissance ouverts par l'article 34 du règlement ne s'étend pas à la vérification de la procédure suivie devant le greffier en chef,

* la cour de renvoi n'a donc pas à opérer à nouveau un contrôle de la régularité de la procédure de reconnaissance,

- l'interdiction de 'rejuger':

* il s'agit uniquement en l'espèce de s'assurer que la chose jugée à l'étranger est compatible avec l'ordre juridique français,

* le contrôle que doit opérer la cour de renvoi, dans le respect de la chose jugée en Angleterre, porte uniquement sur le point de savoir si la décision anglaise enfreint ou non les dispositions de l'article 34 alinéa 1 et 3 du règlement;

- les motifs de non reconnaissance d'une décision sont très réduits, les Etats membres ayant entendu mettre en place une procédure simplifiée.

Il soutient que la reconnaissance n'enfreint aucun des principes énoncés à l'article du règlement:

1. Sur l'absence d'une atteinte manifeste à l'ordre public français qui avait été soutenue par Mme [Y]:

- absence de violation du contradictoire, ce principe ayant été respecté devant les juridictions anglaises, Mme [Y] ayant omis délibérément de constituer avocat alors qu'elle avait reçu les convocations tout au long du procès,

- la décision du 19 novembre 2010 est parfaitement motivée,

- l'existence de voies de recours, Mme [Y] ayant demandé la permission de relever appel au tribunal, ce qui lui a été refusé, montrant que cette décision n'était pas sans recours.

2. Les décisions rendues ne sont pas inconciliables en ce sens qu'elles ne produisent aucune conséquence juridique qui s'exclurait mutuellement:

- le tribunal de Nice a refusé d'annuler les conventions notariées mais uniquement sur le terrain de la cause et il n'a nullement reconnu que la SAVG était débitrice de la société OAKLAND,

- la juridiction anglaise a statué sur des questions différentes, puisqu'elle était saisie non seulement de l'exigibilité de la créance litigieuse mais également de la propriété des actions frauduleusement transférées au préjudice de M. [W],

- le tribunal français n'était pas compétent pour procéder à une telle constatation ou condamnation puisqu'il faut distinguer la loi d'autonomie du contrat qui contenait une clause attributive de compétence au profit des juridictions anglaises et la loi de la garantie réelle applicable à l'affectation hypothécaire prise sur un immeuble situé en France,

- les demandes portées en France et en Angleterre n'avaient donc pas le même objet et elles ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement car c'est à cette unique condition qu'elles pouvaient devenir inconciliables,

- la décision anglaise qui a constaté l'absence de créance régulière n'est pas révisable et sous couvert d'un recours contre le certificat du greffier, M. [R] cherche en réalité à remettre en cause la décision britannique à laquelle il a été partie,

- à l'occasion de sa reconnaissance, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision sur le fond ( article 36 du règlement) ,

- la décision anglaise ayant dit que la SAVG n'était pas débitrice, doit être reconnue en France et s'impose aux appelants, qui n'ont formé aucun recours à son encontre.

Il considère que la procédure engagée procède d'un concert frauduleux engagé entre M. [R] et Mme [Y] puisque la cession intervenue entre ces derniers s'apparente à un pacte d'intérêt commun, qui enfreint une décision anglaise antérieure qui a jugé qu'il était le propriétaire légitime de toutes les actions émises par OAKLAND dont Mme [Y] s'est prévalue pour ' acheter la créance'.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 06 février 2018.

MOTIFS

Sur le désistement d'instance et d'action de Mme [Y]

Il y a lieu de constater le désistement d'instance et d'action de Mme [Y], aux termes de ses dernières écritures notifiées le 25 janvier 2018.

Ce désistement est sans effet sur l'instance intentée par M. [I] [R], quand bien même elle a été introduite par ces deux parties par un seul et même acte.

En effet, M. [R] justifie d'un intérêt, qui n'est contesté par aucune des parties adverses, à maintenir l'instance qu'il a introduite aux fins de voir dire et juger inopposable en France la décision de la Haute Cour de Justice de Londres du 19 novembre 2010.

Sur le fond

Il est constant que, saisi par voie de requête par M. [Q] [W] et la SAVG, sur le fondement des articles 38 et suivants du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice a, par déclaration du 02 février 2011, reconnu en France la décision rendue le 19 novembre 2010 par la High Court of Justice of London, Juridiction des sociétés, Division Chancellerie, dans l'instance les opposant à M. [I] [R] en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE Ltd, à la succession de feu [S] [Y], à Mme [N] [N] et à M. [Y] [C].

Par acte du 02 mars 2011, M. [R], ès qualités, et Mme [K] [Y] ont fait assigner M. [Q] [W] et la SAVG devant le tribunal de grande instance de Nice, aux fins de voir prononcer l'annulation de la déclaration de reconnaissance en France établie le 02 février 2011 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice.

Par jugement en date du 18 avril 2013, le tribunal de grande instance de Nice s'est déclaré incompétent au profit de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Suite à la décision de la Cour de cassation en date du 22 juin 2016 cassant et annulant dans toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence rendu le 20 novembre 2014, la cour d'appel de renvoi est en conséquence à nouveau saisie de la contestation formée par M. [R] de la reconnaissance en France de la décision anglaise du 19 novembre 2010, la SAVG et M. [W], pour leur part, soutenant que cette décision remplit tous les critères pour être pleinement reconnue en France.

Dans le cadre de l'Union européenne, la reconnaissance et l'exécution des décisions rendues en matière civile et commerciale par les Etats membres ne sont pas régies par le droit commun de l'exequatur mais par un Règlement communautaire.

En l'occurrence le Règlement applicable était le règlement CE n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, dit Bruxelles I, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

L'article 33 de ce Règlement pose en son principe que ' les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une autre procédure.'

Toute partie intéressée peut, par voie de requête présentée, conformément à l'article 39 point 1 du Règlement, à l'autorité compétente de l'Etat membre d'exécution, faire reconnaître la décision rendue dans un autre Etat membre en vue de permettre son exécution sur le territoire de l'Etat requis, l'autorité compétente étant en France, le greffier en chef du tribunal de grande instance, qui ne peut cependant examiner si les conditions de la reconnaissance de la décision dans l'Etat membre requis sont réunies, un tel pouvoir lui étant refusé.

Un tel examen ne peut intervenir que dans le cadre du recours formé contre la délivrance du certificat devant la juridiction compétente de l'Etat requis, les motifs de non reconnaissance étant en revanche réduits et limitativement énumérés par l'article 34 du Règlement qui énonce que:

' Une décision n'est pas reconnue si:

1) la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis,

2) l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire,

3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis,

4) elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis.'

En l'espèce, M. [R], ès qualités, fonde sa demande d'annulation du certificat de reconnaissance en France établie le 02 février 2011 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice, exclusivement sur le fondement de l'article 34 3) du Règlement susvisé, soutenant que la décision du 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Londres est inconciliable avec la décision définitive rendue le 10 décembre 2007 par le tribunal de grande instance de Nice.

La Cour de justice des communautés européennes, optant pour une conception autonome de la notion d'inconciliabilité des décisions, a jugé que des décisions étaient inconciliables lorsqu'elles entraînaient des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement.

Deux décisions sont inconciliables si elles sont incompatibles dans leur exécution, plus particulièrement si l'exécution de l'une exclut nécessairement celle de l'autre.

En d'autres termes, deux décisions sont inconciliables quand elles ne sont pas susceptibles d'une exécution simultanée, une telle impossibilité procédant de leur dispositif.

Il ressort des pièces produites que le tribunal de grande instance de Nice a été saisi par assignation délivrée à l'initiative de la SAVG à l'encontre de la société OAKLAND FINANCE LTD, M. [I] [R], ès qualités et Mme [J] [G], aux fins de voir déclarer nuls et de nul effet les contrats des 08 juin 1998 et 23 août 2000 et l'avenant du 14 décembre 2001 et 11 janvier 2002 et de voir ordonner la mainlevée de l'hypothèque inscrite à la requête de Me [Z] le 08 septembre 2000.

La SAVG faisait en effet grief aux actes notariés d'être dépourvus de cause réelle et sérieuse ou d'être fondés sur une cause illicite.

Le tribunal de grande instance de Nice, dans son jugement du 10 décembre 2007, a:

- dit que les actes de prêts sous seing privé en date du 08 juin 1998 et 23 août 2000 reposent sur une cause réelle et licite,

- déclaré nul et de nul effet l'avenant des 11 décembre 2001 et 14 janvier 2006 relatif à ces prêts.

Le tribunal a estimé que la démonstration de l'inexistence d'une cause ou de la cause illicite n'était pas rapportée et n'a statué qu'au regard de la notion de cause. De même il a annulé un avenant en vertu duquel la déchéance du terme était intervenue, toujours pour absence de cause.

A aucun moment, dans sa décision, le tribunal de grande instance de Nice n'a reconnu que la SAVG était débitrice à l'égard de la société OAKLAND, ces points n'ayant pas été soumis à son appréciation, comme le reconnaît d'ailleurs M. [R], qui admet ne pas avoir sollicité la condamnation de la SAVG au paiement des sommes litigieuses qui auraient été contractées par le biais des prêts, au motif qu'il considérait à l'époque être détenteur d'un titre exécutoire, constitué par la copie exécutoire de l'acte notarié du 28 août 2000.

La décision britannique du 19 novembre 2010 a, quant à elle, déclaré que:

- aucune somme n'est due par SAVG à OAKLAND ou à la succession de M. [Y] au titre des mêmes contrats de prêts,

- OAKLAND ou tout successeur de cette société y compris la succession de M. [Y] est irrecevable à prétendre que des sommes leur seraient dues par SAVG.

La juridiction anglaise, dont il ressort des éléments produits au dossier qu'elle avait été saisie avant l'introduction de la procédure par la SAVG devant la juridiction niçoise, puisque le litige avait été initié dès 2002 par la société OAKLAND et que son liquidateur avait, par acte déposé le 10 juin 2004, saisi cette juridiction aux fins notamment de statuer sur ' le droit ultime de propriété des sommes dues ou pouvant l'être par la SAVG à la société OAKLAND LIMITED mais ne s'étendant pas à la détermination de la validité du contrat de prêt et à l'hypothèque sous-jacente' , a statué sur la question de l'exigibilité de la créance et donc de l'exécution du contrat, d'autant qu'elle était parfaitement compétente pour ce faire conformément à la clause attributive de compétence prévue dans les contrats de prêt.

La décision rendue par le juge anglais le 06 juillet 2005 et dont fait état M. [R], a ordonné la suspension de la procédure anglaise, initiée en premier, dans l'attente de la décision de la juridiction française ayant une compétence exclusive sur la validité des affectations hypothécaires portant sur un immeuble situé en France, conformément à l'article 22 du Règlement 44/2001 et ce afin d'éviter toute éventuelle contradiction de jugement.

C'est ainsi que la SAVG a engagé son action devant le tribunal de grande Nice aux fins de contester la validité des affectations hypothécaires suite à la signification d'un commandement de payer et au regard de la menace de réalisation des garanties en France.

Il y a lieu de relever que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice a, par décision du 03 novembre 2005, rejeté les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par M. [R] qui prétendait que seule la juridiction anglaise était compétente pour trancher le litige dans son intégralité et a considéré les parties et objet du litige devant le juge anglais et le juge français n'étaient pas les mêmes, retenant donc la compétence de la juridiction française sur l'action en contestation de l'acte pour s'opposer à la réalisation de l'hypothèque conventionnelle inscrite sur la propriété de Villefranche-sur-Mer, sans remettre en cause la compétence de la juridiction britannique saisie la question de la créance contractuelle mais aussi de la propriété des actions transférées en fraude des droits de M. [W].

Au regard de ces éléments, il apparaît que:

- le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire, engagement réel soumis aux juridictions françaises, et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause,

- le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement.

Les demandes n'avaient pas le même objet et ne peuvent donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne se sont pas prononcées sur les mêmes questions.

Au regard de ces éléments, la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2000 n'est pas inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, leur exécution simultanée étant possible.

M. [R] soutient, par ailleurs, que l'argumentation présentée par la SAVG au titre des prêts et de l'hypothèque du 23 août 2000 est contradictoire avec l'argumentation déjà développée devant les juridictions françaises et qui a donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007. Il en tire pour conséquence que cette argumentation est irrecevable et demande à la cour de déclarer inopposable en France la décision rendue par la Haute Cour de Londres le 19 novembre 2010.

Or, l'article 34 du règlement n°44/2001 ne donne au juge un quelconque pouvoir pour déclarer inopposable en France un jugement rendu par un autre Etat membre de l'Union Européenne et encore moins ne prévoit une cause de non-reconnaissance de la décision étrangère tirée d'une prétendue contradiction dans l'argumentation développée par la partie demanderesse à la reconnaissance.

En conséquence, M. [R], ès qualités, sera débouté de sa contestation formée à l'encontre de la reconnaissance de la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 établie par le greffier du tribunal de grande instance de Nice.

Il convient donc de confirmer cette déclaration de reconnaissance et de dire et juger que la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 produira, en France, tous ses effets.

Ni la SAVG, ni M. [W] ne justifient de la part de M. [R], ès qualités, d'une erreur grossière équipollente au dol, ni de l'existence d'une volonté de nuire, ils seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

sur renvoi de la Cour de cassation,

Constate le désistement d'instance et d'action de Mme [K] [B] épouse [Y],

Déboute M. [I] [R], en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LIMITED, de sa contestation formée à l'encontre du certificat de reconnaissance en France de la décision de la Haute Cour de Justice de Londres du 19 novembre 2010, établi par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice le 02 février 2011,

Confirme en conséquence la déclaration de reconnaissance en France de la décision judiciaire rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Justice, Juridiction des sociétés, Division Chancellerie, dans l'affaire n°4920 de 2002 OAKLAND FINANCE LIMITED entre M. [Q] [W], 1er demandeur, la SA de LA VILLA GAL (2ème demandeur), et M. [I] [R] , en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LIMITED (1er défendeur), la succession de [S] [Y], décédé (2ème défendeur), Mme [N] [N] (3ème défendeur) et [Y] [C], (4ème défendeur),

Dit qu'en conséquence la décision judiciaire rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Justice, Juridiction des sociétés, Division Chancellerie, dans l'affaire n°4920 de 2002 OAKLAND FINANCE LIMITED entre M. [Q] [W], 1er demandeur, la SA de LA VILLA GAL (2ème demandeur), et M. [I] [R] , en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LIMITED (1er défendeur), la succession de [S] [Y], décédé (2ème défendeur), Mme [N] [N] (3ème défendeur) et [Y] [C], (4ème défendeur), produira en France tous ses effets,

Déboute la société DE LA VILLA GAL et M. [Q] [W] de leurs demandes de dommages et intérêts,

Condamne M. [I] [R], en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LIMITED à payer à la société DE LA VILLA GAL la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] [R], en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LIMITED à payer à M. [Q] [W] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] [R], en sa qualité de liquidateur de la société OAKLAND FINANCE LIMITED aux dépens de la procédure, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/12471
Date de la décision : 20/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/12471 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-20;16.12471 ?
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