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20/03/2018 | FRANCE | N°16/12207

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 20 mars 2018, 16/12207


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 20 MARS 2018

L.V

N° 2018/













Rôle N° N° RG 16/12207 - N° Portalis DBVB-V-B7A-63ZA







COMMUNE DE NICE





C/



Association MISSION EVANGELIQUE TZIGANE DE 'VIE ET LUMIÈRE'





















Grosse délivrée

le :

à :Me Verrier

Me Fiorentini Gatti

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 27 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04311.





APPELANTE



COMMUNE DE NICE

prise en la personne de son Maire en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 20 MARS 2018

L.V

N° 2018/

Rôle N° N° RG 16/12207 - N° Portalis DBVB-V-B7A-63ZA

COMMUNE DE NICE

C/

Association MISSION EVANGELIQUE TZIGANE DE 'VIE ET LUMIÈRE'

Grosse délivrée

le :

à :Me Verrier

Me Fiorentini Gatti

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 27 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04311.

APPELANTE

COMMUNE DE NICE

prise en la personne de son Maire en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Adrien VERRIER, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMEE

Association MISSION EVANGELIQUE TZIGANE DE 'VIE ET LUMIÈRE' Association Loi 1901 prise en la personne de son Directeur en exercice domicilié en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Sandra FIORENTINI-GATTI, avocat au barreau de MARSEILLE,plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Février 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2018,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Exposant que le samedi 29 juin 2013, les grilles d'accès du complexe sportif ' [Établissement 1]', propriété de la Ville de Nice, avaient été forcées et qu'une centaine de caravanes de gens du voyage s'étaient introduites par effraction pour s'installer illégalement sur le terrain jusqu'au 1er juillet 2013, la Commune de NICE a, par acte d'huissier du 24 juillet 2013, fait assigner l'Association MISSION EVANGELIQUE TZIGANE FRANCAISE VIE ET LUMIERE ( Association VIE ET LUMIERE) devant le tribunal de grande instance de Nice afin d'obtenir la réparation de son préjudice au titre de ces actes délictueux, évalué à la somme principale de 620.861,49 € correspondant aux frais de remise en état du complexe sportif.

Par jugement contradictoire en date du 27 mai 2016, le tribunal de grande instance de Nice a:

- déclaré la Commune de NICE mal fondée en toutes ses prétentions et l'en a déboutée,

- débouté l'Association VIE ET LUMIERE de sa demande reconventionnelle,

- condamné la Commune de Nice à payer à l'Association VIE ET LUMIERE la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le tribunal a considéré que la responsabilité de l'Association VIE ET LUMIERE ne pouvait être engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, en relevant qu'il n'est pas établi que les personnes qui sont entrées par effraction dans le complexe sportif et qui ont endommagé les terrains, étaient membres de cette association, dont l'objet social ne comprend pas l'organisation des déplacements de ses membres, et qui en conséquence n'a pas pour mission de contrôler et diriger l'action de ses membres au cours de déplacements, d'autant qu'il ressort des pièces du dossier que l'Association GRAND PASSAGE organisait seule les pèlerinages.

Il a également débouté la Commune de NICE de sa demande sur le fondement de l'article 1382 du code civil, au motif que celle-ci ne caractérisait aucune faute délictuelle commise par l'association défenderesse.

Par déclaration en date du 29 juin 2016, la Commune de NICE a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions par la voie électronique le 12 septembre 2016, la Commune de NICE demande à la cour, au visa des articles 1356,1382,1383 et 1384 alinéa 1 du code civil de :

- déclarer recevable et fondé l'appel formé par la Commune de NICE, prise en la personne de son Maire en exercice,

- infirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Nice, sauf en ce qu'il a débouté l'Association VIE ET LUMIERE de sa demande reconventionnelle,

Et statuant à nouveau :

- constater les fautes commises par l'Association VIE ET LUMIERE,

- constater l'aveu judiciaire effectué par l'Association VIE ET LUMIERE dans ses écritures de première instance sur son implication et les fautes commises par ses membres au préjudice de la Commune de NICE,

- dire et juger que ces fautes sont seules à l'origine des préjudices subis par la Commune de NICE,

- dire et juger que l'Association VIE ET LUMIERE est responsable des dommages causés par ses membres en application de l'article 1384 alinéa 1 du code civil,

A titre subsidiaire, si la cour venait à considérer que les conditions d'application de l'article 1384 alinéa 1er ne sont pas remplies :

- dire et juger que l'Association VIE ET LUMIERE est responsable des préjudices subis par la Ville de Nice du fait de l'occupation illégale des terrains des [Établissement 1] en application de l'article 1382 du code civil,

En tout état de cause :

- débouter l'Association VIE ET LUMIERE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner l'Association VIE ET LUMIERE à payer à la Ville de NICE:

* 620.861,49 € au titre des frais de remise en état des terrains du complexe sportif des [Établissement 1],

* 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

* 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle rappelle que le 30 juin 2013, des suites de cette occupation illégale, les services de la police municipale établissaient un relevé précis de tous les véhicules et de toutes les caravanes stationnés sur le complexe sportif litigieux, soit 99 véhicules et 75 caravanes, que les personnes occupantes sans droit ni titre ont refusé de rejoindre l'aire d'accueil des gens du voyage dont la Ville de NICE dispose et n'ont quitté les lieux que le 1er juillet 2013 à 20 heures.

Elle conclut à l'entière responsabilité de l'Association VIE ET LUMIERE en faisant valoir les moyens suivants :

- les faits délictueux ont été commis par les membres de cette association dans le cadre d'une action missionnaire organisée par cette dernière, laquelle a pour objectif ' la propagation de l'évangile des gens du voyage ainsi que chez les populations des villes et villages de France',

- c'est dans le cadre de l'une de ces missions que les membres de l'Association VIE ET LUMIERE ont choisi de venir s'installer illégalement et en toute connaissance de cause sur les terrains du complexe sportif des [Établissement 1], la faute étant nécessairement caractérisée puisqu'ils ont forcé les grilles d'accès et ont volontairement cassé les portails d'entrée dudit complexe,

- ils se sont installés sur des terrains de rugby avec leur caravanes, de telles installations sur des terrains engazonnés ayant eu pour effet de dégrader ces équipements,

- ils ont choisi de demeurer illégalement sur lesdits terrains alors qu'ils ont pourtant été invités à plusieurs reprises à se rendre sur l'aire d'accueil des gens du voyage aménagée suivant arrêté du 21 juillet 2008,

- c'est bien l'Association VIE ET LUMIERE qui a organisé et dirigé cette installation dans le cadre d'une mission évangélique, ainsi qu'il ressort clairement du courrier qui lui a été adressé le 12 décembre 2012 par l'Association GRAND PASSAGE, mandatée par l'intimée pour coordonner les besoins de stationnement des groupes de caravanes animés par ses pasteurs et sollicitant la mise à disposition d'une aire de grand passage afin d'y stationner pour organiser son pèlerinage à [Localité 1] entre le 30 juin et le 07 juillet 2013, annonçant une centaine de caravanes, ce qui correspond d'ailleurs à ce qui a été constaté par les services de la police municipale,

- cette occupation illégale des terrains ressort également des propres déclarations de l'intimée en première instance qui a soutenu que c'est la carence entêtée de la Commune de NICE à leur fournir une aire adaptée qui a contraint le groupe des gens du voyage à occuper le terrain des [Établissement 1], un tel argument étant constitutif d'un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil, étant relevé que si l'Association avait été réellement convaincue de ne pas avoir participé à cette occupation illicite, elle n'aurait pas pris le soin de chercher avec autant d'énergie une cause d'irresponsabilité,

- elle justifie que l'Association VIE ET LUMIERE est coutumière des occupations illégales, adoptant à chaque fois le même procédé, en adressant par l'intermédiaire de l'Association GRAND PASSAGE un courrier à la mairie ou à la préfecture, avant de se plaindre de la qualité de l'aire de passage légalement prévue et de décider d'occuper illégalement un terrain de la Ville,

- en sollicitant expressément auprès de la Ville une aire de grand passage pour coordonner les besoins en stationnement des groupes de caravanes animés par ses pasteurs, l'intimée était bien la seule responsable des agissement de ses membres, de sorte que sa responsabilité est incontestablement engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil,

- il ne saurait être reproché à la Ville de ne pas avoir pu identifier les auteurs alors même qu'elle ne disposait d'aucun moyen légal pour parvenir à une telle identification, qui impliquait de retrouver la propriété de tous les véhicules qui occupaient illégalement le terrain en cause,

- en toute hypothèse, la responsabilité de l'intimée est engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil, dans la mesure où en organisant et dirigeant une mission évangélique qui a joué un rôle actif et participé, par des faits positifs, à une occupation illégale et donc à des faits illicites, l'Association a commis une faute civile.

Elle conteste toute responsabilité et soutient n'avoir commis aucune faute, que le préfet des [Localité 2] n'a jamais délivré d'injonction à la Ville de NICE, l'arrêté préfectoral du 12 juin 2013 dont se prévaut l'intimée contient uniquement une réquisition de terrain derrière le stade [Établissement 2], alors que l'Association n'a pas choisi d'occuper ce terrain, mais celui des Arboras, étant précisé que cet arrêté préfectoral a été annulé par le tribunal administratif de Nice par jugement du 03 mars 2015. Elle ajoute que rien n'autorisait les membres de l'Association à occuper illégalement des terrains de la commune et encore moins à les dégrader, de telles assertions de la part de l'intimée constituant un réel aveu judiciaire, puisqu'elle estime que c'est en raison de la carence de la Ville de NICE que le groupe a dû se regrouper sur le stade des [Établissement 1].

Elle insiste sur l'importance de son préjudice qui doit faire l'objet d'une réparation intégrale en précisant qu'elle a fait dresser une procès-verbal le 03 juillet 2013 afin de faire constater la réalité des dégradations causées, les photographies qui y sont annexées démontrant que l'intégralité des pelouses des deux terrains doit faire l'objet d'une remise en état et qu'elle communique également deux devis pour un montant global de 620.861,49 €.

Elle expose enfin avoir subi un préjudice moral, son image ayant été profondément touchée par ces faits qui ont été grandement médiatisés et qui ont eu des conséquences sur l'organisation des événements sportifs au cours de l'été 2013.

L'Association MISSION EVANGELIQUE DES TZIGANES DE FRANCE- VIE ET LUMIERE, dans ses conclusions signifiées par RPVA le 24 octobre 2016, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en première instance le 27 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Nice, sauf en ce qui concerne les demandes reconventionnelles de l'Association VIE ET LUMIERE,

- débouter la Commune de NICE de l'ensemble de ses demandes,

- dire et juger que la responsabilité de l'Association VIE ET LUMIERE ne saurait être engagée,

- condamner la Commune de NICE à verser à l'Association VIE ET LUMIERE la somme de 5.000 € au titre de son préjudice moral,

A titre subsidiaire:

- dire et juger que la Commune de NICE a commis une faute,

- dire et juger que l'Association VIE ET LUMIERE se trouve dès lors exonérée totalement de sa responsabilité,

A titre encore plus subsidiaire:

- dire et juger que la Commune de NICE a commis une faute,

- dire et juger que l'Association VIE ET LUMIERE se trouve dès lors exonéré partiellement de sa responsabilité dans une plus large mesure compte tenu de la faute commise par la Commune de NICE,

A titre infiniment subsidiaire :

- désigner tel expert qu'il plaira afin qu'il procède à l'expertise habituelle à la charge de la commune de NICE afin d'apprécier le préjudice subi et la part de responsabilité de chacun,

- ne pas prononcer de condamnation solidaire entre les défendeurs,

- dire et juger que le montant des dommages et intérêts sera réduit à de plus juste proportions,

- condamner la Commune de NICE au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste l'existence d'un quelconque aveu de sa participation à l'occupation du complexe sportif en cause, la jurisprudence constante exigeant une manifestation non équivoque de la volonté de la part de son auteur de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques, ce qui n'est pas le cas des conclusions par lesquelles une partie conteste à titre subsidiaire l'existence ou le montant de sa créance comme c'est le cas en l'occurrence.

Elle soutient que sa responsabilité sur le fondement de l'article 1384 alinéa du code civil ne saurait être engagée dès lors que :

- le principe général de responsabilité pour autrui ne peut être mis en oeuvre que si le civilement responsable a accepté d'organiser et de contrôler à titre permanent le fait d'autrui,

- l'appelante ne rapporte nullement la preuve que d'une part les occupants du stade litigieux étaient membres de l'Association VIE ET LUMIERE et, d'autre part, qu'ils auraient causé les préjudices subis par celle-ci, le procès-verbal en date du 03 juillet 2013 ne permettant pas d'établir que les gens du voyage concernés sont membres de l'association,

- elle n'a jamais pris l'initiative d'une telle occupation et elle a, au contraire, pour but d'apaiser les tensions pouvant survenir entre les communes et le groupe de tziganes, et n'a jamais eu pour objet de détériorer les terrains de stade sportif,

- il n'est pas davantage démontré que les personnes qui ont forcé les grilles d'accès du stade avant de s'installer soient membres de l'association,

- elle communique ses statuts qui mettent en évidence qu'elle ne règle en aucun cas le mode de vie de ses membres, que les pèlerinages sont organisés par l'Association GRAND PASSAGE , qui seule peut organiser de tels déplacements et qui a d'ailleurs écrit à la Ville de NICE pour demander la mise à disposition d'un terrain, les termes de cette lettre démontrant clairement que c'est l'Association GRAND PASSAGE qui prépare les pèlerinages,

- les nombreux échanges de courriers intervenus entre les parties établissent que les demandes de stationnement sont adressées, non pas par elle, mais par l'Association GRAND PASSAGE, de sorte qu'elle ne peut être tenue responsable des faits dénoncés par l'appelante,

- l'absence de réaction de la part de la Ville de NICE a conduit l'Association GRAND PASSAGE à renoncer à son projet d'organisation d'un déplacement dans cette commune du 30 juin au 07 juillet 2013 et si plusieurs pèlerins se sont malgré tout déplacés pour s'installer sur le terrain des [Établissement 1], ils étaient sous l'égide de pasteurs qui n'ont aucun lien avec elle,

- le déplacement s'est effectué en dehors des dates prévues par cette association, confortant ainsi le fait que ce sont pas des membres de l'Association GRAND PASSAGE et de l'association VIE ET FAMILLE qui sont en cause,

- le comportement des occupants lui échappe donc totalement et les articles de presse dont se prévaut la partie appelante n'ont aucune valeur probatoire, comme concernant d'autres régions et faisant un amalgame entre les deux associations qui sont pourtant deux structures totalement différentes, et ils ne sont pas de nature à établir que certains de ses membres sont à l'origine des préjudices déplorés par la commune de NICE.

Elle estime que l'appelante ne peut davantage invoquer les dispositions de l'article 1382 du code civil, à défaut de rapporter la preuve qu'elle aurait joué un rôle actif et aurait participé, par des faits positifs, à l'occupation illégale.

A titre subsidiaire, elle conclut à la responsabilité de la commune de NICE, en rappelant que la loi du 05 juillet 2002, relative à l'habitat et à l'accueil des gens du voyage, impose aux collectivités territoriales une obligation d'organisation en prescrivant l'instauration d'aires de grand passage en vue de la gestion des séjours, qu'elle est parfaitement fondée à s'en prévaloir, le préfet des Alpes Maritime ayant précisé la nécessité pour la Commune de NICE de mettre en place une aire de grand passage, ce qu'elle n'a jamais fait, alors que cette obligation lui a été rappelée à plusieurs reprises, dès lors qu'il existe uniquement une aire de grand stationnement mais aucune aire réglementaire de grand passage pouvant accueillir les gens du voyage.

Elle indique que face à la carence de la commune de Nice, le préfet a réquisitionné, par arrêté du 12 juin 2013, un terrain situé derrière le stade [Établissement 2], demandant de manière explicite que ce terrain soit viabilisé et que devant le refus de l'appelante de déférer à cette injonction, le groupe a été contraint de se regrouper au stade des [Établissement 1].

Elle en tire pour conséquence que la commune de NICE a commis une faute, directement à l'origine du préjudice dont elle se plaint.

Elle souligne en outre le caractère exorbitant des devis présentés par l'appelante, qui sont sans commune mesure avec les dommages constatés, ajoutant que le procès-verbal de constat d'huissier dressé est particulièrement flou s'agissant des désordres relevés, tout comme les devis qui ne comportent aucun détail quant aux réparations à effectuer, étant observé que le stade a pu fonctionner normalement très rapidement puisque les compétitions sportives ont pu se dérouler comme prévu. Elle relève que les terrains pouvaient très bien être endommagés avant l'arrivée des gens du voyage et que la commune de NICE auraient dû faire constater les dégradations individuellement, par caravane, et non pas alléguer d'un préjudice collectif alors que les faits dommageables limités ne sont imputables qu'à certains.

Enfin, elle estime avoir subi un préjudice compte tenu de l'acharnement de la commune de NICE, celle-ci ayant porté des accusations calomnieuses à son encontre.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2018.

MOTIFS

En l'espèce, il ressort des pièces produites et plus particulièrement du compte rendu d'infraction initial du 29 juin 2013 ainsi que du dépôt de plainte simple contre X entre les mains de M. le Procureur de la République de Nice en date du 02 juillet 2013 que le samedi 29 juin 2013, vers 22h45, les grilles d'accès du complexe sportif des [Établissement 1], propriété de la Ville de Nice, ont été forcées, que près d'une centaine de caravanes des gens du voyage se sont introduites à l'intérieur de ce complexe pour s'installer sur les terrains de sport engazonnés et ont refusé de rejoindre l'aire d'accueil des gens du voyage dont dispose la commune, avant de quitter définitivement les lieux le 1er juillet à 20 heures.

La Commune de Nice recherche la responsabilité de l'Association VIE ET LUMIERE, à titre principal sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, lui reprochant d'avoir organisé et dirigé cette installation illégale dans le cadre d'une mission évangélique et qu'elle serait en conséquence responsable des dommages commis par ces membres.

En vertu de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

La mise en oeuvre de la responsabilité du fait d'autrui suppose la démonstration que le civilement responsable a accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ses membres.

Une association ne peut être reconnue responsable que si le dommage a été causé par l'un de ses membres.

La commune de Nice peut utilement invoquer les dispositions de l'article 1356 du code civil en soutenant que l'occupation illégale des terrains ressort des déclarations de l'intimée dans le cadre de ses conclusions développées en première instance, qui devraient s'analyser en un aveu judiciaire de sa reconnaissance de responsabilité, alors qu'un tel aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques.

Or, le fait pour l'Association VIE ET LUMIERE, dans ses conclusions, d'avoir contesté, à titre principal, toute responsabilité dans la survenance des dommages avant d'invoquer, à titre subsidiaire, la carence de la commune de Nice à fournir une aire adaptée, comme étant à l'origine de l'occupation illégale du complexe des [Établissement 1], ne saurait être constitutif d'un aveu judiciaire au sens des dispositions de l'article 1356 du code civil et doit s'analyser en des moyens opposés par la partie défenderesse pour contester les demandes formées à son encontre.

Pour le surplus, la Commune de Nice se prévaut d'une lettre, qui serait datée du 03 ou du 06 décembre 2012 ( la date étant illisible) et qui lui a été adressée par l'Association GRAND PASSAGE dans ces termes : ' En notre qualité d'association sociale nationale développant un réseau de proximité avec toutes les familles de voyageurs et de membre de nombreux schémas départementaux, la Mission Evangélique nous a mandatés pour coordonner les besoins en stationnement des groupes de caravanes animées par les pasteurs. Aussi nous vous informons que l'itinéraire suivi par les pasteurs [K] [P] de l'association VIE ET LUMIERE composé de 80 familles, soit environ 120 caravanes, passe en date du 23 juin au 30 juin 2013 sur votre commune de Nice, nous vous serions grés de bien vouloir permettre la disposition d'un terrain à cet effet avec eau et Edf (....) '.

Par courrier du 21 décembre 2012, M. [W], premier adjoint au Maire de [Localité 1], accusait réception de cette demande à M. [N] [E], président d'Action Grand Passage, en lui écrivant ' J'accuse réception de vos courriers reçus le 06 décembre 2012 par lesquels la mission évangélique ' Vie et Lumière' sollicite, par votre intermédiaire, la Ville de Nice d'une aire de grand passage afin d'y stationner:

- un groupe de 200 caravanes du 02 au 09 juin 2013,

- un groupe de 100 caravanes du 9 au 16 juin 2013,

- un groupe de 100 caravanes du 30 juin au 07 juillet 2013,

- un groupe de 200 caravanes du 07 au 14 juillet 2013,

- un groupe de 160 caravanes du 14 au 21 juillet 2013.

Au regard de la nature de votre demande, je vous invite à prendre attache avec le Préfet des [Localité 2], seul compétent pour l'organisation des grandss rassemblements ou grands passages (....)'.

L'intimée communique, pour sa part, une lettre datée du 20 janvier 2013, dans laquelle l'Association Grand Passage, indiquant toujours avoir été mandatée par l'Association VIE ET LUMIERE pour coordonner les besoins en stationnement des groupes de caravanes animés par ses pasteurs, sollicitait la mise à disposition d'un terrain avec eau et électricité, dans le cadre de l'itinéraire suivi par les pasteurs [K] [P] et [T] [F] , pour un groupe composé de 80 familles, soit environ 120 caravanes, passant sur la commune de Nice du 23 juin au 30 juin 2013.

L'Association VIE ET LUMIERE produit également aux débats une lettre du 14 mars 2013, par laquelle M. [W] adresse au Préfet des [Localité 2] un e copie du 'courrier de l'association GRAND PASSAGE sollicitant le Maire de [Localité 1] en vue d'obtenir un terrain sur sa commune permettant à la communauté des gens du voyage d'y stationner 120 caravanes durant la période du 23 au 30 juin 2013".

Il est établi que l'Association VIE ET LUMIERE n'a jamais pris contact avec les services de la Ville de NICE, que seule l'Association GRAND PASSAGE a réclamé la mise à disposition d'une aire adaptée pour accueillir la communauté des gens du voyage, se prévalant d'un mandat de la part de l'intimée, dont il n'est aucunement justifié.

Force est de constater que l'appelante, qui n'a pas appelé en la cause l'Association GRAND PASSAGE afin d'obtenir toutes les explications utiles sur le rôle respectif de ces deux entités, échoue à démonter que l'intimée a organisé ce pèlerinage.

La circulaire du ministère de l'intérieur en date du 23 avril 2013 diffusée à l'ensemble des préfets qui est versée au dossier par l'Association VIE LUMIERE, met en évidence, au contraire, que l'Association GRAND PASSAGE a bien vocation à organiser, préparer les pèlerinages et à s'occuper de la préparation des stationnements estivaux des grands groupes de caravanes des gens du voyage puisqu'il est exposé que ' Comme chaque année, les référents des associations des gens du voyage, notamment l'Association GRAND PASSAGE (AGP) vont adresser aux communes concernées des demandes de stationnement temporaires de ces grands voyages. Ils sont les interlocuteurs directs des maires pour fixer les besoins en places de caravanes. Ces demandes sont exposées dans une lettre type (...). Les responsables des AGP peuvent également organiser des réunions d'information sur ces questions. Il est souhaitable que les conventions d'occupation soient cosignées par les maires et les représentant de l'association avant l'arrivée des groupes. Elles doivent aussi fixer, aussi précisément que possible, les conditions et délais de stationnement.'

Il est d'autant moins justifié que l'Association VIE ET LUMIERE a organisé et dirigé l'installation sur le complexe des [Établissement 1] que les derniers courriers échangés entre la Commune de Nice et l'Association Grand PASSAGE font état d'une demande de mise à disposition d'un terrain pour la période du 23 juin au 30 juin 2013, ce qui ne coïncide que très partiellement avec la période d'occupation illicite des terrains sportifs qui n'a débuté que le 29 juin à 22h45.

La Ville de Nice ne fournit aucun élément d'identification des personnes présentes sur les lieux litigieux, l'extrait de main courante mentionne certes l'immatriculation des véhicules présents sur les terrains mais sans révéler aucun constat d'appartenance associative, le constat établi par huissier est intervenue le 03 juillet 2013 est intervenu postérieurement à la date d'occupation et la plainte déposée par la Ville de Nice ne paraît pas avoir abouti ou, à tout le moins, ne semble pas avoir permis l'identification des auteurs, plus particulièrement les propriétaires des véhicules.

Elle ne peut utilement soutenir que l'intimée serait coutumière des occupations illégales en adoptant à chaque fois le même procédé par la production de coupures de presse de plusieurs quotidiens régionaux qui sont évidemment insuffisantes pour établir la responsabilité de l'Association VIE ET LUMIERE dans les faits dénoncés par l'appelante, d'autant que l'intimée se prévaut pour sa part d'un certain nombre de courriers d'élus locaux attestant que les déplacements organisés sous l'égide de l'Association GRAND PASSAGE se sont déroulés dans de bonnes conditions.

En conséquence, les agissements commis par la communauté des gens du voyage lors de l'occupation des terrains sportifs du complexe d'[Établissement 1] ne sauraient engager la responsabilité de plein droit de l'Association VIE ET LUMIERE, en l'absence de démonstration que cette occupation correspond au pèlerinage organisé et que les dommages ont été commis par ses membres.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la demande de la commune de NICE en application de l'article 1384 alinéa 1er était mal fondée.

Celle-ci recherche également, à titre subsidiaire, la responsabilité de l'Association VIE ET LUMIERE sur le fondement de l'article 1382 du code civil, faisant valoir que celle-ci a commis une faute civile en organisant et dirigeant une mission évangélique qui a joué un rôle actif et participé à des faits d'occupation illégale.

Or, au regard des développements qui précèdent, dès lors qu'il n'est pas établi que l'intimée a organisé et dirigé cette installation dans un cadre évangélique, aucune faute délictuelle ne peut lui être imputée.

L'association intimée sollicite à titre reconventionnel l'allocation d'une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice compte tenu des articles de presse où elle est calomnieusement dénoncée comme l'auteur des dégradations ou les ayant favorisées.

Comme l'a justement relevé le tribunal de telles imputations relèvent du droit spécial de la presse et ne peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

En définitive, le jugement du tribunal de grande instance de Nice sera confirmé en toutes ses dispositions.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant:

Condamne la commune de NICE à payer à l'Association MISSION EVANGELIQUE TZIGANE FRANCAISE VIE ET LUMIERE la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Commune de NICE aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/12207
Date de la décision : 20/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/12207 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-20;16.12207 ?
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