COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1re chambre C
ARRÊT
DU 15 MARS 2018
N° 2018/217
N° RG 17/04276
N° Portalis DBVB-V-B7B-BAEN4
SNC CANNES ESTEREL
C/
COMMUNE DE CANNES
Grosse délivrée
le :
à :
Me COULOUMY
Me EGLIE-RICHTERS
Décision déférée à la cour :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Grasse en date du 22 février 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/00061.
APPELANTE
LA SNC CANNES ESTEREL
dont le siège est [Adresse 1]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'Aix-en-Provence
assistée par Me Vanessa COULOUMY, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
LA COMMUNE DE CANNES
représenté par son maire en exercice
[Adresse 2]
représentée et assistée par Me Amaury EGLIE-RICHTERS, avocat au barreau de Grasse
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 6 février 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Geneviève Touvier, présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La cour était composée de :
Mme Geneviève TOUVIER, présidente
Mme Annie RENOU, conseillère
Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 mars 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 mars 2018,
Signé par Mme Geneviève TOUVIER, présidente, et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Invoquant le danger représenté par une grue se trouvant depuis plusieurs années sur le terrain de la SNC CANNES ESTEREL et le refus de cette société de procéder à l'enlèvement de cet engin, la Commune de CANNES a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse qui, par ordonnance réputée contradictoire du 22 février 2017, a :
- ordonné à la SNC CANNES ESTEREL d'autoriser la Commune de CANNES, ses agents ainsi que toutes entreprises missionnées par la commune à cet effet, à pénétrer, au besoin avec le concours de la force publique, sur son terrain situé [Adresse 3], le temps d'effectuer les travaux de démontage et d'enlèvement de la grue ;
- débouté la Commune de CANNES de sa demande d'astreinte ;
- condamné la SNC CANNES ESTEREL au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La SNC CANNES ESTEREL a interjeté appel général de cette ordonnance le 6 mars 2017.
Par conclusions du 7 juin 2017, la SNC CANNES ESTEREL demande à la cour :
- de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée en raison de la nullité de l'assignation initiale ;
- de condamner la Commune de CANNES au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La SNC CANNES ESTEREL a repris des conclusions notifiées le 5 février 2018 à 20 heures ajoutant à ses demandes précédentes, celle de l'irrecevabilité de l'appel incident de la Commune de CANNES.
Par conclusions du 19 janvier 2018, la Commune de CANNES demande à la cour :
- de dire que l'assignation délivrée le 6 janvier 2017 est régulière ;
- de débouter la SNC CANNES ESTEREL de toutes ses demandes ;
- de réformer sur la forme le dispositif de l'ordonnance déférée sur l'autorisation de pénétrer sur le terrain de la SNC CANNES ESTEREL ;
- de l'autoriser, ainsi que ses agents et toutes entreprises missionnées par elle à cet effet, à pénétrer de manière forcée, en présence d'un huissier et d'un serrurier, et au besoin avec le concours de la force publique, sur le terrain appartenant à la SNC CANNES ESTEREL situé [Adresse 3] pour effectuer les travaux de démontage de la grue, et ce dès le prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- de condamner la SNC CANNES ESTEREL au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
1- sur le rejet des dernières conclusions de la SNC CANNES ESTEREL
Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. Et en vertu de l'article 16 du même code, le juge doit faire observer le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci on été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce, la Commune de CANNES a certes mis plus de six mois pour répondre aux premières conclusions de l'appelante du 7 juin 2017 et n'a notifié ses conclusions que le 19 janvier 2018. Mais ces conclusions déposées plus de quinze jours avant l'audience, ne peuvent être considérées comme tardives au sens de l'artilce 15 du code de procédure civile dès lors que ce délai était suffisant pour permettre une réponse en temps utile de la SNC CANNES ESTEREL, d'autant plus que l'appel incident formé ne porte que sur un aspect mineur des modalités de pénétration sur le terrain de l'appelante.
En revanche, en communiquant des conclusions et une pièce complémentaire le 5 février 2018 à 20 heures pour une audience se tenant le lendemain à 8h15, la SNC CANNES ESTEREL n'a pas permis à la Commune de CANNES de répondre avant l'audience. Il convient en conséquence de rejeter des débats ces conclusions tardives ainsi que la pièce n° 2 produite par l'appelante.
2- sur l'exception de nullité de l'assignation et la validité de l'ordonnance déférée
La SNC CANNES ESTEREL soutient que l'acte d'assignation serait nul, en application de l'article 56 du code de procédure civile, au motif qu'il ne comprenait pas le corps même de l'assignation de sorte qu'elle n'a pu comprendre la demande qui était formulée à son encontre ni se faire une idée de l'objet même de la procédure de référé. Elle ajoute que les pièces ne lui ont jamais été ni listées ni communiquées. Cette exception de procédure est recevable car formulée avant toute défense au fond, la SNC CANNES ESTEREL n'ayant pas comparu en première instance.
A l'appui de ses dires, l'appelante se contente de produire un feuillet de remise d'acte d'huissier ne mentionnant ni la date de remise, ni le requérant de sorte qu'il n'est pas possible de savoir s'il se rapporte à l'assignation délivrée le 4 janvier 2017, d'autant plus que la SNC CANNES ESTEREL indique elle-même que plusieurs procédures ont opposé les parties. Surtout, la Commune de CANNES produit la copie de l'assignation en référé qu'elle a fait délivrer à la SNC CANNES ESTEREL le 4 janvier 2017 avec les modalités de remise de l'acte à l'étude de l'huissier en l'absence de la destinataire et après vérification de son domicile. Sur le feuillet de remise, il est indiqué que l'acte comporte 8 feuilles ce qui correspond bien à l'assignation comprenant 7 feuilles avec un exposé détaillé des demandes de la Commune de CANNES et de leur fondement juridique, outre la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée, le tout conformément aux exigences de l'article 56 du code de procédure civile. En outre, l'intimée justifie que l'huissier ayant délivré l'assignation a envoyé directement à la SNC CANNES ESTEREL, par lettre du 9 janvier2017, la copie de l'assignation ce qui démontre que l'appelante a bien été en mesure de comprendre l'objet de l'action de la Commune de CANNES. L'exception de nullité de l'assignation sera ainsi rejetée de sorte qu'il n'y a pas lieu à annulation de l'ordonnance déférée.
3- sur l'enlèvement de la grue
Le premier juge s'est fondé sur l'article 809 du code de procédure civile qui permet au juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, il est difficile de caractériser un dommage imminent dans la mesure où la grue litigieuse est installée sur le terrain de la SNC CANNES ESTEREL depuis 1992 sans avoir causé un quelconque dommage matériel.
En revanche, le maire de la ville de [Localité 1] a, au visa de l'article L.2213-25 du code général des collectivités territoriales, pris un arrêté le 29 mars 2016 mettant en demeure la SNC CANNES ESTEREL de remettre en état son terrain en procédant au démontage et à l'enlèvement de la grue dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté. Cet arrêté a été notifié le 2 avril 2016 à la SNC CANNES ESTEREL. Il n'a pas fait l'objet de recours et est ainsi définitif. Le non respect de cet arrêté suffit à caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite de sorte que la Commune de CANNES est fondée à solliciter l'autorisation de procéder à l'enlèvement de la grue. L'intimée n'ayant toujours pas obtenu l'autorisation de la SNC CANNES ESTEREL de pénétrer sur son terrain pour faire enlever la grue, il y a lieu de faire droit à son appel incident et de l'autoriser directement à pénétrer de manière forcée, en présence d'un huissier et d'un serrurier et au besoin avec le concours de la force publique, sur leterrain de la SNC CANNES ESTEREL pour effectuer les travaux de démontage de la grue et ce dès la signification du présent arrêt.
4- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Son appel n'étant pas fondé, la SNC CANNES ESTEREL sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la Commune de CANNES les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour son action. Il convient en conséquence de confirmer l'indemnité qui lui a été allouée à ce titre en première instance et d'y ajouter une indemnité complémentaire de 2.000 € en cause d'appel.
L'appelante supportera en outre les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ecarte des débats les conclusions déposées et notifiées le 5 février 2018 par la SNC CANNES ESTEREL ainsi que la pièce n° 2 produite le même jour ;
Rejette l'exception de nullité de l'assignation initiale soulevée par l'appelante ;
Déboute la SNC CANNES ESTEREL de sa demande d'annulation de l'ordonnance déférée ;
Confirme l'ordonnance déférée sauf sur les modalités de pénétration sur le terrain de la SNC CANNES ESTEREL et d'enlèvement de la grue ;
Réformant sur ce point et statuant à nouveau,
Autorise la Commune de CANNES, ses agents ainsi que toutes entreprises missionnées par elle à cet effet, à pénétrer de manière forcée, en présence d'un huissier et d'un serrurier, et au besoin avec le concours de la force publique, sur le terrain appartenant à la SNC CANNES ESTEREL situé [Adresse 3], pour effectuer les travaux de démontage de la grue et ce dès la signification du présent arrêt ;
Condamne la SNC CANNES ESTEREL à payer à la Commune de CANNES la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SNC CANNES ESTEREL de sa demande sur ce même fondement ;
Condamne la SNC CANNES ESTEREL aux dépens.
Le greffier,La présidente,