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06/03/2018 | FRANCE | N°16/10624

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 06 mars 2018, 16/10624


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 06 MARS 2018

L.V

N° 2018/ 195













Rôle N° N° RG 16/10624 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6X24







[C] [Y]





C/



[W] [P]





















Grosse délivrée

le :

à :Me DAVAL Guedj

Me Jullien

















Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/07193.





APPELANT



Maître [C] [Y]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Bé...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 06 MARS 2018

L.V

N° 2018/ 195

Rôle N° N° RG 16/10624 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6X24

[C] [Y]

C/

[W] [P]

Grosse délivrée

le :

à :Me DAVAL Guedj

Me Jullien

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/07193.

APPELANT

Maître [C] [Y]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Béatrice DELESTRADE, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMEE

Madame [W] [P]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Guy JULLIEN, avocat au barreau de MARSEILLE,

assistée par Me Pierre ZEGHMAR, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, faisant fonction de Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2018,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller , faisant fonction de Président et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte dressé à l'étude de Me [C] [Y], notaire à [Localité 1], Mme [W] [P] a fait l'acquisition le 03 janvier 2013, d'un appartement sis [Adresse 3] pour le prix de 67.000 €. L'immeuble avait fait l'objet le 21 mars 2012 d'un arrêté de péril.

Le 04 octobre 2013, un nouvel arrêté de péril a été pris concernant divers désordres, dont des dégradations importantes sur la façade ainsi que des structures métalliques des balcons et des verrières avec, à terme, un risque de déstabilisation des structures et de chute de matériaux sur les personnes. Cet arrêté a imparti aux copropriétaires un délai de six mois pour mettre fin durablement au péril en réalisant des travaux de réparation des balcons et a nécessité le départ des habitants de l'immeuble durant la réalisation des travaux, dont le fils de Mme [P].

Par acte d'huissier en date du 23 mai 2014, Mme [P] a fait assigner Me [Y] devant le tribunal de grande instance de Marseille afin d'engager sa responsabilité civile professionnelle.

Par jugement contradictoire en date du 19 mai 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a:

- dit que Me [Y] a commis, à la faveur de l'acquisition par Mme [W] [P] d'un appartement sis [Adresse 3], une faute engageant sa responsabilité,

- condamné Me [Y] à payer à Mme [W] [P] une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

- condamné Me [Y] à payer à Mme [W] [P] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a considéré que si le notaire avait pris le soin d'insérer dans l'acte de vente une clause au terme de laquelle il était rappelé que l'immeuble avait fait l'objet d'un arrêté de péril et qu'il ne pouvait être utilement soutenu que Me [Y] aurait dû anticiper la survenance d'un second arrêté de péril survenu postérieurement à la vente, il apparaissait, en revanche, à la lecture d'un courrier adressé au syndic le 08 avril 2013 que le notaire connaissait nécessairement le très mauvais état des fers soutenant les balcons le jour de la signature de la vente. Il a donc estimé que:

- le notaire aurait dû procéder à des recherches auprès du syndic sur la teneur des travaux en cours,

- s'il avait demandé communication d'un rapport d'expertise de 2010, il aurait pu utilement informé l'acquéreur des travaux à venir et surtout que des travaux urgents avaient été votés dans leur principe par l'assemblée générale,

- le courrier que le syndicat des copropriétaires a adressé au notaire le 12 septembre 2013 est édifiant quant aux informations que le notaire était en mesure d'obtenir avant la signature de l'acte de vente afin d'informer complètement l'acquéreur,

- les conséquences de cette situation étaient une privation de jouissance du logement pendant trois mois, alors que le notaire aurait dû informer l'acquéreur des désordres affectant les balcons et le renseigner sur les conséquences d'une absence d'exécution des travaux alors que l'état général de l'immeuble était déjà manifestement très dégradé.

Par déclaration en date du 06 juin 2016, Me [C] [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 14 octobre 2016, Me [Y] demande à la cour de:

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses prétentions,

- la condamner à régler la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, il rappelle que l'acte de vente du 03 janvier 2013 stipule que l'immeuble a fait l'objet d'un arrêté de péril, que le syndic a convoqué une assemblée générale extraordinaire le 19 avril 2012 pour que soient votés les travaux nécessaires à faire cesser la dangerosité de l'immeuble, qu'il résulte d'un courrier du syndic du 03 janvier 2013 ( qui est annexé) que toutes mesures utiles ont été prises eu égard à l'arrêté de péril qui ne pourra être levé qu'une fois les travaux complètement exécutés et qu'il résulte de l'état annexé que les travaux de confortement des planchers sont à ce jour entièrement exécutés.

Il considère qu'il n'a commis aucune faute dans le cadre de son obligation de conseil puisque les informations contenues dans l'acte étaient suffisantes pour comprendre que d'importants travaux allaient être entrepris dans l'immeuble vendu, qu'il ne disposait pas d'autres informations lui permettant de connaître l'étendue des travaux à réaliser, nécessitant le départ de l'occupant du logement pendant une période de trois mois, le courrier du syndic en date du 12 septembre 2013 étant postérieur à la vente, de sorte qu'il lui était impossible de procéder à des investigations complémentaires.

Il relève que, selon une jurisprudence constante, le notaire n'a pas à se rendre sur les lieux pour vérifier la situation réelle de l'immeuble et à suivre le raisonnement des premiers juges, l'on fait peser sur le notaire un devoir de conseil qui va bien au-delà des investigations normales auxquelles il est astreint.

Il ajoute que:

- Mme [P] a visité l'appartement avant de signer l'acte de vente et a pu se rendre compte de l'état dans lequel se trouvait l'immeuble,

- elle a accepté d'acquérir en pleine connaissance de cause un immeuble qui faisait l'objet d'un arrêté de péril, le courrier du syndic annexé à l'acte de vente rappelait d'ailleurs que des travaux avait été votés par l'assemblée générale pour faire cesser la dangerosité de l'immeuble et que l'arrêté de péril ne pourrait être levé qu'une fois les travaux entièrement exécutés,

- il ne pouvait anticiper le nouvel arrêté de péril intervenu le 04 octobre 2013 et n'avait pas à renseigner l'acquéreur sur les conséquences de l'absence d'exécution des travaux,

- il est certain que le prix de vente négocié entre les parties a tenu compte de l'état général de l'immeuble et de l'existence de cet arrêté de péril, de sorte qu'il n'est pas établi, que même informée de la situation, l'intimée aurait renoncé à acquérir le bien en cause.

Mme [W] [P], dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 juillet 2016, demande à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la responsabilité civile de Mme [Y],

- le réformer sur le montant de l'évaluation du préjudice de Mmer [P],

- condamner Me [Y] à payer à Mme [P] les sommes suivantes:

* 9.000 € au titre du préjudice de jouissance de janvier 2013 à avril 2014,

* 6.000 € au titre des travaux à la charge de Mme [P],

* 15.000 € au titre de la perte de chance,

* 5.000 € en réparation de son important préjudice moral,

- condamner Mme [Y] à payer à Mme [P] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle considère que dans l'acte de vente passé le 03 janvier 2013, les difficultés liées à cet arrêté de péril ont été minimisées, dès lors que si les travaux de confortement des planchers avaient été effectivement terminés, son fils, pour qui elle avait effectué cette acquisition, a été contraint de quitter l'appartement du fait de la réfection des bâtiments.

Elle rappelle que si le notaire n'a pas à se rendre sur les lieux pour vérifier la situation réelle de l'immeuble, il n'en est pas moins tenu à une véritable obligation d'investigation liée au devoir de conseil et doit ainsi vérifier la situation d'un immeuble au regard des exigences administratives et en cas de difficulté, informer les parties.

Elle se prévaut d'une lettre du 13 septembre 2013 du syndic de la copropriété à Me [Y], lui précisant avoir indiqué dans le questionnaire de vente, l'arrêté de péril visant l'immeuble et les tracas inhérents à une telle décision ainsi que d'un rapport d'expertise de l'architecte en date d'octobre 2010 faisant état de la nécessité d'effectuer des travaux sur les balcons de l'appartement qu'elle a acquis par la suite.

Elle relève que l'acte de vente mentionne cependant comme travaux effectués que les travaux de confortement des planchers alors que des données objectives existaient pourtant sur l'état de l'immeuble antérieurement à la vente intervenue le 03 janvier 2013, mais que l'appelant s'est gardé d'effectuer la moindre investigation préalable afin de vérifier l'état réel du bâtiment en cause.

Elle s'appuie également sur un courrier adressé au syndic le 08 avril 2013 par Me [Y] qui démontre que ce dernier connaissait manifestement, au jour de la vente, le très mauvais état des fers soutenant le balcon et que surtout le rapport d'expertise de l'architecte de 2010 lui avait été communiqué.

Elle reproche ainsi au notaire de ne pas l'avoir informée de ces éléments et plus particulièrement que des travaux urgents préconisés par un expert avaient été votés dans leur principe par l'assemblée générale des copropriétaires.

Elle ajoute que Me [Y] aurait dû refuser la signature de l'acte de vente, dans l'attente de la levée de l'arrêté de péril affectant l'immeuble dont il s'agit.

Elle insiste sur ses différents préjudices:

- un préjudice de jouissance qui existe depuis l'acquisition du bien:

* de janvier à octobre 2013, des morceaux de ferraille tombaient dans la cour qui est une partie commune à jouissance privative occupée par son fils,

* à partir du mois d'octobre 2013, celui-ci a dû quitter l'appartement eu égard à l'importance des travaux,

- un préjudice matériel lié à la quote part sur les travaux communs qu'elle a dû régler en sa qualité de copropriétaire,

- un préjudice lié à la perte de chance d'acheter un autre logement qui lui aurait causé moins de difficulté,

- un préjudice moral.

La clôture de la procédure a été prononcée le 30 janvier 2018.

MOTIFS

En exécution de son obligation de conseil lui incombant, le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer non seulement de la validité des actes qu'ils rédigent mais aussi de leur efficacité, en informant son client sur la portée générale et les conséquences de l'opération projetée, afin de permettre à ce dernier de prendre sa décision en toute connaissance des aléas susceptibles d'en altérer l'efficacité.

Les parties sont en l'état d'un acte de vente en date du 03 janvier 2013, reçu par Me [Y], notaire à Marseille, par lequel Mme [F] [B] a cédé à Mme [W] [P], le lot n°1 d'un immeuble en copropriété situé à [Adresse 4], soit la propriété exclusive et particulière d'un appartement situé au rez-de-chaussée avec la jouissance perpétuelle de la cour attenante ainsi que des deux débarras, du bac à laver et du water closet de cette cour, moyennant un prix de 67.000 €.

Il est mentionné en page 10 de l'acte ' Il résulte de l'état daté que l'immeuble dont dépendent les biens et droits immobiliers présentement vendus a fait l'objet d'un arrêté de péril. En suite dudit arrêté, le syndic a convoqué une assemblée générale extraordinaire le 19 octobre 2012 pour que soient votés les travaux nécessaires à faire cesser la dangerosité de l'immeuble. Il résulte d'un courriel en date du 03 janvier 2013 émanant du syndic demeuré ci-annexé que toutes mesures utiles ont été prises par la copropriété eu égard à l'arrêté de péril, lequel ne pourra être levé qu'une fois les travaux entièrement exécutés. Il résulte de l'état daté ci-annexé que les travaux de confortement de planchers ( réalisés suite à une injonction de la Ville de [Localité 1]) sont à ce jour terminés.'

Par cette clause, Me [Y] a régulièrement informé l'acquéreur de l'existence de l'arrêté de péril de 2012, en précisant que celui-ci n'avait pas été levé mais que les travaux conditionnant sa levée avaient été effectués. Il a également reproduit en intégralité la réponse que lui avait apportée à ce sujet le syndic dans son courriel du 03 janvier 2013.

Il est constant qu'un second arrêté de péril a été pris le 04 octobre 2013 mais qu'il ne peut être reproché au notaire de ne pas en avoir informé Mme [P], cet arrêté étant intervenu dix mois après la signature de l'acte authentique et portant sur des désordres différents de ceux concernés par le premier arrêté de péril. Dans ces conditions, il ne pouvait évidemment pas anticiper la survenance d'une telle décision.

L'arrêté de péril du 04 octobre 2013 porte sur principalement sur des dégradations importantes de la façade correspondant aux locaux sanitaires situés sur les balcons, dégradations importantes des structures métalliques des balcons et des verrières, avec risque à terme, de déstabilisation des structures et de chute de matériaux sur les personnels et impartit, par ailleurs, aux copropriétaires un délai de six mois pour mettre fin durablement au péril en réalisant les travaux de réparations des balcons.

Mme [P] reproche à Me [Y] de ne pas l'avoir informée de l'état de dégradations avancée des balcons, dont il avait nécessairement connaissance au regard de l'état daté qui lui avait été transmis par le syndic , ce qui aurait dû l'alerter et le conduire à procéder à des investigations complémentaires sur l'état d'immeuble dès lors que des données objectives, notamment un rapport d'expertise de l'architecte en date d'octobre 2010, existaient sur ces désordres.

Elle s'appuie sur un échange de courriers entre Me [Y] et le syndic qui établit selon elle que le notaire a incontestablement manqué à son devoir de conseil en ne l'informant pas du mauvais état des balcons.

L' acte de vente comporte, en annexe, le mail du syndic au notaire du 03 janvier 2013, un état daté du syndic établi le 28 décembre 2012 ainsi que les procès-verbaux des quatre précédentes assemblées générales.

L'examen de l'état daté établi par le syndic et transmis à Me [Y] avant la vente, indique en page7 à la rubrique ' Etat d'avancement de la situation technique et financière des travaux ( renseignements facultatifs): (....)

- 19 avril 2012 ( date de la décision): suite à injonction de la ville confortement plancher, suivi du sigle T ( terminé),

- 1 er juillet 2010 ( date de la décision): réfection balcons sur cour arrière: NC ( non commencé) , état d'avancement financier: quote afférente afférente aux lots 9900, 03 €, montant déjà appelé 9.885, 44 €, montant restant à appeler: 14,59 €'

Il est précisé en page 13 que l'immeuble fait l'objet d'un arrêté de péril avec injonction de travaux et au paragraphe, ' autres renseignements susceptibles d'intéresser les parties dans le cadre de l'opération projetée', le syndic n'a apporté aucune observation.

Le courriel du syndic annexé fait uniquement état de l'arrêté de péril et de l'état d'avancement des travaux consécutifs à cette décision, à savoir les travaux de confortement du plancher.

L'assemblée générale du 1er juillet 2010 a effectivement adopté une résolution n°8 ' travaux de réfection des balcons sur cour arrière avec mandat au conseil syndical de procéder au choix d'un devis dans la limite d'un budget de 88.260 €' ainsi qu'une résolution n°9 prévoyant que le syndic procédera aux appels de fonds nécessaires au paiement des travaux ci-dessus votés à raison de 10% par mois à compter du 15 juillet 2010 pendant une période de huit mois, soit jusqu'au 15 février 2010 inclus.

A la lecture de ces pièces, dont Mme [P] a eu connaissance comme étant annexées à l'acte de vente, l'attention du notaire a effectivement été attirée sur l'arrêté de péril en cours , avec injonction de travaux et les mesures prises par la copropriété pour permettre, à terme, sa mainlevée et il a, au demeurant, rempli son obligation de conseil sur ce point mais en revanche, il n'a nullement été alerté sur la question de la réfection des balcons.

Le syndic, dans son mail, est totalement muet sur le problème et ni l'état daté, ni les procès-verbaux d'assemblée générale ne pouvaient permettre au notaire d'anticiper l'étendue des travaux à réaliser sur les balcons, qui justifieraient l'intervention d'un second arrêté de péril dix mois après la vente ainsi que le départ des occupants de l'immeuble durant trois mois.

L'état daté ne fait à aucun moment état de l'existence d'un rapport d'expertise d'un architecte en octobre 2010 sur le mauvais état des balcon, document qui n'a d'ailleurs pas été transmis lors de la vente et les décisions d'assemblée générale ont voté en 2010 le principe de la réfection en mandatant le conseil syndical pour faire établir des devis. Les procès-verbaux suivants sont muets sur cette question et ne font état d'aucun devis qui aurait pu renseigner sur l'ampleur des travaux à venir, étant précisé que ceux-ci n'étaient pas commencés, et pour cause, mais que la quasi totalité des fonds en vue de leur financement avait été appelée, de sorte que le notaire n'avait pas à attirer l'attention de l'acquéreur sur ce point, aucune dépense susceptible de grever de manière conséquente le budget futur de l'acquéreur, ne ressortant ni de l'état daté , ni des procès-verbaux d'assemblée générale.

L'échange de courrier entre Me [Y] et le syndic qui intervient plusieurs mois après la vente n'est pas de nature à démontrer que le notaire a manqué à son obligation de conseil. En effet, le 12 septembre 2013, soit neuf mois après la vente, le syndic lui écrit dans ces termes ' Une réunion contradictoire s'est tenue sur place avec ( ...) Me [K], l'architecte, l'ingénieur béton, l'entreprise et le syndic. Cette réunion avait pour but de donner des explications sur la façon dont les travaux allaient être mis en oeuvre et les possibilités éventuelles de ne pas déloger l'occupant de l'appartement. Malheureusement, l'architecte et l'ingénieur béton nous ont confirmé leurs déclarations à savoir: quitter le logement pendant la période de trois mois pendant les travaux (....) . Les documents que vous nous avez réclamés ( dans son courrier du 08 avril 2013) ont été remis à Mme [P] (...) . Nous tenons à vous préciser que nous avions indiqué dans le questionnaire en page 13 l'arrêté de péril de l'immeuble et l'injonction de travaux....'

Cette réponse du syndic démontre qu'effectivement celui-ci avait informé notaire de l'existence du premier arrêté de péril avec injonction de travaux, Me [Y] ayant d'ailleurs expressément alerté l'acquéreur sur ce point mais pas d'autre chose, l'importance des travaux de réfection des balcons de nature à justifier le départ des occupants pendant trois mois , étant manifestement apparue postérieurement à la vente litigieuse, ce que le notaire ne pouvait anticiper, au regard du contenu des pièces dont il a, conformément à ses obligations réglementaires, sollicité la communication en tant qu'annexes à l'acte de vente.

Il convient de rappeler que le notaire n'a pas à se rendre sur les lieux pour vérifier la situation de l'immeuble, qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir réclamé un rapport d'expertise datant de 2010, si aucun des éléments qui lui ont été transmis ne lui permettait d'en soupçonner son existence, ni de déceler l'état de dégradation manifestement avancé des balcons de l'immeuble, qui sera à l'origine d'un second arrêt de péril qui interviendra bien postérieurement à la vente, et encore moins de l'étendue des travaux à réaliser justifiant le départ de ces occupants.

C'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que le notaire avait manqué à son obligation de conseil en n'informant pas Mme [P] de la gravité des désordres affectant les balcons en ne procédant pas à une recherche qu'il pouvait faire compte tenu des éléments dont il disposait.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et Mme [P] doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Me [Y].

Vu l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en premier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau:

Déboute Mme [W] [P] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Me [C] [Y],

Condamne Mme [W] [P] à payer à Me [C] [Y] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [W] [P] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/10624
Date de la décision : 06/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/10624 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-06;16.10624 ?
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