COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre D
ARRÊT AU FOND
DU 28 FEVRIER 2018
V.N.
N°2018/31
Rôle N° 17/03199
MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE
C/
[W] [R]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Shirley LETURCQ
Mme POUEY substitut général (2)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 01 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/4500.
APPELANT
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
PRÈS LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
[Adresse 1]
représenté par Madame Isabelle POUEY
Substitut général.
INTIME
Monsieur [W] [R]
né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1] (ALGERIE),
demeurant chez M. [M] [R] [Adresse 2]
représenté et assisté par Me Shirley LETURCQ, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Brice MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique NOCLAIN, Présidente, chargée du rapport.
Mme Véronique NOCLAIN, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique NOCLAIN, Présidente
Madame Chantal MUSSO, Présidente de chambre
M. Benoît PERSYN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2018 et qu'à cette date le délibéré par mise à disposition était prorogé au 28 Février 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2018.
Signé par Mme Véronique NOCLAIN, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [W] [R] se dit né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1] en Algérie.
Le 28 novembre 2012, le greffier en chef du service des nationalités de Paris a refusé à monsieur [W] [R] la délivrance d'un certificat de nationalité française au motif qu'il ne justifiait pas de l'origine marocaine de son grand-père maternel et que l'acte de naissance de ce dernier, né en 1925, a été établi en 1982, de sorte que cet acte ne peut recevoir aucune reconnaissance au sens du code civil français.
Monsieur [W] [R] a, par exploit d'huissier du 8 avril 2015, assigné le procureur de la république de Marseille devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de contestation de ce refus.
Il a exposé que:
-il justifie parfaitement de son état civil, son acte de naissance mentionnant clairement le nom et la qualité du signataire de l'acte; il n'est donc, selon lui, pas nécessaire de produire l'acte de naissance de ses grands-parents;
-sa mère madame [S] [O] a reçu un certificat de nationalité française le 16 octobre 2006 en application de l'article 24-1 de l'ancien code de la nationalité française et elle est réputée avoir été française dés sa naissance;
-il produit l'acte de naissance de sa grand-mère maternelle et une attestation de concordance entre les noms [O] et [U].
-ses frère et soeur ont obtenu un certificat de nationalité française en application des dispositions de l'article 18 du code civil;
-le fait que l'acte de naissance de son grand-père maternel ait été établi 57 ans après sa naissanx ne suffit pas à retenir qu'il est irrégulier ou falsifié au sens de l'article 47 du code civil;
-le ministère public fait une application erronée des dispositions de la loi du 20 décembre 1966 selon lesquelles les personnes de statut civil de droit local, originaires d'Algérie, conservent de plein droit la nationalité française si une autre nationalité ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962 et il produit des pièces attestant de la nationalité marocaine de son grand-père.
Le ministère public s'est opposé à ses demandes; il a exposé essentiellement les moyens suivants au soutien de ses prétentions:
-l'état civil du demandeur n'est pas légalement établi au regard de l'article 47 du code civil du fait que les nom et qualité de l'officier d'état civil ne sont pas mentionnés et que les dates et lieux de naissance des parties ne sont pas plus mentionnés;
-le demandeur échoue à rapporter la preuve de la filiation de sa mère à l'égard de ses propres parents et au surplus, il ne démontre pas que sa mère a bénéficié des dispositions de la loi du 20 décembre 1966.
Par décision contradictoire du 9 février, le tribunal de grande instance de Marseille a:
-constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré;
-dit que monsieur [W] [R] est français en application de l'article 18 du code civil;
-ordonné la mention du jugement en marge de l'acte de naissance en application de l'article 28 du code civil;
-mis les dépens à la charge de ministère public.
Les premiers juges ont considéré que:
-les dispositions de l'article 18 et de l'article 30 du code civil sont applicables au cas d'espèce;
-monsieur [W] [R] doit démontrer qu'il est le fils d'un parent français;
-le ministère public ne conteste pas le lien de filiation entre le demandeur et madame [S] [U];
-en application des dispositions de la loi algérienne de nationalité du 27 mars 1963, le qualité d'algérien est notamment attribuée à l'enfant né en Algérie d'une mère algérienne et d'un père étranger né en Algérie;
-le demandeur en l'espèce établi la nationalité marocaine de son grand-père maternel; il justifie que sa grand-mère maternelle est née le [Date naissance 2] 1933 à El Amria, ancien département français d'Algérie, et que sa mère [S] [O] épouse [R] est bien la fille de [W] [I] et de [N] [V];
-au vu des pièces produites, le demandeur justifie d'un lien de filiation avec un parent français..
***
Par déclaration reçue le 17 février 2017, le ministère public a formé appel du jugement du précité.
Par conclusions signifiées le 22 juin 2017, le ministère public demande à la cour, de:
infirmer le jugement déféré;
-dire que monsieur [W] [R] n'est pas de nationalité française;
-ordonner la mention prévue par les articles 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n° 65-422 du 1ER juin 1965 portant création d'un service central au ministère des affaires étrangères.
****
Par conclusions du 6 décembre 2017, l'intimé demande à la cour de:
-rejeter les demandes du ministère public;
-confirmer le jugement déféré;
-constater l'attribution de la nationalité française à son profit;
-ordonner le délivrance d'un certificat de nationalité française à son profit;
-ordonner la mention prévue par l'artice 28 du code civil;
-condamner l'Etat à lui verser la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un examen complet des moyens de droit et de fait soutenus à l'appui des prétentions sus-dites.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 décembre 2017.
Sur ce,
Les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies.
Monsieur [W] [R] sollicite la délivrance d'un certificat de nationalité française en tant qu'enfant d'un parent français au visa de l'article 18 du code civil.
Son lien de filiation avec madame [S] [U] n'est pas contesté.
En application de la loi algérienne du 27 mars 1963, la qualité d'agérien est attribuée notamment à l'enfant né en Algérie d'une mère algérienne et d'un père étranger né en Algérie.
Les premiers juges ont motivé le jugement querellé par le fait que monsieur [W] [R] avait produit des pièces qui établissent la nationalité marocaine de son grand-père maternel, [W] [I], qu'il avait justifié que sa grand-mère maternelle, [N] [V], était née le [Date naissance 2] 1933 à El Amria, ancien département français, et que sa mère [S] [O] épouse [R] était bien la fille de [W] [I], marocain, et de [N] [V], française.
Le ministère public critique en premier lieu la validité des actes d'état civil communiqués par monsieur [W] [R] eu égard à l'absence de nom et de qualité sur l'acte et la copie de l'acte de l'officier d'état civil et de l'absence des dates et lieux de naissance des parents de l'intéressé; or, ces critiques seront écartées par la production du livret de famille en pièce 5 de l'appelant, ce livret de famille, qui fait figurer monsieur [W] [R] dans la liste des enfants de madame [S] [U] et de monsieur [M] [R], est concordant avec l'acte de naissance versé aux débats et les allégations de l'appelant; ce livret de famille n'est d'ailleurs pas critiqué par le ministère public; monsieur [W] [R] justifie donc d'un état civil probant.
Le ministère public conteste ensuite la preuve de l'acquisition de la nationalité française de la mère de monsieur [W] [R] à la naissance de celle-ci, fait état de l'absence de conformité de la copie de l'acte de naissance de madame [N] [V], grand-mère maternelle, et signale l'absence de communication de l'acte de mariage des grands-parents maternels, cet élément permettant seul selon le ministère public d' établir la filiation maternelle de madame [S] [U]-[O] en cours de minorité.
Or, il sera observé que madame [S] [U] -[O] est titulaire d'un certificat de nationalité française obtenu le 16 octobre 2006 au visa de l'ancien article 24-1 du code de la nationalité française, ce qui n'est pas contesté, qu'elle est donc réputée avoir été française depuis sa naissance, que le nom de cette mère figure bien dans l'acte de naissance de monsieur [W] [R] et qu'en conséquence, il n'est pas nécessaire de procéder à d'autres vérifications.
Monsieur [W] [R] doit eu égard à ces éléments bénéficier des dispositions de l'article 18 du code civil.
En ce qu'il a décidé que monsieur [W] [R] était français en application de l'article 18 précité, le jugement déféré sera confirmé.
Les dépens de la présente instance seront mis à la charge du Trésor Public.
Par ces motifs,
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort
Constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies;
Confirme le jugement déféré;
Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil;
Met les dépens d'appel à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT