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16/02/2018 | FRANCE | N°16/03104

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 16 février 2018, 16/03104


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2018



N°2018/



Rôle N° 16/03104







[U] [J] veuve [H]

[J] [H]

[V] [H]





C/





Société ARCELOR MITTAL











Grosse délivrée le :



à :



- Me Marina PINA - CREBASSA, avocat au barreau de TARASCON





- Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE







Décision dé

férée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section - en date du 03 Février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 08/00805.





APPELANTS



Madame [U] [J] veuve [H] en qualité d'héritier de M. [H] [P] décédé, demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2018

N°2018/

Rôle N° 16/03104

[U] [J] veuve [H]

[J] [H]

[V] [H]

C/

Société ARCELOR MITTAL

Grosse délivrée le :

à :

- Me Marina PINA - CREBASSA, avocat au barreau de TARASCON

- Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section - en date du 03 Février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 08/00805.

APPELANTS

Madame [U] [J] veuve [H] en qualité d'héritier de M. [H] [P] décédé, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Marina PINA - CREBASSA, avocat au barreau de TARASCON

Monsieur [J] [H], en qualité d'héritier de M. [H] [P], décédé (fils), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Marina PINA - CREBASSA, avocat au barreau de TARASCON

Monsieur [V] [H] en qualité d'héritier de M. [H] [P], décédé (fils), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Marina PINA - CREBASSA, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

Société ARCELOR MITTAL, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Agnès MICHEL, Président, et Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2018

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] [H] a été embauché par la société SOLLAC à [Localité 1] en qualité d'ingénieur entretien mécanique à compter du 1er novembre 1971. Il a été muté à [Localité 2] à compter du 1er août 1973 étant alors employé par la société SOLMER en qualité d'ingénieur entretien mécanique laminoir. Courant 1975, il est nommé adjoint au chef de service entretien mécanique du train à bandes et responsable des fluides. Courant 1981, le salarié a été promu responsable de service et en juillet 2001 ingénieur en chef.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait la fonction de chef de l'unité entretien général et maintenance centrale. Il avait pour supérieur hiérarchique M. [M], chef du département ingénierie entretien général. Le salarié avait sous sa responsabilité 130 personnes réparties dans 5 services différents.

Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le salarié a été mis a pied à titre conservatoire par lettre du 15 mai 2008 le convoquant à un entretien préalable et il a été licencié pour faute lourde par lettre du 11 juin 2008 ainsi rédigée : « Suite à convocation du 15 mai dernier et à l'entretien qui s'en est suivi le 23 mai (déplacé à cette date à votre demande pour vous permettre de prendre votre vol pour vos vacances), nous avons été amenés à aborder les faits que nous vous reprochions. Ainsi nous avons évoqué ensemble :

- les anomalies de passation et validation de commandes pour des travaux non réalisés et dont vous étiez à l'origine

- les déclarations d'un certain nombre de nos fournisseurs faisant états de malversations et autres agissements de votre part constitutifs d'infractions pénales graves et pour des montants importants (corruption, recel, chantage, extorsion, etc.).

Sur le premier point, vous nous avez expliqué qu'il s'agissait là de jeux d'écritures comptables sans toutefois pouvoir·nous éclairer totalement sur le bien fondé et la nécessité de ces pratiques pour des prestations dont vous n'avez pas été en mesure de justifier la réalité. Sur le second point, vous avez admis certains avantages dont vous et votre épouse auriez bénéficié de la part de nos fournisseurs, et ce à votre demande (voyages, repas notamment). Vous avez néanmoins nié les accusations relatives à des détournements et des avantages plus importants (voitures, vacances, travaux dans votre domicile personnel, etc.). Bien que les éléments admis par vous puissent à eux seuls justifier un licenciement, nous vous indiquons que les explications fournies sur les autres points ne nous ont pas convaincus. Elles sont contraires aux témoignages concordants de nos fournisseurs alléguant à votre encontre des pratiques plus graves encore et se déroulant depuis de nombreuses années tels que chantages d'octroi de marché à nos fournisseurs en échanges d'avantages privés à votre profit. C'est sans compter votre position dans la société qui vous place à un niveau exigeant de votre part une grande exemplarité. Enfin, je note que, malgré la mise à pied qui vous a été notifiée le 15 mai dernier, avec interdiction de pénétrer sur le site, vous avez, dès le lendemain à 4h20 du matin, tenté de pénétrer à nouveau sur le site. Le service sécurité du portier 883 vous a alors interdit tout accès vous priant de bien vouloir faire demi-tour. Le jour même vous avez ensuite contacté nombre de nos fournisseurs et avez même convoqué et rencontré l'un deux dans un café alors que la mise à pied vous suspendait de toute fonction et donc de tout lien avec ces derniers. Ces agissements volontaires, répétés, parfois menés intentionnellement au préjudice de la société et/ou de vos collègues (placés sous la crainte de vos menaces et comportements tyranniques) mettent en péril l'image de notre groupe et sont totalement incompatibles avec le fonctionnement de notre société. Nous vous notifions donc par la présente, votre licenciement pour faute lourde privative de congés payés. Nous vous rappelons que, du fait de la mise à pied à titre conservatoire, la période non travaillée du 15 mai 2008 à la date de la présente, rendue nécessaire pour accomplir la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée. Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise dès la première présentation de cette lettre. Il vous sera remis les sommes vous restant le cas échéant dues et votre certificat de travail ainsi que votre attestation ASSEDIC. Le présent licenciement est fait sans préjudice des autres droits que nous pourrions le cas échéant décider de faire valoir à votre encontre, tant dans un contexte civil que pénal. »

Contestant son licenciement, M. [P] [H] a saisi le 24 septembre 2008 le conseil de prud'hommes de Martigues, section encadrement.

Le 17 mars 2009, l'employeur a déposé plainte contre X des faits d'escroquerie, abus de confiance, extorsion et chantage.

La chambre de l'instruction de la cour de céans, par arrêt du 17 mars 2015 a résumé la procédure pénale ainsi : « Le 30 novembre 2009, le conseil de la société ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE déposait plainte avec constitution de partie civile, devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, pour des faits d'escroquerie, abus de confiance, extorsion, et chantage.

Cette plainte avec constitution de partie civile faisait suite à une plainte déposée le 17 mars 2009 auprès du Procureur de la République pour des faits identiques ayant donné lieu à une enquête préliminaire confiée à la division économique et financière du Service Régional de Police Judiciaire.

Dans ces plaintes, la société ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE indiquait qu'elle avait détecté en mai 2008 des anomalies concernant la gestion, la facturation et la réception de certaines commandes et que certains de ses fournisseurs lui avaient déclaré qu'un de ses salariés, [P] [H], était l'auteur de malversations, de corruption, de recel, de chantage et d'extorsion de fonds.

Suite à une enquête interne, [P] [H] était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire à compter du 15 mai 2008. Les explications fournies par M. [H] lors de cet entretien ayant été jugées insuffisantes et contredites par les déclarations des fournisseurs, la société ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE avait procédé au licenciement pour faute grave de ce dernier en date du 11 juin 2008.

Dans sa plainte, ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE estimait son préjudice direct à 190 375 €. M. [P] [H] aurait en effet :

- profité de frais anormaux contraires à la politique ARCILOR MITTAL (catégorie d'hôtel supérieur, 1 304 € de frais doubles ou sans justificatif ou à usage privé, 1 187 € de frais kilométriques ou pendant ses congés),

- reçu 22 300 € de cadeaux fournisseurs (COFATHEC CADSUD et FOSELEV), commandé des travaux fictifs à la société SMTLI pour un montant de 54 000 €,

- permis un double paiement de TVA de 3 700 € au profit de GME OLIVER/SMTLI,

- commandé et certifié le même jour 160 000 € de travaux et services sans passer par le processus habituel et sans document de réception de travaux, permettant ainsi un doute quant à leur réalisation effective (sociétés SMTLI, CADSUD , GME OLIVER/SMTLI).

Par réquisitoire introductif du 22 décembre 2009, une information contre personne dénommée était ouverte pour des faits d'escroquerie, d'abus de confiance et de corruption active et passive.

De l'enquête, il ressortait que M. [H], employé depuis 1971, dirigeait le service Entretien Général (EG) de la société ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE depuis le début des années 2000 et disposait du pouvoir de commander, réceptionner et valider les travaux jusqu'à 75 000 €.

Suite à un certain nombre d'auditions de membres du personnel ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE, Mme [W], M. [H], Mme [Q] confirmant les termes du rapport interne émis par ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE et de fournisseurs, M. [H] était placé en garde à vue.

Celui-ci déclarait avoir saisi le Conseil des prud'hommes pour licenciement abusif, et avoir également déposé plainte pour dénonciation calomnieuse dès le 15 juillet 2008. Il indiquait qu'en revanche ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE avait attendu mars 2009 et novembre 2009 pour déposer plainte et ce, afin de bloquer la procédure devant le conseil des prud'hommes.

Sur les cadeaux fournisseurs, il reconnaissait d'emblée s'être fait offrir un certain nombre des frais de repas visés dans la plainte, par M. [E] de la société COFATHEC, précisant que cette pratique de repas était courante à partir d'un certain grade.

Entendu par les enquêteurs, M. [E] avait indiqué avoir cédé aux demandes de M. [H] et lui avoir payé plusieurs frais personnels (hôtel, restaurant avec son épouse) et ceci, dans le cadre de bonnes relations commerciales, en lieu et place des invitations traditionnelles (places au stade, invitations au restaurant, etc...). Il précisait n'avoir jamais fait l'objet de menaces de M. [H] mais décrivait un client exigeant, avec lequel il voulait maintenir de bonnes relations. Il déclarait ne pas avoir eu conscience d'une corruption, M. [H] n'ayant pas de pouvoir de rompre un contrat conclu. Lors de sa troisième audition, M. [H] reconnaissait également avoir reçu des bons d'essence (ce qui avait été indiqué par M. [O], PDG d'ADF et gérant de CADSUD), et avoir fait sponsoriser son club cycliste par des sociétés fournisseurs (ce qui avait été indiqué par M. [Y], directeur de FOSELEV), mais précisait qu'il n'avait accordé aucun avantage en échange de ces sponsors et cadeaux de COFATHEC ou des autres entreprises et n'avait jamais fait pression sur les responsables de ces sociétés pour les avoir, ce que ces derniers confirmaient. Il expliquait qu'il n'avait d'ailleurs aucun pouvoir pour débloquer des factures, cela dépendait des contrats sur lesquels il ne pouvait intervenir.

Sur les notes de frais, M. [H] indiquait que, s'agissant des remboursements kilométriques durant congés et week-end, cela s'expliquait par le fait que pour montrer l'exemple, il posait ses congés mais venait tout de même travailler. Son ancien supérieur hiérarchique confirmait cette situation.

Concernant les notes de frais pour le voyage en Chine, il faisait remarquer que la société ARCELOR MITTAL avait confondu les yuans et les euros et le nombre de nuitées (ce que confirmait son supérieur hiérarchique M. [M]), et soutenait que d'une manière générale il avait un coût moyen inférieur à ce qu'ARCELOR choisissait comme hôtel. Il n'avait jamais eu de remarque de sa hiérarchie sur des dépassements de frais quelconques.

Sur les faits d'escroqueries relatifs à des travaux fictifs (54 000 €) ou pour des commandes passées et certifiées le jour même (160 000 €) sur un double paiement de TVA, M. [H] indiquait s'agissant des faits relatifs à l'unité LPB où des devis avaient été présentés et des paiements effectués à SMTLI sans que les travaux aient été réalisés, que les devis présentés par ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE dans le cadre de la procédure étaient faux, et remettait les copies des devis des travaux réalisés. Seule une erreur informatique ou une erreur administrative pouvait expliquer cette situation.

S'agissant des faits relatifs à la station d'épuration et des mini blocs, il décrivait une situation conflictuelle en raison d'une disparition de pièces, il avait alors tranché et 'uvré dans l'intérêt collectif, mais n'ayant pas le budget, c'était son supérieur M. [M] qui avait débloqué 20 000 € d'un compte d'investissement sur remise. Les travaux sur les mini blocs avaient bien été réalisés, et avaient d'ailleurs fait l'objet d'un litige entre sa technicienne, Mme [D], COFATHEC et SMTLI, les travaux ayant dû être recommencés plusieurs fois. Dans les faits, les plans ARCELOR n'étaient pas à jour, et COFATHEC et SMTLI se rejetaient la faute.

Sur le fait que des factures d'avances avaient été payées sans que les travaux n'avaient été réalisés, il indiquait ne pas se souvenir précisément de la situation, mais qu'effectivement ARCELOR MITTAL payait des travaux non terminés voir non commencés, dans le cadre des queues de budget, et ce pour des raisons budgétaires.

Pour les commandes passées et certifiées le jour même, il reconnaissait l'avoir fait dans un cadre bien précis, notant qu'à l'époque il n'y avait aucune procédure interne à part celle qu'il avait lui-même instituée et qu'il avait transgressée. Il précisait que les anomalies relevées par ARCELOR MITTAL étaient de 134 000 € sur trois ans sur un budget de 20 000 000 € annuels. C'était dans l'intérêt du bon fonctionnement de la société. En tout état de cause, ce qui était reproché par ARCELOR MITTAL était le bref délai d'enregistrement des commandes et réalisations, mais les travaux avaient été réalisés par CADSUD et SMTLI.

Un ancien salarié d'ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE, [K] [T], expliquait s'agissant des validations le même jour que la commande, qu'il y avait bien une anomalie, mais que les trois quart des personnes de l'usine pratiquaient de la même manière, le process n'était pas respecté.

De même, il expliquait que certains travaux étaient commandés et validés alors qu'ils n'étaient pas effectués. En effet, en fin d'année, il fallait solder les commandes en cours, et donc par anticipation les travaux étaient validés (queues de budget). C'était une pratique avec les entreprises dont ils étaient sûrs qu'elles feraient les travaux . Cette pratique, induisant un risque de défaut d'exécution du fournisseur, n'était appliquée qu'avec des entreprises sous contrats qui avaient un chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros. Il définissait en outre M. [H] comme quelqu'un de très rigoureux, carré, qui affichait une exemplarité.

Les deux gérants successifs de SMTLI, M. [X] et M. [V], étaient entendus. Ils indiquaient que SMTLI était bien intervenue sur les chantiers en cause, mais sur son domaine de compétence, à savoir le terrassement. Ils ne signalaient aucun cadeau ou avantage concédé à M. [H].

M. [V] précisait que suite à la rupture unilatérale du contrat par ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE en date du 27 mai 2008, SMTLI avait engagé une procédure au Tribunal de Commerce de Salon pour rupture abusive de contrat. Les arguments contre SMTLI relatifs au LP8, à la station d'épuration, ainsi que toute la liste des autres faits reprochés, n'avaient pas été retenus.

Il indiquait en outre que les pièces produites par ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE n'apparaissaient pas chez SMTLI, ce qui lui laissait supposer que ces pièces étaient fausses.

Le jugement visé précédemment du Tribunal de Commerce de Salon avait également indiqué que la double facturation de TVA évoquée par ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE avait pour origine une base valorisée par elle-même sur laquelle SMTLI avait établi ses factures, aucune intention dolosive n'ayant été démontrée.

M. [H] concluait qu'il s'était fait beaucoup d'ennemis en interne et en externe en raison de la mise en place de nouveaux schémas d'organisation de nature à réduire les coûts des travaux sous traités.

Il remettait une copie du mémoire en réponse à la plainte avec constitution de partie civile d'ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE.

Son supérieur hiérarchique, M . [M] avait confirmé que la réorganisation évoquée avait été un succès. Des millions d'euros ayant été économisés, M. [H] avait été considéré comme très efficace. Cela avait créé des tensions avec certains sous-traitants qui passaient du premier au second rang.

La partie civile ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE, représentée par [I] [Z], responsable support maintenance, était entendue le 23 février 2012 : elle maintenait sa plainte sans pouvoir préciser sa position au regard des explications fournies par [P] [H]. N'étant pas en mesure de répondre aux questions posées, elle s'engageait à apporter dans le délai de deux mois une appréciation motivée et étayée par des pièces.

Cet engagement n'était pas respecté et, malgré une relance adressée le 15 mai 2012 (0 2640), aucun élément n'était transmis par la partie civile.

Devant cette carence, quatre mois plus tard, les avis de fin d'information étaient délivrés et une ordonnance de soit communiqué aux fins de règlement était rendue le 14 septembre 2012.

Faute de charges suffisantes, un réquisitoire définitif de non-lieu était pris le 30 novembre 2012. Ce réquisitoire était notifié le jour-même au conseil de la partie civile.

A l'expiration du délai imparti par l'article 175 du code de procédure pénale, l'ordonnance de non-lieu était rendue le 15 janvier 2013.

Le 24 janvier 2013, la société ARCELOR MITTAL interjetait appel de cette ordonnance de non-lieu.

Un réquisitoire de confirmation d'ordonnance de non lieu était pris le 6 février 2013.

Par mémoire déposé en cause d'appel le 14 mars 2013, le conseil de la partie civile soutenait qu'il résulterait de l'enquête l'existence de charges suffisantes à l'encontre de M. [H] d'avoir commis les faits reprochés et déplorait que « malgré les éléments réunis au dossier pénal, le juge n'ait pas jugé utile de procéder à un interrogatoire de M. [H], notamment sur les zones d'ombre qui persistent dans ce dossier relativement aux faits d'escroquerie qui lui sont reprochés et sur lesquels il n'a pu donner d'explication valable et cohérente ».

Par arrêt en date du 21 mai 2013, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-enProvence infirmait l'ordonnance de non-lieu en considérant entre autre, que « s'agissant des infractions dénoncées, notamment les faits d'escroquerie, il parait nécessaire à une appréhension complète de ce litige complexe, de réentendre [P] [H], notamment compte tenu des explications motivées, enfin fournies en cause d'appel, par la partie civile au soutien de ses prétentions ».

Suite à la convocation de témoin assisté adressée à [P] [H] le 19 juin 2014, son conseil nous adressait un courrier nous informant de la décision de sursis à statuer prise le 9 décembre 2009 par le Conseil des Prud'hommes en l'état de la plainte pénale déposée par son ancien employeur, et nous transmettant l'arrêt rendu le 5 mai 2011 par la 9e chambre A de la cour d'appel d'Aix-en-Provence condamnant la société ARCELOR MITTAL à débloquer le compte épargne temps de [P] [H] pour un montant de 63 817,38 €.

Entendu en qualité de témoin assisté le 3 septembre 2013, conformément au souhait exprimé par la chambre de l'instruction, M. [P] [H] n'avait rien à ajouter à ses premières explications fournies devant les enquêteurs.

S'agissant du remboursement des frais kilométriques alors qu'il était en vacances, il considérait qu'il était normal qu'il se fasse rembourser étant donné qu'il venait travailler à l'usine.

Il indiquait que le contrat COFATHEC avait dérangé énormément de monde en interne et en externe. Il précisait s'être retrouvé pratiquement tout seul pour faire ce contrat, avec les achats centralisés et le cabinet [L].

Le conseil de M. [H] précisait que ce dernier n'avait pas le pouvoir de signature de ce contrat COFATECH, relevait que l'enquête financière réalisée sur M. [H] n'avait rien révélé d'anormal concernant les comptes de ce dernier, affirmait qu'il avait été licencié sur de simples suppositions et rumeurs alors qu'il n'avait commis aucune faute. Il ajoutait que l'audit n'avait été réalisé que postérieurement à son licenciement, alors que l'audit antérieur, réalisé en 2007 et publié en début 2008, n'avait rien révélé d'anormal concernant M. [H].

Le conseil de M. [H] versait au dossier un mémoire intitulé « Observations de M. [P] [H] ».

A titre d'observations générales, le mémoire relevait que l'instruction n'avait pas permis d'établir les faits graves reprochés à M. [H] dans l'audit. Il indiquait également que « le mémoire de la partie civile devant la chambre de !'Instruction, s'est employé à isoler, dans les déclarations de certains fournisseurs et leurs salariés certains passages, en omettant les incohérences ou et les déclarations contradictoires des intervenants et surtout en faisant fi des pièces de l'enquête ».

Le mémoire relevait ensuite que la plainte initiale de la société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE avait repris « textuellement » les termes d'un rapport d'audit interne, « rapport anonyme et non signé, daté du 27 janvier 2009, aucun témoignage, aucune attestation n'est joint à cet audit ». Il précisait que ce rapport, exclusivement à charge contre M. [H], révélait une étonnante méconnaissance des marchés, comportait des erreurs grossières sur les faits, et s'appuyait sur de faux documents.

En ce qui concerne les faits de corruption active et passive, le mémoire considérait que les éléments matériels constitutifs de cette infraction n'étaient pas réunis. Il précisait notamment que les cadeaux fournisseurs reçus et non contestés par M. [H] s'inscrivaient dans le cadre de pratiques commerciales courantes dans l'entreprise, pratiques qui avaient été régulées en 2008, par la mise en place d'une charte d'éthique. Il ajoutait que les auditions confirmaient que le montant des cadeaux offerts à M. [H] était égal à ce qui se faisait en la matière, voire un coût moindre. Ces cadeaux n'avaient fait l'objet d'aucune contrepartie.

En ce qui concerne les notes de frais, le mémoire indiquait que M. [H] avait amené aux enquêteurs tous les éléments justificatifs. Il précisait que toutes les explications qui avaient été données étaient cohérentes. Il ajoutait que M. [M], supérieur hiérarchique de M. [H], confirmait que les faits présentés par son cadre étaient tous justifiés, et les exagérations évoquées minimes, en tout cas non constitutives d'abus ou d'une quelconque fraude.

En ce qui concerne les faits d'escroquerie, le mémoire relevait que la Société ARCELOR MITTAL n'amenait dans son mémoire d'appel aucun élément nouveau qui pourrait être de nature à modifier ou changer l'appréciation des faits par le magistrat instructeur qui avait prononcé un non lieu sur ces chefs au vu des nombreux éléments de l'enquête.

S'agissant du désamiantage du bâtiment LP8, le mémoire relevait que M. [H] justifiait par des pièces sans contestation possible que les accusations d'escroquerie étaient mensongères et reposaient sur des documents volontairement falsifiés.

S'agissant du chantier concernant la station d'épuration, le mémoire relevait que les anomalies relevées pouvaient marginalement exister, mais sans pour autant être révélatrices d'une quelconque fraude.

En ce qui concerne !a destruction des preuves, le mémoire relevait que M. [H] était venu à 4h20 comme à son habitude, mais qu'il n'avait pas pu pénétrer dans son bureau car il n'avait pas eu accès au site, ayant été arrêté par le portier, et avait fait donc demi tour.

La confrontation réalisée entre M. [H] et ARCELORMITTAL MEDITERRANEE le 28 janvier 2014 ne permettait pas de régler les divergences.

La société ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE, représentée par [F] [W], considérait que les quatre devis SMTLI produits par elle-même, bien que ne correspondant pas au LP8, étaient cohérents avec les libellés des commandes émises par MAXIMO alors que M. [H] indiquait quant à lui que ces devis étaient manifestement faux.

ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE n'était pas d'accord avec l'explication selon laquelle M. [H] s'était efforcé de régler un différend entre COFATHEC et SMTLI suite à une erreur de plan commise par elle-même en ce qui concerne la station d'épuration et les mini-blocs. Elle indiquait que cette explication fournie par M. [H] était contredite par MM. [B] et [H] et Mme [Q].

S'agissant des anomalies dans les commandes de travaux, réceptionnées et validées le même jour, ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE indiquait qu'en principe un appel était lancé avant travaux et qu'il existait une dérogation en cas d'urgence. Elle précisait qu'un document devait tout de même être signé avant par la personne en charge du secteur.

M. [H] ajoutait que le document fait par le technicien en charge du dépannage avant travaux était un document manuel, et que par conséquent il n'apparaissait pas dans le système. Il indiquait que ceci avait été confirmé par MM. [T] et [Z] s'agissant des travaux réalisés en urgence.

ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE déclarait que dans ce cas de figure, c'était en principe le technicien en charge du secteur qui devait régulariser ces travaux effectués en urgence.

M. [H] précisait que dans un souci de productivité, il faisait faire à sa secrétaire Mme [F], de la saisie de commandes pour les gens qui étaient autour à l'étage.

Les avis de fin d'information étaient à nouveau délivrés et l'ordonnance de soit communiqué aux fins de règlement était rendue le 30 janvier 2014.

N'ayant pas été destinataire des réquisitions du ministère public dans le délai de l'article 175 du code de procédure pénale, le conseil de la partie civile ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE présentait le 22 mai 2014 des observations par déclaration au greffe et joignait différentes pièces.

Ces observations mentionnaient que « le 19 novembre 2004, la direction de la société avait diffusé à l'ensemble des responsables commerciaux des sociétés partenaires un courrier rappelant qu'il convenait de mettre fin à toutes les marques de sympathie aussi estimables soient elles » ; que « les travaux et les devis, ceux fournis à ARCELOR MITTAL, quel que soit le prestataire, contiennent toujours en marge... une référence d'opération' permettant de se référer aux valeurs du bordereau de prix unitaire (BPU) qui constitue l'annexe « Prix» au contrat cadre conclu avec le prestataire »; qu'en conséquence , « les explications fournies par M [H] qui se prévaut de détenir les vrais originaux de ces devis ne correspondent pas à la réalité matérielle (puisque ceux-ci ne comportaient pas la référence aux postes de BPU) ».

Concernant la problématique des travaux et des devis, ARCELOR MITTAL regrettait enfin, « qu'aucune étude, notamment réalisée par CADSUD, n'ait jamais été produite par M. [H] ».

Le 20 juin 2014, le procureur de la République prenait des réquisit ions aux fins de non-lieu, qui étaient notifiées le 24 juin 2014 aux conseils des parties.

Par ordonnance du 25 juillet 2014, considérant que les pièces communiquées par la partie civile, les investigations effectuées dans le cadre de l'enquête préliminaire puis dans le cadre de la commission rogatoire confiée à la division économique et financière du SRPJ, les auditions effectuées dans le cadre de l'information n'avaient pas permis de caractériser l'un quelconque des délits d'escroquerie, abus de confiance, extorsion et chantage imputés à [P] [H], le juge d'instruction disait n'y avoir lieu à suivre; »

A la suite de cet exposé, la chambre de l'instruction a rendu un arrêt de non-lieu pour les motifs suivants : « Attendu qu'il convient de se référer aux faits visés dans la plainte avec constitution de partie civile, lesquels seuls, fondent la saisine du magistrat instructeur, qu'en l'espèce la plainte fait état d'anomalies concernant la gestion, la facturation et la réception de certaines commandes ainsi que des malversations à l'égard des fournisseurs de la société, faits pouvant constituer les délits d'escroquerie, abus de confiance, extorsion et chantage ; Plus précisément la plaignante alléguait :

- des commandes passées auprès de fournisseurs et réceptionnées sans que les travaux aient été effectués ;

- des notes de frais et de déplacements frauduleux, en l'espèce remboursements de kilomètres parcourus par M. [H] avec son véhicule pour des trajets effectués pendant les congés, également utilisation des moyens mis à la disposition des salariés pour commander les billets d'avion pour son épouse ;

- des cadeaux offerts par les fournisseurs de maintenance pour 22 300 € en violation du code d'éthique de la société ;

Attendu qu'il est fait, à juste titre, observer que le rapport interne sur lequel se fonde la plainte n'est pas signé et que le nom du rédacteur n'apparaît pas ;

Attendu que les différends chefs de préjudice invoqués dans la plainte appellent les observations suivantes :

Les frais élevés de M. [H] concernant son choix systématique d'hôtels haut de gamme en contradiction avec la politique applicable au sein de la société ARCELOR ne relèvent pas d'une qualification pénale ;

Les notes de frais considérés comme frauduleux par la plaignante ont été validées par M. [M] qui avait sous sa direction M. [H], cette personne précisant avoir fait quelques remarques à M. [H] car il trouvait qu'il exagérait un peu ;

Sur les notes de frais pour un voyage en Chine, il déclarait ne pas avoir trouvé d'erreurs significatives ni de choses graves, il s'agissait d'erreurs de conversion de monnaie ce qui rejoint les explications avancées par M. [H] ;

Sur les frais de déplacement, il signalait que des cadres de ce niveau pouvaient être amenés à venir sur le site même en période de congés car la production continue ce qui oblige le cadre à venir et donc à présenter des notes de frais ;

Sur les commandes qui auraient été validées et acquittées alors que les travaux n'étaient pas effectués, il apparaît que M. [H] n'avait pas les pouvoirs cumulés de commander, réceptionner et valider les travaux, que toute commande devait être réceptionnée et validée par une autre personne ;

Plus particulièrement concernant les travaux payés mais non réalisés visés dans la plainte, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence par jugement du 14/10/2009, a considéré qu'il n'était pas démontré que ARCELOR MITTAL avait payé deux fois les mêmes prestations pour les travaux relatifs au désamiantage ;

Qu'en ce qui concerne les travaux de rénovation de la station d'épuration, la société ARECELOR MITTAL ne rapportait pas la preuve d'une part, que les travaux n'avaient pas été réalisés, d'autre part qu'elle aurait été victime de surfacturation ;

Attendu qu'il ressort de cette analyse que le délit d'escroquerie n'est pas caractérisé, faute de démontrer l'existence de man'uvres frauduleuses, que la qualification d'abus de confiance, à savoir la remise de fonds, valeurs à une personne à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé, ne peut s'appliquer en l'espèce ;

Attendu que la cour observe d'ailleurs que le mémoire de la société plaignante ne reprend aucun de ces faits alors qu'ils constituaient le fondement de sa plainte, qu'il circonscrit la discussion sur les cadeaux reçus ce qui est un fait reconnu et qui constitueraient les délits d'extorsion, de faux et d'abus de biens sociaux ;

Attendu que dans la plainte il a été évoqué la qualification de chantage, or l'article 312-10 du code pénal définit le chantage comme le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret soit la remise de fonds de valeur ; qu'en l'espèce aucun des agissements décrits par la plaignante ne rentre dans cette définition ;

Attendu que la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique incrimine le fait par tout directeur ou salarié de solliciter ou d'agréer, à l'insu et sans l'autorisation de son employeur, des offres ou des promesses, des dons présents, escomptes ou primes pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction ; il résulte de l'ensemble des auditions effectuées que les avantages accordés ou cadeaux ne donnaient lieu à aucune contrepartie, qu'en outre M. [H] n'avait aucun pouvoir pour modifier encore moins rompre un contrat ;

Attendu que la qualification d'extorsion ne peut davantage être retenue, tous les témoins entendus s'accordent pour déclarer qu'ils n'ont subi aucune contrainte, qu'il s'agissait d'une pratique communément répandue pour entretenir de bonnes relations, que cela relevait d'une bonne relation commerciale pour éviter que « les rouages ne se grippent » ;

Que la volonté de faciliter les relations commerciales peut difficilement être assimilée à l'état de nécessité ou à une contrainte morale d'autant que la contrainte morale doit être appréciée au regard de la condition physique et intellectuelle de la personne sur laquelle elle s'exerce, que les représentants des sociétés sous-traitantes d'ARCELOR MITTAL ne se trouvent pas dans une situation de faiblesse particulière ;

Attendu que dans le mémoire, l'avocat de la société ARCELOR MITTAL invoque comme délit pouvant être reproché à [P] [H], la complicité de faux commis par M. [E], en l'espèce en fournissant à M. [E] des factures que ce dernier a présentées faussement au soutien de feuilles de frais comme des dépenses qu'il avait engagées dans ses missions avec la société Sollac alors qu'il s'agissait de dépenses personnelles de M. [H] ;

Attendu que ces faits, qui seraient constitués par des faux documents , fausses notes de frais présentés pour paiement et acquittés par la société Cofatech ne sont pas visés dans la plainte, qu'ils ne rentrent donc pas dans la saisine du juge d'instruction ;

Qu'au surplus, la société ARCELOR n'a pas qualité à se constituer partie civile pour des faits portant préjudice à la seule société COFATECH ;

Que les préjudices invoqués par la société ARCELOR tenant au préjudice d'image ou à la répercussion possible sur le prix de la prestation réalisée ne sont pas des préjudices directement causés par l'infraction de faux ;

Attendu que les faits dénoncés dans la plainte ne peuvent pas être qualifiés pénalement, qu'il convient de confirmer l'ordonnance de non-lieu déférée »

Le conseil de prud'hommes, par jugement rendu le 3 février 2016, a :

dit que le licenciement pour faute lourde est requalifié en licenciement fondé sur des fautes graves ;

condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 7 921,62 € à titre de solde de congés payés à la date du licenciement ;

assorti le paiement de cette somme des intérêts au taux légal depuis la date de l'acte de saisine du conseil le 24 septembre 2008 et cela jusqu'à la date de l'audience du 18 novembre 2015 ;

condamné l'employeur au paiement d'une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ;

ordonné l'exécution provisoire de l'intégralité du jugement ;

débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

condamné les parties au partage des dépens.

Cette décision a été notifiée le 11 février 2016 à M. [P] [H] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 23 février 2016.

Le salarié est décédé le [Date décès 1] 2017, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [U] [J], et ses fils, M. [J] [H] et M. [V] [H].

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles Mme [U] [J] veuve [H] et MM. [J] et [V] [H] demandent à la cour de :

dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;

condamner l'employeur à leur payer les sommes suivantes :

'  59 494,98 € à titre d'indemnité de préavis ;

'    5 949,50 € au titre des congés payés y afférents ;

'215 768,67 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

'    9 915,83 € au titre des congés payés ;

'    6 808,33 € à titre de rappel de salaire concernant la mise à pied conservatoire non justifiée ;

'244 334,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'  50 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la brusque rupture ;

assortir l'ensemble des sommes allouées des intérêts au taux légal depuis l'acte de saisine du conseil de prud'hommes le 24 septembre 2008 et jusqu'à la date de l'audience de la cour ;

ordonner l'affichage de l'arrêt dans un lieu visible durant un mois ;

condamner l'employeur au paiement d'une somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner l'employeur aux dépens.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute lourde devait être requalifié en un licenciement fondé sur des fautes graves ;

l'infirmer pour le surplus ;

dire y avoir lieu à écarter des débats la pièce adverse n° 56 ;

dire que le licenciement pour faute lourde est fondé ;

débouter le salarié de l'intégralité des sommes réclamées : indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, indemnité conventionnelle de licenciement, congés payés, rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommages et intérêts pour brusque rupture ;

subsidiairement, dire que le licenciement devra être requalifié en licenciement fondé sur des fautes graves ;

plus subsidiairement, dans l'hypothèse où le licenciement serait requalifié en faute simple ou déclaré sans cause réelle et sérieuse, fixer les montants indemnitaires comme suit :

'  41 899,98 € bruts à titre d'indemnité de préavis ;

'    4 190,00 € bruts à titre de congés payés sur préavis ;

'134 633,94 € nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

dire que les conséquences de la requalification du licenciement pour faute lourde en faute grave, emportant paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés ont été réglées par l'employeur via son conseil par lettre de notification entre avocats du 29 juin 2016 outre les intérêts au taux légal ;

dire n'y avoir lieu à l'affichage de l'arrêt ;

dire n'y avoir lieu à exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;

condamner les appelants à lui payer la somme de 8 000 € au titre des frais irrépétibles ;

les condamner aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la pièces n° 56 produite par les appelants

L'employeur demande à la cour d'écarter des débats la pièce n° 56 produite par les appelants au motif qu'elle est dactylographié, non-identifiée et non-signée. Sur l'audience, les ayants droit du salarié expliquent que ce dernier est l'auteur du document.

La pièce en cause est intitulée « les mobiles du licenciement ». Elle consiste en une protestation de bonne foi en 5 pages augmentée d'une page de lexique et de 6 pages d'organigrammes. Cette pièce a été régulièrement produite et il n'y a dès lors pas lieu de l'écarter des débats, étant relevé qu'elle constitue une explicitation de la position du salarié et qu'elle ne prétend à aucune valeur probatoire.

2/ Sur la cause du licenciement

Il convient tout d'abord de relever que l'employeur, de manière contradictoire, sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute lourde devait être requalifié en un licenciement fondé sur des fautes graves et demande tout de même à la cour de dire, à titre principal, que le licenciement pour faute lourde est fondé alors qu'il ne sollicite qu'à titre subsidiaire la reconnaissance de fautes graves et plus subsidiairement d'une faute simple.

Quoi qu'il en soit la cour se trouve tenue par les termes de la lettre de licenciement auquel il lui appartient de donner l'exacte qualification de cause réelle et sérieuse, de faute grave ou bien encore de faute lourde.

Les faits visés à la lettre de licenciement sont de deux ordres. Elle les explicite ainsi :

« - les anomalies de passation et validation de commandes pour des travaux non-réalisés et dont vous étiez à l'origine

- les déclarations d'un certain nombre de nos fournisseurs faisant états de malversations et autres agissements de votre part constitutifs d'infractions pénales graves et pour des montants importants (corruption, recel, chantage, extorsion, etc.). »

Le premier grief, sauf à le dénaturer, ne vise pas toute sorte d'anomalie de passation et de validation de commandes, mais précisément des anomalies concernant des travaux non-réalisés qui auraient été commandés par le salarié. Contrairement à ce qu'affirme l'employeur, un tel grief est nécessairement susceptible de recevoir une qualification pénale dès lors que les prétendus travaux n'ont pas été réalisés. L'enquête pénale a permis de démontrer qu'une telle accusation n'était pas fondée et la chambre de l'instruction a par une décision devenue définitive retenu que le salarié n'avait pas passé et validé des commandes pour des travaux non-réalisés, sauf une pratique générale de paiement anticipé en fin d'exercice, afin de solder des crédits, concernant des travaux qui seraient bientôt achevés en début d'exercice suivant par des sous-traitants suffisamment fiables. La cour retient que cette seule pratique, qui n'était nullement clandestine et n'avait jamais été reprochée au salarié avant son licenciement, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le second grief est expressément pénal et le salarié en a été définitivement disculpé par l'arrêt précité de la chambre de l'instruction qui est définitif. A supposer même que l'on puisse considérer que la lettre de licenciement reproche implicitement au salarié d'avoir accepté sans contrepartie les cadeaux dont il a spontanément reconnu l'existence dans le cadre de la procédure pénale, il n'apparaît pas que ces derniers excèdent les usages antérieurs au licenciement lequel a été prononcé le 11 juin 2008, alors même que le code éthique dont se prévaut l'employeur n'avait été adressé au salarié que le 10 janvier 2008, c'est-à-dire postérieurement à la plupart des cadeaux admis par ce dernier.

Ainsi, la combinaison de la validation anticipée de travaux en fin d'exercice qui ont été rapidement exécutés par la suite et de la réception de cadeaux, certes importants, mais spontanés et exclusifs de toute corruption, ne revêt pas en l'espèce une gravité suffisante pour constituer, au terme d'une carrière de 37 ans dans l'entreprise, dénuée de toute sanction disciplinaire, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En conséquence, le licenciement se trouve dénué de cause réelle et sérieuse.

3/ Sur les congés payés

Les appelants sollicitent la somme de 9 915,83 € au titre des congés payés.

Les premiers juges ont retenu de ce chef la somme de 7 921,62 € pour un solde de 21 jours ouvrés, somme que l'employeur a réglé en exécution du jugement entrepris et dont il demande la confirmation.

Il résulte des 12 derniers bulletins de paie que le salarié a perçu les sommes suivantes :

6 808,33 € bruts de juin 2007 à mars 2008 ;

6 983,33 € bruts d'avril à mai 2008 ;

12 255 € à titre de complément annuel variable ;

soit un salaire de référence de 94 304,96 €. Ainsi, le salaire mensuel moyen sur les 12 derniers mois était de 94 304,96 € / 12 = 7 858,74 €.

En conséquence, il convient de retenir la somme offerte par l'employeur de 7 921,62 € au titre des 21 jours de congés payés.

4/ Sur le rappel de salaire concernant la mise à pied conservatoire

Les appelants réclament la somme de 6 808,33 € bruts à titre de rappel de salaire concernant la mise à pied conservatoire non justifiée.

Le salarié a été mis à pied à titre conservatoire du 15 mai au 11 juin 2008. Il sera accordé à ses ayants droit la somme sollicitée de 6 808,33 € à ce titre, somme qui n'est pas discutée par l'employeur.

5/ Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Les appelants sollicitent 6 mois de salaires en application de l'article 27 de la convention collective soit la somme de 59 494,98 € à titre d'indemnité de préavis outre celle de 5 949,50 € au titre des congés payés y afférents.

L'employeur offre de ce chef la somme de 41 899,98 € bruts outre celle de 4 190,00 € bruts à titre de congés payés sur préavis.

La convention collective prévoit bien un préavis de 6 mois au bénéfice des ingénieurs âgés de plus de 50 ans et bénéficiant d'une ancienneté d'au moins 5 ans. Ainsi, il sera alloué aux appelants au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 6 mois x 7 858,74 € = 47 152,44 € outre celle de 4 715,24 € au titre des congés payés y afférents.

6/ Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Les appelants réclament la somme de 215 768,67 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement. L'employeur offre ce chef la somme de 134 633,94 € nets.

Le calcul proposé par les appelants qui se fonde sur 3/5 de mois par année d'ancienneté est erroné. En application de l'article 29 de la convention collective, il convient de retenir 1/5 de mois par année de 1 à 7 ans ; puis 3/5 mois par année, d'appliquer une majoration de 30 % dès lors que le salarié était âgé de plus de 55 ans, de plafonner la prime à 18 mois et de lui appliquer une minoration de 5 % compte tenu de l'âge de 61 ans. En conséquence, le calcul de l'employeur sera validé qui conduit à la somme de 134 633,94 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

7/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Les appelants sollicitent la somme de 244 334 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit la somme que leur auteur avait capitalisée auprès de la société SOGECAP et dont il n'aurait pas pu bénéficier faute de partir en retraite.

Mais les ayants droit du salarié ne justifient nullement de ce que leur auteur a effectivement perdu le bénéfice de sa capitalisation dès lors que postérieurement au courriel dont ils se prévalent, sa retraite a bien été liquidée à taux plein.

Ainsi, compte tenu de l'âge du salarié et de son ancienneté de 37 ans ainsi que de la gravité des accusations infondées sur lesquelles reposait le licenciement, il lui sera alloué à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, une somme équivalente à 31 mois de salaires soit la somme de 7 858,74 € x 31 mois = 243 620,94 €.

8/ Sur la demande de dommages et intérêts pour brusque rupture

Les appelants réclament la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du faite de la brusque rupture.

Mais en l'espèce la rupture du contrat de travail résulte d'une procédure de licenciement qui a été régulièrement conduite, sans précipitation, et dès lors, la rupture, pour être infondée, n'en est pas pour autant brusque. En conséquence, les ayants droit du salarié seront déboutés de ce chef.

9/ Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'affichage de la décision, l'entier préjudice des appelants ayant été réparé par les sommes qui viennent d'être accordées.

Les sommes allouées de nature salariale (congés payés, rappel de salaire, indemnité compensatrice de préavis, indemnité conventionnelle de licenciement) produiront intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2008, date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, alors que les dommages et intérêts produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient d'allouer aux appelants la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'employeur supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

condamné la SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE à payer la somme de 7 921,62 € à titre de solde de congés payés à la date du licenciement ;

condamné la SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE au paiement d'une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Condamne la SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE à payer à Mme [U] [J] veuve [H] et MM. [J] et [V] [H] les sommes suivantes :

    6 808,33 € bruts à titre de rappel de salaire concernant la mise à pied conservatoire ;

47 152,44 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

4 715,24 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

134 633,94 € nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

243 620,94 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1 500,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Dit que les sommes allouées de nature salariale (congés payés, rappel de salaire, indemnité compensatrice de préavis, indemnité conventionnelle de licenciement) produiront intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2008 alors que les dommages et intérêts produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne la SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/03104
Date de la décision : 16/02/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°16/03104 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-16;16.03104 ?
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