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30/01/2018 | FRANCE | N°16/06683

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 30 janvier 2018, 16/06683


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 30 JANVIER 2018

D.D

N° 2018/













Rôle N° 16/06683







[W] [R]





C/



[X] [Q]-[H]





















Grosse délivrée

le :

à :Me Creisson

SCP BERNARD

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tr

ibunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 25 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/09032.





APPELANTE



Madame [W] [R]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 16/3673 du 04/04/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 30 JANVIER 2018

D.D

N° 2018/

Rôle N° 16/06683

[W] [R]

C/

[X] [Q]-[H]

Grosse délivrée

le :

à :Me Creisson

SCP BERNARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 25 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/09032.

APPELANTE

Madame [W] [R]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 16/3673 du 04/04/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Nicolas CREISSON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,plaidant

INTIME

Monsieur [X] [Q]-[H]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté par par Me David BERNARD de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame DEMONT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, faisant fonction de Président,

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2018,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, faisant fonction de Président, et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Mme [W] [R] et M. [T] [T] ont été mariés entre 1985 et 2007 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.

Pour changer de régime matrimonial au profit d'une séparation de biens, un acte de partage de la communauté ayant existé entre les époux a été dressé le 29 novembre 1993.

Parallèlement à la procédure de divorce entre les époux, Mme [W] [R] a engagé une action en rescision pour lésion de l'acte de partage et recel de communauté avec l'assistance d'un avocat, Me [Q]-[H], membre de la SCP [L].

Par jugement du 16 juillet 2008 le tribunal de grande instance de Draguignan a déclaré l'action irrecevable, faute de publication de l'assignation à la Conservation des hypothèques. Par arrêt du 24 novembre 2009 la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé ce jugement.

Par exploit du 8 juillet 2013 Mme [W] [R] a fait assigner Me [H] en responsabilité civile professionnelle.

Par jugement en date du 25 février 2016 le tribunal de grande instance de Marseille a débouté Mme [W] [R] de toutes ses demandes et Me [Q]-[H] de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive, dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné M. [R] aux dépens.

Le 12 avril 2016 Mme [W] [R] a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 29 juin 2017 il demande à la cour :

' d'infirmer le jugement entrepris ;

statuant à nouveau

' de dire que Me [Q] [H] a commis des fautes lourdes engageant sa responsabilité civile, que celles-ci ont empêché le tribunal de grande instance de Draguignan en 2008 puis la cour d'appel en 2009 de juger au fond la demande de rescision pour lésion et de recel de communauté de Mme [W] [R] , de dire que celle-ci avait des chances que son action soit recevable et jugée bien-fondée ;

' de déterminer quel pourcentage de chance avait Mme [R] de voir admise la rescision pour lésion du partage de communauté ;

' de condamner Me [Q]-[H] à lui payer ce pourcentage sur les 585'379 € de solde de soulte qui aurait du lui être versés en 2010 dans le cadre d'un nouveau partage de communauté ;

' de dire qu'elle avait des chances que soit considéré comme démontré le recel de communauté par l'apport irrégulier au passif de la communauté d'une somme de 600'000 Fr. (91'470 €) ;

' de condamner Me [Q]-[H] à lui payer un pourcentage à fixer :

- sur les 91'470 € objet du recel de M. [T] ;

- sur les 868'690 € correspondant à la valeur des parts sociales de la SCI Vivarel, au prorata de la moyenne des chances de succès décidées par la cour ;

- sur les 3000 € qu'elle a dû payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- sur les 7500 € demandés au titre de la résistance abusive et de l'article 700 du code de procédure civile ;

' de dire que les sommes accordées porteront intérêt au taux légal à compter du 16 juillet 2008, date de la décision du tribunal de grande instance de Draguignan, puisque l'exécution provisoire avait été demandée expressément à ce tribunal ;

' de le condamner à lui payer la somme de 10'000 € par an pour résistance abusive, et celle de 10'000 € au titre du préjudice moral ;

' et de condamner M. [Q]-[H] à lui payer la somme de 10'000 €

à Me Nicolas Cresson au visa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle outre les dépens avec distraction.

Par dernières conclusions du 14 avril 2017 Me [Q] [H] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes reconventionnelles tendant à voir condamner l'appelante à lui payer la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et en tout état de cause de la condamner à lui payer la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Sur la faute

Attendu que le tribunal a justement retenu qu'il se forme entre l'avocat et son client un contrat de mandat obligeant l'avocat à accomplir toutes tous les actes et les formalités nécessaires à la régularité de fond et de forme de la procédure, à veiller à la défense des intérêts de son client en mettant en 'uvre les moyens adéquats, et à prendre toutes les initiatives qu'il juge conforme à l'intérêt de son client ; que dans le cadre de son mandat ad litem, l'avocat est tenu d'une obligation de diligence quant aux actes procéduraux et au respect des délais ; qu'il appartenait à Me [Q]-[H], avocat, d'assurer la direction du procès pour le compte de sa cliente et de s'assurer que l'assignation avait bien été publiée à la Conservation des hypothèques devant le tribunal, puis devant la cour ; que la publication n'est intervenue en cause d'appel que devant le bureau des hypothèques du Var, alors qu'elle aurait dû être également régularisée auprès du bureau des hypothèques des Alpes-Maritimes ; et que c'est le manquement de l'avocat qui a entraîné l'irrecevabilité de la demande en justice de Mme [R] ;

Attendu sur le dommage issu de la faute de l'avocat, qu'il appartient à Mme [R] de démontrer qu'elle avait des chances d'obtenir gain de cause ; que Mme [R] avait saisi le tribunal d'une demande de rescision pour lésion de l'acte de partage et invoquait également un recel de communauté commis par son ex-époux à son préjudice ; qu'il y a lieu de reconstituer la discussion qui aurait dû s'instaurer devant la juridiction sans la faute de l'auxiliaire de justice afin de déterminer si Mme [R] a ou non perdu une chance de succès de son action ;

Sur le dommage et le lien de causalité

Attendu que dans le cadre de la procédure dirigée contre lui, M. [T] avait conclu à l'irrecevabilité des demandes de Mme [R] au motif que son ex-épouse avait revendu un des biens issus du partage, de sorte qu'elle aurait confirmé l'acte de partage au sens de l'article 1338 du code civil ;

Mais attendu qu'il ressort des productions que Mme [R] a vendu son studio le 27 novembre 1997 après avoir signé une promesse synallagmatique de vente le 20 août 1997 ; qu'entre-temps, le 19 octobre 1997, elle a adressé une lettre à son ex-époux (pièce 54 de l'intimé) où elle annonce : «Je demanderai également une estimation judiciaire du domaine du Tombarel ('), ce qui me permettra de savoir la valeur de ta part . Le juge pourra, ainsi éclairé, déterminer le montant de la prestation compensatoire auquel j'ai droit. » ; qu'ensuite Mme [R] s'étonne devant l'importance des sommes que les parents [T] sont censés avoir prêtées à leur fils, compte tenu de la faiblesse de leurs ressources , pour en conclure : « Croyez-vous que la juge aux affaires familiales va gober toutes vos affabulations pour t'éviter une prestation compensatoire ''! » (sic);

Attendu qu'il n'est fait mention ni de partage inégalitaire ni de lésion, mais seulement de l'aptitude de M. [T], compte tenu de ses revenus, patrimoine et de train de vie importants, à lui verser une pension alimentaire et une indemnité compensatoire conséquentes ;

Attendu qu'il ne peut dès lors être considéré, contrairement à ce qu'à retenu le tribunal, qu'à cette date Mme [R] « a eu nécessairement connaissance du grief de lésion qu'elle a ensuite soumis au tribunal de grande instance de Draguignan en 1998, et qu'en aliénant malgré tout un des biens immobiliers retirés du partage elle a entendu, en connaissance de cause, confirmer l'acte et renoncer aux griefs susceptibles d'affecter la validité de l'acte de partage, et connaissant le vice, à le faire disparaître et d'autre part en vendant, elle a eu l'intention de le réparer, c'est-à-dire de renoncer à la rescision, au sens de l'article 1338 du code civil » ;

Attendu que de surcroît la promesse synallagmatique de vente valant vente ayant déjà été signée par Mme [R] , sa réitération par acte authentique respecte l' engagement contractuel qu'elle a souscrit ; qu'elle ne saurait s'interpréter comme la manifestation de la volonté de Mme [R] de renoncer à son action et d'exécuter l'acte de partage litigieux ;

Attendu que l' action en rescision pour lésion du partage n'était pas manifestement irrecevable et dès lors vouée à l'échec, contrairement à ce que soutient à présent l'avocat qui l'avait introduite ;

Attendu ensuite sur le fond que Mme [R] soutenait dans le cadre de cette procédure que son ex-époux avait commis un recel de communauté, d'une part en intégrant au passif de la communauté une prétendue dette envers les parents de M. [T], inscrits au passif de la communauté à hauteur de 600 000Fr. , alors qu'il savait cette dette totalement fictive, et d'autre part en sous-évaluant sciemment à son détriment des éléments d'actif (la valeur des parts de la SCI Tombarel) ;

Attendu en premier lieu, en ce qui concerne les parts de la SCI Tombarel, que Mme [R] soutient qu'elles ont été sciemment sous-évaluées par son époux qui a retenu leur valeur au jour des donations, alors que le plan d'occupation des sols de Brignoles a été modifié le 31 mars 2012 faisant passer 22 des 31 ha du domaine en zone constructible, de sorte que ces parts avaient une valeur bien supérieure ;

Mai attendu que les premiers juges retiennent exactement que Mme [R] produit des rapports d'expertise déposés en juillet 2010 et décembre 2012, de sorte que la cour, si elle avait eu à statuer le 24 novembre 2009 n'aurait pas pu en tenir compte ;

Attendu que si la valeur des parts de la SCI Tombarel a augmenté après le partage, cette augmentation ne suffit pas ipso facto à établirde la part de l'époux la volonté de frustrer frauduleusement son épouse de sa part ou d'une partie de sa part de communauté et qu'il n'en ressort pas la preuve de l'élément intentionnel du recel en 1993, au moment du partage ;

Attendu que Mme [R] n'a pas perdu une chance d'obtenir gain de cause sur la question de la valeur des parts sociales de la SCI Tombarel ;

Attendu en revanche, s'agissant de la dette fictive de la communauté envers les parents de M. [T] s'élevant à 600 000Fr., que Me [Q]-[H] soutient qu'il ressort d'un bordereau de pièces que M. [T] avait déposé au cours de la procédure de première instance qui a tourné court, des justificatifs du règlement de dépenses engagées dans l'intérêt de son couple par ses parents et qu'il n'est pas démontré que la dette aurait été inscrite à tort au passif de la communauté à hauteur de ce montant ;

Attendu que le jugement déféré relève en ses motifs 'qu'au visa des pièces produites par M. [T], le tribunal [s'il avait été correctement saisi par l'avocat] , n'aurait pas retenu le caractère fictif de ce passif', tout en admettant par ailleurs que 'Certes ces pièces ne sont pas produites dans le cadre de la présente procédure en responsabilité, de sorte que le tribunal ne peut en apprécier la pertinence. Cependant, il appartient à Mme [R], demanderesse à l'action de démontrer que documents sont insuffisants pour justifier desdits prêts, de sorte que l'inscription de cette dette, manifestement fictive, au passif de la communauté, aurait constitué un procédé frauduleux tendant à la frustrer d'une partie de sa part. Or elle y échoue manifestement à défaut de produire ces pièces.' ;

Mais attendu que Mme [R] fait valoir que si en première instance, et aujourd'hui encore dans le cadre de la présente procédure d'appel en responsablité civile de l'avocat, elle n'est pas en mesure de verser aux débats ces éléments de preuve, c'est parce que Me [Q]-[H], dans le cadre de la présente action, ne lui a pas remis tout son dossier de plaidoirie et des pièces qui lui avait été communiqué par M. [T] dans le cadre de l'action en rescision et recel de communauté ;

Attendu que l'avocat répond et admet donc dans ses écritures qu'il a transmis son entier dossier, avec ses originaux et les pièces de son adversaire, à la société de Courtage des barreaux dont il a sollicité la garantie pour le sinistre suite à l'action en responsabilité dirigée contre lui, et qu'il n'est plus en mesure de produire, n'en ayant pas fait de photocopie ;

Attendu que la cour estime qu'en transmettant son dossier intégralement, sans en conserver une copie en ordre à son cabinet, Me [Q]-[H] a commis une faute d'imprudence et de négligence qui a privé en première instance comme en cause ici d'appel Mme [R] des éléments de preuve dont elle aurait dû disposer de l'éventuel bien-fondé de ses prétentions contre son ex-époux ;

Attendu en conséquence que le jugement déféré ne peut être approuvé en ce qu'il a dit 'qu'au visa des pièces produites par M. [T], le tribunal, n'aurait pas retenu le caractère fictif de ce passif', alors que les premiers juges ne disposaient pas de ces documents égarés par l'avocat;

Attendu qu'il est certain que Me [Q] a privé le tribunal, et aujourd'hui la cour, de la possibilité d'apprécier, au vu des pièces produites par M. [T] si celles-ci justifiaient l'inscription au passif de la communauté de la somme de 600'000 Fr. ou si au contraire il s'agissait d'une imputation frauduleuse par un époux d'une dette personnelle au passif de la communauté qui diminuait, au profit de cet époux, l'actif commun partageable, ce qui est constitutif à la fois d'un recel de communauté et entraînait une lésion dans le partage comme Mme [R] le soutenait ;

Attendu que nonobstant l'absence de production de ces pièces, il convient de relever que Me [Q], alors en défense aux côtés de Mme [R], s'était attaché à démontrer pourquoi les 600'000 Fr. ne pouvaient pas être des dettes de la communauté ; qu'il écrivait alors que 201'958 Fr. étaient postérieurs au changement de régime matrimonial de communauté, et donc à la dissolution du régime matrimonial de communauté le 29 novembre 1993, les nouvelles dettes ne pouvant pas être communes, que 15'000 Fr. étaient des frais de donation de M. [T] [T] incombant en propre au destinataire de la donation, M. [T], et concernant ce dernier en propre, que 343'227 Fr. étaient des travaux et 52'035 Fr., des frais d'achat d'ordinateurs ne concernant la communauté qu'au prorata en réalité de ses parts dans la SCI Tombarel ;

Attendu de surcroît que l'expert désigné pour estimer les biens des époux dans le cadre de la procédure de divorce afin de déterminer le montant de la prestation compensatoire qui pourrait être due à l'épouse, M. [I], avait demandé à M. [T] les justificatifs du montant de 600 000 Fr. ; qu'il est constant qu'il avait conclu sans équivoque, à l'examen de ces 21 pièces, que ce montant avait été imputé à tort au passif de la communauté entre époux, aucune des dépenses alléguées ne concernant la communauté, et que cet expert a mis les 600'000 Fr. à la charge personnelle de M. [T] ;

Attendu que Mme [R] avait donc des chances importantes de voir juger qu'en imputant ces 600'000 Fr. M. [T] avait abusivement réduit la masse commune à son profit, lésé le demi-actif net de Mme [R], et baissé le montant de sa soulte ;

Attendu que la cour estime toutefois que, d'une manière générale, il est difficile de faire la preuve d'un recel de communauté et d'établir la volonté de frustrer son conjoint de sommes ; qu'au cas d'espèce cette volonté aurait dû se déduire de la nature même des dépenses mises à la charge de la communauté et de la fausse allégation par M. [T] d'une dette en résultant envers ses parents, alors qu'à l'opposé, il ne peut être exclu que le mari ait commis une erreur excusable d'imputation en voulant calculer au plus juste le montant de la soulte à verser à l'épouse, sans intention frauduleuse ; que Me [Q]-[H] fait valoir exactement sur ce point qu'au moment du partage en 1993, les époux [T] étaient toujours mariés, qu'ils étaient convenus de procéder à un changement de régime matrimonial, et que ce n'est que 4 ans plus tard que Mme [R] a présenté une requête en divorce ;

Attendu qu'en revanche la prétendue dette de M. [T] n'étant pas justifiée, Mme [R] soutient à bon droit que le partage, sans l' imputation erronée de 600'000 Fr., aurait vu la soulte que la communauté lui devait s'élever à 867'777 Fr., selon le projet de calcul alternatif que le notaire rédacteur de l'acte de partage, Me [M], avait présenté en excluant les 600'000 Fr. du passif de la communauté, alors qu'elle n'a reçu que 567'777 Fr. selon le calcul qui les intégrait au passif de la communauté ;

Attendu qu'en application de l'article 887 du code civil la lésion doit être calculée en comparant, en se plaçant la date du partage, la valeur du lot attribué aux copartageant qui se prétend désavantagé et la valeur de la part qui aurait dû lui revenir dans l'actif ;

Attendu que Mme [R] a été lésée, mécaniquement, indépendamment de toute faute de celui qui a profité de la lésion, d'un montant de 300'000 Fr. (45'731, 70 €) , c'est-à-dire de plus du quart, le quart de 867'777 Fr. s'élevant à 216'944,25 Fr. ;

Attendu que d'une part l'action en rescision pour lésion et l'action pour recel, si elles sont indépendantes l'une de l'autre, n'auraient pas pu prospérer ensemble favorablement dans le cadre de la réparation de la faute professionnelle de l'avocat et donner lieu à un cumul des sanctions prévues à ces deux actions, contrairement à ce qui est réclamé ; que d'autre part l'action en recel n'avait que de faibles chances de prospérer comme il a été dit supra ;

Attendu que Mme [R] démontre les fautes professionnelles commises par Me [Q] et l'existence d'un préjudice en lien de causalité direct avec ces manquements issu de la perte d'une chance importante, que la cour évalue à 70% d'obtenir la réparation de sa lésion, plutôt que d'un recel de communauté, soit 70 % de 300'000 Fr. (45'731,70€) ;

Attendu qu'il y lieu de faire droit à sa demande indemnitaire à hauteur de 32'012,19 € ;

Attendu que Mme [R] par ailleurs prétend justement à la réparation de la perte d'une chance de ne pas avoir eu à verser à son adversaire la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à la réparation de la perte d'une chance de bénéficier elle-même d'une condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 2000 € à ce titre ; que le pourcentage étant estimé par la cour être de 70 %, ce préjudice sera donc préparé par l'octroi de la somme de 3500 € (2100 € + 1400 €) ;

Attendu que l'appelante sollicite encore l'octroi d'une somme de 10'000 € par an à partir du 3 mai 2010 pour résistance abusive de Me [Q] qui a refusé toute proposition d'indemnisation alors que sa faute professionnelle était certaine, l'obligeant à intenter une action en justice ;

Mais attendu qu'ayant obtenu gain de cause en première instance, aucune résistance abusive de la part de Me [Q] au paiement de dommages intérêts à sa cliente ne peut être retenue, d'où il suit le rejet de cette demande indemnitaire ;

Attendu qu'en revanche Mme [R] justifie avoir subi de nombreux tracas par la faute de son conseil ; que ce préjudice moral sera entièrement indemnisé par l'octroi de la somme de 10'000 € à titre de dommages intérêts ;

Attendu que Me [Q]- [H] est donc redevable au total d'un montant de 45 512,19€ (32012+ 13 500) ; qu'une créance indemnitaire fait courir des intérêts légaux à compter de la date de sa fixation seulement ; qu'il y a lieu de rejeter la demande tendant au versement d'intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter du 16 juillet 2008 ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et ajoutant

Dit que M. [X] [Q]-[H], avocat, a commis une faute professionnelle,

Le condamne à verser à Mme [W] [R] la somme de 45 512,19 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne M. [X] [Q]-[H] à payer à Me Nicholas Cresson la somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, outre les dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/06683
Date de la décision : 30/01/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/06683 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-30;16.06683 ?
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