COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2018
N° 2018/
Rôle N° 15/11667
[E] [A]
C/
SARL CENTRAL MEDICAL
Grosse délivrée
le :
à :
Me Clémence BARBIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Audrey JURIENS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section commerce - en date du 11 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/00125.
APPELANT
Monsieur [E] [A], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Clémence BARBIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 209
INTIMEE
SARL CENTRAL MEDICAL, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Audrey JURIENS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Novembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès MICHEL, Président
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2018.
Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [E] [A] a été embauchée par la Sarl Central Médical le 24 février 2009 en qualité de télévendeur de consommables pour les professions médicales et para-médicales, qualification d'attaché commercial coefficient 160 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique (IDCC 1621) moyennant une rémunération mensuelle fixe brute de 1.400,02 € à laquelle s'ajoutaient une commission et des primes en fonction de la marge bénéficiaire nette réalisée avec un seuil de déclenchement fixé à 3.999 €, puis par avenant du 26 février 2010, à 5.999 €.
Le 05 janvier 2011 Monsieur [A] et son employeur avaient une vive conversation, et à compter du 6 janvier 2011, le contrat de travail a été suspendu pour cause de maladie ; au cours de cette suspension l'employeur signifiait au salarié trois avertissements, les 06 janvier (2 avertissements) et 21 janvier 2011, tandis que dans le même temps, le salarié écrivait, par courriers des 7 et 14 janvier 2011 à l'employeur ainsi qu'à l'inspection du travail et au parquet du procureur de la République pour se plaindre de harcèlement.
Reprochant à l'employeur d'avoir mené à son encontre une véritable politique de sape en le dévalorisant, en le poussant à bout, en l'humiliant devant ses collègues de travail, en l'éloignant physiquement de ceux-ci, d'avoir également opéré des retenues sur la marge dégagée et modifié son secteur géographique ayant des conséquences directes sur son salaire, d'avoir refusé de lui donner les explications relatives à ces modifications salariales, et de lui avoir faussement reproché d'utiliser son téléphone personnel pendant les heures de travail allant même jusqu'à lui confisquer son téléphone dans la journée du 5 janvier 2011, Monsieur [E] [A], par lettre du 1er février 2011, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, et, le 04 février suivant a saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence, section commerce, aux fins d'obtenir l'annulation des avertissements et la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes.
Par jugement de départage du 11 mai 2015 le conseil des prud'hommes a :
' Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission;
' Condamné la Sarl Central Medical à payer à Monsieur [E] [A] les sommes de :
' 110,50 € à titre de rappel de salaire,
' 11,05 € au titre de l'incidence congés payés sur ledit rappel,
' Débouté Monsieur [E] [A] du surplus de ses demandes
' l'a Condamné à payer à la Sarl Central Medical les sommes de :
' 2.814,88 € pour inexécution du préavis de démission,
' 1.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Débouté la Sarl Central Medical de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
' Condamné Monsieur [E] [A] aux dépens.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 29 juin 2015 Monsieur [E] [A] a interjeté appel général de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 03 juin 2015.
Par conclusions déposées le 29 novembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence, par application de l'article 455 du code procédure civile, pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, Monsieur [E] [A] soutient que dans sa lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail il s'est prévalu davantage d'une multitude de manquements contractuels de la part de son employeur, que d'un harcèlement moral puisqu'il y a en effet invoqué une modification de son contrat de travail, une exécution déloyale du contrat de travail par son isolement et le retrait de ses outils de travail et enfin une multiplication des sanctions infondées, et demande à la cour de :
' Reformer le jugement entrepris
' Constater que l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles, de façon grave et répétée
' Annuler les avertissements des 6 janvier, 13 janvier et 21 janvier 2011
' Requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse,
' Condamner la Société Central Medical à lui payer les sommes de :
' 2.842,59 euros a titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 284,25 euros a titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
' 1.089,58 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
' 15.397,87 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
' 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
' 110,50 euros à titre de rappel de salaire
' 11,05 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,
' 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' La Condamner aux dépens,
' la Débouter de l'ensemble de ses demandes.
Par conclusions déposées le 29 novembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, la Sarl Central Médical soutient que Monsieur [E] [A] tente vainement de changer le fondement de sa lettre de résiliation du contrat de travail, rédigée en réalité pour aller rejoindre un autre employeur, et demande à la cour de :
' Confirmer le jugement dont appel;
' Dire et Juger que Monsieur [A] ne rapporte pas la preuve de l'existence de faits graves justifiant sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail;
' Dire et Juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit être considérée comme une démission et en produire les effets;
' Débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,
' Dire et Juger que Monsieur [A] a abusé de son droit de rompre son contrat de travail
Par conséquent :
' Le Condamner à lui payer les sommes de
' 2 814,88 € à titre d'indemnité pour inexécution du préavis;
' 5 000 € en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture abusive;
' 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;
' 2 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
' Le Condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
La régularité de l'appel interjeté dans les conditions ci-dessus décrites, n'est pas contestée.
- Sur les avertissements
Selon l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et, au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction ; si, éventuellement après mesure d'instruction, un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L 1333-2 ajoute que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Il est constant que les avertissements qui ont été infligés à Monsieur [E] [A] font suite à une vive discussion qui a eu lieu le 5 janvier 2011, le premier ayant d'ailleurs pour objet ladite discussion, et ont été adressés au salarié alors que celui-ci était en arrêt de travail au cours duquel il a lui-même adressé à l'employeur un courrier de reproche posté le 7 janvier 2011 ;
Les deux premiers avertissements ont été adressés au salarié concomitamment dans le même pli recommandé numéro 1 A 0 47 835 2770 9 posté le 6 janvier 2011 ;
le premier est ainsi libellé : [caractère gras ajouté par la cour]
" Nous sommes contraints de vous notifier un avertissement pour les faits qui se sont produits le 5 janvier 2011, concernant le non-respect des règles de bon fonctionnement de l'entreprise, à savoir : l'utilisation de votre téléphone personnel dans l'enceinte de l'entreprise, et ce, sans l'accord de votre supérieur hiérarchique.
Bien que vous ayez été averti en amont oralement , nous vous rappelons que l'usage d'un téléphone personnel dans l'enceinte de l'entreprise est toléré pour des raisons urgentes et non pour envoyer des textos ou " tchatter " sur Internet.
Lorsque que nous vous avons surpris et demandé de cesser d'utiliser votre portable personnel à des fins n'en urgentes, vous vous êtes mis à contester violemment nos directives et ce devant tous les employés du pôle commercial.
A la suite de cela, de retour de votre pause déjeuné vous nous avez sollicités afin de nous avertir de votre désir de quitter la société Central Médical.
Lors de l'entretien que nous avons eu, vous avez eu une attitude incorrecte en tenant notamment des propos déplacés, voire outrancier envers votre supérieur hiérarchique, Monsieur [H] [O] (votre employeur) et ce devant son associé Monsieur [J] [P].
Vous l'avez entre autres " traité " nous vous citons de : " menteur "
vous avez également prétexté que nous nous acharnions contre vous sans pouvoir formuler de quelle manière nous pratiquions le " soi-disant " acharnement ; hormis les reproches que nous vous avons faits concernant l'utilisation de votre portable personnel dans l'enceinte de l'entreprise et la déduction faite sur vos salaires concernant vos retards et absence.
Ce n'est pas la première fois que vous vous permettez de contester violemment les ordres de vos supérieurs en faisant fi d'un respect qu'ils ont eux envers vous.
Nous voulons à tout prix attirer votre attention sur le fait que notre société ne tolérera plus désormais vos sautes d'humeur et colères, et d'une façon générale tout comportement irrespectueux envers vos supérieurs hiérarchiques.
Pour l'ensemble de ces faits nous vous infligeons un avertissement' "
S'il est certain qu'une discussion a eu lieu le 5 janvier 2011 entre les parties à propos de l'utilisation, par le salarié, de son téléphone portable personnel sur le lieu de travail, aucune pièce n'est produite par l'employeur quant à l'attitude incorrecte reprochée au salarié devant les autres membres du personnel alors surtout que ce dernier reproche l'employeur de lui avoir confisqué pendant quelques heures ce téléphone portable ;
dans ces conditions et alors que le salarié conteste avoir utilisé ce téléphone, il y a lieu d'annuler l'avertissement ;
le second avertissement, également infligé le 6 janvier 2011, est relatif à des clients mécontents ; il est ainsi libellé : [caractère gras ajouté par la cour]
" Nous sommes contraints de vous notifier un nouvel avertissement pour les faits suivants : le non-respect de vos directives de travail
1°) vous avez omis d'effectuer fin décembre 2010, un déblocage de draps médicaux à la SNCM Rééducation (client n° 5977).
Ce client nous a donc rappelé afin de connaître la date de réception de ses colis. Celui-ci nous a indiqué que ça n'était pas la première fois que cela arrivait et que vous auriez oublié, une fois de plus, leur déblocage.
Monsieur, sachez que ce client, comme tant d'autres, mérite d'être traité avec plus d'importance et moins de désinvolture dont vous faites preuve depuis quelque temps.
2°) le client n° 912, nous a appelé afin de signifier son mécontentement.
En effet, depuis sa commande faite le 26/11/2010 en notre société et par vos soins, il ne cesse d'appeler afin que vous honoriez le geste commercial, que vous vous étiez engagé à effectuer sur sa facture.
Or vous avez laissé la situation se dégrader et du coup afin de ne pas perdre le client, vous nous avez obligé à lui effectuer une ristourne encore plus importante.
Nous nous retrouvons face à cette commande en perte totale et en plus vous avez été rémunéré sur ce client alors que vous n'auriez pas dû l'être.
3°) les clients n° 8144, 8171, 8152, 8146 n'ont plus été appelés depuis juillet 2010, alors que vous avez consigne d'appeler vos clients tous les 2 mois. De ce fait, ces clients ne se rappellent plus de notre entreprise, ce qui a des conséquences fâcheuses sur notre société.
En espérant que ce genre de problème ne se généralisera pas.
Pour l'ensemble de ces faits nous vous infligeons un avertissement' " ;
Le troisième avertissement, infligé le 21 janvier 2011 est ainsi libellé : [caractère gras ajouté par la cour]
" Nous sommes contraints de vous notifier un nouvel avertissement pour les faits suivants :
le non-respect de vos directives de travail
1°) vous avez omis d'effectuer fin décembre 2010, un déblocage de draps médicaux pour les clients suivants : n° 3230, 6002, 8035, 5149.
Ces clients nous ont donc rappelés afin de connaître la date de réception de leurs colis. Ceux-ci nous ont indiqué que ça n'était pas la première fois que cela leur arrivait et que vous auriez oublié, une fois de plus leur déblocage.
2°) le client n° 8445, nous a appelé afin de nous signifier son mécontentement.
En effet, depuis sa commande du 22/11/2010 en notre société, par vos soins, cette personne n'a jamais reçu sa marchandise, car vous n'avez pas daigné nous transmettre sa commande (pas assez de marge bénéficiaire à votre goût). Ce client ne désire plus travailler avec nous depuis.
3°) les clients n° 8144 et 7460 n'a plus été appelé depuis juillet 2010, alors que vous avez consigne d'appeler vos clients tous les 2 mois. De ce fait, ces clients ne se rappellent plus de notre entreprise, ce qui a des conséquences fâcheuses sur notre société.
4°) le client n° 6268 nous a appelé également pour signifier son mécontentement car lors de sa commande initiale le 01/10/2010 pour vous étiez trompé sur la dimension de ses cotons.
Vous lui aviez promis un échange que vous n'avez jamais honoré.
Nous nous trouvons obligés de lui envoyer 12 sachets de coton et cela gratuitement.
Monsieur, sachez que ces clients, comme tant d'autres, méritent d'être traités avec plus d'importance et moins de désinvolture que celle dont vous faites preuve depuis quelque temps.
Pour l'ensemble de ces faits nous vous infligeons un avertissement' " ;
A l'appui de ces deux avertissements la Sarl Central Médical ne produit aucun courrier de plainte de la part de clients mais seulement cinq avoirs en date des 3 novembre 2010, 22 novembre 2010 et 23 novembre 2010, concernant les clients numéro : 1807, 8442, 4202, 8790, et 8227 ;
force est de constater qu'aucun de ces avoirs ne correspond aux clients visés dans les lettres d'avertissement reproduites ci-dessus ;
la cour relève également que, s'agissant du client numéro 8144 le même fait est sanctionné deux fois les 06 janvier et 21 janvier 2011 alors que Monsieur [E] [A] n'avait pas repris le travail entre ces deux dates et que le manquement visé ne pouvait s'être renouvelé entre les deux avertissements ;
Dans ces conditions ces deux avertissements doivent également être annulés ;
2- Sur la rupture du lien contractuel
La prise d'acte est l'acte par lequel, avant toute convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, le salarié informe directement son employeur qu'il met un terme à son contrat de travail en raison de faits qu'il lui reproche, survenus et connus antérieurement à sa décision et caractérisant un manquement suffisamment grave à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Il incombe au salarié de prouver la réalité des griefs qu'il invoque.
Cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
En l'espèce Monsieur [E] [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier recommandé du 1er février 2011 ainsi libellé : [caractère gras ajouté par la cour]
' (...) Compte tenu de mes compétences et de mon investissement dans mon travail, vous m'avez chargé de former les nouveaux arrivants au travail de Telé Vendeur ce que j'ai effectué durant plusieurs mois.
C'est lorsque j'ai voulu que mes nouvelles fonctions soient officialisées sur mon contrat de travail que mes ennuis ont commencés.
Vous avez refusé de faire droit à ma demande de modification de mon intitulé de poste et vous avez soudainement commencé à considérer que je n'étais plus un bon élément.
Pourtant au mois de décembre 2010, j'ai obtenu les meilleures performances de vente, soit 14.000 euros de marge.
Vous avez néanmoins décidé de mener une véritable politique de sape a mon égard en me dévalorisant, en me poussant à bout, en m'humiliant devant mes collègues de travail.
Vous m'avez également fait des retenues sur la marge dégagée ce qui a des conséquences directes sur mon salaire et lorsque je vous ai demandé des explications vous avez indiqué que vous aviez tout jeté (soit 200 euros de justifié sur le 900 euros retenus).
D'ailleurs, j'ai pu constater qu'il m'est impossible de déterminer avec certitude le salaire que je vais percevoir d'un mois sur l'autre car en fait, je n'ai aucun salaire minimum garanti. (..)
Le 3 janvier 201l, en rentrant de congé, je me suis aperçu que vous m'aviez retiré 4 départements de mon secteur de prospection sans m'en parler et sans justification.
Je me suis rendu à votre bureau pour que vous me donniez des explications et vous m'avez indiqué qu'il s'agissait d'un choix discrétionnaire de votre part.
Le 5 janvier .201l au matin, vous avez poussé mon bureau violemment contre le mur alors que j'étais en ligne avec une cliente.
Puis, vous avez saisi mon téléphone personnel que je n'utilisais pas et alors que j'étais également au téléphone avec un client.
Après mon appel, j'ai tenté de récupérer mon téléphone personnel, sans succès, vous n'avez pas voulu me le rendre.
Je suis revenu vous voir quelques temps après pour vous demander si je pouvais l'éteindre et c'est là que j'ai constaté que vous étiez en train de le consulter mes données personnelles.
J'ai pu récupérer mon téléphone car il était 12 heures et je partais en pose.
Lors de mon retour à 14 heures, j'ai souhaité discuter avec vous entretien individuel.
Vous avez fini par me dire que soit j'abandonnais mon poste soit je retournais travailler à «vos conditions».
J'ai voulu reprendre mes fonctions après la pose et c'est à ce moment la que vous m'avez dit que je n'avais plus droit à des poses.
Je suis remonté dans le bureau et j'ai constaté que vous aviez changé mon bureau de place pour m'éloigner de tous les autres commerciaux et que vous m'avez retiré tous mes fichiers clients, c'est-à-dire tous les classeurs avec les 'ches clients à l 'intérieur, soit une quinzaine de départements, soit une dizaine de classeurs.
J'ai fini ma journée de travail dans ces conditions, c'est-à-dire avec uniquement un téléphone, les pages jaunes et un stylo comme instrument de travail.
A la suite de ces évènements, il m'était impossible de reprendre mon travail, compte tenu de mon état de santé et de votre comportement.
Enfin, durant mon arrêt de travail, du 6 janvier au 2l janvier 2011, j'ai reçu 3 avertissements que je conteste intégralement alors que je n'en ai jamais reçu durant mes deux ans d'activité. (...);
En conclusion, il est clair que vous souhaitez que je démissionne de mon emploi.
Pourtant, les circonstances démontrent parfaitement que la situation que je subis s'assimile à du harcèlement moral.
Dans ce contexte et pour toutes ces raisons, je vous informe que je prends acte de la rupture de mon contrat de travail, à vos torts exclusifs . (...) ,'
Même si Monsieur [E] [A] indique dans ses écritures et à la barre que dans cette lettre il ' se prévaut davantage d'une multitude de manquements contractuels de la part de son employeur, que d'un harcèlement moral ', il résulte expressément de ce courrier qu'il fait grief a la Sarl Central Medical d'avoir commis à son encontre des faits qu'il qualifie de harcèlement moral manifesté d'une part, par une politique de sape psychologique, de dévalorisation et d'humiliation, d'autre part, par des manquements à ses obligations contractuelles ;
dès lors c'est à juste titre que le premier juge a rappelé que selon l'article L1152-1 du code du travail, en sa rédaction applicable aux faits de la cause, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et que selon l'article L1154-1 du même code, en vigueur du 1 mai 2008 au 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 (...) le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La Sarl Central Médical soutient que le courrier sus-visé du 1er février 2011 ' n'émane manifestement pas de la plume de M. [A] mais de celle d'un juriste et se fonde sur des faits bien différents de ceux évoqués dans le courrier du salarié du 6 janvier 2011 adressé le 11 janvier 2011 ';
toutefois, outre le fait que la consultation et l'obtention de l'aide d'un juriste professionnel est un droit garanti par la loi et s'analyse même en un droit fondamental, la comparaison du courrier de prise d'acte et du courrier rédigé par Monsieur [E] [A] le 07 janvier 2011, démontre au contraire une identité des griefs reprochés dans les deux missives ;
en effet, par pli recommandé avec demande d'avis de réception posté le 07 janvier 2011 (AR signé à une date non précisée par le réceptionnaire et qui serait, selon l'employeur le 11 janvier 2011), Monsieur [E] [A] avait adressé à l'employeur un courrier contenant notamment les plaintes suivantes : [caractère gras ajouté par la cour]
' Je vous fais parvenir cette lettre pour faire un état de ma situation au sein de l'entreprise.
Une situation qui est devenue insoutenable pour moi suite à des faits m'empêchant d'exercer à bien mon travail.
Depuis un certain temps je me rends compte d'un changement d'attitude à mon égard.
Depuis la fin novembre 2010 lors de notre entretien pour faire apparaître mon poste de formateur à Central Médical votre attitude envers moi-même devient oppressante ainsi que gênante pour ma santé car je suis sujet à une pression et à un acharnement de la direction envers moi-même.
Par exemple lors du mois de décembre vous m'avez imposé de changer toute ma méthode de travail alors que mon chiffre d'affaires dégagé au mois reste bien au-dessus du contrat que nous avons signé ensemble ainsi que au-dessus de la majorité des employés.
Ensuite lors du mois de novembre je me retrouve avec des avoirs injustifiables de votre part car vous m'avez dit " j'ai tout jeté hier je suis désolé " et vous avez réussi à me justifier de 250 euro d'avoir sur 900 je reste encore à ce jour curieux à savoir que deux jours avant on me dit " tu en a quasiment pas, ne te fait pas de soucis ! ".
Pour continuer en janvier 2011 je m'aperçois qu'il me manque 4 de mes départements clients que j'ai prospectés en partie pour faire évoluer le chiffre d'affaires sur cette zone.
Depuis la création de l'entreprise à chaque fois que un commercial a dû céder un secteur (ce qui est normal car il faut que chaque commercial ait le même potentiel) vous avez demandé à ce commercial de faire un choix sur ces fichiers et de céder celui qui lui correspondait le moins. Là encore une fois bizarrement je n'ai même pas été informé de la direction de quel département ainsi que du nombre que vous m'aviez enlevé.
Deux jours après le mercredi 5 janvier vous venez vers mon bureau et vous le poussez violemment contre le mur, étant au téléphone avec une cliente je ne peux donc pas réagir je pense que une manière normale de déplacer un employé est d'attendre que cet employé ait fini sa conversation et lui demander de se déplacer sans forcément adopter la " force ".
Quelques heures après vous m'arrachez le portable de mon bureau encore une fois lors d'une communication avec une cliente (à savoir donc que je n'utilisais pas à ce moment) pareil je finis ma conversation et c'est en venant vers votre bureau que je me rends compte d'une part que vous n'avez aucunement le droit de me prendre mon portable personnel et de l'amener dans votre bureau est encore plus grave à mes yeux le fait de se permettre de regarder dans mon téléphone de tomber sur les comptes bancaires et s'attarder dessus en disant " ah il te reste 1200 euro ".
Suite à ces événements je décide donc de m'entretenir avec vous pour voir et sans même parler de cette situation Monsieur [H] rentre dans le bureau des commerciaux et me dit " ça tombe bien je voulais te rencontrer aussi ça peux plus durer tu peux arrêter de téléphoner ".
Surpris je continue mon travail et pendant l'entretien vous changer totalement d'avis car je pense que vous avez compris que j'étais fragile et que me pousser à bout serait un jeu d'enfant pour vous.' (') Cette situation m'a poussé à bout je suis parti le soir même à 6 heures en larmes me disant que je n'étais qu'un moins que rien, je n'arriver pas à m'expliquer comment j'ai pu en arriver là.
Cette situation m'affectait énormément au point moral comme physique car je n'arrive plus à fermer l''il de la nuit. Je suis donc aujourd'hui en arrêt maladie pour être anxio-dépressif suite à ces agissements.
Je viens donc vers vous car vous êtes responsables de la santé morale et physique de vos employés, et que aujourd'hui je ne suis plus apte à venir travailler dans de bonnes conditions.
En tant que directeur est associé je vous demande de rétablir les choses dans l'ordre pour ensuite prendre rendez-vous éventuel avec vous pour opter pour licenciement à l'amiable' " ;
certes l'énumération - même réitérée - d'un nombre importants de griefs, ne suffit pas, ainsi que l'a rappelé le premier juge, à établir la matérialité de faits précis et concordants constitutifs d'une présomption de harcèlement, mais en l'espèce il ne peut être reproché à Monsieur [E] [A] d'avoir varié, ni dans l'exposé de ses griefs, ni dans les conséquences qu'il en tirait ;
l'employeur a d'ailleurs, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 janvier 2011, répondu, point par point, aux reproches énumérés dans le courrier sus-visé du 07 janvier, en indiquant notamment : [caractère gras ajouté par la cour]
'1 : vous prétendez que depuis fin novembre j'aurais adopté une attitude " oppressante et gênante pour votre santé "' en outre vous indiquez un poste de formateur qui n'existe pas dans la société.
- Cela est faux' c'est vous qui êtes venus me voir à cette période pour vous plaindre de certains de vos collègues de travail' vous prétendiez ne plus vous entendre avec Mademoiselle [O] et m'avez informé que selon vous elle pratiquerait un travail de sape pour faire fuir les employés'
- Vous ne m'avez jamais mis en cause dans votre mal-être' bien au contraire
- je précise que je suis intervenu auprès de Mademoiselle [O] afin de comprendre ce qui pouvait bien se passer et si besoin est rétablir la situation'
- Vous aviez déjà eu des soucis avec d'autres employés et vous m'aviez tenu le même discours'
- Concernant le poste de formateur que vous mentionnez et qui n'a jamais existé dans la société il est vrai que vous m'avez demandé de faire apparaître sur votre fiche de paie le fait que vous " formez ". J'en ai été très surpris, comme je vous l'ai dit alors, sachez Monsieur que les nouveaux commerciaux sont placés à tour de rôle auprès des plus anciens pour s'inspirer des méthodes de travail que nous avons inculquées à tous les commerciaux' Il n'est donc pas concevable de me demander de faire paraître pour une formation un simple conseil que vous donnez ni de vous targuer d'être formateur
2 : vous prétendez qu'au mois de décembre 2010 je vous aurais imposé de changer complètement votre méthode de travail'
- C'est faux, je me suis simplement rendu compte que vous ne travaillez plus selon les directives et méthodes de travail que je vous avais indiquées dès votre arrivée dans l'entreprise'
- De plus, il s'agissait en fait non pas d'une remise en cause' mais ...d'un léger réajustement concernant la manière de gérer le rappel des clients' vous n'étiez d'ailleurs pas le seul à qui j'ai dû demander la même chose'
-' Je vous rappelle concernant votre chiffre d'affaires qu'au mois de décembre par exemple j'ai appliquées à celui-ci un coefficient de majoration multiplicateur de 1,5' Vous avez touché 2.659 EUR nets de salaire alors que votre fiche de paie ce serait en temps normal élevé à 2.161 EUR nets'
- Vous prétendez être au-dessus du niveau du chiffre d'affaires de la majorité des employés de la société, cela est faux, même s'il est vrai que vous faites partie des moyennes hautes
3 : vous insinuez que je vous aurais volé en vous appliquant des avoirs injustifiables
- cela est tout simplement scandaleux'
- ces avoirs sont dus au fait que vous avez commis des erreurs de commande ou des facturations beaucoup trop élevées'
4 : vous prétendez qu'en janvier 2011 je vous aurais retiré 4 de vos départements
- cela est faux, il s'agissait de secteurs qui vous étaient prêtés dans l'attente de les confier à d'autres commerciaux et vous étiez parfaitement au courant de cela
- si vous les avez travaillés et avez réussi à faire des ventes sur les clients déjà existants et créer d'autres clients cela ne me semble que très normal puisque c'est pour cela que vous avez été embauché et que je vous les avais provisoirement confiées
- en aucun cas je ne vous aurais retiré des départements que vous auriez affectionnés, car cela pourrait aller à l'encontre des intérêts de la société
- de plus je vous rappelle que les fichiers clients appartiennent intégralement à la société qui se réserve le droit de les confier à qui semble plus compétent pour les travailler ou bien plus simplement de les répartir de manière plus équitable afin d'égaliser les potentiels attribués à chaque commercial, c'est bien ce qui s'est passé
- je précise que nous avions évoqué ce rééquilibrage quelque temps auparavant ensemble avec d'autres commerciaux qui tout comme vous avaient plus de potentiel que d'autres et que personne n'a trouvé ailleurs redire, à ce moment-là vous n'avez donc pas été le seul dans cette situation contrairement à ce que vous prétendez
- en outre je vous invite à relire votre contrat de travail qui précise que :
" une (ou plusieurs) zone géographique vous sera attribué. Cette zone pour être remis en cause annuellement, soit à l'initiative de la direction, soit à votre propre initiative ".
5 : vous affirmez que le mercredi 5 janvier j'aurais " adopté la force " pour déplacer violemment votre bureau contre le mur
- cela il faut, je vous ai demandé à au moins quatre reprises au cours de la matinée de bien vouloir remettre votre bureau à sa place originelle car vous l'aviez déplacé sans m'en demander la permission préalable pour vous rapprocher de votre voisin
- vous avez une fois de plus fait fi de mes instructions pourtant formulées avec respect courtoisie et réagit une fois de plus comme bon il vous semblait
- las que vous ne teniez pas compte de mes instructions j'ai donc remis votre bureau à sa place moi-même mais en aucune manière je n'ai fait preuve de " violence " de démonstration de force ni d'une manière anormale de réagir'
- Je tiens à vous rappeler' Que pour faire plaisir à vous ainsi qu'à l'un de vos collègues de travail (Monsieur [V]) avec qui vous aviez l'air de bien vous entendre, j'ai placé celui-ci auprès de vous pour vous être agréable à tous les deux'
6 : vous prétendez que quelques heures plus tard je vous aurais arraché votre portable personnel et que je me serais attardé dessus pour regarder vos comptes'
- Cela il faut, après avoir constaté de visu que vous utilisiez votre portable personnel posé devant vous sur le bureau pour envoyer des messages qui avaient l'air de beaucoup vous amuser, je vous ai ainsi que l'associé observé pendant un moment (une bonne demi-heure)
- nous avons pu constater que la chose durait et qu'il ne s'agissait pas d'une utilisation ponctuelle. Vous le savez je tolère l'usage des portable personnel à des fins urgentes ou bien à la condition qu'on me le demande auparavant chose que je n'ai jamais refusée, vous le savez.
- L'utilisation que vous faisiez de votre portable de votre propre chef était anormal et non autorisée
- en aucune manière je ne me suis permis de regarder combien de commenter vos comptes bancaires'
7 : vous affirmez que suite à votre demande d'entretien je vous aurais dit " ça tombe bien je voulais te rencontrer aussi ça peux plus durer tu peux arrêter de téléphoner "
- cela est faux, au retour de la pause déjeuner j'ai constaté que vous étiez installés votre poste de travail mais que vous ne travailliez pas, vous étiez assis de biais par rapport à votre bureau et regardiez vos mains, le sol ou la fenêtre
- j'ai patienté plus d'une demi-heure avant de vous dire quoi que ce soit' Puis constatant que vous ne vous mettiez pas au travail, passant à côté de vous pour éditer des bordereaux je vous ai dit : " tu veux me voir [E], ça tombe bien je pense que nous avons des choses à dire ", puis de manière ironique au vu de votre attitude " tu peux en attendant continuer à ne pas téléphoner ". Je ne peux que constater une fois de plus que vous déformez mes propos'
8 : vous prétendez que je souhaite profiter de votre faiblesse pour vous pousser à bout'
- C'est faux, c'est vous est uniquement vous qui prétendez cela' Je vous ai rapproché de votre ami au sein de la société et l'ai installé au bureau à côté de vous
- oserez-vous prétendre là aussi que cela été pour vous pousser à bout'
9 : vous prétendez que suite à notre entretien deux solutions s'offrent à vous abandonner votre poste ou bien travailler sous la pression jusqu'à l'abandon de poste'
- C'est totalement faux, c'est vous qui lors de cet entretien,' êtes arrivé dans mon bureau les points faits et avez exigé que je vous licencie immédiatement'
- Vous avez également affirmé en hurlant pour faire entendre des autres employés que vous aviez les moyens de semer la zizanie au sein de mon équipe'
- Je vous ai demandé de vous calmer'
- Lors de votre retour dans le bureau des commerciaux vous avait affiché un air goguenard et satisfait'
- Vous n'étiez absolument pas en larmes et ne sembliez en aucun cas ..." ;
Il résulte clairement de ce courrier que certains faits matériels allégués par Monsieur [E] [A] dans son courrier de prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne sont pas contestés par l'employeur qui, dans sa lettre sus-visée, en donne seulement une explication différente de celle fournie par le salarié ; sont ainsi reconnus :
- le fait qu'il y a eu, fin 2010, une discussion entre les parties sur l'octroi de la qualité de 'formateur' revendiquée par le salarié et que l'employeur a refusé de mentionner sur les bulletins de salaire,
- le fait qu'en décembre 2010 un désaccord est intervenu quant aux méthode de travail du salarié,
- le fait qu'en novembre 2010 des déductions de commissions ont été effectuées correspondants à des avoirs que l'employeur dits être consécutifs à des erreurs de commande ou des facturations beaucoup trop élevées,
- le fait que 4 départements ont été unilatéralement enlevés de la zone géographique de prospection confiée à Monsieur [E] [A], ce retrait ayant eu une influence sur la rémunération du salarié,
- le fait que le 5 janvier 2011 l'employeur a déplacé le bureau de Monsieur [E] [A],
- le fait que le même 05 janvier 2011 l'employeur a confisqué le téléphone portable de Monsieur [E] [A] en l'emportant dans son propre bureau,
- le fait que le même 05 janvier 2011 l'employeur a retiré à Monsieur [E] [A] l'ensemble de ses fichiers clients qu'il a confié ' à qui bon lui semble ',
Pour établir les faits permettant de présumer l'existence du harcèlement dont il se plaint, Monsieur [E] [A] produit aux débats :
' la lettre de l'employeur du 14 janvier 2011, en (grande) partie reproduite, et analysée ci-dessus, de laquelle il résulte que certains faits allégués par le salarié ne sont pas contestés par l'employeur,
' ses bulletins de salaire dont, à compter de mars 2010, la présentation a changé et qui, à compter de cette date, non seulement n'individualisent plus les commissions par rapport au fixe, mais encore mentionnent des taux horaires variables; ainsi par exemple
- pour le mois de mars 2010, le bulletin de salaire mentionne un taux horaire de 23,6941 €
- pour le mois d'avril, le bulletin de salaire ne mentionne pas de taux horaire ni de commissions, la rémunération brute étant fixée à 2.929,73 € pour 151,67 heures de travail, soit un taux horaire de 19,31 €
- pour le mois de mai, le bulletin de salaire ne mentionne pas de taux horaire ni de commissions, la rémunération brute étant fixée à 3.024,42 € pour 151,67 heures de travail, soit un taux horaire de 19,94 €
- pour le mois de juin, le bulletin de salaire ne mentionne pas de taux horaire ni de commissions, la rémunération brute étant fixée à 3.051,18 € pour 151,67 heures de travail, soit un taux horaire de 20,11 €
- pour le mois de juillet, le bulletin de salaire ne mentionne pas de taux horaire ni de commissions, la rémunération brute étant fixée à 3.665,00 € pour 151,67 heures de travail, soit un taux horaire de 24,16 €
- pour le mois d'août, au cours duquel ont été pris les congés payés (20 jours) le bulletin de salaire ne mentionne pas de taux horaire ni de commissions, la rémunération brute de base étant fixée à 1.467,74 € pour 151,67 heures de travail, soit un taux horaire de 09,67 €, outre un ' arbitrage des congés payés ' de 1.793,20 € brut
- pour le mois de septembre, le bulletin de salaire ne mentionne pas de taux horaire ni de commissions, la rémunération brute étant fixée à 4.085,21 € pour 151,67 heures de travail, soit un taux horaire de 26,93 €
- pour le mois d'octobre, au cours duquel ont été retenues des absences (12 heures) et un retard sans solde (d'une demie heure) le bulletin de salaire ne mentionne pas de taux horaire ni de commissions, la rémunération brute étant fixée à 2.959,61 € pour 151,67 heures de travail, soit un taux horaire de 19,51 €, les retenues pour absence étant fixées à ce taux de 19,5135 € ,
- pour le mois de décembre 2010, au cours duquel ont été pris des congés payés (2 jours) le bulletin de salaire mentionne un taux horaire de 18,6655 €, la rémunération brute de base étant fixée à 2.831,00 € pour 151,67 heures de travail, outre un ' arbitrage des congés payés ' de 188,96 € brut ;
pour l'application du tableau figurant au 7ème du contrat de travail, dont la Sarl Central Médical se prévaut, il est nécessaire de connaître le montant du chiffre d'affaires réalisé par le salarié, ce qui n'est pas le cas concernant les bulletins de salaire décrits ci-dessus ;
' les avis d'arrêt de travail établis à compter du 06 janvier 2001 par le docteur [M], mentionnant un syndrome anxio-dépressif,
' un certificat en date du 06 janvier 2011 établi par ce même médecin qui « certifie avoir reçu en consultation Monsieur [E] [A] : il allègue avoir été victime de harcèlement professionnel, il présente ce jour un syndrome anxieux important, avec pleurs et troubles du sommeil' » ;
' Une attestation établie dans les formes légales le 7 janvier 2011 par Monsieur [E] [V] qui indique :
« en septembre 2009, date de mon entrée dans la société, j'ai été formé, en partie, par Monsieur [E] [A] qui débutait sa fonction de formateur au sein de la société Central Médical. Il a ainsi effectué de nombreuses formations jusqu'en novembre 2010.
Le mercredi 5 janvier 2011, alors que nos bureaux étaient rapprochés, notre employeur nous a séparés brutalement alors que nous étions tous deux en ligne avec un client. Une heure après environ, mon employeur est venu retirer le téléphone portable personnel de [E] [A] ni qui était posé sur son bureau alors que mon collègue était toujours en ligne avec un client.
Ce même jour en milieu d'après-midi, l'employeur a enlevé la totalité des fichiers clients travaillés au quotidien par Monsieur [A]. Il l'a ensuite isolé des autres commerciaux en le changeant de place » ;
' Une attestation établie par Monsieur [J] [X] indiquant : « Monsieur [A] [E], employé, m'a formé au poste de télévendeur dans la société Central Médical, et j'ai également pu constater qu'à la suite de l'entretien le mercredi 5 janvier Monsieur [A] s'est fait retirer l'intégralité de son fichier clients » ;
' la copie d'une attestation établie dans les formes légales le 25 janvier 2011 par Monsieur [Y] [L] ainsi libellée : « Lors de mon entrée au sein de Central Médical, Monsieur [A] [E] a été mon formateur, dans un premier temps, au poste d'attaché commercial au mois de mars 2010. Dans l'après-midi du 5 janvier 2011, Monsieur [A] s'est fait retirer ses fichiers clients et mis à part des autres employés. Ce dernier a continué d'effectuer sa tâche d'attaché commercial jusqu'à la fin de journée » ;
Si, prises dans leur ensemble, ces pièces ne suffisent pas, faute de décrire des agissements répétés, à la formation d'une présomption d'existence d'un harcèlement moral, elles caractérisent en revanche et apportent la preuve de manquements, ponctuels mais graves, aux obligations de l'employeur qui, dans la journée du 05 janvier 2011 a non seulement procédé à la confiscation d'un objet personnel du salarié, l'a stigmatisé aux yeux de ses collègues de travail en déplaçant son bureau et en l'isolant du reste de l'équipe, et l'a privé brutalement d'outil de travail, le tout ayant profondément affecté le salarié qui a été contraint de consulter un médecin ;
de surcroît ces même pièces administrent la preuve que le calcul de la rémunération, même effectué en application du tableau inclus au contrat de travail, était effectué sans explications et qu'une partie du secteur géographique de prospection attribué à Monsieur [E] [A] lui a été retirée sans concertation ni délai de prévenance et sans que soit justifié qu'il ait été le seul à subir une telle modification ;
les pièces produites par l'employeur, qui concernent en très grande partie M. [E] [V], collègue de travail et ami de Monsieur [E] [A], qui a lui-même pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 14 septembre 2011 et qui, comme Monsieur [E] [A] a été débouté de ses demandes indemnitaires à l'encontre de l'employeur par jugement rendu par la même formation du conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence également le 11 mai 2015, ne suffisent pas à contrebalancer la force probante des éléments analysés ci-dessus ;
en effet la palinodie de Monsieur [L], encore engagé dans les liens contractuels, ne porte que sur son affirmation d'avoir eu Monsieur [E] [A] en qualité de formateur, et pas sur la description des faits du 05 janvier 2011 car il indique, dans sa nouvelle attestation établie le 06 juin 2011, qu'il souhaitait ' revenir sur ma décision envers mon employeur ', c'est à dire sur sa décision d'attester en faveur de Monsieur [E] [A], mais ne précise pas avoir menti dans sa première attestation sur des faits au demeurant admis par l'employeur ;
l'attestation de Mme [O] se borne à évoquer un 'comportement malsain ' de Mrs [V] et [A] à son encontre alors qu'elle occupait un bureau situé entre ceux de ces derniers, et une dispute avec M. [V].
C'est donc à tort que le premier juge a rejeté la demande de Monsieur [E] [A] tendant à faire produire à la prise d'acte de rupture du lien contractuel, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement doit donc être infirmé ;
Au 1er février 2011, jour de la rupture du lien contractuel, Monsieur [E] [A], qui était entré dans l'entreprise le 24 février 2009, totalisait une ancienneté de 1an 11 mois ;
les articles F2 et F3 de la convention collective susvisée ne contenant pas de stipulations plus favorables que les dispositions légales, Monsieur [E] [A], dont la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élevait à 2.162,55 € brut, et celle des 12 derniers mois à 2.842,59 €, a vocation à percevoir, en application des articles L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9 ensemble les articles R 1234-1 à R 1234-4 et L1235-5 du code du travail :
' 2.842,59 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
' 284,25 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,
' [(2.842,59 € /5) + {((2.842,59 € /5) / 12) x 11)} = ] 1.089,58 € à titre d'indemnité de licenciement,
' 11.372,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, somme évaluée en fonction de l'âge et de l'ancienneté du salarié et du fait qu'il a rapidement retrouvé un emploi au sein de la société Icare ;
En revanche la demande en dommages et intérêts distincts pour harcèlement moral sera rejetée;
3- Sur le rappel de salaire
Monsieur [A] conteste le montant des avoirs qui ont été déduits de son chiffre d'affaires en novembre 2010 à hauteur, selon-lui, de 900 € alors que l'employeur n'a pu justifier que 250 € d'avoirs;
la Sarl Central Médical rétorque qu'en novembre 2010, ce salarié a réalisé un chiffre d'affaires de 10.596 € et le montant des avoirs était de 514 €, que la marge réelle réalisée était donc de 10.182 € (10 696 -514) et qu'en application du tableau contractuel le pourcentage de commission était de 17 %., que le montant de la commission était donc de 1.730,94 € (= 10 182 X 17 % );
qu'à cette somme s'ajoutait, conformément au contrat de travail, une prime d'avoirs de 150 € car les avoirs des clients prospectés par Monsieur [A] étaient inférieurs à 10 % puisqu'ils s'élevaient a 4,8055 % (514 € d'avoirs sur 10 696 € de marge).
qu'à cette somme s'ajoutait également une prime d'assiduité de 150 € car Monsieur [A] avait été absent moins de 2 jours dans le mois.
qu'à cela s'ajoutait enfin, comme l'indique le tableau contractuel, une prime brute fixe de 800 € en sorte que le montant total de la rémunération était de 2 830,94 € (= 1 730,94 + 150 + 150 + 800) qu'il a perçue puisque le bulletin de salaire du mois de novembre 2010 fait ainsi apparaître un montant de 2.831€ ;
à l'appui de cette démonstration la Sarl Central Médical produit les cinq avoirs déjà évoqués ci-dessus, en date des 3 novembre 2010, 22 novembre 2010 et 23 novembre 2010, concernant les clients numéro : 1807, 8442, 4202, 8790, et 8227, démarchés par M. [A], totalisant la somme de 514,62 €;
il s'ensuit que la demande de Monsieur [E] [A] est infondée, que le jugement doit être infirmé et la demande en rappel de salaire rejetée ;
4-Sur les frais non répétibles
Il serait inéquitable de laisser Monsieur [E] [A] supporter l'intégralité de ses frais d'instance d'appel ; une somme de 1.500 € lui sera donc allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Annule les trois avertissements prononcés par la Sarl Central Médical à l'encontre de la Sarl Central Médical les 06 janvier et 21 janvier 2011;
Déclare la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, prononcée le 1er février 2011 par Monsieur [E] [A] fondée sur des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles ;
Dit que cette rupture porte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne en conséquence la Sarl Central Médical à payer Monsieur [E] [A] les sommes de :
' 2.842,59 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
' 284,25 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,
' 1.089,58 € à titre d'indemnité de licenciement,
ces sommes porteront intérêts calculés au taux légal à compter du 15 mars 2011,
' 11.372,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
cette somme portera intérêts calculés au taux légal à compter de la présente décision,
' 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts calculés au taux légal à compter de la présente décision ;
Deboute Monsieur [E] [A] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire ;
Deboute Monsieur [E] [A] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice consécutif à un harcèlement moral ;
Déboute la Sarl Central Médical de ses demandes ;
Condamne la Sarl Central Médical aux dépens de première instance et d'appel.
Le GreffierLe Président