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26/01/2018 | FRANCE | N°15/11636

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 26 janvier 2018, 15/11636


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 26 JANVIER 2018



N° 2018/





Rôle N° 15/11636





Association CHRYSALIDE MARSEILLE





C/





[I] [Y]







Grosse délivrée

le :



à :



Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Fabienne FILIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE











Décision déférée à la Cour :



Ju

gement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section activités diverses - en date du 21 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1222.







APPELANTE



Association CHRYSALIDE MARSEILLE, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 26 JANVIER 2018

N° 2018/

Rôle N° 15/11636

Association CHRYSALIDE MARSEILLE

C/

[I] [Y]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Fabienne FILIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section activités diverses - en date du 21 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1222.

APPELANTE

Association CHRYSALIDE MARSEILLE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [I] [Y]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/7389 du 16/07/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

comparante en personne assistée de Me Fabienne FILIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Novembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2018.

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [I] [Y] a été embauchée par l'Association La Chrysalide par contrat a durée indéterminée du 2 avril 2007 en qualité d'aide médico-psychologique en internat, moyennant une rémunération mensuelle brute de base de 1.572,81 €;

au dernier état de la relation contractuelle, régie par la convention collective nationale des Etablissements et Services pour Personnes Inadaptées et Handicapées, elle percevait un salaire moyen de 1.926,30 € pour un horaire mensuel de 151,67 heures ;

elle était initialement affectée au SAMSAH ' [Établissement 1] ' à [Localité 1], puis, par avenant du 9 février 2009 a été mutée au foyer ' [Établissement 2] ' à [Localité 2], et enfin par avenant du 1er janvier 2010 au foyer ' [Établissement 3] ' de [Localité 2].

Par lettre remise en main propre le 24 août 2011, Madame [I] [Y] a été convoquée, avec mise à pied a titre conservatoire, à un entretien préalable à son licenciement fixé au 1er septembre 2011 et a été licenciée par lettre du 06 septembre 2011 pour faute grave tirée d'une part, de faits d'atteinte à la dignité d'une autre salariée survenus le 09 juillet 2011, en s'étant, en présence de nombreuses personnes handicapées accueillies dans l'établissement notamment, comportée de manière irrespectueuse et eu un comportement extrêmement choquant, à connotation sexuelle, a l'égard d'une de ses collègues de travail, et d'autre part, d'autres comportements fautifs non datés : avoir laissé à plusieurs reprises des personnes handicapées seules et livrées à elles-mêmes pendant le service, les mettant ainsi en danger, avoir également occupé l'espace privé des personnes handicapées pour vaquer à des occupations personnelles, telles que téléphoner ou dormir pendant le service, empêchant les personnes concernées de réintégrer leur chambre, faits ayant donné lieu, suite à des plaintes, à une enquête interne.

S'estimant victime d'un licenciement non seulement prononcé par une personne démunie de pouvoir, mais encore vexatoire et fondé sur des faits en partie prescrits et pour des manquements qu'elle conteste, Madame [I] [Y], reprochant également à l'employeur de lui avoir brutalement supprimé le bénéficie de la mutuelle santé, a, le 19 octobre 2011, saisi le conseil des prud'hommes d'[Localité 3], section activités diverses, qui, par jugement de départage du 21 mai 2015 a jugé que le signataire de la lettre de licenciement n'était pas investi de pouvoir et a donc :

' Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

' condamné l'Association La Chrysalide à payer à Madame [I] [Y] les sommes de :

' 15.410,40 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 810,34 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied

' 81,03 € au titre de l'incidence congés payés sur ledit rappel

' 3.852,60 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

' 385,26 € au titre de l'incidence de congés payés sur ladite indemnité de préavis

' 3.852,60 € à titre d'indemnité de licenciement

' 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Dit que la somme allouée à titre de dommages et intérêts portera intérêts au taux légal à compter du jugement ;

' Dit que les sommes allouées au titre des créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil ;

' Ordonné à l'Association la Chrysalide de délivrer à la salariée des bulletins de salaire rectificatifs du chef de la rémunération effectivement due, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés des mêmes chefs et mentionnant au titre de la rupture 'un licenciement' ;

' Débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes ;

' Ordonné l'exécution provisoire du chef des condamnations qui n'en bénéficient pas de droit conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;

' Condamne l'Association la Chrysalide aux dépens .

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 17 juin 2015 l'Association La Chrysalide a interjeté appel général de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 15 juin 2015.

Par conclusions déposées le 29 novembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence, par application de l'article 455 du code procédure civile, pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, l'Association La Chrysalide soutient que la signataire de la lettre de licenciement avait pouvoir, que les griefs articulés dans la lettre de licenciement sont réels et graves, et demande à la cour de :

' Reformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

' Débouter Madame [Y] de l'ensemble de ses demandes .

' La condamner, reconventionnellement, au paiement d'une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 29 novembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, Madame [I] [Y] demande à la cour de :

' Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Y Ajoutant

' Dire et Juger que le licenciement sans cause réelle et sérieuse est intervenu dans des conditions vexatoires

' Condamner l'employeur à lui verser les sommes de :

' 19.263,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

' 2.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour absence de maintien de la mutuelle de santé.

' 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

' La Condamner aux dépens.

' Dire et Juger que les condamnations prononcées seront assorties de l'intérêt au taux légal, à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes.

MOTIFS DE LA DECISION

La régularité de l'appel interjeté dans les conditions ci-dessus décrites, n'est pas contestée.

1- Sur la validité du licenciement

Ainsi que l'a justement rappelé le juge départiteur, il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe ;

Les statuts et le règlement intérieur de l'association sont donc déterminants pour définir les pouvoirs des organes de gouvernance et la mise en 'uvre des compétences déléguées ;

En l'espèce, devant les premiers juges l'Association La Chrysalide n'a pas produit ses statuts mais un document intitulé ' composition du conseil d'administration 'et une délégation de pouvoir établie au profit de Mme [C] [E], directrice des ressources humaines ;

Devant la cour ce dernier document, co-signé par M. [U] et Mme [E], est à nouveau produit ; il est ainsi libellé :

« Je soussigné, [K] [U], directeur général, donne par la présente délégation de pouvoirs à Madame [C] [E], directrice des ressources humaines, pour l'activité dont l'objet suit :

' initialiser, suivre et finaliser toute procédure RH en faveur ou à l'encontre de tous salariés des établissements et services de l'association la chrysalide [Localité 1], lors de mes absences éventuelles et après consultation de mon avis.

Compte tenu, tant de sa formation que de son expérience, Madame [C] [E] reconnaît expressément être parfaitement informée des dispositions légales en vigueur inhérentes à l'activité faisant l'objet de cette délégation

fait à Marseille le 20 juin 2008 »

l'Association La Chrysalide produit également ses statuts et son règlement intérieur ;

Au vu des ces documents, Madame [I] [Y] souligne que la délégation de pouvoirs n'a pas été donnée par le président de l'association mais seulement par le directeur général, fait valoir que si le règlement intérieur prévoit que ' le Directeur Général est investi, par délégation du président, du pouvoir d'organisation et d'administration générale de l'ensemble des moyens humains (salariés) matériels et financiers de l'association ', il n'y est nullement précisé qu'il puisse mettre en oeuvre une procédure de licenciement et soutient que même si cela était le cas, une délégation du président est nécessaire qui n'est pas produite en l'espèce rendant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

l'Association La Chrysalide rétorque que selon l'article 14 des statuts, le président ' este en justice et représente l'association dans les actes de la vie civile et judiciaire. En cas de représentation ou d'action en justice il ne peut être remplacé que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale. Il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à un autre membre du Conseil ', mais que conformément au règlement intérieur, prévu à l'article 11 des statuts, le directeur général dispose, par délégation du président, du pouvoir d'organisation et d'administration de l'ensemble des moyens humains incluant celui de procéder à un licenciement, qu'il peut à son tour déléguer, ainsi qu'il l'a fait au profit de Madame [E], directrice du service des relations humaines, par l'acte sus-visé qui autorise cette dernière à suivre une procédure de licenciement ;

Il résulte de la lecture de ces divers documents que les statuts, composé de 21 articles, sont rédigés en termes très généraux, l'article 10 prévoyant que « le conseil d'administration a les pouvoirs les plus étendus pour administrer l'association sous la seule réserve que ceux-ci ne soient pas explicitement réservés à l'assemblée générale », l'article 14 indiquant que « le président anime l'association, contrôle l'application stricte des statuts, préside les réunions de l'association' », et l'article 11 disposant que « le conseil d'administration établit un règlement intérieur pour le fonctionnement de l'association. Ce règlement et ses modifications doivent être approuvées par une assemblée générale.' » ;

Le règlement intérieur est un document plus étoffé qui précise notamment :

' au titre II « administration» : « le CA dispose des pouvoirs les plus étendus pour administrer l'association, à l'exception de ceux qui sont réservés explicitement à l'assemblée générale par les statuts de l'association.' L'examen des candidatures au poste de directeur général est effectué par le président et les membres élus du bureau. Sa nomination est approuvée par le CA' Le directeur général est placé sous l'autorité directe du président dont il reçoit les directives et auquel il rend compte. Il est investi, par délégation du président, du pouvoir d'organisation et d'administration générale de l'ensemble des moyens humains (salariés) matériels et financiers de l'association. Il a autorité sur les directeurs d'établissements et de services, ainsi que sur les responsables des services du siège social. Il leur délègue les pouvoirs nécessaires à la réalisation des missions qu'il leur confie et dont il définit les résultats escomptés et les modalités de contrôle' » ;

' Au titre VI « fonctionnement des établissements et services » : « les nominations des directeurs d'établissements et de services, ainsi que les cadres sont présentés au C.A. sur proposition du président et du directeur général qui prenne avis d'une commission d'embauche constituée à cet effet. Tous les autres salariés sont embauchés par le directeur général après avis de la commission composée d'un administrateur et d'un directeur' Le directeur d'établissement ou de service reçoit du président et du directeur général une délégation explicite de ses pouvoirs' » [caractère gras ajouté par la cour];

Il résulte de ces documents que seuls le directeur général et les cadres sont recrutés par le conseil d'administration, les autres salariés étant embauchés par le directeur général qui dispose, sous l'autorité du président, des pouvoirs de gérer les « ressources humaines », comprenant donc le pouvoir de licencier, qu'il peut à son tour déléguer ;

la délégation de pouvoirs susvisée établie au profit de Madame [E], dans les termes très généraux rappelés ci-dessus, autorisait cette dernière à prononcer le licenciement de Madame [I] [Y] ;

C'est donc à tort que le premier juge a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au seul motif qu'il avait été prononcé par une personne démunie de pouvoir ;

2- Sur le bien fondé du licenciement

Madame [I] [Y] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement par courrier du 24 août 2011 remis en main propre, qui lui notifiait également une mise à pied à titre conservatoire;

La lettre de licenciement subséquente du 6 septembre 2011 est ainsi libellée :

« par courrier remis en main propre le 24/08/2011, vous avez été convoquée à un entretien préalable à licenciement pour faute. Cette convocation faisait suite à vos agissements fautifs dont nous avons eu connaissance le 23 août 2011 :

le 9 juillet dernier vers 13h30, en fin de repas et en présence de nombreuses personnes handicapées accueillies dans l'établissement notamment, vous vous êtes comportée de manière irrespectueuse et avez eu un comportement extrêmement choquant, à connotation sexuelle, à l'égard de l'une de vos collègues de travail ([J]).

La salariée victime de vos agissements nous adressait la plainte suivante :

« [I] [Y] m'interpelle sur mon décolleté (débardeur) et se permet de tirer dessus et d'accentuer l'échancrure. Je lui demande d'arrêter. Elle continue et glisse sa main dans mon décolleté !!! (en présence de Madame [N] qui est assise auprès de moi à table avec les résidents). Je demande à [I] [Y] de se calmer. Elle cesse de me toucher mais se met face à moi et [I] [Y] baisse son propre haut et m'exhibe largement son soutien-gorge et donc sa poitrine !!! Je lui dis de manière un peu autoritaire : ça va pas bien non !!! [I] [Y] me répond : ben quoi il faut montrer ce qui est beau. Ma réponse sera : cela reste ton point de vue »

cette plainte est corroborée par une autre salariée présente au moment des faits, dont l'identité vous a été communiquée lors de l'entretien ([N]), et qui nous adresse le témoignage suivant :

« j'ai pu voir Me [Y] tirer le tee-shirt de [J] (la victime) pour toucher ses seins. Devant mon étonnement et mon exclamation, Mme [Y] s'est tournée vers ma table en baissant son décolleté pour nous montrer son soutien-gorge en disant : il faut montrer ce qui est beau »

Madame [J] a été particulièrement choquée par votre comportement extrêmement déplacé et a relaté les faits à plusieurs salariés car elle était bouleversée, d'autant que la scène se déroulait devant de nombreux résidents, avec le risque potentiel de perturber irrémédiablement la relation pédagogique établie avec eux.

Ce comportement irrespectueux est particulièrement grossier et choquant. Il est inacceptable tant du point de vue de la dignité et de la pudeur de la salariée concernée, que du point de vue de l'employeur sur lequel repose l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés (art. L4121-1 du code du travail).

Par ailleurs, la loi du 27 mai 2008 proscrit tout agissement à connotation sexuelle, subie par une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteint à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Ces éléments sont bien sûrs repris dans notre règlement intérieur (IV interdiction et sanctions du harcèlement sexuel).

Par ailleurs, des plaintes émanant de 4 autres salariés, dont 2 représentants du personnel, font état de manquements importants dans l'exercice de vos fonctions. L'identité de ces témoins vous a été transmise pendant l'entretien. C'est ainsi que vous avez laissé à plusieurs reprises des personnes handicapées seules est livrées à elle-même pendant votre service, les mettant ainsi en danger. Vous avez également occupé l'espace privé des personnes handicapées pour vaquer à des occupations personnelles, telles que téléphoner ou dormir pendant le service, empêchant les personnes concernées de réintégrer leur chambre.

Nous vous rappelons à cet effet que votre directeur a tenté de vous aider à mettre en 'uvre un accompagnement de meilleure qualité et vous a envoyé un courrier à ce sujet en février 2011. En effet votre manque de sérieux et de professionnalisme nuit gravement à l'activité.

Vous avez partiellement reconnu les faits selon lesquels vous auriez touché Madame [J] mais n'avez donné aucune explication sur le fait que vous avez exhibé votre soutien-gorge et votre poitrine devant [J] et les autres personnes présentes dont [N]. Par ailleurs, vous évoquez à l'appui de votre défense que les autres salariés, selon vos termes, ne vous aiment pas et auraient décidé de vous faire partir de l'association car vous les dérangez.

Nous avons pris note des observations que vous avez tenu à nous fournir, mais elles ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés. Nous avons donc le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave' » ;

Madame [Y], qui souligne avoir poursuivi l'exécution de son contrat de travail, non seulement sans aucun préjudice pour la structure ainsi que l'entourage professionnel mais encore en recevant une prime de responsabilité, jusqu'au 24 août, date de sa mise à pied, soutient que cette mesure, intervenue plus d'un mois et demi après les faits allégués du 09 juillet 2011 - qu'elle conteste et soutient n'avoir jamais reconnus -, était injustifiée comme tardive, et reproche à l'employeur, d'une part sa carence dans l'administration de la preuve de sa connaissance effective de ces faits à la date du 23 août seulement, d'autre part, d'avoir méconnu l'article L. 1332-4 du code du travail en motivant en partie le licenciement sur des faits prescrits comme antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure ;

Cependant l'article L.1332-4 du code du travail ne s'oppose pas à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou renouvelé dans ce délai ;

toutefois l'exigence de motivation de la lettre de licenciement portée par l'article L. 1232-6 du code du travail en sa rédaction applicable aux faits de la cause, implique que tous les faits reprochés au salarié soient datés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce pour la seconde partie des faits visés dans la lettre de licenciement reproduite ci-dessus qui, non seulement, fait état de plaintes émanant de 4 autres salariés, dont 2 représentants du personnel, dénonçant des manquements importants dans l'exercice de ses fonctions par Madame [I] [Y], sans préciser la date de ces plaintes et des faits qu'elles dénonçaient, mais encore ne mentionne pas les identités de ces témoins, qui auraient été transmises à cette dernière pendant l'entretien préalable ;

dès lors c'est à juste titre que Madame [I] [Y] soutient que la seconde partie des griefs articulés dans la lettre de licenciement sont frappés par la prescription bimestrielle de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

S'agissant des faits du 9 juillet 2011, considérés comme constitutifs d'une faute grave par l'employeur, il appartient à ce dernier d'en rapporter la preuve ;

pour administrer cette preuve l'Association La Chrysalide produit aux débats :

- un courrier en date du 19 août 2011 rédigé par Monsieur [S] [C], directeur du foyer [Établissement 3] au sein duquel travaillait Madame [I] [Y] ainsi libellée :

' Je viens vers vous pour vous signaler avoir reçu deux courriers en date des 1er et 3 août 2011 concernant des actes de Madame [Y], animateur au foyer [Établissement 3].

Je joins ces courriers a la présente.

Madame [T] [E], infirmière, m'informe que Madame [Y] [I] aurait tiré le teeshirt de Mademoiselle [W] [T] pour voir ses seins.

Monsieur [M] [Y] relate les faits qui se sont déroulés fin juillet mettant en cause le professionnalisme de Madame [Y]

Ces faits me semblent graves et je juge nécessaire de vous en tenir informé '

- L'attestation établie dans les formes légales par Madame [T] [W] et reprise dans la lettre de licenciement reproduite ci-dessus ;

- L'attestation établie dans les formes légales par Madame [E] [T], évoquée dans le courrier de Monsieur [C] et reprise dans la lettre de licenciement reproduite ci-dessus ;

- Une attestation établie dans les formes légales par Madame [J] [R] en date du 5 septembre 2011 ainsi libellée :

« compte rendu des événements survenus en date du 9 juillet 2011 sur le FAM [Établissement 4].

Nous sommes sur les temps du déjeuner. Mme [Y] [I] et [W] [T] se trouve dans la salle de restauration.

Nous venons Madame [W] et moi-même de divertir les résidents par un jeu de petite balle qui fait bien rire tout le monde.

Quelques minutes plus tard, Madame [W] m'interpelle assez « médusée », étonnée stupéfaite en me disant que tout à coup madame [Y] [I] lui a montré ses seins en soulevant son tee-shirt (ou chemisier ') dans la salle de restauration et devant toutes les personnes présentes. Madame [W] [T] me fait part de sa surprise face à une telle attitude totalement déplacée » ;

Il résulte de ces pièces, d'une part, que l'employeur a bien eu connaissance des faits du 9 juillet 2011 par le courrier de Monsieur [C] du 19 août 2011 parvenu au siège le 22 août 2011 et dont il a prit connaissance à cette date, d'autre part que si Madame [R] n'a pas été témoin direct des faits reprochés à Madame [I] [Y], elle a néanmoins vu Madame [W] choquée, et enfin que Mesdames [W] et [T], témoins directs de ces faits, les décrivent de façon concordante ;

les seules dénégations de Madame [I] [Y], qui produit des attestations en sa faveur concernant sa manière de servir mais qui ne concernent pas la journée du 09 juillet 2011, ne suffisent pas à ôter aux trois attestations sus-visées leur force probante

La gravité de ces faits justifie, d'une part, que dès qu'il en a eu connaissance, l'employeur prononce une mise à pied conservatoire, et d'autre part, qu'il prononce un licenciement privatif de préavis et d'indemnité de licenciement ;

en conséquence le jugement entrepris sera infirmé et Madame [I] [Y] déboutée de toutes ses demandes indemnitaires.

3- Sur l'absence de maintien de la mutuelle santé

Le premier juge a justement indiqué que l'article 4 de la loi du 31 décembre 1989 dispose qu'il appartient au salarié qui souhaite bénéficier du maintien de sa mutuelle d'entreprise, notamment après un licenciement, d'en faire la demande auprès de l'organisme assureur dans les six mois suivant la rupture du contrat du travail ;

or en l'espèce Madame [I] [Y] ne rapporte pas la preuve, ni même n'invoque, avoir fait cette demande de maintien de sa mutuelle d'entreprise dans le cadre d'une adhésion individuelle;

Il convient donc de confirmer sur ce point le jugement entrepris qui l'a déboutée de ce chef de demande ;

4- Sur les frais non répétibles

Il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter l'intégralité de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Madame [I] [Y] de sa demande en dommages-intérêts pour absence de maintien de la mutuelle de santé.

Statuant à nouveau,

Dit que la signataire de la lettre de licenciement du 06 septembre 2011 avait qualité pour prononcer le licenciement ;

Dit que les faits du 09 juillet 2011 visés dans la lettre de licenciement ne sont pas prescrits et sont constitutifs d'une faute grave ;

Déboute en conséquence Madame [I] [Y] de ses demandes :

- en paiement du salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire, avec incidence congés payés,

- en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis avec incidence congés payés,

- en paiement de l'indemnité de licenciement,

- en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- en remise de documents de fin de contrat rectifiés,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Condamne Madame [I] [Y] aux dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/11636
Date de la décision : 26/01/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°15/11636 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-26;15.11636 ?
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