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25/01/2018 | FRANCE | N°17/02183

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 25 janvier 2018, 17/02183


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 25 JANVIER 2018

D.D

N° 2018/ 93





Rôle N° 17/02183



[Z]-[Z] [M]



C/

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE DE DISCIPLINE DU CONSEIL REGIONAL DES NOTAIRES DES BDR







































Grosse délivrée le :

à :

Me [M]

Me DI MARINO

Le Pré

sident de la chambre régionale de discipline des Notaires

Mr le Procureur général



Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal de grande instance d'AIX EN PROVENCE en date du 30 janvier 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 16/3087



APPELANT



Maître [Z]-[Z] [M]
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 25 JANVIER 2018

D.D

N° 2018/ 93

Rôle N° 17/02183

[Z]-[Z] [M]

C/

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE DE DISCIPLINE DU CONSEIL REGIONAL DES NOTAIRES DES BDR

Grosse délivrée le :

à :

Me [M]

Me DI MARINO

Le Président de la chambre régionale de discipline des Notaires

Mr le Procureur général

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de grande instance d'AIX EN PROVENCE en date du 30 janvier 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 16/3087

APPELANT

Maître [Z]-[Z] [M]

Notaire

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (Corrèze) de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant en personne,

assisté de Me Gaëtan DI MARINO avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 2]

Représenté par Monsieur Thierry VILLARDO Avocat Général

EN PRESENCE DE

MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE REGIONALE DE DISCIPLINE DU CONSEIL REGIONAL DES NOTAIRES DE LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE,

[Adresse 3]

Représenté par Monsieur [H] [X] Président de la chambre des notaires des Bouches du Rhône, membre de droit de la chambre régionale de discipline selon pouvoir du 11 octobre 2017 délivré par Monsieur [D] [T], Président de la chambre régionale de discipline du conseil régional des notaires des BDR

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue en Chambre du Conseil le 7 Décembre 2017 devant la Cour composée de :

Madame Anne DAMPFHOFFER, conseiller faisant fonction de Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Gisèle SEGARRA

Ministère Public : Monsieur Thierry VILLARDO

Avocat Général, présent uniquement lors des débats

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé en audience publique le 25 Janvier 2018 par Madame Anne DAMPFHOFFER,Conseiller faisant fonction de Président

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Président et Madame Patricia POGGI, greffier présent lors du prononcé.

Sur question du Président, Monsieur [Z] [Z] [M] et son conseil ont souhaité la chambre du conseil.

Madame Danielle DEMONT Conseiller est entendue en son rapport.

Monsieur [Z]-[Z] [M] est entendu en ses explications et sur interrogations de la Cour.

Me [X], Président de la chambre des notaires des Bouches du Rhône,membre de droit de la chambre régionale de discipline, est entendu sur les points techniques.

Monsieur VILLARDO, avocat général, est entendu en ses réquisitions.

Me DI MARINO, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE,est entendu dans sa plaidoirie dans les intérêts de Monsieur [Z] [Z] [M].

Monsieur [Z]-[Z] [M] a eu la parole en dernier

Sur quoi, les débats sont déclarés clos et l'affaire mise en délibéré, les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu à l'audience du jeudi 25 janvier 2018 à 9 heures.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE, POURSUITES, AUDIENCE

Me [Z]-[Z] [M], né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1], a été nommé notaire à la résidence de [Localité 3] par arrêté du Garde des Sceaux publié au journal officiel le 16 décembre 1994. D'abord notaire associé dans un office de [Localité 3], il a cédé ses parts en 2002 et été nommé notaire associé à [Localité 2] le 27 juin 2002. Il exerce au sein de la société civile professionnelle Me [Z]-[Z] [M] et Me [Q] [Q], titulaire d'un office notarial à [Localité 2], [Adresse 1].

À la suite d'une information judiciaire ouverte au mois de janvier 2013 pour des faits d'organisation de jeux de loterie en ligne prohibés et escroquerie, impliquant notamment Me [Z]-[Z] [M], une inspection de l'office notarial a été ordonnée par le président du Conseil supérieur du notariat afin de vérifier si cet office n'aurait pas commis d'autres manquements à la discipline ou à la déontologie du notariat.

Les notaires désignés, Mes [L] [D], [E] [W] et un expert comptable, M. [W] [I], ont remis un rapport au mois de juillet 2013 concluant à l'existence d'infractions aux Règlement national du notariat comme aux règles relatives à la lutte contre le blanchiment imputables à Me [Z]-[Z] [M].

M. [Z]-[Z] [M] a été assigné par le procureur de la République d'Aix-en-Provence devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, statuant en matière disciplinaire, le 11 mai 2016 pour une audience à jour fixe du 30 mai 2016, qui s'est tenue finalement le 18 novembre 2016 après renvoi.

La citation par le procureur de la République d'Aix-en-Provence en date du 11 mai 2016 fait état des éléments suivants :

« En janvier 2013 une information judiciaire était ouverte suite à un signalement de L'ARJEL concernant des faits d'organisation de jeux de loterie prohibée en ligne, escroquerie, mettant en cause à titre principal le nommé [S] [K] et impliquant Me [Z]-[Z] [M], pour complicité d'organisation de loterie prohibée et d'escroquerie.

Ce dernier était mis en examen de ces chefs le 24 janvier 2013.

À l'issue de cette information judiciaire, Me [M] se voyait renvoyer devant le tribunal correctionnel du chef de complicité d'organisation de loterie prohibée par ordonnance du 23 mars 2015, l'affaire devant être examinée à l'audience des 26 et 27 avril 2016.

La révélation de ces faits conduisait le Conseil supérieur du notariat à ordonner une inspection occasionnelle nationale de l'étude de Me [Z]-[Z] [M] et [Q] [Q], afin de vérifier, au-delà des agissements spécifiquement visés par la procédure pénale susmentionnée, et qui ne sont pas l'objet de la présente instance disciplinaire, si l'activité de cet office n'était pas marquée par d'autres manquements éventuels à la discipline ou à la déontologie du notariat.

L'inspection menée les 29 et 30 avril 2013 allait effectivement révéler une importante série d'infractions au Règlement national du notariat, comme aux règles relatives à la lutte

contre le blanchiment, la consignation des sommes après 3 mois, ou encore celles afférentes aux tarifs des notaires, synthétisées dans le rapport final rendu en juillet 2013, duquel

ressortent, parmi les fautes les plus prégnantes, les éléments ci-dessous exposés (figurent entre parenthèses les paragraphes et les pages concernées du rapport d'inspection).

Les faits reprochés constituent des contraventions aux lois et règlements, des infractions aux règles professionnelles et des faits contraires à la probité, à l'honneur et la délicatesse. Les faits qui lui sont reprochés concernent selon l'acte de poursuite les dossiers suivants:

1)- dossier [F] (V -3-2 page 43)

Manquement disciplinaire résultant du non-respect des obligations s'imposant au notaire en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux issues des dispositions de l'article 30 du Règlement national du notariat et des articles L561-2-13° et suivants du code monétaire et financier.

Est relevé également un manquement aux obligations que le notaire tient de l'article 3. 2. 3 du Règlement national des notaires qui dispose que le notaire est tenu de prêter son ministère lorsqu'il en est requis, sauf à le refuser pour l'élaboration de conventions contraires à la loi ou frauduleuses.

2)- dossier [K] [E] (V-3-4 page 45)

Violation des dispositions de l'article 15 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 2015 [en réalité 1945 suite à erreur de plume] pour l'application du statut du notariat imposant la consignation sur un compte de la Caisse des dépôts et consignation des sommes figurant depuis plus de 3 mois sur les comptes des offices notariaux ;

3)- dossier SCI Le [P] (V-3-6 page 48)

Violation des dispositions de l'article 15 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 2015 [1945] ;

4)- dossier [N] (V-3-7 page 50)

Violation des dispositions de l'article 13 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 2015 [1945] qui interdit au notaire de se livrer à des opérations de banque ;

5)- dossier SARL I Solutions Promotion et investissement (V-3-7 page 50)

Violation de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 portant statut du notariat qui énonce que le notaire est l'officier public établi pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique. Principe repris par l'article 2 du Règlement national des notaires dont le non-respect est susceptible comme pour tous les autres manquements précédemment énoncés d'entraîner une sanction disciplinaire conformément aux énonciations de l'article 58 de ce même Règlement ;

6)- dossier SAS Adekoat (V-3-9 page 55)

Violation des dispositions de l'article 15 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 2015 [ 1945 suite à erreur de plume] pour l'application du statut du notariat imposant la consignation sur

un compte de la Caisse des dépôts et consignation des sommes figurant plus de 3 mois sur les comptes des offices notariaux ;

7)- dossier SCI Corbas Vitrolles (V-3-12 page 56)

Violation des dispositions de l'article 13 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 2015 [1945] qui interdit au notaire de se livrer à des opérations de banque ;

8)- dossier SCI Pégase-Bruch (V-3-13 page 57)

Manquement disciplinaire résultant du non-respect des obligations s'imposant au notaire en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux issues des dispositions de l'article 30 du Règlement national du notariat et des articles L561-2-13° et suivants du code monétaire et financier ;

9)- dossier SCI Asphir 52-Lelu (V-3-15 page 59) ;

Manquement aux exigences de l'article 3. 2. 1du Règlement national du notariat qui rappelle que le notaire doit à sa clientèle sa conscience professionnelle, ses égards, l'impartialité, la probité et l'information la plus complète.

Manquement disciplinaire résultant du non-respect des obligations s'imposant au notaire en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux issues des dispositions de l'article 30 du Règlement national du notariat et des articles L561-2-13° et suivants du code monétaire et financier.

10)- dossier DMG Architectural solutions-Halévy (V-3-17 page 63).

Manquement aux exigences de l'article 2 et de l'article 3. 2. 1du Règlement national du notariat qui auraient dû conduire le notaire à refuser d'instrumenter en l'état conformément à ses obligations en termes d'authentification, de respect de la loi, de conscience professionnelle et de probité.

Il ne s'agit-là que d'un échantillon des graves fautes disciplinaires relevées par les inspecteurs dans le fonctionnement de l'Office de Me [M], tels le non-respect du libre choix du client en violation de l'article 4. 2. 1 du règlement national du notariat (V-3-4 page 45 [[R]]), le non-respect du Règlement de la chambre départementale des notaires imposant de recevoir uniquement des chèques de banque pour toutes sommes supérieures à 40'000 €, ou l'oubli en comptabilité d'un chèque vieux de plus d'un an et ne pouvant plus être encaissé, en infraction à l'article L131-32 du code monétaire et financier et financier, et en violation des dispositions de l'article 2 du règlement notarial national du notariat (IV-4 page 27 )[SCI [Adresse 4]/AG Invest ].

À tel point que l'inspection a permis de découvrir que l'intéressé faisait l'objet de 57 actions contentieuses intentées par des clients mécontents, nombre anormalement élevé pour un notaire (III-2 page 20).

Ainsi qu'il résulte de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires, toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout à fait contraire à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse exposent à une sanction disciplinaire.

(...) En l'occurrence les fautes et manquements imputables à Me [M] de façon par trop répétitive sur un nombre significativement important de dossiers, au préjudice de trop nombreux clients et sur une période de plusieurs années, atteignant le devoir de rigueur et

celui de probité qui incombent aux notaires selon les principes ci-dessus rappelés, justifient, par leur inhabituelle proportion et la particulière gravité intrinsèque de plusieurs d'entre eux (notamment les manquements aux règles relatives à la lutte contre le blanchiment), que soit envisagée à l'encontre de l'intéressé parmi les chefs des 6 peines disciplinaires prévues par l'article 3 de l'ordonnance du 28 juin 1945, la plus élevée d'entre elles, à savoir la destitution. »

Suivent les visas des articles 1,2, 3,5, 10, 20 et suivants de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 modifiée relative à la discipline des notaires et certains officiers ministériels,

et des articles 3, 13, et 18 du décret d'application n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels.

*

Par jugement en date du 30 janvier 2017 le tribunal de grande instance [Localité 2], au visa de ces articles et du Règlement national des notaires, a prononcé une interdiction temporaire d'exercer la profession de notaire à l'encontre de Me [Z]-[Z] [M] pour une durée de 3 années, dit n'y avoir lieu de désigner un administrateur provisoire, et condamné Me [Z]-[Z] [M] aux dépens de l'instance.

Par deux déclarations au greffe de la cour du 3 février 2017 de Me Di Marino, avocat au barreau [Localité 2], enregistrées sous le numéros RG 17/2214 et 17/2183, jointes par une ordonnance du 16 février suivant, M. [Z]-[Z] [M] a formé un recours contre cette décision.

Par conclusions notifiées par RPVA le 13 février 2017 le ministère public a déclaré former appel incident.

L'affaire a été fixée pour être plaidée le 26 septembre 2017, puis renvoyée au 7 décembre 2017 à 9h 00.

M. [M] a été convoqué le 27 septembre 2017 à cette audience par lettre recommandée avec avis de réception retourné signé.

Le 7 décembre 2017 M. [Z]-[Z] [M] s'est présenté en personne.

Il était assisté par Me Di Marino.

Les débats se sont déroulés en chambre du conseil, M. [M], questionné sur ce point, ayant précisé qu'il ne demandait pas que les débats se déroulassent publiquement.

Aucune partie n'a demandé le renvoi de l'affaire.

*

M. [Z]-[Z] [M], a été entendu en ses explications orales à l'appui de son appel.

Puis son avocat l'assistant, Me Di Marino, a soutenu oralement les conclusions écrites remises à la partie adverse par RPVA et à la cour le 21 novembre 2017.

Il demande à la cour de le recevoir en son appel, de réformer le jugement entrepris, de dire qu'il n'a commis aucune faute disciplinaire et en conséquence, de ne pas se voir appliquer une peine d'interdiction temporaire d'exercer la profession de notaire, de débouter le procureur de la République et le procureur général de l'ensemble de leurs demandes, et de dire que les dépens de première instance et d'appel ne seront pas à sa charge.

Le ministère public suivant conclusions du 7 août 2017 régulièrement transmises à toutes les parties par RPVA, et partiellement reprises oralement à l'audience demande à la cour de confirmer la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre de Me [Z]-[Z] [M] d'interdiction temporaire d'exercer la profession de notaire pour une durée de 3 ans.

Me Pierre [X], notaire à Marseille, président de chambre, membre de droit de la chambre régionale de discipline, représentant le président de la Chambre régionale de discipline des notaires de la cour d'appel [Localité 2], et porteur d'un mandat spécial à cet effet du 11 octobre 2017, a présenté ses observations, déclarant s'en rapporter à l'appréciation de la cour sur la mesure à prendre.

M. [Z]-[Z] [M] a eu de nouveau la parole en dernier.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la recevabilité de l'appel formé

Par application des articles 35 et 36 du décret du 28 décembre 1973 l'appel d'une décision rendue en matière disciplinaire est formé par simple déclaration de la partie appelante au secrétariat-greffe de la cour d'appel dans le délai d'un mois. Ce délai court à l'égard de l'officier public ou ministériel du jour où la décision est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur, dans le cas contraire à compter de la notification.

Le jugement a été rendu le 30 janvier 2017. Sa notification à M. [M] n'est pas produite.

L'appel est en date du 3 février 2017, moins d'un mois après que le jugement a été rendu.

L'appel est recevable.

Le cadre de la poursuite disciplinaire

Les fautes disciplinaires susceptibles d'être reprochées au notaire, comme à certains autres officiers ministériels, et donnant lieu à sanction disciplinaire, sont légalement déterminées par l'article 2 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945.

Il s'agit de « toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extra professionnels. » Ces fautes s'apprécient aussi bien par référence aux règles du droit positif qu'en considération des textes propres à la profession.

Le règlement national inter- cours du 24 décembre 2009, édité par le Conseil superieur du notariat en application de l'article 26 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, prévoit que le notaire doit respecter un certain nombre de règles déontologiques.

Il rappelle à cet égard que le notaire est à la fois le conseil des parties et le rédacteur impartial de leur volonté et l'officier public chargé de donner aux actes et contrats qu'il reçoit le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique.

Il doit en assurer la moralité, assurer la sécurité de la vie contractuelle et il assume une mission de service public, en sa qualité de délégataire de l'autorité publique.

L'exercice de ses fonctions lui impose d'accomplir sa mission avec impartialité, indépendance, loyauté et probité.

La citation par le procureur de la république d'[Localité 2] précise que les faits reprochés constituent des contraventions aux lois et règlements, des infractions aux règles professionnelles et des faits contraires à la probité, à l'honneur et la délicatesse.

Il lui reproche une série de faits dans les dossiers suivants :

1)- [F] ;

2)- [K] [X] ;

3)- SCI Le [P] ;

4)- [N] ;

5)- SARL I Solutions Promotion et investissement ;

6)- SAS Adekoat ;

7)- SCI Corbas Vitrolles ;

8)- SCI Pégase-Bruch ;

9)- SCI Asphir 52-Lelu ;

10)- DMG Architectural solutions-Halévy ;

11)- dossiers [R] ;

12) - dossier Amphithéatre ;

13)- dossier SCI [Adresse 4]/AG Invest.

*

1) - Le dossier [F]

Le rapport d'inspection expose les faits suivants :

« Le 11 juillet 2012 l'EURL Achats ventes immobilières et mobilières (SAVIM) a vendu à M. [T] [F], avocat au barreau [Localité 2], la nue-propriété d'un ensemble immobilier sis à [Adresse 5] au prix de 103'000 € et à la SCI Valampe, au capital de 900 €, représentée par M. [F], l'usufruit de ce bien pendant 17 ans au prix de 737'000 € intégralement payé en dehors de la comptabilité du notaire.

Les inspecteurs se déclaraient surpris par 'l'énorme valeur de cet usufruit' au regard de celle affectée à la nue-propriété pendant seulement 17 ans. Me [M] justifie cette évaluation d'après un logiciel de calcul. Le rapport toutefois relevait d'autres anomalies.

La promesse signée un an auparavant, en juillet 2011, avait été signée au prix de 840'000 € et ne correspondait pas à l'opération finalisée.

Celle-ci comprenait en outre un versement en comptabilité du notaire très minime, en l'espèce 24'212 €, soit moins de 3 % du montant du prix et plus de 800'000 € payés en dehors de la comptabilité. Aucun document ne figurait au dossier pour justifier le versement de la part du prix qui aurait été versée hors comptabilité.

Les inspecteurs considèrent que, même s'agissant de Me [F], qui devait devenir plus tard bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Aix-en-Provence, Me [M] aurait dû s'interroger lorsqu'il a acté que plus de 800'000 € avaient été réglés en dehors de la comptabilité notariale, sans justificatif au dossier confirmant la réalité du paiement effectué avant la régularisation de l'acte. Ils soulignent que quoi qu'il en soit, même s'il en était justifié, Me [M] aurait dû refuser de rédiger l'acte et faire une déclaration de soupçon à l'organisme Tracfin chargé de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

De plus, le dossier ne comportait aucune justification de l'origine des fonds versés. Le compte [F] portait trace du versement de la somme de 32'603,80 € avec le libellé « reçu virement loyers courus de CARPA », alors que Me [F] ne pouvait pas recevoir à titre personnel des loyers (lui permettant de payer une partie du prix comptant 24'212 € et le reste, affecté aux frais) alors qu'il n'avait pas l'usufruit de ces biens puisque dans la vente il était indiqué que l'acquéreur n'en aurait la jouissance que le 11 juillet 2029, à la fin des 17 ans réservés à l'usufruit.

D'autre part, Me [F] ne pouvait pas disposer de fonds CARPA qui correspondent à des fonds clients.

Me [M] s'était borné à mentionner dans l'acte qu'il informait les parties des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment et la déclaration de l'acquéreur attestant que le paiement du prix était effectué « au moyen de fonds propres et le cas échéant de concours bancaires », sans davantage de précisions, c'est-à-dire, en se contentant d' une clause-type du logiciel de rédaction des actes.

Me [M] n'avait perçu aucun émolument pour cet acte, en raison de sa proximité avec l'acquéreur. (')

Les inspecteurs notent de manière générale, dans la conclusion de leur rapport, qu'en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment des capitaux, les notaires de l'étude 'en ont entendu parler', mais qu'ils estiment connaître toujours très bien leur clientèle, même celle vivant à l'étranger, ils la connaissent d'autant mieux que la plupart du temps notamment en ce qui concerne les très nombreux programmes immobiliers, ils ne la reçoivent pas, fonctionnant essentiellement par le truchement de procurations.

En d'autres termes, la lutte contre le blanchiment des capitaux n'est pas du tout instruite avec le sérieux exigé par les textes législatifs et par le Conseil supérieur du notariat.

Cette carence a été constatée lors de l'examen de 6 dossiers (cf. infra). »

Le ministère public, reprenant les conclusions de l'inspection, reproche au jugement d'avoir considéré que le 'compromis' initial, laissé à la disposition de Me [M] pouvait expliquer l'origine des 32'603,80 € dans la mesure où il prévoyait que l'acquéreur aurait la jouissance de la chose louée rétroactivement à la date de signature par la perception des loyers, et d'en avoir déduit que Me [M] aurait été en mesure de savoir, sans autres vérifications, que la somme

litigieuse, versée le jour de la vente du 11 juillet 2012 correspondrait au montant des loyers qui avaient couru depuis le premier compromis signé au profit de Me [F].

*

Le notaire fait valoir que la vente démembrée en usufruit et en nue-propriété est légale et que la disproportion de prix n'est que la conséquence d'une formule mathématique intégrée dans le logiciel Excel ; qu'il n'y a aucune fraude aux règles des droits d'enregistrement et que l'usufruitier a récupéré sa mise de départ ; que la personnalité des acquéreurs ne laisse aucun doute sur leur honorabilité et que le règlement a été effectué par 3 chèques ; que les paiements qui sont transparents ont permis à M. [F] et à sa mère d'avoir des revenus réguliers par l'achat de l'usufruit par le biais de la SCI ; que l'usufruit a rapporté à la société usufruitière des revenus avoisinant les 130'000 €, c'est-à-dire qu'en un peu plus de cinq années elle a récupéré l'intégralité de sa mise de départ ; que l'examen de la situation fiscale de M. [F] pour la période 2010-2012 n'a rien révélé ; et que les obligations du notaire en matière de lutte contre le blanchiment et de Tracfin ont été respectées.

Le notaire ajoute que les fruits postérieurs à l'adjudication à la société SAVIMM étaient acquis à Me [F] et non à la société usufruitière par l'avant-contrat ; qu'une note du Cridon du 30 mars 2017 explique ce qu'il faut entendre par vérification de l'origine des fonds, à savoir que le notaire peut seulement vérifier que les fonds sont la propriété de l'acquéreur, et non d'un tiers ; et qu'une opération légale ne peut pas faire naître un soupçon devant donner lieu à dénonciation.

Il souligne que le notaire n'est pas chargé d'effectuer les enquêtes ; que celui qui ferait une déclaration à Tracfin infondée, encourt des sanctions pénales du chef de dénonciation calomnieuse ; et qu'il a le devoir de dresser les actes lorsqu'il en est requis.

M. [X], représentant la chambre de discipline du conseil régional des notaires de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, interrogé sur ce point, précise que l'acte semble à tout le moins elliptique : il ne constate pas les paiements intervenus, l'usufruit est certes calculé selon un logiciel, mais d'un montant anormalement haut dans la fourchette, l'acte aurait dû mentionner le détail des encaissements (sommes reçues de l'indivision, de la Carpa, etc.).

La cour retient que l'acte authentique dressé par Me [M] est passé avec un démembrement de la propriété qui a pour conséquence que les parties, l'objet de la vente, et les modalités de paiement ainsi que les débiteurs du prix sont tous substantiellement modifiés, et que l'acte authentique de vente comporte une dénaturation complète des stipulations de la promesse de vente.

Aucune vérification n'a été opérée par Me [M] alors que l'acte de vente, qui vise expressément la promesse synallagmatique, aurait dû n'en être que la simple réitération.

Le montant anormalement élevé de l'usufruit, le prix payé au moment de la promesse contrairement aux usages, et de surcroît pour 97 % hors de la comptabilité de l'étude notariale, alors qu'en outre le débiteur du prix (M. [F]) a changé, toutes ces circonstances et confusions auraient dû alerter le notaire et l'amener à des vérifications minimales.

L'origine des versements opérés à partir du compte Carpa de Me [F] ou de la Savimm qui est le vendeur, le titulaire du compte n'étant pas identifié sur le relevé du notaire, aurait dû le conduire à tout le moins à s'interroger sur la provenance des sommes et à avoir des soupçons le conduisant à une alerte de l'organisme Tracfin.

Si M. [F] a justifié a posteriori de ce qu'il disposait bien des fonds nécessaires en raison de la vente familiale d'un bien immobilier régularisée par un autre notaire le 25 mars 2011, ceci ne saurait justifier que maître [M], au moment où il a dressé l'acte authentique de vente, se soit totalement abstenu de procéder aux vérifications qui s'imposaient concernant l'origine des fonds, précautions qui ne sont que des illustrations de la conscience professionnelle, du sérieux et la probité dont doit faire preuve un officier ministériel, comme l'a justement souligné le tribunal.

Doit être également écarté le moyen invoqué par le notaire tiré d'un prétendu risque de poursuites pénales du chef de dénonciation calomnieuse, lesquelles nécessitent de caractériser l'intention de nuire.

La cour retient en définitive le non-respect par Me [M] de ses obligations quant à la lutte contre le blanchiment des capitaux, punissable aux termes de l'article 324-1 du code pénal prévoyant un emprisonnement de 5 ans et 375 000 € d'amende, et une violation les articles L561-1 et suivants du code monétaire et financier (CMF) constituant un manquement disciplinaire prévu par l'article 30 du Règlement national du notariat (RNN ), ainsi que la poursuite d'une vente litigieuse en violation des dispositions de l'article 3. 2. 3 du RNN qui prévoit que le notaire est tenu de prêter son ministère lorsqu'il en est requis, sauf à devoir le refuser pour l'élaboration de conventions contraires à la loi ou frauduleuses.

Ces agissements sont constitutifs de fautes disciplinaires et justifient le prononcé d'une sanction à l'encontre de maître [M] .

2 - Le dossier [K] [X]

Les inspecteurs relèvent que le groupe [K] [E] était composé de sociétés en liquidation judiciaire depuis 2010 selon Me [M]. Toutefois il subsistait deux comptes créditeurs non soldés d'un montant de 5 859 € et 1675 €, reliquat d'opérations de 2004, sans que ces fonds aient été versés au liquidateur.

L'examen de ces comptes montre que le notaire n'a pas respecté l'article 15 du décret n° 45-117 du 19 décembre 1945 sur la consignation obligatoire après 3 mois.

Les inspecteurs soulignent de manière générale, en page 70 de leur rapport, qu'en moyenne sur les 3 derniers exercices clos 2010, 2011 et 2012, plus de 50 % des comptes clients créditeurs, sans mouvement depuis au moins 3 mois, auraient dû faire l'objet d'un transfert au compte « dépôt obligatoire » (DO) ouvert à la Caisse des dépôts et consignations.

En moyenne sur les 3 exercices clos, 7,50 % des soldes des comptes clients créditeurs, soit près de 1'548'000 € auraient dû faire l'objet d'un transfert du compte Disponibilités courantes (DC) au compte DO.

Au18 avril 2013 le nombre des comptes à consigner s'élève à 992, ils représentent un montant total de soldes à consigner s'élevant à 1'237'670 €.

Les inspecteurs soulignent que le transfert au compte de dépôts obligatoires permet à l'office notarial non seulement de respecter ses obligations statutaires, mais de protéger l'étude, certains clients n'hésitant plus désormais à réclamer par voie judiciaire l'intérêt légal et à remettre en cause l'intérêt qui a été perçu par le notaire depuis le premier jour du dépôt des fonds.

Me [M] fait valoir qu'il a géré un nombre très important de comptes pour la société [K] [E] ; que le dépassement de trois mois du délai était courant et admis par la pratique notariale (« l'habitude des notariats, c'est de clôturer les comptes à 6 mois ») ; que pour pallier les difficultés de lecture des opérations de consignation conduisant souvent à des omissions de consignation, un nouveau système informatique a été mis en place depuis lors par la profession signalant un compte qui n'est pas mouvementé depuis plus de 3 mois, ce logiciel a pour nom Mi-fado.

Il invoque la jurisprudence aux termes de laquelle une faute ou une négligence ne constitue pas nécessairement un manquement à l'honneur ou à la probité.

Le ministère public répond que le manquement constaté dans le dossier [K] [X] n'est qu'une faible représentation d'agissements qui sont récurrents pour l'étude notariale ; que la lecture du rapport d'inspection permet de constater au 18 avril 2013 que le nombre de comptes à consigner, c'est-à-dire des comptes non mouvementés depuis plus de 3 mois s'élève toujours à 992, représentant un montant total de 1'237'670€, dans ces conditions, le manquement constaté dans ce dossier [K] [X] ne peut s'analyser comme une simple négligence, mais plutôt comme l'illustration d'une pratique courante et choisie contra legem.

*

La cour retient qu'une simple négligence ne saurait se répéter 992 fois.

Si le respect du délai de 3 mois nécessite sans doute une organisation rigoureuse de l'étude, et que cette gestion est désormais facilitée par l'installation d'un logiciel Mi-fado, il ne ressort d'aucun document probant qu'il serait d'usage comme invoqué, de prolonger jusqu'à 6 mois le délai légal de 3 mois édicté par les textes, de sorte que ce moyen doit être également écarté.

Est donc établie la violation habituelle par Me [M] de l'article 15 du décret du 19 décembre 2015 pris pour l'application du statut du notariat qui dispose notamment que les sommes déposées sur des comptes de disponibilités courantes qui restent détenues à l'issue d'un délai de 3 mois sont transférées par les notaires sur des comptes dits de dépôts obligatoires ouverts dans les livres de la Caisse des dépôts et consignations.

Ce manquement à la probité imputable au notaire justifie le prononcé d'une sanction disciplinaire.

3 - Le dossier SCI LE MARROUN

Par convention en date des 27 et 28 juin 2012 la SCI Le [P] a vendu à l'établissement public foncier [Adresse 6], dans le cadre d'une préemption, un terrain sis [Adresse 7] au prix de 1400'000 € .

La comptabilité de l'Office portait encore trace en avril 2013 d'un reliquat de 57'413 €. Il est également noté que Me [M] a reçu seul un acte de quittance, alors qu'un autre notaire, Me [B], intervenait déjà, et que Me [M] instrumente, alors qu'il n'ignorait pas que son client ne pouvait pas bénéficier d'une exonération de la taxation de la plus-value en positionnant une caravane sur le terrain, ce montage étant habituellement refusé par l'administration fiscale.

Sont retenus par l'inspection une violation de l'article 15 du décret du 19 décembre 2015 pour défaut de consignation des sommes présentes sur les comptes des offices au-delà de 3 mois, un manquement à la délicatesse prévu à l'article 4. 1 du Règlement notarial des notaires en recevant seul la quittance alors qu'un notaire marseillais intervenait également, ainsi qu'une violation des dispositions des articles 2 et 3. 2. 3 du RNN selon lesquels le notaire est tenu de prêter son ministère lorsqu'il en est requis, sauf à le refuser pour l'élaboration de conventions contraires à la loi ou frauduleuses.

*

Le notaire répond que le vendeur, M. [O], s'était toujours domicilié dans une caravane située sur le terrain de [Localité 4] ; qu'il est un client difficile qui a tôt fait de déposer des plaintes contre les professionnels du droit travaillant pour lui ; que le refus d'instrumentation ne peut être opposé qu'en cas d'acte frauduleux ou illégal et qu'un refus d'instrumentation non justifié est une infraction pénalement répréhensible pour un officier public ; que le notaire a scrupuleusement répondu à ses diverses obligations, à savoir l'obligation de connaître la loi, de veiller à la sécurité juridique de l'acte, de fournir une information la plus complète possible avec impartialité ; qu'on ne compte plus le nombre de décisions assimilant en matière fiscale caravane, ou un mobilehome, à un immeuble dès lors qu'il est attaché à perpétuelle demeure ; que l'exonération de la plus-value peut être valablement revendiquée comme l'indique une réponse du Cridon du 4 juillet 2016 versée aux débats ; que dans la matière fiscale du dossier traité, c'est-à-dire en matière de plus-value immobilière, on se référera aux instructions fiscales en matière de plus-values immobilières pour une péniche servant de résidence principale où l'administration a confirmé le principe de l'exonération de plus-value ; que la Cour de cassation considère que constitue une faute pour le notaire le fait d'imposer son diktat sans informer un vendeur; qu'il appartient à l'administration d'apprécier la question de fait sous le contrôle du juge de l'impôt; que s'agissant de la sécurité juridique, en présence d'une situation pouvant éventuellement faire l'objet d'une contestation, le seul moyen d'assurer la sécurité juridique était de consigner les fonds, ce qui a été fait dans l'acte notarié du 20 juillet juin 2012 ; qu'une reconnaissance de conseil donné n'est pas le reflet du sentiment de notaire, mais simplement l'application des obligations professionnelles affirmées par la jurisprudence de devoir mettre en exergue les risques encourus ; qu'il n'y a pas fraude quand un contribuable entend invoquer le bénéfice d'un dispositif fiscal spécifique, même si l'administration fiscale a toute latitude pour le contester sous le contrôle du juge de l'impôt ; que respectant son devoir d'impartialité, le notaire a laissé à son client son libre choix et son libre arbitre ; que le notaire doit seulement dans cette hypothèse se comporter en professionnel en anticipant les conséquences du choix de son client de manière à garantir à la fois les intérêts des clients et ceux de l'administration ; que les notaires ont donc conditionné la signature de l'acte à la mise en 'uvre d'une garantie au profit de l'administration en cas de contestation du choix fiscal par l'administration fiscale ; que Me [M] ne pouvait de ce fait avoir d'autre choix que d'instrumenter dans les conditions précitées éminemment protectrices ; qu'en définitive l'administration fiscale n'a pas contesté le choix du vendeur, qu'elle a donc considéré comme justifié, le fait que la caravane constitue la résidence principale du vendeur, de sorte qu'aucun manquement ne peut être retenu contre lui.

Le notaire ajoute à l'audience qu'« un notaire n'est pas inspecteur des impôts, quand on a un doute ou une interrogation, on n'en fait part au client et c'est lui qui prend la décision ('). J'ai donné des conseils aux clients je ne peux pas refuser d'instrumenter. »

Le ministère public répond que la seule lecture du K bis de la SCI le [P] accessible non seulement au notaire mais aussi à l'administration fiscale aurait pu montrer que l'intéressé habitait en réalité à [Localité 5], adresse confirmée par les statuts de la société ; qu'il ne pouvait pas échapper à Me [M] que le montage fiscal ne pouvait tenir que si l'administration fiscale ne s'intéressait pas à la question, ce qui fut la cas ; que Me [M] a mentionné dans l'acte authentique une adresse de M. [O] fixée sur le terrain vendu et qu' en revanche le notaire a clairement manifesté sa connaissance du problème en mettant en place un dispositif susceptible de couvrir sa responsabilité ; qu'il n'est pas neutre que la convention de séquestre ait été signée par un acte séparé, et non pas incluse dans l'acte de vente, ce qui n'aurait pas manqué d'attirer l'attention de l'administration fiscale.

Le ministère public ajoute, en ce qui concerne l'acte de quittance reçu par Me [M], seul, sans la participation du notaire de l'acquéreur, ce qui lui a permis d'encaisser un émolument substantiel de 7878 €, que le tribunal l'a 'relaxé' en estimant que rien ne permettait d'affirmer que le notaire aurait manqué à son devoir de délicatesse à l'égard de Me [B] ; que Me [M] fait voir qu'il a par courtoisie laissé au contraire à son confrère une rémunération supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre selon le règlement de la chambre départementale et qu'il fait valoir que l'acte de vente prévoyait l'établissement d'un acte de quittance par lui seul, alors que le ministère public constate que Me [M] a dès le 24 juillet 2012 émis une facture d'un montant de 9568,87€ au titre de l'acte de quittance du même jour (annexe 17 du rapport d'inspection) et qu'il produit lui-même (dossier 3 pièce 31) une facture de Me [B] concernant le même acte de quittance, dont on remarque qu'elle est datée du 30 août 2013, soit après l'inspection, ce qui présente toute l'apparence d'une régularisation tardive suite à la demande des inspecteurs.

En ce qui concerne le reliquat de 57'413 € en crédit du compte alors que la vente remontait au moi de juin 2012, le ministère public fait observer que le relevé de compte confirme les observations des inspecteurs puisqu'on observe qu'en mai 2013, soit quelques jours après l'inspection, l'étude a réglé la somme de 52'884,38 € au vendeur pour des fonds perçus par l'étude le 24 juillet 2012 ; et que l'existence d'hypothèques et d'un compte séquestre ne peut pas expliquer ce retard dans un contexte de manquements répétés et fréquents à l'article 15 du décret du 19 décembre 1945.

La cour estime que le tribunal a justement écarté le grief du manquement à la confraternité à l'égard de Me [B] et rejeté une violation des dispositions de l'article 4.1 du RNN.

En revanche, sur le concours à un acte irrégulier, si le notaire fait valoir exactement que le K- bis invoqué par le ministère public est ancien et qu'il ne comporte que le domicile professionnel et non le domicile personnel du gérant, le tribunal relève exactement en ses motifs :

« L'acte de vente stipule également que ' L'opération entre dans le cadre de l'exonération des plus-values dans la mesure où elle porte sur la résidence principale de l'associé unique du cédant et que le notaire est dispensé de déposer l'imprimé 2048 IMM'.

Or il ressort clairement de la reconnaissance de conseil donné en date du 27 juin 2012 que le notaire avait pourtant considéré lui-même que « Les différentes instructions laissent entendre que n'est susceptible de constituer une résidence principale relevant de l'exonération qu'une construction ('), définition qui ne semble pas pouvoir être étendue à une caravane » et que le vendeur « risque de se voir opposer par l'administration fiscale un refus quant à l'exonération d'impôt ».

Les doutes du notaire étaient d'ailleurs tels qu'il a pris la précaution de faire affecter en nantissement au profit de l'administration par acte du 27 juin 2012 une somme très significative de 436'742 € représentant le montant de l'impôt sur la plus-value et des pénalités sur 3 ans qui pourraient être réclamés au vendeur en cas de contestation.

Il en résulte que Me [M] a instrumenté et invoqué une exonération fiscale alors même qu'il estimait que les conditions pour en bénéficier n'étaient pas réunies.

L'usage abusif des prérogatives d'autorité publique tirées de la loi, constitue un manquement grave du notaire à son devoir de probité.»

La cour ajoute que le fait que l'administration n'ait pas procédé a posteriori à des vérifications et qu'elle n'ait pas opéré un redressement fiscal est inopérant à cet égard.

Alors que Me [M] prétend que c'est le client qui, bien informé par le notaire, devrait faire ses choix juridiques, le représentant de la chambre des notaires souligne justement, à l'opposé, que le notaire est un filtre et qu'il ne doit pas prêter son ministère à certains actes.

Me [M], qui n'est pas le simple conseil d'une partie, aurait dû refuser de prêter son ministère à la rédaction d'un acte authentique contraire à la légalité :il ne pouvait dresser l'acte qu'en lui intégrant ou en faisant un renvoi explicite à l'acte de consignation qui autrement devient un acte positif de dissimulation.

La violation des dispositions des articles 2 et 3. 2. 3 du RNN selon lesquels le notaire est tenu de prêter son ministère lorsqu'il en est requis, sauf à le refuser pour l'élaboration de conventions contraires à la loi ou frauduleuses est établie à l'encontre de Me [M], lequel a manqué à son devoir de probité et à la loi fiscale.

En outre, le compte ouvert au nom de la SCI Le [P] présentait au jour de l'inspection un solde de 57'413,31 € qui, en méconnaissance des prescriptions de l'article 15 du décret du 19 décembre 2015, n'avait pas été consigné dans le délai de 3 mois.

Le notaire invoque un dernier mouvement sur le compte daté du mois de mars 2013 pour une consignation en août 2013, donc toujours tardive, et qui relève en réalité, comme il a été dit supra, d'une pratique qu'il a bien choisie contra legem.

4- Le dossier [N]

Par acte passé le 27 décembre 2011 en l'étude de Me [M], M. [L] [N] a fait donation à [O] et [C] [N], à titre de partage anticipé de divers biens, spécialement de la pleine propriété de 40 parts sociales numérotées de 11 à 30 et 31 à 50 de la SCI Activerd que le donateur avait constituée avec Mme [H].

Le compte ouvert au nom de M. [L] [N] auprès de l'office mentionne, entre autres, qu'une somme de 6000 € a été virée le 29 décembre 2011 sous le libellé 'reçue pour le compte de M. [L] [N] (compte courant) au titre d'une provision pour frais versée par la SCI Activerd', alors qu'il n'existe aucun acte notarial auquel rattacher ce virement.

Suite à l'inspection, les inspecteurs recevaient de Me [M] une attestation de la société d'expertise comptable [G] du 28 mai 2013 précisant M. [L] [N] était associé de la SCI Activerd et qu'il était titulaire d'un compte courant d'associé créditeur de 221'386,66 € au 31 décembre 2011.

Les inspecteurs concluent sur ce point en leur rapport « En tout état de cause, cela montre combien Me [M] fait passer des fonds d'un compte à un autre (de la SCI Activerd au compte [N]) sans s'assurer préalablement si le compte de M. [N] est créditeur ou non dans la comptabilité de cette société, puisqu'il a été obligé de demander cette pièce à l'expert- comptable après l'inspection. C'est toujours dans un but de rapidité qu'il fait transiter des fonds d'un compte à un autre, cela évite que la société fasse un chèque à son associé au titre d'un remboursement de compte courant et qu'ensuite cette personne verse au moyen d'un chèque personnel une somme au notaire. Véritablement celui-ci se substitue au rôle de la banque. »

Le tribunal a retenu qu'en acceptant de faire transiter des fonds du compte de la SCI Activerd vers celui ouvert dans l'office au nom de M. [L] [N], alors que l'acte en cause ne concerne que ce dernier, et sans assurer au préalable que le compte courant d'associé que M. [L] [N] avait ouvert dans ceux de la société était bien créditeur, Me [M] a non seulement manqué de vigilance, mais encore participé à une opération de banque telle que définie aux articles L311. 1 et L314. 1- 3° du code monétaire et financier qui disposent que les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit ainsi que les services bancaires de paiement, au nombre desquels figurent notamment « l'exécution des opérations de paiement suivantes associée à un compte de paiement (') les virements (') ».;

Le tribunal ajoute que ces agissements caractérisent un manquement grave aux règles prudentielles et aux exigences qui s'imposent à un officier public en même temps qu'une infraction manifeste aux dispositions de l'article 13 du décret du 19 décembre 1945 qui lui font interdiction de se livrer à une opération de banque.

Le notaire répond que le versement en compte courant n'est pas un acte de banque selon l'article L312-2 al. 2 du code monétaire et financier, une doctrine constante et la jurisprudence. Une attestation de la famille témoigne de la connaissance de ce versement. La vérification préalable invoquée par le jugement n'était ni nécessaire ni utile, l'écriture ne pouvant être qu'une écriture sur le compte courant de M. [N] dans la comptabilité de la société qui ne pouvait être réalisée que postérieurement à l'émission du chèque.

Les inspecteurs ne sauraient lui reprocher de n'avoir pas obtenu antérieurement à la vente une attestation constatant la réalisation d'écritures concomitantes à la signature de l'acte et ne pouvant qu'être délivrée postérieurement à celui-ci.

Les opérations de banque prohibées au notaire définies par l'article L311-1 du code monétaire et financier visent les opérations de banque comprenant la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit ainsi que les services bancaires de paiement. Ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public les fonds reçus ou laissés en compte par les associés détenteurs de moins de 5 % du capital, alors que M. [N] est détenteur de 50 % des parts sociales de la SCI ; que la pratique du 'compte courant d'associé' qui est autorisée à un notaire sans acte authentique, n'est ni une opération de banque ni un prêt. L'utilisation de fonds provenant de comptes courants d'associés est usuelle dans la pratique notariale. Le Cridon, consulté, a confirmé qu'il n'y avait pas au cas d'espèce d'opération de banque.

Le ministère public soutient dans ses écritures que :

« Me [M] a accepté de recevoir un chèque d'une SCI tierce pour régler les frais de l'acte dus par le client alors que le chèque aurait dû émaner du client lui-même. En acceptant un tel moyen de paiement, le notaire pouvait se rendre coupable de complicité d'abus de biens de confiance.

De plus en cas de chèque sans provision, l'assureur du notaire aurait refusé sa garantie car le tireur n'était pas partie au contrat.

En outre le libellé fait mention de frais de cette société alors que, selon les inspecteurs, le notaire doit refuser de faire transiter des fonds d'un compte à un autre sans qu'il soit causé par un acte sous peine de participer à une opération de banque interdite par l'article 13 du décret du 19 décembre 1945.

Me [M] soutient qu'il n'avait pas l'obligation de vérifier que le compte courant ouvert dans la SCI était créditeur car ses statuts n'interdisent pas les comptes courants négatifs ni aucun texte selon lui.

Toutefois les statuts ne sauraient autoriser une pratique formellement prohibée par l'article 314-1 du code pénal qui prévoit et puni le délit d'abus de confiance dont les éléments constitutifs peuvent, contrairement aux affirmations du notaire, trouver leur siège au sein d'une SCI. Le fait que tous les associés comparaissent à l'acte sans faire d'objection est totalement indifférent à cet égard, d'autant qu'aucune mention du chèque n'apparaît dans l'acte, de sorte qu'aucun élément n'établit que les associés aurait eu connaissance de ce que les frais de cet acte avaient été payés au moyen d'un chèque de la SCI.

On relève que ce chèque qui figure en annexe 12 du rapport d'inspection a été signé par le donataire dont un exemplaire de la signature figure sur la première page des statuts de la SCI alors qu'il n'était plus le gérant de cette société au jour de l'émission du chèque selon le Kbis. Il devait sans doute avoir une procuration sur le compte de la SCI.

Me [M] a fourni aux inspecteurs une attestation de l'expert-comptable de la SCI, postérieure à l'inspection, selon laquelle le client disposait d'une un compte courant créditeur de 121'000 € M dans la SCI concernée au jour de l'émission du chèque et que la somme de 6000 € avait été débitée de ce compte le 7 décembre 2011.

Il résulte de ce document que non seulement Me [M] ne s'est posé aucune question avant l'inspection sur la question de savoir si l'émission du chèque avait donné lieu à une écriture au débit du compte courant du client ou bien du compte bancaire de la société, mais qu'il disposait d'un moyen technique très simple pour s'en assurer, en l'espèce une attestation de l'expert-comptable mentionnant une écriture effectuée 3 semaines avant l'acte.

Les inspecteurs considèrent que Me [M] a participé à un service bancaire de paiement, c'est-à-dire à la mise à disposition et la gestion d'instruments (chèque, virement, moyen de paiement électronique) pouvant être utilisés par la clientèle pour transférer des fonds. Le virement figure parmi les moyens de paiement visés par le code monétaire et financier et devient une opération de banque proscrite lorsqu'elle est effectuée sans cause licite à l'opération.

Aujourd'hui l'attestation produite par Me [M] semble établir que le véritable tireur du chèque payeur était bien M. [L] [N], débiteur des frais de l'acte.

Le ministère public en conclusion s'en rapporte à l'appréciation de la cour, tout en soulignant que rien n'aurait été reproché à maître [M] s'il avait exigé que M. [N] prélève des fonds sur de son compte courant et pour les déposer sur son un compte bancaire ouvert à son nom et émette ensuite un chèque sur ce compte bancaire.

Il reste que pour satisfaire son client et son exigence de rapidité, Me [M] a accepté de prêter son ministère à une opération dont il avait des raisons de penser qu'elle était illicite sans procéder aux vérifications d'usage, ce qui engage sa responsabilité disciplinaire. »

A l'audience, l'avocat général fait observer qu'il manque la pièce comptable qui correspond à l'écriture dans la comptabilité du notaire.

La cour estime que l'article L311-1 du code monétaire et financier décrivant comme «opérations de banque la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement », la négligence du notaire et sa légèreté dans la passation des écritures du dossier [N] ne peuvent pas être considérées comme ayant pu représenter 'un service bancaire de paiement', et ne sont pas constitutifs d'une faute disciplinaire. Ce grief sera écarté.

5- dossier SARL I Solutions, promotion et investissement

L'inspection relate les faits suivants.

« Par acte des17 et 18 décembre 2012, maître [M] a reçu les statuts de la SARL I Solutions, promotion et investissement.

Lors de la régularisation de l'acte, il est noté que :

* la SARL I Solutions, promotion et investissement souscrit au capital pour 5000 €, mais seulement 1000 € seront versés,

* M. et Mme [A], demeurant à Marrakech à l'hôtel [Établissement 1], souscrivent au capital pour 10'000 €, soit 5000 € chacun, mais il n'y a que 1000 € versés,

*Mme [M] [U] demeurant à [Localité 6] souscrit au capital pour 5000 €, mais elle ne verse que 1000 €.

Il est indiqué dans l'acte que ces sommes, soit 3000 € ont été versées le 17 décembre 2012 dans la comptabilité de l'office notarial.

Les inspecteurs vérifient en comptabilité le compte de cette société en formation, mais ils constatent qu'il n'y a que 2000 € versés par la société SARL I Solutions, promotion et investissement.

À la fin de l'acte se trouve un renvoi spécialement approuvé sur une feuille indépendante indiquant que les premiers gérants ne sont pas les 3 associés, mais seulement M. [A] et Mme [U].

Sur une autre page, il y a de nouveau un renvoi spécialement approuvé toujours sur une feuille indépendante précisant que la répartition du capital social est erronée, et qu'en fait le capital social est détenu par la société I solutions, M. [A], son époux et Mme [U], chacun à concurrence de cinq parts.

On peut constater qu'à ce niveau les renvois spécialement approuvés l'ont été par Me [M] seul et probablement à une autre date que celle indiquée dans les statuts, car si toutes les parties avaient été présentes, elles auraient approuvé les renvois.

Enfin le 11 mars 2013, il y a de nouveau un acte rectificatif, toujours signé par Me [M] seul, au sujet du capital social, indiquant que :

* la société I solution intervient pour 5000 € et qu'elle a versé la somme de 2000 €,

* M. et Mme [A] participent pour 10'000 € (5000 € chacun) mais ils ne versent que 1000 €,

* et qu'enfin Mme [U] souscrit des parts pour 5000 € et qu'elle ne verse que 1000 €.

Avec une telle présentation non proportionnelle aux souscriptions, on ne sait pas quel est le montant du capital social libéré, d'autant plus que le 11 mars 2013, il est versé en comptabilité la somme de 2000 € avec le libellé suivant « reçu capital social pour le compte de Mme [M] [U] et M. et Mme [A] [A] de l'EURL I solutions ».

Autant de changements sont surprenants ; l'authenticité n'est pas respectée. Me [M] a procédé à des modifications dans un acte sans les faire approuver par ses clients. Il n'assure pas sa mission avec le sérieux nécessaire.

Sont invoqués un manquement à l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 45 et à l'article 2 du Règlement national des notaires.

En ne respectant pas ces articles il est susceptible de subir une sanction disciplinaire conformément à l'article 58 du Règlement national. »

Le tribunal relève en ses motifs que « s'il est admis qu'une attestation qui nécessite la seule signature du notaire ayant reçu l'acte, puisse être valablement choisie pour rectifier une erreur dans la désignation des parties, à l'instar de ce qui été fait dans les pièces annexées à l'acte, il appartenait toutefois à maître [M], s'agissant du document du 11 mars 2013 qu'il a lui-même dénommé « acte rectificatif », de veiller à respecter les formes de l'acte principal, et de le faire signer par toutes les parties, ce qu'il s'est abstenu de faire.

Cette façon de procéder qui consiste à établir un acte sans le faire approuver par ses clients, traduit de la part de maître [M] un manquement aux prescriptions de l'article 2 du Règlement notarial des notaires, mais encore aux dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945. »

Le notaire répond que le décret de 1955 permet de rectifier des erreurs sous forme de mentions complémentaires à l'acte signées par le notaire seul ; que le jurisclasseur notarial ajoute que le procédé de la mention complémentaire s'applique dans le cas où les erreurs ou inexactitudes sont découvertes par le rédacteur de l'acte avant les formalités ; que l'acte rectificatif n'est nullement un changement substantiel de l'acte, mais la simple constatation d'un fait juridique et permet de mettre l'acte en concordance avec les sommes versées ; qu'à l'issue du rendez-vous avec les parties à l'acte, le clerc a omis de réclamer le versement de la partie du capital devant être libéré, si bien que la mention du versement à la date du 17 décembre 2012 était erronée ; que les parties étaient parfaitement d'accord pour la rédaction d'un acte rectificatif ; que l'acte rectificatif ne modifie pas la répartition du capital conventionnellement décidé par les associés à l'acte authentique du 17 décembre 2012 et il ne dénature pas l'acte d'origine, mais qu'il se contente de faire constater par Me [M] en sa qualité d'officier public un fait, cette constatation faisant foi jusqu'à inscription de faux ; qu'il est de pratique et de jurisprudence qu'il n'est pas nécessaire qu'un acte rectificatif soit signé par toutes les parties qui ont comparu à l'acte principal; qu'aucun texte n'impose qu'un acte notarié ne puisse être reçu qu'avec l'intervention des parties ; qu'au contraire il résulte des dispositions de l'article 1317 du code civil que c'est la signature du notaire qui confère l'authenticité, l'acte même signé par les parties, sans cette signature ne vaut que comme acte sous-seing privé ; que le Cridon souligne dans une note du 17 février 2017 que la question n'est pas une question de solennité de l'acte, mais de responsabilité, « D'une manière plus générale, le notaire rédacteur qui signe seul un acte rectificatif le fait sous son entière responsabilité et en quelque sorte à ses risques et périls », et que sa responsabilité pourrait être engagée soit en raison d'une éventuelle inopposabilité aux parties en l'absence de mandat, soit en raison d'une modification de l'objet de l'acte principal.

Le ministère public conclut qu'il apparaît que Me [M] a rédigé les statuts d'une SARL signés les 17 et 18 décembre 2012 sur lesquels on observe deux renvois et un acte modificatif différents, sur le même sujet de l'apport en capital et de la répartition du capital social, renvois approuvés par le seul notaire à l'exclusion des parties, et donc certainement à une autre date que celle de l'acte.

Selon les inspecteurs, l'authenticité de l'acte n'a pas été respectée. Me [M] n'a pas exercé sa mission avec le sérieux nécessaire, le nombre de changements affectant l'acte initial altérant son authenticité et sa compréhension.

Le ministère public ajoute que le notaire soutient qu'il a reçu mandat de la SARL I Solutions de faire les rectifications nécessaires alors que la lettre de délégation qu'il produit n'émane que de I Solutions, et qu'il est signé d'une personne non identifiable, signant 'pour ordre' sans aucune certitude sur sa capacité à donner pouvoir.

Il se déduit encore des pouvoirs donnés par les parties pour immatriculer la société qu'elles étaient d'accord avec une modification qui a été effectuée le 11 mars 2013, alors que les pouvoirs donnés étaient antérieurs.

Ainsi qu'il résulte d'un avis du Cridon produit par maître [M] lui-même, que les actes rectificatifs doivent être dressés conformément aux principes généraux du droit civil, c'est-à-dire dans les mêmes conditions de forme que l'acte principal.

Il faut qu'ils soient par conséquent rédigés en minute, et signés de toutes les parties qui ont comparu à l'acte principal. Le notaire rédacteur qui signe seul un acte rectificatif, le fait sous son entière responsabilité et en quelque sorte à ses risques et périls.

C'est précisément ce risque qui se concrétise sous la forme de poursuites disciplinaires.

À noter qu'en cas de liquidation judiciaire de la société I Solutions, promotion et investissement, le liquidateur ne peut savoir en l'état de ces actes à qui il doit réclamer le complément de capital social au sein du couple [A] : à M. ou à Mme [A] '

La cour estime que Me [M] a manqué à sa mission de conférer l'authenticité avec le sérieux et la probité nécessaires, en procédant à des modifications successives d'un acte authentique sans les faire approuver par ses clients, et en considérant encore, au jour de l'audience, qu'il serait autorisé à le faire.

Cette pratique, ne peut être admise que pour rectifier de pures erreurs de plume, et non pour rectifier des erreurs dites intellectuelles.

Le président de la chambre régionale de discipline rappelle exactement que s'agissant d'un élément essentiel du contrat de société, l'acte authentique doit être signé par tous les associés et non unilatéralement, par le notaire seul. L'acte rectificatif doit observer en droit le parallélisme des formes, l'acte ayant des conséquences importantes pour les tiers.

Me [M] manque aux termes de l'ordonnance du 2 novembre 45 dans son article 1er qui précise que « Le notaire est l'officier public établi pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique et pour en assurer la date (') ».

Il ne respecte pas davantage l'article 2 du Règlement national des notaires précisant que « L'État en le nommant lui confère des prérogatives attachées aux actes de l'autorité publique : le pouvoir de conférer l'authenticité. Il doit accomplir cette mission avec loyauté et probité ».

6 - SAS ADEKOAT

Le rapport de l'inspection souligne les faits suivants.

La SAS Adekoat est une société inscrite au RCS de Paris et dont l'activité basée dans le Nord de la France a pour objet d'assembler des high-tech Lodging boxs, modules préfabriqués pour les résidences hôtelières et étudiantes.

À la fin de l'année 2009 les notaires ont reçu de presque 70 personnes des fonds pour la participation à l'augmentation de capital de cette société.

Il est tout à fait possible pour un notaire de recevoir des fonds pour une constitution de société ou pour une augmentation de capital dans le cadre d'une société par actions simplifiées (conformément aux dispositions de l'article R 225-6 du code de commerce).

Mais l'examen de ce compte montre que les notaires ont ensuite reversé de l'argent à des personnes qui ne voulaient plus participer à l'augmentation de capital ou qui ne voulaient plus être associées de cette société lorsque l'augmentation de capital avait été actée. Me [M] a remis des photocopies de lettres adressées à ces personnes leur enjoignant de se mettre en rapport avec la société pour que celle-ci procède, soit à un rachat de titres, soit à une réduction de capital. Me [M] a même reversé partiellement à la société Adekoat les intérêts qui lui ont été versés par la Caisse des dépôts et de consignation au titre de la consignation.

Ainsi jusqu'au 28 septembre 2012, le service comptable de l'étude a rempli 8 pages d'écritures comptables. Me [M] a répondu à de très nombreux clients qui ne voulaient plus participer à l'opération, en faisant des lettres explicatives. Il a fait tout ce travail sans aucune rémunération d'actes. On ne comprend pas pourquoi maître [M], dans la mesure où il ne faisait ni l'acte d'augmentation du capital ni les cessions d'actions qui s'en sont suivies, n'a pas demandé la société Adekoat de s'adresser plutôt à une banque pour faire ces opérations financières. Cela est surprenant .

Les souscriptions au capital de la société ont été comptabilisées pour un total de 4'082'126€. Les inspecteurs observent que les sommes immobiles pendant plus de 3 mois sont largement supérieures aux sommes consignées.

Aucune provision pour frais n'a été comptabilisée, aucun émolument n'a été comptabilisé.

A priori les notaires se sont satisfaits des produits financiers générés par les sommes immobiles et non consignées (À titre d'exemple, une somme de 1 million d'euros immobile pendant un an génère un produit financier de 10'000 €).

De même que pour de très nombreux dossiers précédents, Me [Z]-[Z] [M] n'a pas respecté l'article 15 du décret du 19 décembre 1945 imposant au notaire de transférer les fonds sur un compte obligatoirement ouvert à la Caisse des dépôts et consignations à l'issue d'un délai de 3 mois. Il n'a de ce fait pas respecté l'article 2 du Règlement notarial rappelant que le notaire doit accomplir sa mission avec loyauté et probité et que tous les actes contraires à la loi lui sont interdits.

Le notaire répond que l'article R225-6 du code de commerce prévoit que le notaire puisse ainsi remplir une mission de service public à usage du monde économique et qu'il est tenu lorsqu'il est sollicité, de détenir les fonds de sociétés en formation ; que depuis lors le compte a été déconsigné et soldé (en 2012) ; que le fondement de la poursuite ne saurait reposer sur un texte du '19 décembre 2015" pour des faits de 2011 ; que l'absence de consignation ne s'est pas matérialisée ; que le dépassement n'a été que de 3 mois du 6 septembre au 6 décembre 2011 sur un dossier de plus d'une centaine écritures comptables ; que la somme générée par l'immobilisation n'est pas de 20'000 € mais de 5488,84 €seulement ; que comme indiqué précédemment, la gestion des consignation avant la mise en place du logiciel Mifado s'est avérée très difficile en pratique comme pour bien des études notariales ; qu'une faute ou une négligence ne constituent pas nécessairement un manquement à l'honneur ou à la probité; et que la régularisation est intervenue bien avant l'inspection.

Le ministère public observe que le compte a été mouvementé jusqu'au 6 juin 2011 et qu'il y a eu une interruption ensuite jusqu'au 6 décembre 2011 soit pendant plus de 3 mois, ce qui n'est qu'un exemple de très nombreux comptes n'ayant pas fait l'objet de la consignation obligatoire comme déjà vu supra. Il ajoute que les poursuites font état d'un décret n° 45-0117 du 9 décembre '2015" alors qu'il s'agit d'une erreur manifestement de plume, le préfixe 45, comme le notaire ne peut l'ignorer, correspondant à l'année de la publication et le texte étant par ailleurs déjà cité dans l'acte de saisine sous sa bonne rédaction.

La cour estime que d'importants montants susceptibles de générer un produit financier conséquent ont été immobilisés au moins du 6 juin au 6 décembre 2011, c'est-à-dire pendant plus de 3 mois et que le notaire, qui agit 'comme un établissement financier' comme le souligne le représentant de la chambre de discipline, ne respecte pas une fois de plus les dispositions de l'article 15 du décret.

7 - La SCI Corbas Vitrolles

Les inspecteurs relatent les faits suivants :

Le 2 mars 2011, suivant acte reçu par Me [Z]-[Z] [M], la société Montmartin a cédé à la SCI Corbas Vitrolles un tènement immobilier au prix de 2'500'000 € financé au moyen d'un prêt d'une banque pour 2'165'000 € bénéficiant d'un privilège de prêteur de deniers.

Le journal de la société acquéreure a reçu un virement de 1'250'000 €du compte AG Invest. Les inspecteurs trouvent l'origine de ce virement, la somme provient d'un compte SAS AG Invest.

L'examen de ce compte montre que des capitaux sont venus de la société AG Invest pour créditer le compte de la SAS AG Invest, lesquels capitaux ont ensuite été virés au compte [Localité 7] [Localité 8]. Il y a certainement des relations d'associés, voire de mère à filiale.

Les inspecteurs ont demandé si les notaires avaient au moins des ordres de virement signés par les parties.

Malheureusement ce n'est pas le cas. Le notaire fait passer des fonds d'un compte à un autre sans aucune autorisation.

Il s'agit-là, à n'en pas douter, d'opérations de banque réservées aux établissements bancaires et rigoureusement interdites par l'article 13 du décret du 19 décembre 1945, comme dans le dossier [N].

Le même jour, toujours suivant acte reçu par Me [Z]-[Z] [M], la SCI [Adresse 4] cède à la société Corbas Vitrolles un autre tènement immobilier sis à [Localité 8] au prix de 3'500'000 € financé au moyen d'un emprunt de 2'635'000 €.

De nouveau cette société reçoit un autre virement de 175'000 € du compte AG Invest. On constate les mêmes sortes de virements, montrant que l'étude est tout à fait coutumière de tels procédés. On se demande pourquoi la société Corbas Vitrolles qui est immatriculée au registre du commerce des sociétés et qui a inévitablement un compte bancaire ne reçoit pas directement des fonds éventuellement de sa société mère par l'intermédiaire de sa banque.

Les inspecteurs concluent que le notaire est l'homme du contrat ; qu'il n'a pas à s'immiscer dans les opérations de banque ; qu'il devrait au moins respecter un certain formalisme et s'enquérir de l'origine des fonds transitant par sa comptabilité pour respecter l'obligation de vigilance qui lui est imposée afin de participer à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ainsi que cela a déjà été vu à plusieurs reprises dans d'autres dossiers.

Les inspecteurs rappellent que c'est pour ce dossier que Me [Z]-[Z] [M] avait reçu un chèque de 580'000 € entré en comptabilité « valeurs » et laissé dans son coffre sans l'encaisser plus de deux ans plus tard.

Le tribunal retient en ses motifs qu'il était prévu que la SAS se fasse substituer par la SCI Corbas Vitrolles dans le bénéfice de ses acquisitions et qu'elle serait également subrogée dans les dépôts de garantie s'élevant à 125'000 € et 175'000 € ; qu'il n'est dès lors nullement démontré que Me [M] aurait agi sans autorisation, ni vérification du solde créditeur ni que cette subrogation dans les dépôts de garantie doive être assimilée à une opération de banque à laquelle ne peut se livrer le notaire en application des dispositions de l'article 13 du décret du 19 décembre 1945 ; et qu'aucun manquement ne saurait être retenu à l'encontre de Me [M] de ce chef.

Le ministère public déclare à l'audience que son appel ne porte pas sur ce chef de la décision déférée.

L'origine des fonds si elle a été justifiée a posteriori, l'a été par une pièce qui était bien antérieure à l'inspection.

Aucune faute disciplinaire n'est à retenir.

8 - La SCI Pegase-Brusch

Par acte en date du 19 octobre 2012 la SCI Pégase a vendu à Mme [B] [L],

demeurant au Luxembourg et de nationalité luxembourgeoise, un ensemble immobilier sis

[Adresse 8] à [Localité 9] au prix de 198'000 €, l'acquéreur ayant donné procuration à l'étude.

Pour ce faire Me [M] disposait seulement d'une copie du passeport de l'intéressée, d'un ordre de virement d'un montant de 187'200 € en date du 17 octobre 2012 ainsi que du certificat qu'il avait sollicité auprès de la Banque et caisse d'épargne de l'État du Luxembourg, confirmant que Mme [L] était honorablement connue de l'établissement depuis 2004 et que son compte affichait un solde supérieur à 187'200 €.

Le ministère public soutient que Me [M] a produit une lettre qu'il a adressée à l'acquéreur le 10 octobre 2012 dans laquelle il fait un appel de fonds par virement et où il précise que le virement ne résultant pas d'un prêt bancaire et provenant d'un compte ouvert hors de France, il est nécessaire que l'acquéreur lui adresse une attestation de provenance des fonds établie par sa banque. Or le seul document dont il a disposé est l'attestation d'honorabilité de la banque luxembourgeoise.

Les inspecteurs considèrent donc à bon droit que le notaire est en difficulté pour expliquer pourquoi il a poursuivi son intervention malgré l'absence de réponse adaptée à son questionnement.

De plus l'article L561-10 applicable à l'époque stipulait que le notaire applique des mesures de vigilance complémentaire à l'égard du client lorsque celui-ci n'est pas physiquement présent aux fins d'identification.

Il rappelle que le Luxembourg figure en 2e place sur la liste 2010 des 10 meilleurs paradis fiscaux dans le monde, publiée par le magazine Forbes.

'Sans vouloir imposer au notariat des obligations trop pesantes, le ministère public considère qu'il y a là un manquement à l'obligation de vigilance du notaire'.

Le notaire adopte les motifs des premiers juges sur ce point et demande la confirmation.

Il précise toutefois qu'il a vérifié l'origine des fonds, c'est-à-dire que conformément selon lui à la position actuelle du notariat, il a vérifié que les fonds proviennent bien du compte de la partie à l'acte ; qu'il doit vérifier qui verse les fonds et si le montant versé est conforme aux demandes faites ; qu'il ne peut aller au-delà, ce que confirme le Cridon ; qu'aucun élément du dossier ne pouvait conduire Me [M] à faire une déclaration de soupçon et qu'une telle déclaration faite de mauvaise foi, c'est-à-dire sans fondement, dans le cas d'espèce aurait relevé de la dénonciation calomnieuse

La cour estime que même si Me [M] semble considérer, d'une manière générale, 'qu'il n'a pas de pouvoir sur les banques' et qu'à tort il ne déduit pas d'un défaut de réponse, la nécessité d'un signalement à Tracfin, le tribunal a justement relevé qu'en l'espèce il n'apparaît pas que cette acquisition immobilière, même si l'acquéreur résidait au Luxembourg et ne faisait pas partie des clients habituels du notaire, portât sur un montant particulièrement élevé ou disproportionné par rapport aux revenus que l'acquéreur pouvait retirer de l'exercice de son activité de professeur, ni que la vente de l'ensemble immobilier au prix de 187 200€, comprenant la jouissance d'un parking et d'un appartement de 2 grandes pièces principales à [Localité 9], soit intervenue à un prix inférieur ou supérieur à sa valeur vénale.

Ne sont donc pas réunies les circonstances qui auraient dû conduire Me [M] à penser que l'opération pouvait participer à un blanchiment de capitaux, et à engager un contrôle renforcé, en soupçonnant que les sommes en jeu pourraient provenir d'une infraction pénale ou d'une fraude.

Aucun manquement à la discipline ne peut être retenu.

9 - Sahir 52 - Lelu

Il s'agit d'un acte de vente reçu par Me [Z]-[Z] [M] en date du 1er février 2012 par la SCI Saphir 52 dont le siège est à Marseille chez AG Invest, au profit de M. et Mme [J] demeurant à [Adresse 9], de lots de copropriétés à Marseille au prix de 295'000 € payés à l'aide d'un prêt du Crédit agricole.

L'inspection relève que :

« La SCI Saphir 52 est représentée par M. [I] [Z], lequel n'est pas associé de la société mais qui agit, ainsi qu'il est stipulé à l'acte, en vertu des pouvoirs conférés par M. [G] [Z], gérant non associé de cette société aux termes d'une procuration sous-seing privée en date du 18 novembre 2011.

Il n'est pas indiqué dans l'acte si cette procuration est annexée, alors même qu'elle est demeurée jointe à l'acte. Il n'est pas non plus précisé si M. [Z] agit en vertu d'une délibération des associés ou en vertu d'un article des statuts.

Le décret n° 71-241 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires précise en son article 21 que l'acte notarié doit porter la mention des documents qui sont annexés. Les procurations doivent être annexées à l'acte.

Par ailleurs M. [G] [Z], gérant de la société Saphir ne pouvait donner pouvoir à un tiers que si lui-même avait aux termes des statuts, dans le cadre de l'objet social, le pouvoir de disposer des biens immobiliers de la société.

Il convenait également de s'interroger sur la validité des statuts sous-seing privés en présence d'un enfant mineur comme étant né en 2003. Compte tenu de l'engagement indéfini de l'associée mineure dans une société civile, l'accord du juge des tutelles est nécessaire pour l'entrée d'un enfant mineur dans une société civile, même lorsque celui-ci a ses deux parents administrateurs légaux purs et simples.

Ces vérifications n'ont pas été faites. Il s'avère que dans les statuts de la société Saphir 52 établis par acte du 22 février 2006, l'associé mineure n'a été représentée que par un seul parent et aucun accord du juge des tutelles n'a été obtenu.

Sont invoqués les articles 3. 2. 1 du Règlement national des notaires où il est indiqué que le notaire doit à sa clientèle sa conscience professionnelle, ses égards, l'impartialité, la probité et

l'information la plus complète, et l'article 3. 2. 3 du Règlement national où il est précisé que le

notaire est tenu de prêter son ministère lorsqu'il en est requis, sauf à le refuser pour l'élaboration de conventions contraires à la loi ou frauduleuses. »

Le tribunal retient justement qu'aucune disposition légale de l'époque de l'acte ne soumet la réalisation de l'opération à l'autorisation du juge des tutelles du fait de la minorité d'un associé.

Pour autant il est patent que Me [M] n'a pas satisfait à son obligation tirée de l'article 21 du décret du 26 novembre 1971 de faire figurer la procuration du 18 novembre 2011 en annexe dans l'acte du 1er février 2012 quand bien même ledit acte a conservé son caractère authentique et exécutoire.

Le ministère public s'en remet à l'appréciation de la cour en indiquant que son appel incident ne porte pas sur cette question.

Le notaire soutient qu'en ce qui concerne la procuration, celle-ci était restée jointe à l'acte même s'il n'y a pas de mention dans le corps de celui-ci, mention qui ne serait qu'un usage.

Mais l'article 21 de la loi n°71-941 du 26 novembre 1971 dispose clairement que « Les procurations sont annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte. Dans ce cas il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes », et l'article 22 du même texte ajoute que « Lorsqu'un l'acte est établi sur support papier, les pièces annexées à l'acte sont revêtues d'une mention constatant cette annexe et signée du notaire. », la cour estime donc que le manquement à la loi ou au règlement est établi, comme retenu par le tribunal, le procuration ne devant pas seulement avoir été établie, mais faire l'objet d'une mention spéciale du notaire inexistante en l'espèce.

10 - dossier DMG Architectural Solutions-Halevy

Les inspecteurs relatent les faits suivants :

« Il s'agit d'un acte de vente, reçu par Me [Z]-[Z] [M] en date du 11 juin 2012, par la société DMG Architectural Solutions, SARL belge, au profit de la société immobilière [Y], dont le siège est à [Localité 10], représentée par Me [N] [V] notaire à [Localité 10], d'un bien immobilier sis à [Localité 2] au prix de 1'050'000 €, payé comptant le jour de la signature de l'acte à l'aide notamment d'un financement de la Caisse d'épargne.

La société DMG Architectural Solution est représentée par M. [R] [S], agissant en sa qualité de gérant de la société et ayant tous pouvoirs en vertu d'une délibération des associés en date du 21 mars 2012 annexée à l'acte de vente.

Cette délibération prévoit la vente du bien immobilier au prix de 992'500 € net vendeur. Le prix indiqué dans la délibération ne correspond pas au prix payé par l'acquéreur lequel était redevable des honoraires de négociation.

Le notaire, en l'espèce ne pouvait recevoir l'acte compte tenu de la discordance entre le prix indiqué dans le pouvoir et le prix payé par l'acquéreur.

Sa responsabilité peut être engagée ; le notaire ayant l'obligation d'expliquer les annexes et d'informer les parties des conséquences de leur contenu.

La jurisprudence met en exergue le devoir de conseil à la charge des notaires quand les annexes sont en contradiction avec le corps de l'acte.

Par conséquent Me [M] ne respecte pas les articles :

' 3. 2. 1du Règlement national du notariat qui rappelle que le notaire doit à sa clientèle sa conscience professionnelle, ses égards, l'impartialité, la probité et l'information la plus complète ;

' 3. 2. 3 du Règlement national des notaires qui dispose que le notaire est tenu de prêter son ministère lorsqu'il en est requis, sauf à le refuser (') pour l'élaboration de conventions contraires à la loi ou frauduleuses.

Les inspecteurs ajoutent qu'une nouvelle fois on peut constater que Me [M] traite certains dossiers sans beaucoup de rigueur, préférant donner satisfaction à une certaine clientèle. C'est là donner certainement une bien piètre idée de la fonction notariale que de penser que les notaires sont tenus d'obéir à toutes les réquisitions de leurs clients comme il le soutient.

Me [M] oublie que le notaire est le professionnel de l'authenticité à ce titre il est tenu d'assurer l'efficacité des actes pour lesquels il prête son concours. »

Le tribunal retient en ses motifs qu'au vu de la délibération prise par la société venderesse le 21 mars 2012, il convient de considérer que le prix de 992'500 € constitue manifestement un minimum et que le fait pour le notaire d'avoir consenti à instrumenter pour un prix supérieur, avec l'assentiment du représentant de la société DMG, ne saurait caractériser de sa part un manquement à ses devoirs de conscience professionnelle ou de probité.

Le ministère public fait valoir que, contrairement à ce que soutiennent le notaire et le tribunal, il ne s'agissait pas dans le mandat d'un prix-plancher puisqu'il n'est pas fait référence à un prix minimum mais à un prix net vendeur fixe.

Les règles du code civil imposent, pour aliéner, un mandat exprès (article 1988 alinéa 2) et le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat. Excède ainsi ses pouvoirs le mandataire qui établit une promesse de vente qui diffère des conditions de vente énoncées dans le mandat. Toute procuration doit être interprétée de manière restrictive.

L'interdiction des négociations à la hausse peut s'expliquer de différentes façons, y compris au regard de l'imposition sur la plus-value.

On observe en outre que si elle avait changé d'avis pour une raison quelconque, la société venderesse aurait pu invoquer l'article 1998 du code civil aux termes duquel « Le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément aux pouvoirs qui lui est donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il a ratifié expressément ou tacitement ».

Il appartenait à Me [M] de vérifier la capacité du mandataire à représenter le vendeur, dans la limite de ce mandat, sauf à faire délivrer un nouveau mandat, pour assurer à l'acte sa pleine sécurité juridique.

Le ministère public ajoute que Me [M] soutient encore également que le notaire ne peut refuser d'instrumenter lorsqu'il en est requis. Il ne peut toutefois être valablement requis par une personne qui n'a pas le pouvoir de le saisir. Il a aussi le devoir de refuser son ministère pour accomplir un acte irrégulier.

Le notaire soutient :

' qu'un mandat verbal est toujours possible ;

' qu'au cas d'espèce, il n'y a pas lieu à interprétation ; que le pouvoir est clairement donné avec une faculté d'adaptation ; que les termes du mandat laissent clairement une latitude au mandataire puisqu'il dit « aux charges et conditions que le mandataire jugera convenable » ;

' qu'en ce qui concerne le moyen tiré d'une augmentation du prix susceptible d'entraîner une augmentation de l'imposition, il y a lieu de rappeler que l'impôt en France est proportionnel et non confiscatoire, laissant toujours un reliquat au redevable ; que la variation à la hausse du prix s'analyse donc en un bénéfice net au profit du mandat et profite nécessairement à la société venderesse et à ses associés en augmentant le solde net à distribuer entre les associés ;

' qu'à titre superfétatoire il sera rappelé que le prix a été adressé au mandant, la société DMG qui a tout naturellement encaissé le prix 'supérieur' ce qui vaut ratification expresse des conditions acceptées, conformément à l'article 1998 du code civil.

Mais le représentant de la chambre des notaires rappelle en premier lieu que s'agissant d'un acte de vente, un pouvoir spécial est exigé et qu'il est recommandé de disposer d'un écrit.

La cour retient que le notaire tente encore vainement ici de justifier a posteriori, par l'absence de litige ultérieur, des actes qu'il passe irrégulièrement.

En effet, la délibération prise par la société venderesse le 21 mars 2012 donnait tous pouvoirs au gérant 'connaissance prise par l'assemblée générale de la décision analysée ci dessus [fixant un prix net vendeur 992 500€]de signer tout avant-contrat puis acte de vente, aux charges et conditions que le mandataire jugera convenables, signer toutes déclarations de plus-value, effectuer toutes formalités nécessaires, élire domicile, substituer généralement faire le nécessaire').

Le notaire a consenti à instrumenter pour un prix supérieur, avec l'assentiment d'un gérant de la société DMG, précisément dépourvu de mandat à cette fin.

Me [M] n'hésite pas à avancer que 'le prix à la hausse est une charge de la vente'.

Or les 'charges et conditions' d'une vente ne sauraient être le prix de la vente qui était fixé à 992'500 €. Celui-ci était impératif.

Me [M] a manqué à son devoir de loyauté envers les parties et à la loi, plus précisément aux règles de droit applicables au mandat exprès de vendre à tel prix.

Il aurait dû solliciter un nouveau mandat d'aliéner pour un autre prix, fût-ce supérieur.

Est caractérisée une violation de l'article 3. 2. 1du Règlement national du notariat qui rappelle que le notaire doit à sa clientèle sa conscience professionnelle, ses égards, l'impartialité, la probité et l'information la plus complète.

11)- dossier [R]

Les inspecteurs ont été appelés à vérifier un acte de reconnaissance de dette en date du 16 décembre 2011 reçu par Me [Z]-[Z] [M] aux termes duquel M. [Y] [R], domicilié [Adresse 10] (36), a consenti à la SCI Les loges de Jean dont le siège est à Saint-Martin un emprunt d'un montant de 274'000 € (250'000 € étant comptabilisés par la comptabilité de l'office notarial et 24'000 € en dehors de celle-ci) au taux de 4 % l'an remboursable dans un délai d'un mois.

L'inspection souligne que les notaires doivent toujours s'entourer de garanties pour justifier de la matérialité des fonds versés en dehors de la comptabilité de l'office notarial, car cela peut être la source d'opérations frauduleuses.

Il est précisé dans l'acte que le remboursement doit avoir lieu au plus tard le 5 janvier 2012, soit exactement 20 jours (et non pas un mois) après la signature de l'acte. Il est donné en garantie une promesse d'affectation hypothécaire d'un ensemble immobilier sis à [Localité 11].

« La question que l'on peut se poser est déjà celle de savoir comment formaliser une promesse d'hypothèque avec un engagement d'une durée aussi courte. Ensuite le fait de faire une reconnaissance de dette de 275'000 € en ne recevant que 250'000 € peut faire naître un doute sur le véritable montant de la reconnaissance de dette surtout entre un emprunteur habitant en métropole et un prêteur domicilié en Guadeloupe.

Le remboursement de la créance n'est intervenu que le 18 janvier 2012.

Enfin et surtout la chambre des notaires des Bouches-du-Rhône a décidé depuis plusieurs années que les notaires ne doivent recevoir que des chèques provenant d'une banque pour toutes sommes supérieures à 40'000 €, ce dont Me [M] s'est exonéré, contrairement à l'article 1. 2 du Règlement national des notaires approuvé par le Garde des Sceaux, précisant que le notaire a le devoir de se tenir informé de l'évolution du droit. L'inobservation de cette règle peut faire l'objet d'une sanction prévue par l'article 58 du même Règlement. »

Le tribunal énonce en ses motifs que s'agissant d'éviter moins un défaut de provision qu'un risque de blanchiment, le principe posé par la chambre départementale des notaires selon lequel toute somme supérieure à 40'000 € devait donner lieu à un chèque de banque n'a pas été respecté par Me [M] qui n'a manifestement pas fait preuve de la prudence nécessaire et qui a méconnu l'article 1.2 du Règlement national des notaires lui faisant obligation de se tenir informé de l'évolution du droit.

Le ministère public a soutenu dans ses conclusions écrites que Me [M] conteste le caractère contraignant du Règlement de la chambre départementale, estimant qu'il doit être approuvé par arrêté du Garde des Sceaux. Or ce règlement a bien été approuvé par un arrêté du 13 février 1987 ; et que dès lors que ce règlement approuvé n'a pas été respecté, il n'y a pas lieu d'entrer dans les considérations de Me [M] sur les avantages ou les inconvénients du chèque de banque en matière de lutte contre le blanchiment ou en matière de sécurisation des paiements.

L'avocat général, à l'audience des plaidoiries, admet que la question de la validation du règlement invoqué fait difficulté.

Le notaire soutient en effet qu'une sanction disciplinaire ne peut être prononcée contre un notaire qui n'a pas respecté une simple circulaire édictée par le Conseil régional des notaires en l'espèce du 15 mars 2002 ; qu'il a été jugé par la Cour de cassation en 2012 que l'exigence d'un chèque de banque n'a pas un caractère d'ordre public et que le notaire ne peut pas refuser d'instrumenter l'acte requis de lui ; qu'en ce qui concerne l'approbation par arrêté en 1987 invoquée, le Règlement de la compagnie des notaires des Bouches-du-Rhône ne contient aucun article relatif aux chèques de banque et que la décision concernée est une décision du Conseil supérieur du notariat du 15 mars 2002, postérieure.

La cour observe que la partie poursuivante n'invoque aucun fondement textuel précis à la nécessité de paiement par chèque de banque au -delà d'un montant de 40 000€.

Le règlement des notaires du Bouches-du-Rhône de 1987 ne comporte aucune disposition relative au chèque de banque, et la 'décision' du 15 mars 2002 n'est en réalité qu'une simple lettre de la chambre du Conseil supérieur du notariat, laquelle n'a aucune valeur contraignante.

Aucun manquement à la discipline n'est à retenir.

12) - dossier Amphithéâtre

Selon acte reçu le 29 novembre 2012, la société Amphithéâtre, représentée par Me [C], notaire à [Localité 12], société civile de construction vente dont le siège social est à [Localité 2] chez [K] [E] Gestion immobilière a vendu à la société FN2M représentée par Me [BB], notaire à [Localité 13], deux garages situés dans un ensemble immobilier Le lagon bleu au prix de 16'000 €.

Le tribunal, retenant les conclusions des inspecteurs, a considéré que Me [M], qui a perçu en comptabilité la somme de 16'000 € qu'il a remise au liquidateur du vendeur, a instrumenté alors qu'il ne représentait aucune des parties déjà assistées, et qu'il a manqué aux prescriptions de l'article 4. 2. 1 du Règlement national des notaires lui faisant obligation de laisser s'exercer le libre choix du client et de s'abstenir de démarches tendant à détourner ce choix ou bien encore s'abstenir de tirer profit de man'uvres extérieures qui auraient pu avoir pour résultat de détourner ce choix.

La cour, comme le ministère public, considère que Me [M] justifie avoir bien été mandaté par les parties pour procéder à l'acte, même s'il y avait une ambiguïté dans la rédaction de ce dernier sur les rôles de chacun des trois notaires pouvant expliquer les conclusions du rapport d'inspection.

Il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé une sanction disciplinaire de ce chef à l'encontre de Me [M] .

13)-dossier SCI [Adresse 4]/AG Invest

L'inspection relate les faits suivants :

« Les inspecteurs ont découvert dans le coffre-fort de l'étude, dans une enveloppe (registre des valeurs n° 311 : AGInvest), un chèque Crédit du Nord n° 124 d'un montant de 580'000 € à l'ordre de Me [Z]-[Z] [M], tireur AG Invest [Adresse 11], en date du 10 juin 2010, signé [I] [Z].

Sur le souchier du registre des valeurs, il est indiqué la date de réception: '10 juin 2010, en vue du dossier de vente SCI [Adresse 4]/AG Invest' .

Cette façon de procéder est triplement répréhensible.

1°) Ce chèque, bien qu'enregistré en comptabilité valeur, comme un effet de commerce, aurait dû être déposé sur un compte de disponibilités courantes conformément à l'article 15 du décret du 19 décembre 1945 ;

2°) Le fait de conserver un chèque en comptabilité valeur et de ne pas le verser sur un compte bancaire est en parfaite infraction avec l'article L 131-32 du code monétaire et financier disposant que « Le chèque émis est payable dans la France métropolitaine et doit être présenté au paiement dans le délai de 8 jours. » ;

3°) Le chèque dont s'agit a été établi en 2010. Il ne pouvait être remis en banque que dans le délai d'un an. Du fait de cette prescription, le tireur avait la possibilité de retirer la provision (Cass. com 16 janvier 1997).

En outre les ventes concernant ce dossier ont été régularisées le 2 mars 2011 pourquoi ce chèque se trouve-il encore en comptabilité « valeurs » : est-ce un oubli '

Il va sans dire qu'ayant accepté ce chèque et ensuite en ne l'ayant pas présenté à l'encaissement dans les délais prescrits, les notaires ont engagé leur responsabilité. En ayant procédé de cette manière, ils n'ont pas respecté, l'article 1-2 du Règlement national prévoyant que le notaire a le devoir de se tenir informé de l'évolution du droit, et l'article 2 stipulant que tous les actes contraires à la loi lui sont interdits.

Cette façon de procéder moins rigoureuse vis-à-vis des textes peut entraîner un détournement de clientèle et de ce fait être réprimée comme le prévoit l'article 58 du Règlement notarial.

Me [Z]-[Z] [M] a apporté aux inspecteurs les explications suivantes : il s'agit d'un dépôt de garantie concernant la vente par la SCI [Adresse 4] au profit de la société AG Invest avec laquelle Me [M] a l'habitude de travailler dans le cadre de programmes immobiliers.

Cette manière de faire n'est pas conforme aux règles de la déontologie notariale. »

En pages 80 et 81 de leurs conclusions, les inspecteurs soulignent, d'une manière plus générale, que « l'Office qui a été créé au XVIIIè siècle bénéficie d'une clientèle aisée.

Il a complètement changé d'aspect. C'est maintenant une étude tournée vers la promotion immobilière avec des promoteurs délocalisés exigeants, habitués à obtenir de leurs fournisseurs, dont les notaires selon eux font partie, une rapidité d'exécution indispensable au fonctionnement de leurs entreprises.

Pour ce faire ils ne s'attachent pas à des détails qu'ils estiment surannés d'authenticité et de rigueur morale.Un simple coup de fil doit certainement suffire pour que le notaire change sans l'intervention des parties les statuts d'une société.

Ce besoin de rapidité se rencontre également dans de très nombreux dossiers où l'office notarial fait transiter des fonds entre sociétés voire même avec des particuliers sans ordre de virement, sans acte et même sans se préoccuper du bien-fondé. La justification indiquée est très souvent une 'alimentation en compte courant', comme si celle-ci était une formule magique.

L'étude s'affranchit de l'obligation faite au notaire de déposer rapidement les chèques qui lui sont confiés. Afin de se donner bonne conscience, pour un chèque ne pouvant pas être mis en banque immédiatement pour diverses raisons, il rentre en comptabilité « Valeurs », et même il l'oublie.

La comptabilité « Valeurs » mise en place par le décret du 19 décembre 1945 n'a pas été instituée pour recevoir des chèques bancaires. »

Le ministère public fait valoir que :

« Selon une jurisprudence classique, et contrairement aux affirmations de Me [M], un chèque étant un instrument de paiement dont la remise transmet la propriété de la provision, il ne peut être remis à son bénéficiaire à titre de dépôt.

Le dépositaire qui met à l'encaissement un tel chèque ne peut pas se voir reprocher d'abus de confiance.

Me [M] produit une lettre du tireur en date du 29 juin 2010, la société AG Invest, à la SCI précisant que l'offre d'achat étant refusée par la SCI le chèque était frappé de caducité.

Le chèque à l'ordre de Me [M], avait été porté dans la comptabilité Valeur, instituée par l'article 16 du décret n° 45-117 et 19 décembre 1945 qui dispose que : « Chaque notaire doit tenir une comptabilité destinée à constater (') les entrées et sorties de valeur effectuées pour le compte de ses clients. Il tient à cet effet au moins livre journal des espèces, (') un livre-journal des valeurs et un registre spécial des balances trimestrielles ».

Le chèque litigieux, qui ne pouvait être rendu caduc par la seule volonté de son tireur, n'était ni encaissé ni retiré de la comptabilité Valeur à la date de l'inspection. Sa présence dans le coffre de l'étude près de 3 ans après son émission pose question. »

Le notaire répond que le chèque de 580'000 € a été émis par la société AG Invest dont le capital était de 44'754'000 € ; que par lettre du 29 juin 2010 la société AG Invest avait précisé au vendeur « Afin de conforter notre proposition, nous joignons à la présente un chèque de 580'000 € à valoir sur le montant de la vente encaissable dès la manifestation écrite de votre accord par votre notaire. Nous demandons à notre notaire, Me [Z]-[Z] [M], de bien vouloir prendre contact avec vous et votre notaire afin de concrétiser dans les meilleurs délais la signature d'un compromis de vente. » ; que le chèque ne pouvait pas être encaissé bien que non approvisionné du fait de la convention des parties ; qu'il a été inscrit dans le registre des valeurs de l'office conformément aux règles de droit applicables en la matière ; que la pratique du chèque de garantie est affirmée depuis longtemps par la Cour de cassation ce que la réponse du Cridon du 24 août 2016 confirme ; et qu'il n'y a pas eu détournement de clientèle, puisque le groupe AG Invest étant antérieurement client de l'office.

La cour relève sur ce point que ce n'est pas strictement un 'détournement' de clientèle que les inspecteurs reprochent à Me [M], mais une forme de concurrence déloyale à l'égard des autres notaires qui appliquent la règle de droit plus rigoureusement que lui.

La cour estime que Me [M] méconnaît les dispositions de l'article L 131-32 du code monétaire et financier relatives aux instruments de paiement l'obligeant à présenter le chèque au paiement dans le délai de 8 jours lesquelles auraient dû conduire ce notaire à refuser de recevoir un chèque en dépôt de garantie, ce qu'aujourd'hui encore il semble trouver normal.

Ce qui peut être compris de la part d'un particulier ignorant ne peut l'être de la part d'un officier ministériel.

Me [M] a manifestement méconnu les dispositions de l'article 15 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 prévoyant que les sommes reçues doivent être déposées sur un compte de disponibilités courantes ouvert à la Caisse dépôts et consignations.

Le recours par Me [M] à des pratiques contraires à l'usage et à la loi est établi.

Sur la sanction applicable

De l'examen des 13 dossiers qui lui sont reprochés à l'issue de l'inspection, il ressort que, loin d'avoir été parfois simplement 'négligent', ainsi qu'il le soutient en défense, Me [M] a commis des contraventions aux lois et règlements et enfreint les règles de sa profession.

Il a manifestement commis, dans huit d'entre eux, d'une part des manquements répétés à l'obligation d'indépendance, d'impartialité, de loyauté et de probité du notaire, ainsi qu'à l'obligation de rigueur dans la réception des actes, d'autre part, une violation des obligations légales s'imposant au notaire en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux.

S'il ne peut être relevé une volonté de s'enrichir malhonnêtement au détriment de ses clients, Me [M] profite de fonds déposés pour en tirer un profit personnel non négligeable.

Le traitement des dossiers [F] et [P] montre la participation active de Me [M] à des agissements douteux ou frauduleux.

Me [M] s'est affranchi des exigences propres à la fonction d'officier ministériel. Il ne pouvait sacrifier les devoirs inhérents à sa charge pour satisfaire les exigences de ses clients.

Ces fautes disciplinaires reflètent la pratique habituelle d'un officier public qui a perdu de vue les notions de prudence, de diligence et de rigueur justifiant le prononcé d'une sanction disciplinaire.

L'article 3 de l'ordonnance du 28 juin 1945 dispose que les peines disciplinaires sont :

1° Le rappel à l'ordre ;

2° La censure simple ;

3° La censure devant la chambre assemblée

4° La défense de récidiver ;

5° L'interdiction temporaire ;

6° La destitution.

Dans l'appréciation de la gravité de la sanction, il y a lieu de tenir compte de l'importance de l'atteinte apportée à la moralité et à la sécurité de la vie contractuelle dont le notaire est le garant et du caractère répété et persistant des manquements.

Il doit être également pris en considération l'absence de prise de conscience par M. [Z]-[Z] [M] du caractère fautif de son comportement, incompatible avec les obligations incombant à un notaire délégataire de l'autorité publique.

Le jugement qui a retenu que les fautes disciplinaires commises par M. [Z]-[Z] [M] justifient le prononcé à son encontre de la sanction d'interdiction temporaire d'exercer l'office ministériel de notaire pour une durée de 3 ans, sera confirmé .

Maître [M] exerçant au sein d'une SCP ayant [Q] [Q] comme autre associée, il n'y a donc pas lieu de désigner un administrateur et le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière disciplinaire et en dernier ressort,

Vu l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et certains officiers ministériels,

Vu le décret d'application n° 73-1202 du 28 décembre 1973,

Vu le règlement national inter-cours,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance [Localité 2] en date du 30 janvier 2017, statuant en matière disciplinaire, qui a prononcé à l'encontre de M. [Z]-[Z] [M], notaire à Aix-en-Provence, la sanction de 3 ans d'interdiction temporaire d'exercer, ainsi qu'en ses dispositions subséquentes,

Y ajoutant

Condamne M. [Z]-[Z] [M] aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 17/02183
Date de la décision : 25/01/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°17/02183 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-25;17.02183 ?
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