COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre D
ARRÊT AU FOND
DU 24 JANVIER 2018
F.T.
N° 2018/006
Rôle N° 16/03390
[A] [F] [Y] [N] [V]
[K] [B] [V]
C/
[S], [M], [W] [V]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Isabelle GARNIER-SANTI
Me Christian GIRARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 30 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00209.
APPELANTES
Madame [A] [F] [Y] [N] [V]
née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 1]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Isabelle GARNIER-SANTI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Marie-Anita MIGNUCCI, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
Madame [K] [B] [V]
née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle GARNIER-SANTI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Marie-Anita MIGNUCCI, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
INTIME
Monsieur [S], [M], [W] [V]
né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 3]
représenté et assisté par Me Christian GIRARD, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Olivier FERRI, avocat au barreau de TOULON, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Florence TESSIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Véronique NOCLAIN, Présidente
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller
Mme Florence TESSIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2018,
Signé par Mme Florence TESSIER, Conseiller, pour le Président empêché et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
[G] [U] veuve [V] est décédée le [Date décès 1] 2002, laissant pour lui succéder ses trois enfants, héritiers réservataires, Madame [A] [V] veuve [W], Madame [K] [V] et Monsieur [S] [V], en l'état d'un acte authentique de licitation en date du 25 janvier 1989, aux termes duquel les consorts [V] ont procédé au partage d'immeubles en indivision suite au décès de Monsieur [V], [G] [U] veuve [V], Madame [A] [V] veuve [W] et Madame [K] [V] ayant vendu à Monsieur [S] [V] une parcelle de terre située sur la commune de [Localité 1] au prix de 1 486 800 Francs.
Suite au décès de leur mère, Madame [A] [V] veuve [W], Madame [K] [V] et Monsieur [S] [V] ont vendu un bien immobilier indivis situé à [Localité 2] par acte authentique du 9 février 2004, le prix de vente étant resté consigné auprès du notaire mandaté en l'état du désaccord survenu entre les héritiers quant à sa répartition.
Par ordonnance contradictoire en date du 23 juillet 2004, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon a ordonné le versement à titre d'avance en capital à valoir sur les droits des consorts [V] des sommes de :
*47 903,48 euros à Madame [A] [V] veuve [W],
*107 498,03 euros à Madame [K] [V],
*31 944,30 euros à Monsieur [S] [V].
Par jugement définitif du 25 octobre 2007, le même tribunal a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[G] [U] veuve [V] et a désigné à cet effet maître [W], notaire intervenant en remplacement de Maître BINDELLI initialement nommé.
Ce dernier a dressé un procès-verbal de difficultés le 20 juillet 2009, précisant que la somme de 46 307 € demeurera consignée à la caisse des dépôts et consignations.
Par jugement définitif en date du 8 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Toulon a ordonné une mesure d'expertise confiée à Madame [D], avec pour mission de:
'rechercher si Monsieur [S] [V] a réglé à sa mère le prix revenant à celle-ci à la suite de la vente conclue le 25 janvier 1989,
'rechercher si Madame [A] [V] veuve [W] a utilisé des fonds appartenant à sa mère dans un intérêt personnel,
'proposer un compte entre les parties en donnant toutes informations utiles à la solution du litige.
L'expert judiciaire commis a déposé son rapport définitif le 15 janvier 2014.
Par ordonnance du 6 mai 2014, juge la mise en état du tribunal de grande instance de Toulon a :
'constaté que la demande de mainlevée d'une mesure de consignation, avec distribution de capital dans le cadre d'un partage successoral, ne relève pas de sa compétence,
'fixé l'affaire à plaider,
'condamné Madame [A] [V] veuve [W] et Madame [K] [V] à payer à Monsieur [S] [V] la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En ses dernières écritures devant le tribunal signifiées le 29 juillet 2014, Monsieur [S] [V] a soutenu que :
'si en vertu de l'acte de licitation du 25 janvier 1989, la défunte détenait à son encontre une créance, elle ne lui a jamais demandé de s'acquitter de sa dette, l'acte ne contenant pas stipulation d'intérêts de retard,
'les demanderesses ne précisent pas le fondement juridique de leur action tendant à ce qu'il rapporte à la succession la somme de 120 242 €,
'le rapport d'expertise judiciaire a mis en évidence que Madame [A] [V] veuve [W], qui vivait auprès de sa mère, a profité de cette situation pour régler des dépenses personnelles à hauteur de la somme de 16 921,94 euros et a opéré des retraits sur le compte bancaire de sa mère à hauteur de 7775 €, sommes dont elle devra faire rapport à la succession,
'il ne se trouve pas tenu de régler des honoraires d'avocat mandaté par ses s'urs dans l'affaire concernant le magasin Casino, n'ayant pas signé de convention.
Il a demandé paiement par Madame [A] [V] veuve [W] de la somme de 3000 € en règlement du prêt qu'il lui a consenti et dont elle s'est reconnue débitrice.
Par conclusions devant le tribunal signifiées le 3 septembre 2014, Madame [A] [V] veuve [W] et Madame [K] [V] lui ont demandé de :
'dire que Monsieur [S] [V] devra rapporter à la succession la somme de 120 242€, faute d'avoir réglé sa dette envers sa mère du vivant de celle-ci, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2004,
'dire que Madame [A] [V] veuve [W] ne doit faire rapport à la succession d'aucune somme et, subsidiairement, limiter le rapport à la somme de 9146,94 euros,
'condamner Monsieur [S] [V] à payer à Madame [A] [V] veuve [W] la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir bloqué depuis le 9 février 2004 la somme de 46 365 € lui revenant au titre de la succession de leur mère,
'condamner Monsieur [S] [V] à payer à chacune de ses s'urs la somme de 23 232 € au titre de sa participation aux honoraires de leurs conseils dans le cadre de la négociation du bail commercial consenti par l'indivision à la société Casino,
'condamner Monsieur [S] [V] à payer à chacune de ses deux s'urs la somme de 7000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement contradictoire en date du 28 mai 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a :
'dit que Monsieur [S] [V] devra rapporter à la succession les intérêts de la somme principale de 75 553,73 euros, avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 1] 2002 jusqu'à la date effective du règlement,
'dit que Madame [A] [V] veuve [W] sera tenue de rapporter à la succession la somme de 16 921,94 euros,
'dit que la quote-part de Monsieur [S] [V] dans le paiement des honoraires afférents à la négociation du bail commercial consenti à la société Casino s'élève à la somme de 23 561,20 euros,
'condamné Monsieur [S] [V] à payer à Madame [A] [V] veuve [W] la somme de 3000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2004, en remboursement du prêt à elle consenti,
'débouté Madame [A] [V] veuve [W] et Madame [K] [V] de leur demande de dommages et intérêts,
'dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
'ordonné l'exécution provisoire du jugement,
'dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Le tribunal a considéré pour l'essentiel que :
'concernant l'acte authentique en date du 25 janvier 1989, Monsieur [S] [V] s'est acquitté en 2004 de sa dette grâce aux produits tirés de la vente d'un autre bien indivis intervenu le 9 février 2004, le litige ne portant plus que sur le calcul des intérêts de la somme principale de 75 553,73 euros,
-l'anatocisme prévu à l'article 1154 du code civil ne sera pas appliqué, aucune clause n'ayant été insérée dans l'acte authentique à cette fin,
'en application de l'article 856 ancien du code civil, les fruits et intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession, soit du [Date décès 1] 2002, Monsieur [S] [V] devant rapporter à la succession les intérêts de la somme principale 75 553,73 euros, avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 1] 2002 jusqu'à la date effective du règlement intervenu en 2004,
'sur le rapport des libéralités par Madame [A] [V] veuve [W], il résulte du rapport d'expertise judiciaire que cette dernière a prélevé dans son intérêt personnel la somme totale de 16 921,94 euros sur les fonds appartenant à sa mère, sans justifier de l'affectation de ces fonds au bénéfice de la défunte,
'sur les honoraires afférents à l'affaire du magasin Casino, il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur [S] [V] a adhéré aux négociations entreprises concernant la conclusion d'un bail commercial avec cette société, ainsi qu'au renouvellement de ce bail, ce dernier devant ainsi sa quote-part des honoraires de l'avocat mandaté, qui s'élève à la somme de 23 561,20 euros,
'sur le remboursement du prêt consenti le 27 décembre 2003 par Monsieur [S] [V] à Madame [A] [V] veuve [W] d'un montant de 3000 €, celle-ci ne démontre pas s'est acquittée de sa dette,
'aucun dommage et intérêt ne sera attribué aux dames [V], qui ne rapportent pas la preuve que le blocage de la somme de 46 357 € leur ait causé un préjudice particulier.
Madame [A] [V] veuve [W] et Madame [K] [V] ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 26 février 2016.
Madame [A] [V] veuve [W] et Madame [K] [V], aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2016, demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
'sur l'absence de règlement par Monsieur [S] [V] du prix revenant à sa mère suite à la vente du 25 janvier 1989, dire que ce dernier devra verser à la succession les intérêts dus sur sa dette en principal envers sa mère à la date d'exigibilité de cette somme, soit à compter du mois de juin 1989, fixer ces intérêts à la somme de 71 080,54 euros au 1er février 2004 et dire que cette somme produira intérêts du 1er février 2004 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,
'sur la demande de Monsieur [S] [V] envers Madame [A] [V] veuve [W] quant à l'utilisation des fonds appartenant à sa mère et sur la demande en paiement de la somme de 3000 €, le débouter de ses prétentions, qui sont contraires aux dispositions de l'article 852 du code civil en l'état de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande instance de Toulon le 23 juillet 2004 et, subsidiairement ordonner le rapport par Madame [A] [V] veuve [W] de la somme de 4773,47 euros,
'constater que les revendications de Monsieur [S] [V] doivent être réduites au tiers de cette somme, soit la somme de 1591,15 euros au regard du blocage de la somme de 46 357 € envers Madame [A] [V] veuve [W],
'condamner Monsieur [S] [V] à verser à Madame [A] [V] veuve [W] les intérêts dus sur le prix de 75 553,73 euros convenus à l'acte du 25 janvier 1989 jusqu'au complet paiement de cette somme, qui produira des intérêts décomptés de la date de paiement du prix jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,
'débouter Monsieur [S] [V] de sa demande de paiement de la somme de 3000 € à l'encontre de Madame [A] [V] veuve [W],
'sur l'opposition de Monsieur [S] [V] faite en 2004 sur la somme de 46 357 € revenant à Madame [A] [V] veuve [W] dans la succession de leur mère, juger que la somme de 46 357 € revenait à Madame [A] [V] depuis le 9 février 2004, dire que les intérêts produits sur cette somme déposée en 2004 à la caisse des dépôts et consignations reviendront en totalité à Madame [A] [V] et condamner Monsieur [S] [V] à lui verser la somme de 30 000 € en application de l'article 1382 du Code civil du fait de la consignation injustifiée de la somme de 46 357 € lui revenant,
'sur le bien donné à bail à construction à la société Casino et sur le bail commercial qui en a suivi, condamner Monsieur [S] [V] à payer à ses soeurs la somme de 46 464 € qu'elles ont avancés dans son intérêt, soit 23.232 € à chacune d'elles,
'condamner Monsieur [S] [V] à verser aux parties appelantes la somme, à chacune, de 7000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.
Monsieur [S] [V], aux termes de ses dernières écritures notifiées le 14 décembre 2016, sollicite de la cour de confirmer la décision entreprise, rectifiée par jugement du 10 décembre 2015, en ce qu'elle a :
'condamné Madame [A] [V] veuve [W] à lui payer la somme de 3000 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2004 en remboursement du prêt consenti,
'dit que Monsieur [S] [V] doit rapporter à la succession les intérêts de la somme principale de 75 553,73 euros, calculés au taux légal, à compter du [Date décès 1] 2002, la cour devant, y ajoutant, préciser « jusqu'à la date effective du règlement intervenu en février 2004 »,
'dit que Madame [A] [V] veuve [W] est tenue de rapporter à la succession la somme de 16 921,94 euros.
Il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions et de débouter les parties appelantes de leur demande tendant au remboursement des honoraires afférents à la négociation du bail commercial consenti à la société Casino et de leurs prétentions résultant de leurs conclusions, ainsi que de les condamner à lui payer la somme de 3000 € en remboursement de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il expose pour l'essentiel que :
'sur le montant des intérêts réclamés sur la somme due à sa mère en exécution de l'acte licitation du 25 janvier 1989, en application des dispositions de l'article 856 ancien du code civil, l'intimé n'est redevable des intérêts au taux légal sur la somme de 75 553,73 euros qu'à compter du jour du décès en date du [Date décès 1] 2002 jusqu'au jour du paiement intervenu le 9 février 2004, devant être alloti de la créance qu'a sur lui l'indivision en moins prenant,
'en effet, par acte authentique du 25 janvier 1989, sa mère et ses s'urs ont mis fin à l'indivision existante en lui cédant des parts et portions indivises dans l'immeuble situé à [Localité 1], ces droits indivis cédés n'étant pas frugifères au sens de l'article 1652 du code civil, puisque c'est au moment de la vente qu'il faut se placer pour apprécier si la chose vendue est frugifère,
'sur le montant des intérêts réclamés par Madame [A] [V] veuve [W], cette dernière reconnaît avoir reçu le 19 juin 1996 la somme totale de 283 470,85 francs, l'intimé restant donc débiteur de la somme de 212 129,15 francs, soit 32 338,88 euros, la demande formulée à ce titre par l'appelante étant irrecevable pour être nouvelle et se trouvat dénuée de fondement, sa s'ur ayant reconnu dans ses écritures de première instance que sa créance avait été soldée, ce que l'expert judiciaire a retenu,
'sur la somme de 46 357 €, objet de l'ordonnance de référé du 23 juillet 2004, Madame [A] [V] veuve [W] doit être déboutée de ses demandes, le montant retenu ayant été débloqué au titre de l'exécution provisoire et aucune pièce communiquée aux débats ne justifiant l'octroi de la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts,
'sur les honoraires dus aux avocats mandatés par les appelantes au titre de la procédure Casino, la signature d'une convention d'honoraires s'analyse en un acte de disposition et non en un acte d'administration, les appelantes ne pouvant fonder leur action sur les dispositions de l'article 815'3 ancien du code civil, l'existence d'un mandat tacite ne pouvant être invoqué que par des tiers,
'sur sa créance à l'encontre de sa s'ur Madame [A] [V] veuve [W], d'un montant de 3000 €, le jugement doit être confirmé, cette dernière s'étant reconnue débitrice de son frère tel que figurant au procès-verbal de difficultés dressé par le notaire mandaté le 20 juillet 2009.
La procédure a été clôturée par ordonnance du magistrat en charge de la mise en état en date du 25 octobre 2017.
MOTIVATION DE LA DECISION
1/ Sur la dette envers l'indivision successorale de Monsieur [S] [V] :
Attendu que la prétention formulée devant la cour par les parties appelantes tendant au paiement par Monsieur [S] [V] de la somme de 71 080,54 euros au titre des intérêts dus à compter de juin 1989 au 1er février 2004, produisant intérêts du 1er février 2004 jusqu'à la date de la décision à intervenir, ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, les parties étant respectivement, en matière de partage de successions, demanderesse et défenderesse quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande devant être considérée comme une défense à une prétention adverse;
Attendu qu'aux termes de l'acte authentique de licitation en date du 25 janvier 1989, Mesdames [G], [K] et [A] [V] ont vendu à Monsieur [S] [V] les parts par elles détenues dans la parcelle de terre située à [Localité 1], cadastrée section AD numéros [Cadastre 1] et [Cadastre 2] au prix de 1 486 000 Francs ;
Attendu que cet acte stipule expressément que la part revenant à Madame [K] [V] sera payée comptant et que le solde dû à Mesdames [G] et [A] [V] sera réglé au moyen du prix de vente de lots situés dans le lotissement dénommé [Adresse 4] ;
Attendu qu'il n'est pas contesté, au regard des conclusions des parties ainsi que des conclusions expertales, que Monsieur [S] [V] s'est acquitté en 2004 de sa dette envers sa mère grâce au produit tiré de la vente d'un autre immeuble indivis intervenu par acte authentique du 9 février 2004 ;
Attendu que les appelantes soutiennent que le prix n'ayant pas été payé conformément aux échéances fixées lors de la vente, la succession doit être indemnisée à concurrence des sommes manquantes sur le fondement principal des dispositions de l'article 1652 du code civil ;
Qu'elles précisent que si Monsieur [S] [V] avait réglé à bonne date sa dette de 75 553,73 euros, celle-ci, placée, aurait profité à leur mère, puis à la succession, pour au moins la somme de 71 080,54 euros, puisque seul l'intérêt légal a été appliqué par l'expert judiciaire ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1652 du code civil, l'acheteur doit l'intérêt du prix de la vente jusqu'au paiement du capital dans les trois cas suivants : s'il a été ainsi convenu lors de la vente, si la chose vendue et livrée produit des fruits ou autres revenus, si l'acheteur a été sommé de payer, l'intérêt ne courant que depuis la sommation dans ce dernier cas ;
Attendu que Monsieur [S] [V] réplique que les droits indivis qui lui ont été cédés par sa mère et ses s'urs ne sont pas frugifères au sens du texte susvisé ;
Mais attendu que l'acquéreur ne peut à la fois conserver les fruits et revenus de la chose en possession de laquelle il a été mis et les intérêts du prix de vente ;
Que le bien immobilier indivis dont s'agit, susceptible d'être loué, est une chose frugifère de par sa nature, l'acquéreur étant tenu au paiement des intérêts du prix de vente à compter de sa prise de possession, bien que la convention ait prévu un paiement échelonné sans stipulation expresse d'intérêts, et bien que la de cujus n'ait pas sollicité auprès de lui le règlement de sa dette ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu, ajoutant au jugement déféré, de condamner Monsieur [S] [V] à rapporter à la succession la somme de 71 080,54 euros à ce titre, tel que justement évaluée par l'expert judiciaire ;
Attendu, sur le rapport à la succession de la somme de 75 553,73 euros, qu'en application des dispositions de l'article 856 ancien du code civil, les fruits et intérêts des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession, aucune clause afférente à l'anatocisme n'ayant été insérée dans l'acte authentique susvisé ;
Attendu en conséquence que Monsieur [S] [V], assigné en partage successoral par ses s'urs par acte du huissier du 25 juin 2005, est débiteur des intérêts calculés au taux légal de la somme de 75 553,73 euros à compter du [Date décès 1] 2002 jusqu'au 9 février 2004 ;
Attendu par suite qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la partie intimée doit rapporter à la succession les intérêts de la somme principale de 75 553,73 euros, calculés au taux légal à compter du [Date décès 1] 2002, et ce, ajoutant à la décision entreprise, jusqu'au 9 février 2004 ;
2/ Sur le rapport de libéralités par Madame [A] [V] veuve [W] :
Attendu qu'aux termes de l'article 852 ancien du code civil, les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipements, ceux de noces et présents d'usage ne doivent pas être rapportés ;
Attendu que la lecture des conclusions expertales démontre que Madame [A] [V] veuve [W] a effectué sur le compte bancaire CAISSE D'EPARGNE de sa mère, entre le 20 juillet 2002 et le 17 décembre 2002, ce qu'elle ne conteste pas, des retraits d'un montant total de 5.775 euros, sans justifier que cette somme, qui correspond à 1155 € par mois, ait été employée pour les besoins de la défunte et dans son intérêt exclusif ;
Attendu en outre que Madame [A] [V] veuve [W] reconnaît avoir prélevé sur le compte bancaire de sa mère la somme de 9146,94 euros, pour l'achat d'un terrain attenant à celui dont elle était propriétaire, ainsi que pour le règlement de travaux de cuisine et de fenêtres, s'abstenant de démontrer que les travaux de réhabilitation ainsi exécutés étaient relatifs au bien immobilier situé à [Localité 1], alors occupé par la défunte ;
Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que Madame [A] [V] veuve [W] est tenue de rapporter à la succession la somme de 16 921,94 euros et, statuant à nouveau, de dire que cette dernière doit rapporter à la succession de sa mère la somme de 14 921,94 euros ;
3/ Sur la convention d'honorires d'avocat :
Attendu qu'une convention d'honoraires s'analyse en un acte de disposition, et non en un acte d'administration, qui nécessite, pour être valablement conclu, d'être accepté par l'ensemble des indivisaires ;
Attendu qu'il est constant que Monsieur [S] [V] n'a pas signé la convention d'honoraires conclue par les parties appelantes d'un montant de 70 683,60 euros tels que cela résulte de la facture établie le 10 avril 2012 ;
Que leur demande ne peut se trouver fondée à bon droit sur les dispositions de l'article 815'3 ancien du Code civil, qui ne concerne que les actes d'administration ;
Que la preuve d'un mandat tacite ne se trouve pas rapportée, les mails communiqués aux débats étant insuffisants pour caractériser l'accord de l'intimé quant aux honoraires fixés, d'un montant important ;
Attendu par suite qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de débouter Mesdames [A] [V] veuve [W] et [K] [V] de leur demande tendant au remboursement par Monsieur [S] [V] d'une quote-part sur des honoraires d'avocat afférents à la négociation du bail commercial consenti par elle à la société Casino ;
4/ Sur la dette de 3000 € de Madame [A] [V] veuve [W] :
Attendu qu'aux termes d'un document manuscrit en date du 27 décembre 2003, Madame [A] [V] a reconnu que son frère [S] lui a prêté la somme de 3000 € et s'est engagée à lui rembourser ce montant lors de la vente de la maison située à [Adresse 5], autorisant le notaire en charge des opérations successorales à régler directement cette somme au créancier ;
Attendu qu'il résulte de la lecture du procès-verbal de difficultés établi par le notaire commis le 20 juillet 2009 que « Madame [A] [W] se reconnaît débitrice envers Monsieur [S] [V] de la somme de 3000 € au titre d'une reconnaissance de dette » .
Attendu par suite que Madame [A] [V] veuve [W] ne se trouve plus recevable à contester le montant de sa dette envers l'intimé à ce titre, le jugement devant être confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'intimé la somme de 3000 € ;
5/ Sur les autres demandes :
Attendu, d'une part, que la cour ne se trouve pas saisie de la demande formulée par les parties appelantes tendant à ce que il soit « constaté que les revendications de Monsieur [S] [V] doivent être réduites au tiers de la somme de 4773,47 euros, soit la somme de 1591,15 euros au regard du blocage de la somme de 46 357 € envers Madame [A] [V] veuve [W]», cette prétention ne constituant pas une demande au sens de l'article 56 du code de procédure civile ;
Attendu, d'autre part, les appelantes doivent être déboutées de leur demande tendant à ce qu'il soit jugé que la somme de 46 357 € revient à Madame [A] [V] veuve [W] depuis le 9 février 2004 et qu'il soit dit que les intérêts produits sur cette somme déposée en 2004 à la caisse des dépôts et consignations lui reviendront en totalité, cette prétention ne se trouvant pas fondée, dans la mesure où l'appelante a été condamnée à faire rapport à la succession de la somme de 14 921,94 euros, d'autant que l'intimé justifie que la somme judiciairement consignée a été débloquée au titre de l'exécution provisoire ;
Attendu enfin, sur la demande de dommages et intérêts formulée par les appelantes, que ces dernières ne démontrent pas l'existence d'une faute commise exclusivement par Monsieur [S] [V] du fait d'une consignation injustifiée, telle qu'elles l'invoquent, le jugement déféré devant être confirmé en ce qu'il a débouté Madame [A] [V] veuve [W] et Madame [K] [V] de leur prétention formulée sur ce chef ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;
P A R C E S M O T I F S
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Dit qu'est recevable pour ne pas être nouvelle la prétention formulée devant la cour par les parties appelantes tendant au paiement par Monsieur [S] [V] de la somme de 71 080,54 euros au titre des intérêts dus du mois de juin 1989 jusqu'au 1er février 2004, avec anatoscisme jusqu'à la date de la décision à intervenir ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
'dit que Madame [A] [V] veuve [W] est tenue de rapporter à la succession la somme de 16 921,94 euros,
'dit que la quote-part de Monsieur [S] [V] dans le paiement des honoraires afférents à la négociation du bail commercial consenti à la société Casino s'élève à la somme de 23 561,20 euros ;
Statuant à nouveau,
Dit que Madame [A] [V] veuve [W] se trouve tenue de rapporter à la succession de Madame [G] [U] veuve [V] la somme de 14 921,94 euros;
Déboute Mesdames [A] [V] veuve [W] et [K] [V] de leur demande tendant au remboursement par Monsieur [S] [V] d'une quote-part sur des honoraires d'avocat afférents à la négociation du bail commercial consenti par elle à la société Casino ;
Y ajoutant,
Dit que la cour ne se trouve pas saisie de la demande formulée par les parties appelantes tendant à ce que il soit « constaté que les revendications de Monsieur [S] [V] doivent être réduites au tiers de la somme de 4773,47 euros, soit la somme de 1591,15 euros au regard du blocage de la somme de 46 357 € envers Madame [A] [V] veuve [W]» ;
Dit que Monsieur [S] [V] doit rapporter à la succession de Madame [G] [U] veuve [V] la somme de 71 080,54 euros à compter du 25 janvier 1989 et jusqu'au 1er février 2004, sans anatocisme ;
Dit que Monsieur [S] [V] doit rapporter à la succession les intérêts de la somme principale de 75 553,73 euros, calculés au taux légal à compter du [Date décès 1] 2002 jusqu'au 9 février 2004 ;
Déboute Madame [A] [V] veuve [W] et Madame [K] [V] de leur demande tendant à ce qu'il soit jugé que la somme de 46 357 € leur revient depuis le 9 février 2004 ainsi que l'intégralité des intérêts produits sur cette somme depuis 2004 ;
Dit n'y avoir lieu, en cause d'appel, à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de partage et recouvrez dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ
Florence TESSIER, conseiller