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18/01/2018 | FRANCE | N°16/15413

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 18 janvier 2018, 16/15413


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2018



N° 2018/













Rôle N° 16/15413







[Z] [E]





C/



Communauté de communes COMMUNAUTE D'AGGLOMÉRATION DES PAYS DE LERINS



























Grosse délivrée

le :

à :

Me Julien DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Denis DE

L RIO, avocat au barreau de NICE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 22 Juillet 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/00625.





APPELANT



Monsieur [Z] [E]

né le [Date naissance 1] 1971 ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2018

N° 2018/

Rôle N° 16/15413

[Z] [E]

C/

Communauté de communes COMMUNAUTE D'AGGLOMÉRATION DES PAYS DE LERINS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Julien DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 22 Juillet 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/00625.

APPELANT

Monsieur [Z] [E]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Julien DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Communauté de communes COMMUNAUTE D'AGGLOMÉRATION DES PAYS DE LERINS, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2018

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS,, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [E] a été embauché par la régie Réseau Bus AZUR, aux droits de laquelle se trouve la Communauté d'agglomération des Pays de Lerins, en qualité d'ingénieur en chef, par un contrat de travail à durée déterminée du 1er janvier 2013 poursuivi par un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur adjoint.

Il a été licencié pour faute grave le 29 août 2014.

Saisi par le salarié le 25 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Toulouse s'est déclaré incompétent au profit de celui [Localité 2] par jugement du 9 novembre 2015.

Par jugement du 22 juillet 2016, le conseil de prud'hommes de Cannes a débouté M. [E] de ses demandes et l'a condamné à payer à la Communauté d'agglomération des Pays de Lerins la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [E] a relevé appel de ce jugement le 22 août 2016.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions déposées les 25 et 27 octobre 2016 auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, M. [E], concluant à la réformation du jugement, explique qu'en ne respectant pas la procédure disciplinaire conventionnelle, la Communauté d'agglomération des Pays de Lerins a commis une faute qui entraîne l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et il sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 60 000,00 € à titre de dommages-intérêts.

A titre subsidiaire, il demande de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que ses fonctions ont été modifiées sans son accord et de condamner la Communauté d'agglomération des Pays de Lerins à lui payer, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande sur les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante et de l'indemnité de licenciement, les sommes de :

- 170 000,00 € net de CSG et CRDS à titre de dommages-intérêts,

- 58 535,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 5 853,56 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 127 190,13 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 50 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- 60 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution gravement fautive du contrat de travail et modification unilatérale des fonctions du contrat,

- 30 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour non-paiement de l'indemnité de licenciement selon les prescriptions conventionnelles,

- 3 216,23 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de profiter de 50 heures de recherche d'emploi au cours du préavis,

- 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite la condamnation de la Communauté d'agglomération des Pays de Lerins à lui remettre sous astreinte un certificat de travail portant les dates suivantes 1er janvier 2013/28 février 2015 ainsi qu'une attestation destinée à Pôle Emploi conforme.

Par ordonnance du 2 mars 2017, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevable les conclusions d'intimée déposée le 26 février 2017 par le conseil de la Communauté d'agglomération des Pays de Lerins.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2017.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

DISCUSSION

Sur la procédure disciplinaire conventionnelle

Selon l'article 49 de la convention collective nationale des transports publics urbains de voyageurs, la sanction disciplinaire de licenciement doit être prise après avis motivé du conseil de discipline.

L'article 51, relatif à la composition du conseil de discipline, comporte les dispositions suivantes:

'Le conseil de discipline comprend :

a) Trois membres faisant partie du personnel dirigeant (exception faite du chef de service de l'agent) de l'entreprise et désigné par celle-ci.

b) Trois membres d'une des catégories du personnel indiqué ci-dessous, élus par les agents de leur catégorie et siégeant pour les affaires concernant lesdits agents. Ils sont élus pour la même durée que les représentants du personnel dans l'entreprise. Les élections de membres du conseil de discipline ont lieu à la même date que celles des représentants du personnel dans l'entreprise.

c) Un président représentant la direction de l'entreprise.

Toutefois, à titre exceptionnel, si pour les raisons d'effectifs du réseau, il n'est pas possible de répondre aux conditions ci-dessus :

1° La composition peut être ramenée à deux unités pour l'application des paragraphes a et b susvisés.

2° La composition peut être ramenée à une seule unité en cas d'inapplication du 10.

Etant entendu, dans les cas prévus aux 1° et 2°, que s'il n'existe pas un membre dans la catégorie déférée au conseil de discipline, celui-ci est complété par un membre de la catégorie professionnelle la plus voisine.

3° Si les dispositions prévues aux 1° et 2° sont encore inapplicables, le chef d'entreprise peut, par dérogation au paragraphe c du présent article, présider lui-même le conseil de discipline mais exclusivement en vue de satisfaire les 1° et 2° ci-dessus.

4° Si la composition résultant des 1°, 2° et 3° n'est pas encore possible, la décision appartient directement au directeur du réseau sous réserve des dispositions du 5° ci-dessous.

5° Dans les cas examinés suivant la procédure prévue aux 2°,3° et 4° ci-dessus, tout agent frappé d'une des sanctions visées aux 8° et 9° de l'article 49 peut présenter un recours à l'inspecteur général du travail et de la main-d'oeuvre des transports au ministère chargé des transports.

II. - Catégories.

Les catégories comprennent :

- le personnel du mouvement;

- le personnel ouvrier;

- le personnel administratif;

- la maîtrise technique du mouvement et administrative, les techniciens et dessinateurs;

- les ingénieurs et cadres.

III. - Procédure d'élection des membres du conseil de discipline.

Chaque catégorie élit trois représentants titulaires et trois représentants suppléants. L'élection des représentants du personnel pour chacune des catégories définies au II précédent se fait dans les mêmes conditions que les élections des délégués du personnel.

IV. - Rôle du conseil de discipline.

Les questions soumises au conseil de discipline sont relatives à l'examen des fautes des agents de l'entreprise susceptibles de comporter une sanction du deuxième degré.

Le conseil de discipline émet des avis sur les questions de sa compétence portée à l'ordre du jour des séances'.

M. [E] soutient que ces dispositions n'auraient pas été respectées en ce que les membres désignés par la direction (M. [S], M. [G] et M. [W]) n'appartenaient pas au personnel dirigeant, étant agents de maîtrise non assimilés cadres. Il produit, à l'appui de ses dires un organigramme présentant M. [V] et M. [G] en qualité de 'responsable' au sein de différents services dirigés par un directeur d'exploitation lui-même subordonné à M. [E].

Il convient toutefois de relever que la procédure disciplinaire conventionnelle n'est pas autrement contestée, que M. [E] a été régulièrement convoqué devant le conseil de discipline le 25 août 2014 et que la composition du conseil lui a été communiquée par lettre du 5 août 2014 sans susciter la moindre contestation de sa part et sans qu'il sollicite le report de la réunion de sorte qu'il en a accepté la composition. Il ne résulte pas, par ailleurs, des éléments versés aux débats que la composition contestée aurait privé le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense devant le conseil de discipline

Il s'ensuit, même si la procédure conventionnelle du droit disciplinaire constitue une garantie de fond, qu'en l'espèce, la procédure conventionnelle suivie n'est entachée d'aucune irrégularité susceptible de remettre en cause le caractère réel et sérieux du licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de ses demandes sur ce point.

Sur le licenciement

En droit, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire.

Il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque, l'absence de preuve d'une faute ayant pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, aux termes de la lettre du 29 août 2014, le licenciement pour faute grave est ainsi motivé :

'(...) Par assignation en date du 15juillet 2014 et renouvelée le 19 août 2014, la Régie des Transports Palm Bus s'est vue attrait par le syndicat CGT devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse suite aux carences, selon lui, dans la tenue des négociations annuelles obligatoires.

Les termes même de l'assignation font grief à l'employeur :

'Or, en l'espèce, lors de la réunion du 2 avril 2014, aucun calendrier, ni aucune information de quelque nature que ce soit n'a été foumie aux délégués.

Ces derniers n'ont pas davantage pu obtenir au cours des réunions suivantes, intervenues les 9 et 28 avril 2014, précision faite que la réunion du 28 avril était présidée par un sieur [F] sans pouvoir de représentation...

C'est dans ce contexte que, le 29 avril 2014, le syndicat CGT PALM BUS se voyait contraint de déposer une alarme sociale'.

Il est ici fait directement reproche à vos carences qui sauraient, selon le syndicat CGT, justifier le mouvement de grève en pleine ouverture du Festival [Localité 2].

Malgré des sollicitations expresses et mises en garde découlant du bon sens par la Présidence de la Communauté d'agglomération, vous étiez en charge des négociations annuelles obligatoires, et avez fixé un calendrier de négociation chevauchant la période critique du Festival [Localité 2].

Cette approche pour le moins maladroite a permis, en pleine négociation, aux syndicats d'exercer le droit de grève le jour de l'ouverture du Festival [Localité 2] pour peser sur les négociations alors en cours.

A cette 'maladresse' de calendrier est venu s'ajouter un défaut total d'anticipation par vos soins d'un service minimum durant la grève.

Cette défaillance découle de votre carence dans une tentative de négociation d'un plan de transport adapté, tel que prévu par la loi.

Il y a lieu de préciser, qu'en votre qualité de Directeur Adjoint, il vous suffisait de convoquer les syndicats avant les NAO pour arrêter le plan de transport adapté et à défaut d'accord d'en fixer les termes unilatéralement.

En outre, vous avez entamé des négociations en formalisant des propositions à l'insu de la Présidence dont vous êtes censé être le mandataire, formalisant une base économiquement non viable d'augmentation globale du coût de la masse salariale.

Comme si cela ne suffisait pas, il va être révélé au cours des NAO que vous ne porterez aucune information à la Présidence et ce, malgré différentes relances.

Les courriers électroniques entre la Direction générale de la communauté et vous-même démontrent que durant plus d'un mois, la Présidence vous aura sollicité sur les termes des propositions soumises aux syndicats au nom de la Communauté d'agglomération.

Le 9 avril 2014, des sollicitations relatives au détail des propositions et leur chiffrage étaient sollicités.

Le 22 avril 2014, une relance intervenait alors qu'une réunion de négociation était fixée avec les syndicats au 28 avril 2014.

Or, ce ne sera que sur convocation expresse de la Présidence, le 28 avril 2014 au matin, quelques heures avant la réunion avec les syndicats que vous soumettrez pour la première fois le montant des propositions que vous vous apprêtiez à faire aux syndicats.

Lesdites propositions étaient purement et simplement intenables pour la Régie Réseau PALM BUS, ce qui a provoqué la rupture des négociations et le mouvement de grève.

Pour résumer ce premier point relatif aux négociations annuelles obligatoires, vous avez fixé un calendrier de négociation faisant peser un risque de grève en pleine période du Festival [Localité 2].

Vous n'avez aucunement anticipé la mise en place du service minimum, ce qui était pourtant aisé de faire.

Enfin, vous avez agi sans tenir informé votre hiérarchie, ni tenter d'obtenir sa validation sur le niveau de revalorisation salariale des NAO.

Le second point des griefs vous étant portés est relatif à votre défaillance dans la gestion des marchés publics,

II est apparu des manquements extrêmement graves dans la mise en concurrence alors que les marchés relevaient d'une réglementation d'ordre public relative à la transparence et faisant encourir des risques à l'employeur.

Sur ce point, vous n'apportez aucune explication quant au choix de certains prestataires.

Vous ne proposez d'ailleurs pas davantage de solutions palliatives permettant de remédier aux défauts constatés.

Ce seul manquement est susceptible de faire poser une responsabilité de nature pénale.

Vous avez, par ailleurs, clairement manqué à vos obligations dans l'organisation de l'installation du CHSCT en omettant d'assurer une publicité et l'affichage prévu par la loi sur les dates des élections.

Ainsi, la Présidence a été directement saisie le 29 mai 2014 par deux syndicats contestant le déroulement des élections.

Un courrier électronique en ce sens vous était immédiatement adressé. Vous apporterez alors une réponse alambiquée, le 2 juin 2014, se concluant par la formule suivante:

'Pour finir, je vérifie le risque de ne pas avoir affiché la date des élections du CHSCT. Néanmoins, nous avons eu une candidature libre de Monsieur [H]'.

Par cette formulation, vous reconnaissiez expressément votre défaillance dans l'information pourtant obligatoire par voie d'affichage.

Cette défaillance a nourri des tensions préexistantes avec les syndicats représentatifs de l'entreprise, les deux syndicats contestataires considérant que la direction venait à favoriser une organisation syndicale en particulier.

Enfin, et il s'agit ici du grief le plus rédhibitoire sur le maintien des relations contractuelles, vous avez agi de façon scandaleuse dans le traitement du dramatique incident dont s'est rendu coupable un chauffeur de bus de la Régie Réseau PALM BUS sur une jeune enfant.

Il est ici fait référence à l'agression sexuelle qui a abouti à une condamnation de trois années de prison ferme dudit chauffeur. Cette agression dont la violence est à la fois insupportable et inexcusable a conduit la mère de la victime à prendre attache avec la Direction générale des services de la communauté d'agglomération. Or, pendant plus d'un mois, vous avez refusé tout contact avec la mère, imposant un lâche silence s'ajoutant à la violence de l'agression initiale. Ce n'est que sur l'insistance de la mère que votre défaillance a été portée à la connaissance de la Présidence. Le Directeur Général des Services de la Communauté d'Agglomération a dû assumer votre défaillance dans un traitement d'une situation humainement intenable.

A ce jour, vous n'avez émis aucun remord, ni excuses sur ce fait d'une gravité extrême (...)'.

Il ressort de cette lettre, qui fixe les limites du litige, que quatre séries de griefs sont formulés à l'encontre du salarié :

- le premier tenant aux conditions dans lesquelles ont été menées les négociations annuelles obligatoires d'avril 2014,

- le deuxième étant relatif à la gestion des marchés publics,

- le troisième concernant l'organisation de l'installation du CHSCT,

- le quatrième se rapportant au traitement de l'agression dont s'est rendu coupable un salarié de l'entreprise.

- Sur le premier grief

Il ressort des pièces produites que la Négociation Annuelle Obligatoire pour 2014 s'est déroulée au mois d'avril à la suite la convocation adressée par M. [E] aux organisations syndicales le 2 avril, que ces négociations ont donné lieu à plusieurs réunions, les 9 et 28 avril, puis les 5 et 12 mai. Ces négociations ont donné lieu à une alarme sociale émise 29 avril par une organisation syndicale. Le 14 mai, un procès-verbal de désaccord a été établi et une grève a eu lieu les 14 et 15 mai au moment de l'ouverture du Festival du cinéma.

S'agissant des dates, M. [E] fait valoir, à juste titre, qu'en application de l'article L 2242-1 du code du travail, la négociation annuelle obligatoire doit être organisée dans les douze mois suivant la précédente négociation et il justifie que la négociation pour 2013 avait donné lieu à un protocole d'accord en avril 2013, ce qui conduisait à organiser les négociations pour 2014 en avril.

Il justifie également qu'en 2011, la négociation avait également connu des difficultés ayant conduit à ce que les discussions se poursuivent au mois de mai et qu'elles avaient également donné lieu à un mouvement de grève pendant le Festival du cinéma.

L'employeur impute à carence de M. [E] les griefs formulés par l'organisation syndicale qui a engagé une procédure judiciaire pour contester les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations mais rien ne permet de vérifier que les critiques formulées par ce syndicat auraient été fondées ni que les dysfonctionnements allégués seraient imputables à M. [E].

Celui-ci se prévaut des 5 réunions qu'il a organisées pour contester la négligence qui lui est reprochée. Il justifie avoir informé ses supérieurs hiérarchiques, le 9 avril 2014, des propositions syndicales déposées lors de la première réunion en leur proposant une rencontre

pour établir des propositions concurrentes à présenter lors de la réunion du 28. Le 23 avril 2014, M. [E] a répondu à la demande de son supérieur hiérarchique qu'il lui enverrait le lendemain le chiffrage des simulations qu'il propose en proposant une réunion avant de retrouver les partenaires sociaux.

Le procès-verbal de la réunion du 28 montre que celle-ci s'est tenue en présence des supérieurs hiérarchiques de M. [E], que celui-ci a remis aux organisations syndicales les propositions de l'employeur et qu'une discussion s'est engagée aux termes de laquelle il a été convenu d'une nouvelle réunion à la date du 5 mai.

M. [E] a transmis, le 29 avril 2014, à son supérieur hiérarchique, l'alarme sociale émise le même jour par une organisation syndicale en indiquant préparer deux propositions d'augmentation de salaire.

Le procès-verbal de la réunion du 5 mai à laquelle assistait également le supérieur hiérarchique de M. [E] et au cours duquel ont été présentées les nouvelles propositions de l'employeur révèle que la discussion s'est terminée sur un constat de désaccord avec la proposition d'une nouvelle réunion pour le 12 mai.

De nouvelles propositions ont été présentées pour le compte de la direction lors de la réunion du 12 mai mais aucun accord n'ayant pu être trouvé, un procès-verbal de désaccord a été établi.

Il résulte de ces éléments que la direction de l'entreprise a été tenue informée par M. [E] du déroulement des négociations tenues au cours du mois d'avril 2014 et poursuivies en mai, que les propositions syndicales ont été portées à sa connaissance de même que la menace manifestée par la mise en oeuvre de l'alarme sociale, que des discussions et des rencontres ont eu lieu entre M. [E] et différents membres de la direction de l'entreprise afin notamment d'élaborer les propositions à présenter aux organisations syndicales.

Ces éléments ne permettent pas de vérifier la réalité des griefs formulés à l'encontre de M. [E], le seul fait que les discussions n'ont pas abouti, que les propositions de la direction n'ont pas été acceptées par les syndicats et que ceux-ci ont imputé l'échec à des carences de l'employeur ne pouvant suffire à caractériser un quelconque comportement fautif de M. [E].

Ce grief ne peut donc être retenu.

- Sur le deuxième grief

L'employeur invoque à ce titre une 'défaillance' de M. [E] dans la gestion des marchés publics, des 'manquements' dans la mise en concurrence et conteste ses choix de 'certains prestataires' en lui reprochant de ne pas avoir proposé de solutions pour remédier aux 'défauts constatés' mais, au-delà de ces formules générales, il ne fait état d'aucun fait précis et vérifiable par lequel se serait manifestée l'attitude reprochée au salarié.

M. [E] explique, en produisant des courriers et des notes de service, qu'il s'est attaché à maintenir des liens de coopération entre les services, qu'il transmettait 'diligemment' les informations demandées et que la procédure a été respectée, s'agissant de l'acquisition d'outils destinés à la maintenance des autobus. Il explique également que la longueur de la procédure résultant des règles des marchés publics a généré des mécontentements de la part de fournisseurs, que des difficultés sont ainsi intervenues avec le fournisseur des caméras de surveillance embarquées dans les autobus et il justifie avoir informé le directeur et le président des difficultés rencontrées par courriels de juin 2014.

En l'absence de tout autre élément, le grief invoqué de ce chef n'est pas établi.

- Sur le troisième grief

Alors qu'il est reproché au salarié d'avoir omis d'assurer une publicité et l'affichage requis pour les dates des élections au CHSCT, M. [E] explique que les élections du CHSCT étaient prévues pour le 21 mai 2014 et qu'elles ont été reportées au mardi 27.

Ce grief, à le supposer établi, n'est pas de nature à lui seul, en l'absence de tout autre élément, à justifier la rupture du contrat de travail.

- Sur le quatrième grief

Il résulte des pièces produites que la mère d'une enfant victime d'une agression sexuelle de la part d'un chauffeur de bus a, après avoir déposé plainte, cherché à joindre la direction de l'entreprise à plusieurs reprises en vain et que, s'étant déplacée au siège de l'entreprise, il lui a été dit que le directeur ne pouvait pas la recevoir.

L'employeur reproche à M. [E] d'avoir 'refusé tout contact avec la mère' mais celui-ci explique avoir été avisé, le 16 avril 2014, par le commissariat [Établissement 1] de ce que le chauffeur incriminé devait être entendu dans le cadre de la plainte déposée et il souligne qu'il lui a été demandé de ne communiquer ni avec le chauffeur ni avec la famille de la victime.

Il fait valoir, par ailleurs, sans être contesté sur ce point, qu'il a dénoncé le contrat de travail de l'intéressé sans délais.

En l'état des pièces produites, le seul fait de ne pas avoir répondu favorablement aux demandes de rencontres ne peut revêtir un caractère fautif en l'absence de tout autre élément.

- Sur la sanction prononcée

Il apparaît qu'aucun des griefs visés par l'employeur ne présente un caractère fautif de nature à justifier le licenciement prononcé.

Le licenciement se trouvant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de ses demandes à ce titre.

Celui-ci, né en 1971, a été licencié à l'âge de 43 ans alors qu'il travaillait au service d'une entreprise employant au moins 11 salariés depuis un an et huit mois mais qui bénéficiait aux termes du contrat de travail d'une reprise d'ancienneté de 15 ans au 1er décembre 2013. Il ne justifie pas de sa situation postérieurement au licenciement.

Compte tenu de son salaire mensuel brut (8 753,92 €), il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, la somme de 60 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article 4 de l'annexe I de la convention collective prévoyant un préavis de 6 mois pour les cadres supérieurs, M. [E] est bien fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis de 52 523,52 € (6 mois de salaires) outre l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante (5 252,35 €).

L'article 5 de l'annexe I de la convention collective fixe le montant de l'indemnité de licenciement à un mois de salaire par année de présence dans l'entreprise, l'indemnité étant calculée sur la moyenne des salaires effectifs perçus par l'intéressé durant les six derniers mois. Le salaire mensuel de référence s'établissant à 9 329,30 €, l'indemnité de licenciement due doit être fixée, en retenant une ancienneté de 15,67 ans, à 146 190,13 €. M. [E] ayant perçu 19 000,00 €, il lui reste dû la somme de 127 190,13 €.

Sur les intérêts

En application des dispositions des articles 1153 ancien du code civil (article 1231-6 nouveau) et R 1452-5 du code du travail, les sommes allouées dont le principe et le montant résultent de la loi, d'un accord collectif ou du contrat (indemnité de préavis, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité de licenciement), porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 14 décembre 2015.

La somme fixée judiciairement (dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la demande de dommages-intérêts pour retard dans le paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement

M. [E] ne justifie pas d'un préjudice qui lui aurait été causé par le retard apporté au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement qui ne serait pas réparé par les intérêts de retard.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

M. [E] fait valoir qu'il a dû quitter l'entreprise pour des faits qualifiés injustement de faute grave mais il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct qui lui aurait été causé en raison d'un comportement fautif de l'employeur tenant aux conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu et qui ne serait pas réparé par la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour suppression des fonctions

M. [E] se plaint d'une modification unilatérale de ses fonctions ayant consisté, selon lui, dans 'le brusque retrait de la gestion de la négociation annuelle obligatoire' à compter du mois de janvier 2013.

Il se prévaut du contrat de travail prévoyant parmi ses missions celle de piloter la politique sociale de l'entreprise mais il n'apporte aucun élément de nature à justifier le retrait invoqué alors qu'il résulte de ses propres explications en réponse aux griefs formulés par l'employeur qu'il est l'auteur des convocations adressées aux organisations syndicales pour la Négociation Annuelle Obligatoire de 2014, qu'il est l'auteur des simulations et des 'propositions employeur' et qu'il était présent aux réunions.

Le salarié sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de profiter de 50 heures de recherche d'emploi au cours du préavis

L'article 4 de l'annexe I de la convention collective prévoit que, pendant la période du préavis, le cadre est autorisé à s'absenter en une ou plusieurs fois, en accord avec la direction, pour recherche d'emploi, pendant cinquante heures par mois. Ces absences n'entraînent pas de réduction de salaire.

Il est vrai que M. [E] n'a pas pu profiter de ces heures accordées pour recherche d'emploi puisqu'il a été licencié pour faute grave sans préavis. Toutefois, il ne justifie pas de sa situation postérieure au licenciement et il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice qui lui aurait été causé pour ne pas avoir pu profiter de ces heures.

Cette demande sera également rejetée.

Sur la demande de documents

L'employeur doit remettre au salarié, ainsi que le demande ce dernier, un certificat de travail portant les dates suivantes : 1er janvier 2013/28 février 2015 ainsi qu'une attestation destinée au POLE EMPLOI conformes au présent arrêt.

Cette remise devra intervenir dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 100,00 euros par jour de retard.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur doit payer à M. [E] la somme de 3 000,00 € au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [E] de ses demandes :

- de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire conventionnelle,

- de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et modification unilatérale des fonctions du contrat,

- de dommages-intérêts pour non-paiement de l'indemnité de licenciement selon les prescriptions conventionnelles,

- de dommages-intérêts pour perte de chance de profiter de 50 heures de recherche d'emploi au cours du préavis,

Infirmant le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

- Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamne la Communauté d'Agglomération des Pays de Lérins à payer à M. [Z] [E] les sommes de :

* 60 000,00 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 52 523,52 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 5 252,35 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 127 190,13 € net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- Dit que les sommes allouées à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité de licenciement porteront intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2015 et que la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- Dit que la Communauté d'Agglomération des Pays de Lérins doit remettre à M. [Z] [E] un certificat de travail portant les dates suivantes : 1er janvier 2013/28 février 2015 ainsi qu'une attestation destinée au POLE EMPLOI conformes au présent arrêt et ce, dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 100,00 euros par jour de retard,

- Condamne la Communauté d'Agglomération des Pays de Lérins à payer à M. [Z] [E] la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la Communauté d'Agglomération des Pays de Lérins doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/15413
Date de la décision : 18/01/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°16/15413 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-18;16.15413 ?
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