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22/12/2017 | FRANCE | N°16/05674

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 22 décembre 2017, 16/05674


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 22 DECEMBRE 2017



N°2017/579

SL













Rôle N° 16/05674







M° [S], Liquidateur judiciaire de la SAS MORY DUCROS

AGS CGEA IDF EST





C/



[R] [N]



























Grosse délivrée le :

à :



Me Hubert DE FREMONT, avocat au barreau de VERSAILLES

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Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS



Me Béatrice BURSZTEIN, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 04 Mars 2016, enregistré...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 22 DECEMBRE 2017

N°2017/579

SL

Rôle N° 16/05674

M° [S], Liquidateur judiciaire de la SAS MORY DUCROS

AGS CGEA IDF EST

C/

[R] [N]

Grosse délivrée le :

à :

Me Hubert DE FREMONT, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS

Me Béatrice BURSZTEIN, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 04 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 15/00383.

APPELANTES

M° [S], Liquidateur judiciaire de la SAS MORY DUCROS, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Hubert DE FREMONT, avocat au barreau de VERSAILLES (SCP HADENGUE & ASSOCIES [Adresse 2], substitué par Me Pierre CAPPE DE BAILLON, avocat au barreau de PARIS

AGS CGEA IDF EST, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS (SELARL LAFARGE ASSOCIES [Adresse 4]) substitué par Me Pierre CAPPE DE BAILLON, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [R] [N], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Béatrice BURSZTEIN, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 6]), substitué par Me Boris CARDINEAU avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Décembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Décembre 2017

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée, [R] [N] a été engagé par la société MORY en qualité d'aide magasinier à compter du 23/03/1992.

La société MORY DUCROS a été placée en redressement judiciaire le 26 novembre 2013 par le tribunal de commerce de Pontoise, lequel a ensuite prononcé le 6 février 2014 sa liquidation judiciaire ainsi qu'un plan de cession de ses activités, de ses biens et d'une partie du personnel au profit de la société ARCOLE INDUSTRIE.

Maître [T] [S] a été désigné en qualité de liquidateur.

La décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par les administrateurs judiciaires à la suite d'un document unilatéral a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Cergy Pontoise qui a été confirmé par la Cour administrative d'Appel de Versailles.

Le pourvoi interjeté à l'encontre de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles a été rejeté par un arrêt du Conseil d'Etat du 7 décembre 2015.

[R] [N] a été licencié pour motif économique par lettre du 13/03/2014.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [R] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille, qui, par jugement du 04/03/2016, a:

-constaté l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral dans le cadre duquel [R] [N] a été licencié pour motif économique,

-fixé la créance de [R] [N] à valoir sur la liquidation judiciaire de la société MORY DUCROS, administrée par maître [T] [S] , liquidateur, à payer à [R] [N] la somme de 20 000 €,

-déclaré le jugement opposable au CGEA/ASSEDIC en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites de l'article L 3253-8 du code du travail,

-débouté [R] [N] du surplus de ses demandes,

-débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que les dépens seront prélevés sur l'actif de la société liquidée.

Aux termes d'un acte du 15/03/2016, dans le délai légal et par déclaration régulière en la forme, maître [T] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MORY DUCROS a régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 08/03/2016. ( procédure RG 16/5674)

Aux termes d'un acte du 04/04/2016, dans le délai légal et par déclaration régulière en la forme, le CGEA AGS Ile de France EST a régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 08/03/2016. ( procédure RG 16/6758)

Par ordonnance du 20/05/2016, les procédures RG 16/6758 et RG 16/5674 ont été jointes sous ce dernier numéro.

Par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, le CGEA AGS Ile de France EST demande à la Cour de:

-infirmer le jugement,

-débouter [R] [N] de ses demandes,

-à titre subsidiaire, compenser l'indemnité avec les sommes versées au titre de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective,

-dire et juger que [R] [N] a été rempli de ses droits,

-débouter [R] [N] de sa demande,

-à titre subsidiaire, limiter l'indemnité aux 6 derniers mois de salaires soit la somme de 10 353,24 €,

-débouter [R] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation individuelle de reclassement,

-en tout état de cause, limiter les dommages et intérêts à 6 mois de salaires,

-débouter [R] [N] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour recours abusif et d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

-dire et juger que sa garantie ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

-dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de L 3253-8 du code du travail, les astreintes, les dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou l'article 700 étant ainsi exclus de sa garantie.

-dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder toutes créances confondues un des trois plafonds en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

-débouter [R] [N] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-statuer ce que de droit sur les frais de l'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS,

-condamner [R] [N] aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, après un rappel des faits et de la procédure ayant abouti à la liquidation judiciaire de la société MORY DUCROS, le CGEA AGS d'Ile de France EST expose que le juge administratif a annulé l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi non pas en raison de son insuffisance mais pour un autre motif: le périmètre des critères d'ordre des licenciements.

L'article L 1233-58 II du code du travail, seul applicable en cas de procédure collective, prévoit une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois en cas de licenciements intervenus en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi.

L'article L 1233-58 II du code du travail dispose toutefois que l'article L 1235-16 du code du travail, qui sanctionne uniquement l'annulation d'une homologation pour un autre motif, ne s'applique pas. Par conséquent, le salarié ne peut obtenir l'indemnité prévue à l'article L

1235-16 du code du travail et L 1233-58 II du code du travail.

Le CGEA AGS d'Ile de France EST soutient ainsi qu'en excluant expressément l'application de l'article L 1235-16 du code du travail, l'article 1233-58 II du code du travail s'applique uniquement dans l'hypothèse où l'annulation de l'homologation est motivée par une insuffisance du plan et non pour autre motif.

Dans l'hypothèse d'une annulation du plan de sauvegarde de l'emploi d'une société en procédure collective pour un autre motif que l'insuffisance du plan, la loi ne prévoit aucune sanction. [R] [N] doit par conséquent être débouté de sa demande d'indemnité fondée sur l'article L 1233-58 II du code du travail.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour confirmerait l'application de l'article L 1233-58 II du code du travail pour ce motif d'annulation, le CGEA AGS d'Ile de France EST soutient que l'indemnité ne peut dépasser 6 mois de salaires, laquelle doit être compensée avec l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Elle justifie sa demande de compensation par le fait que l'article L 1233-58 II du code du travail exclut expressément l'application de l'article L 1235-16 du code du travail qui prévoit l'octroi d'une indemnité d'au moins 6 mois sans préjudice de l'indemnité de licenciement.

[R] [N] ayant perçu une indemnité de licenciement de 10 093,24 € et le montant de ses 6 derniers mois de salaires s'élevant à 10 353,24 €, le salarié a été rempli de ses droits.

A titre très subsidiaire, il demande de limiter le montant à 6 mois de salaires en l'absence de préjudice de [R] [N] qui a bénéficié de 80% de son salaire pendant un an en raison de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle et qui ne produit aucun élément sur sa situation professionnelle postérieurement à son licenciement. Il n'existe par ailleurs aucun lien de causalité entre la dégradation de l'état de santé du salarié et son licenciement.

Si la cour estimait le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du non respect de l'obligation individuelle de reclassement, il demande de débouter [R] [N] de sa demande de dommages et intérêts eu égard à l'application des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi.

Le CGEA AGS Ile de France EST conclut au rejet de la demande en paiement de dommages et intérêts pour recours abusif en l'absence de preuve d'une faute et d'un préjudice rapportés par le salarié; il indique que les dispositions de l'article L 1233-58 II du code du travail n'ont jamais fait l'objet d'examen par une Cour d'appel ou la Cour de cassation. Il souligne enfin l'importance de l'enjeu financier dans la mesure où 1990 anciens salariés de la société MORY DUCROS contestent le bien fondé de leur licenciement économique et sollicitent 148 millions d'euros de dommages et intérêts.

Il s'oppose au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure où il est légitime à contester l'application d'un article du code du travail ou le principe de sa garantie.

Il ajoute ne pas être concerné par la demande de délivrance des documents sociaux et les dommages et intérêts sanctionnant la négligence de l'employeur à les remettre.

Il souligne enfin que les intérêts de retard ont été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective en vertu de l'article L 622-28 du code du commerce et que l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile est exclue de sa garantie.

Par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, [R] [N] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral dans le cadre duquel le licenciement a été prononcé, le réformer pour le surplus et fixer au passif de la procédure collective une indemnité de 60 965,28 € en vertu de l'article L 1233-58 du code du travail.

A titre subsidiaire, il demande de:

-dire et juger que la société MORY DUCROS a manqué à son obligation de reclassement individuel,

-fixer au passif de la procédure collective une indemnité de 60 965,28 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre infiniment subsidiaire, il demande de:

-dire et juger que la société MORY DUCROS a méconnu les règle relatives à l'ordre des licenciements,

-fixer au passif de la procédure collective une indemnité de 60 965,28 € au titre de l'indemnité pour non respect de l'ordre des licenciements.

Il demande en tout état de cause de condamner le CGEA AGS Ile de France EST au paiement des sommes suivantes:

-2000 € à titre de dommages et intérêts pour recours abusif,

-2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

A l'appui de ses demandes, [R] [N] soutient qu'en cas d'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi d'une société en liquidation judiciaire, les sanctions sont prévues par l'article L 1233-58 II alinéa 5 du code du travail qui prévoit l'octroi d'une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaires.

Le plan de sauvegarde de l'emploi de la société MORY DUCROS ayant été annulé par la juridiction administrative, [R] [N] soutient devoir bénéficier de l'indemnité prévue par l'article L 1233-58 II alinéa 5 du code du travail. Il sollicite à ce titre une indemnité équivalente à 24 mois de salaires, soulignant être âgé de 53 ans, avoir 22 ans d'ancienneté et ne pas avoir retrouvé de travail depuis son licenciement. Il affirme que son état de santé s'est dégradé à la suite de son licenciement l'empêchant de retrouver un travail et de se déplacer normalement.

Il souligne que:

-le juge administratif ne s'est pas prononcé sur le caractère insuffisant du plan de sauvegarde de l'emploi mais sur le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise,

-en soulevant l'inapplication de la sanction prévue par l'article L 1233-58 du code du travail en cas d'annulation de la décision d'homologation de la DIRECCTE pour un autre motif, l'AGS se contredit avec sa position adoptée lors une question prioritaire de constitutionnalité aux termes de laquelle elle a soulevé la violation par l'article L 1233-58 du code du travail du principe d'individualisation des sanctions en ce qu'il prévoyait une indemnisation minimum de 6 mois de salaires en cas d'annulation de la décision d'homologation de la DIRECCTE quelque soit le motif,

-selon le principe de l'estoppel, celui qui se contredit au détriment d'autrui encourt l'irrecevabilité de son action ou de son moyen de défense.

[R] [N] soutient par ailleurs que le préjudice réparé par l'indemnité prévue par l'article L 1233-58 du code du travail est celui tiré de la perte d'emploi. Son objet étant ainsi différent de celui de l'indemnité de licenciement, il demande de débouter le CGEA AGS Ile de France EST de sa demande de compensation des indemnités.

Il indique que les moyens soulevés par le mandataire liquidateur sont identiques à ceux soulevés devant les juridictions administratives et ne tendent qu'à remettre en cause l'arrêt irrévocable du Conseil d'Etat du 07/12/2015.

Il souligne que:

-les juridictions administratives ont écarté le moyen fondé sur un prétendu accord collectif fixant l'application des critères d'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise,

-les administrateurs judiciaires n'ont pas soumis à la DIRRECTE l'accord collectif qui est ainsi dépourvu de tout effet,

-la prétendue absence d'application des critères d'ordre des licenciements et du défaut d'intérêt à se prévaloir d'une annulation administrative ont pour objet de remettre en cause les dispositions de l'article L 1233-58 II du code du travail,

- l'employeur n'a pas l'obligation de faire application de la décision de la DIRRECTE et de procéder aux licenciements visés au plan de sauvegarde de l'emploi,

-la Cour de cassation a déclaré irrecevable une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L 1233-58 II du code du travail,

-le mandataire judiciaire a bien eu accès au juge dans la mesure où il a contesté devant les juridictions administratives l'annulation de la décision de la DIRRECTE,

-l'indemnité prévue à l'article L 1233-58 II du code du travail a pour objet de réparer son préjudice résultant d'un licenciement irrégulièrement intervenu du fait de l'annulation rétroactive de la décision de l'administration et imputable à l'employeur qui a fixé des critères d'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise.

A titre subsidiaire, [R] [N] sollicite une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que l'employeur n'a pas mis en oeuvre son obligation de reclassement de manière loyale et sérieuse: les administrateurs judiciaires lui ont en effet demandé de répondre dans un délai de 2 jours aux propositions de reclassement qui nécessitaient une mobilité géographique.

Il fait également grief aux administrateurs judiciaires de ne pas avoir recherché des postes disponibles au sein des autres filiales du groupe ARCOLE INDUSTRIES et notamment au sein des sociétés LAMBERET et GIRARD AGEDISS.

[R] [N] souligne que le CGEA AGS Ile de France EST peut être condamné à des dommages et intérêts et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cas de recours abusif.

Il souligne que le CGEA AGS Ile de France EST a agi avec mauvaise foi dans la mesure où il a exactement défendu la thèse inverse concernant les conditions d'application de l'article L 1233-58 II du code du travail lors d'une question prioritaire de constitutionnalité. Son appel n'a ainsi pour objet que de retarder l'exécution d'une décision conforme à la loi.

Cette situation lui cause un préjudice dans la mesure où il a été dans l'obligation d'engager des frais supplémentaires d'avocat pour assurer sa défense. Il sollicite ainsi la condamnation du CGEA AGS Ile de France EST au paiement d'une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, maître [T] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MORY-DUCROS demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes et de débouter par conséquent [R] [N] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article L 1233-58 du code du travail.

A titre subsidiaire, maître [T] [S] demande de limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 10 353,24 €.

Maître [T] [S] demande en tout état de cause de statuer ce que de droit sur les dépens et de déclarer le jugement (sic) à intervenir opposable au CGEA AGS Ile de France EST.

A l'appui de ses prétentions, après un rappel des faits et de la procédure collective de la société MORY-DUCROS, maître [T] [S] soutient qu'en excluant l'article L 1235-16 du code du travail, l'article L 1233-58 II du code du travail vise le principe même de la sanction des annulations pour autre motif de sorte que quelle que soit l'hypothèse, les salariés licenciés ne peuvent obtenir une indemnité du chef de l'annulation de la décision de la DIRECCTE. [R] [N] doit par conséquent être débouté de sa demande en vertu de l'article L 1233-58 II du code du travail.

Il souligne que le juge administratif a validé les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, la décision d'homologation de la DIRRECTE ayant été annulée en raison du périmètre des critères d'ordre des licenciements qui n'est pas un élément du plan. Les demandes découlant de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi doivent ainsi être rejetées dans la mesure où elles se heurtent à l'autorité de la chose jugé par le juge administratif.

Maître [T] [S] expose que l'accord d'entreprise du 31/01/2014 a fixé le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise, celui de l'agence.

Les critères d'ordre des licenciements fixés par l'employeur et repris dans le document unilatéral sont ceux qui ont été validés par l'accord d'entreprise du 31/01/2014, lequel est opposable aux salariés.

Il soutient ainsi que les salariés sont mal fondés à soulever l'irrégularité du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements. [R] [N] doit ainsi être débouté de ses demandes pour inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements.

Il ajoute au surplus que les critères d'ordre des licenciements sont indifférents concernant les salariés ayant opté pour un départ volontaire dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi. [R] [N] ayant accepté un départ volontaire de l'entreprise, ainsi que le rappelle la lettre de licenciement, il lui appartient de démontrer en quoi sa volonté a été viciée. Son accord sur la rupture du contrat de travail rendant irrecevable toute demande du chef de l'application des critères d'ordre des licenciements, il doit être débouté de ses demandes ayant trait à son licenciement.

Il ajoute au surplus que les critères d'ordre des licenciements sont indifférents concernant les salariés n'ayant pas répondu aux propositions de modification du lieu de travail.

Il soutient que les salariés dont le licenciement est intervenu indépendamment de l'application des critères d'ordre de licenciements doivent être déboutés de leur demande tirée du chef de l'annulation de la décision de l'homologation de la DIRRECTE en l'absence d'intérêt à agir.

Il conclut au rejet des prétentions du chef de l'application de la décision de la DIRRECTE en l'absence de faute de l'employeur.

Maître [T] [S] estime que les administrateurs judiciaires ont fait une exacte application des critères d'ordre des licenciements tels que définis à l'article L 1233-5 du code du travail.

Il conclut par ailleurs au rejet de la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article L 1233-58 II du code du travail aux motifs que [R] [N] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice personnel; le salarié était au surplus volontaire pour bénéficier prioritairement d'une procédure de licenciement pour motif économique et a déclaré renoncer à se prévaloir des critères d'ordre des licenciements.

[R] [N] avait nécessairement un projet professionnel lorsqu'il a quitté l'entreprise dans la mesure où l'article 2.6 du document unilatéral précisait que le volontariat était conditionné par la nécessité de justifier de l'existence d'un projet professionnel.

A titre subsidiaire, maître [T] [S] demande de limiter le montant du préjudice de [R] [N] à 6 mois de salaires soit une somme de 10 353,24 €.

Il s'oppose à la demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et à l'exécution provisoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'indemnité prévue à l'article L 1233-58 II du code du travail

La décision de la DIRRECTE d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par les administrateurs judiciaires de la société MORY DUCROS à la suite d'un document unilatéral a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Cergy Pontoise, lequel a été confirmé par la Cour administrative d'Appel de Versailles.

Le pourvoi interjeté à l'encontre de l'arrêt de la Cour administrative d'Appel de Versailles a été rejeté par un arrêt du Conseil d'Etat du 7 décembre 2015.

L'annulation de la décision de la DIRRECTE d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi de la société MORY DUCROS étant définitive, [R] [N] sollicite le paiement d'une somme de 41 412,96 € en vertu de l'article L 1233-58 du code du travail.

Les sociétés faisant l'objet d'une procédure collective relèvent de l'article L 1233-58 II du code du travail qui dispose notamment :'En cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L'article L. 1235-16 ne s'applique pas. '

L'Article L1235-16 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose:'L'annulation de la décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 1235-10 donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.'

L'AGS et le liquidateur judiciaire soutiennent que l'article L. 1233-58 du code du travail, applicable aux sociétés faisant l'objet d'une mesure de procédure collective, en prévoyant que l'article L. 1235-16 du code du travail ne s'applique pas, aurait exclu toute sanction en cas d'annulation du plan pour un motif autre que son insuffisance.

L'article L 1233-58 II du code du travail prévoit toutefois une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation du plan sans distinguer les motifs de cette annulation.

En indiquant à l'article L. 1233-58 II du code du travail que les dispositions de l'article L. 1235-16 de ce même code ne s'appliquent pas, le législateur a seulement entendu rappeler que, s'agissant des entreprises faisant l'objet d'une mesure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, il n'y avait pas lieu de distinguer suivant les motifs d'annulation du plan.

A défaut de toute disposition explicite résultant de ce texte, il ne saurait en être déduit l'exclusion de l'indemnisation minimum égale à six mois de salaire pour les salariés des entreprises en procédure collective.

L'analyse combinée des articles L. 1235-16 et L. 1233-58 II du code du travail proposée par l'AGS et le liquidateur judiciaire ne saurait donc être suivie.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande de [R] [N].

Maître [T] [S] s'oppose à la demande en paiement de l'indemnité aux motifs que le salarié n'a aucun préjudice personnel eu égard à sa demande de bénéficier d'un départ volontaire dans le cadre d'un licenciement économique.

Si [R] [N] a en effet déclaré le 25/02/2014 être volontaire pour un départ dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, il a néanmoins droit au paiement d'une indemnité qui ne peut être inférieure aux 6 derniers mois de salaires en vertu de l'article L 1233-58 II du code du travail, et ce quel que soit son préjudice.

Seules les sommes que la cour peut octroyer en sus des 6 mois de salaires sont en effet appréciées en fonction du préjudice subi par le salarié.

[R] [N] n'a pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Il a été indemnisé à compter du 05/10/2014 par Pôle Emploi par le versement d'une allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant de 1062,06 € ainsi qu'en atteste son relevé de situation de Pôle Emploi d'octobre 2015.

Bien que [R] [N] soutient être toujours sans emploi, il ne verse aux débats aucune pièce sur sa situation professionnelle depuis octobre 2015.

[R] [N] produit un certificat médical du 10/03/2015 aux termes duquel un psychiatre atteste que son état de santé ne lui permet pas de pratiquer des déplacements à distance de son domicile sans risque d'attaque d'angoisse.

Il n'existe toutefois aucun élément établissant que les problèmes de santé de [R] [N] résultent de son licenciement économique.

[R] [N] indique que son salaire brut s'élevait à 1725,54 €, ce que reconnaissent le CGEA AGS Ile de France EST et maître [T] [S].

Compte-tenu de son âge au moment du licenciement, 51 ans, de son ancienneté, 21 ans et 11 mois, du montant de son salaire horaire brut ( 1725,54 €), de sa période de chômage et de l'absence de justificatif sur sa situation professionnelle depuis octobre 2015, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a fixé l'indemnité de [R] [N] à la somme de 20 000 €.

Il est indiqué au dispositif du jugement du conseil de prud'hommes de Marseille:' Fixe la créance de monsieur [N] [R] à valoir sur la liquidation judiciaire de la société MORY DUCROS, administrée par maître [T] [S] , liquidateur, à payer à [R] [N] , la somme suivante: 20 000 € (vingt mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse'.

Ainsi que le rappelle le CGEA AGS Ile de France EST, la créance de [R] [N] ne peut être que fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société MORY DUCROS.

Eu égard aux termes ambigus du dispositif du jugement qui fixe la créance du salarié tout en indiquant 'à payer', il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MORY DUCROS la créance de [R] [N] à la somme de 20 000 €.

Le CGEA AGS Ile de France EST demande de déduire le montant de l'indemnité de licenciement servie au salarié du montant de l'indemnité résultant de l'application de l'article L. 1233-58 II du code du travail au motif que, s'agissant des sociétés in bonis, l'article L. 1235-16 du code du travail qui prévoit que l'indemnité pour nullité du plan de sauvegarde de l'emploi pour une cause autre que son insuffisance est due « sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 » , n'est pas en l'espèce applicable.

Les dispositions de l'article L. 1233-58 II du code du travail n'ayant pas explicitement exclu le cumul de l'indemnité de licenciement et de l'octroi de dommages intérêts alors qu'un tel cumul est de principe, sauf disposition explicite contraire, une telle imputation ne peut être retenue par la cour. L'argumentation subsidiaire développée à ce titre par le CGEA AGS Ile de France EST doit être écartée.

Le CGEA AGS Ile de France EST demande de débouter [R] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de reclassement.

[R] [N] n'ayant sollicité cette indemnité qu'à titre subsidiaire et la cour confirmant le jugement du conseil de prud'hommes ayant alloué au salarié une somme de 20 000 € au titre de l'indemnité visée à l'article L 1233-58 II du code du travail, la demande subsidiaire du salarié fondé sur le manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement n'a pas lieu d'être examinée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour recours abusif

[R] [N] sollicite la condamnation du CGEA AGS Ile de France EST au paiement d'une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour recours abusif.

Le droit fondamental de se défendre en justice et d'exercer une voie de recours n'a pas dégénéré en abus dès lors que ne sont mis en évidence aucune malveillance manifeste, mauvaise foi ou même légèreté blâmable du CGEA AGS Ile de France EST.

En effet, la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L 1233-58 II du code du travail a été soulevée en premier lieu par maître [T] [S].

Si le CGEA AGS Ile de France a déposé un mémoire à l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le liquidateur judiciaire, son mémoire ne développe nullement les moyens qu'il soulève aux termes de la présente instance quant à la lecture qui doit être faite de L 1233-58 II du code du travail en cas d'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi pour un autre motif.

Il convient par conséquent de débouter [R] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour recours abusif.

Sur les garanties du Cgea

L'arrêt sera déclaré opposable au CGEA AGS Ile de France EST dont les garanties s'appliqueront pour les sommes précitées dans les limites et plafonds prévus par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail outre dans les termes et conditions des articles L 3253-15, L 3253-17 et D 3253-5 du même code, en l'absence de fonds disponibles.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le CGEA AGS Ile de France EST, appelant qui succombe, est condamné à verser à [R] [N] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel outre les dépens de l'appel, la cour confirmant toutefois le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a mis les dépens de première instance en frais privilégiés de la procédure collective de la société MORY DUCROS.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension, et y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société MORY DUCROS la créance de [R] [N] au titre de l'indemnité prévue l'article L 1233-58 II du code du travail à la somme de 20 000 €,

Déclare le présent arrêt opposable au CGEA AGS Ile de France EST et dit que celui-ci devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253- 6 à 8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253 1515 et L3253 -17 dudit code, sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires de [R] [N],

Rappelle que le cours des intérêts sur les créances fixées est arrêté à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective de la société MORY DUCROS,

Condamne le CGEA AGS Ile de France EST à verser à [R] [N] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les entiers dépens de première instance seront passés en frais privilégiés de la procédure collective de la société MORY DUCROS,

Condamne le CGEA AGS Ile de France EST aux dépens de l'appel.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05674
Date de la décision : 22/12/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-22;16.05674 ?
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